Une récolte moyenne en volume et marquée par la sous-maturité

8 novembre 2013

Les vendanges 2013 ont été délicates à tous les niveaux : des rendements souvent décevants, des niveaux de richesse alcoolique bien en dessous ceux des dernières années, une pression du botrytis du début à la fin des vendanges et des vins dont le potentiel de qualité est difficile à appréhender. Les niveaux de production fluctuent beaucoup d’une propriété à l’autre car les effets terroirs et vignerons ont été marqués. Les courtiers, les œnologues de terrain et les maîtres de chais situent le niveau de production moyen entre 8,5 et 9 hl d’AP/ha. C’est une récolte moyenne sur le plan quantitatif qui déçoit beaucoup de viticulteurs, mais ce sentiment d’insatisfaction doit être tempéré par le contexte difficile de ce cycle végétatif du débourrement au dernier jour de vendange.

 

 

La climatologie trop pluvieuse entre le 20 septembre et le 15 octobre a réellement perturbé la dernière phase de la maturation et rendu les conditions de récolte et de vinification plus complexes à organiser. Le développement du botrytis dans certaines parcelles a été l’élément déclencheur des vendanges. Les premières machines sont entrées en action à partir des 3-4 octobre dans les grands domaines et sur les terroirs très précoces. Le véritable top départ de la récolte est intervenu autour du 10 octobre, mais un certain nombre de propriétés n’ont commencé que vers les 14-15 octobre.

Un manque de chaleur en début et en fin de saison

Beaucoup d’œnologues et de viticulteurs espéraient qu’octobre allait permettre de mûrir les grappes au « finish » mais, malheureusement, cela n’a pas été le cas. La structure qualitative des raisins du millésime 2013 a été fortement impactée par le manque de chaleur et d’ensoleillement en début comme en fin de saison. La fraîcheur et l’abondance des pluies en mai et juin ont à la fois retardé le cycle végétatif et perturbé le déroulement de la floraison. Même si l’apparence des raisins au stade fermeture de la grappe paraissait généreuse, les conditions de fécondation souvent aléatoires n’ont pas favorisé la tenue des baies. La tempête du 27 juillet a aussi malmené la végétation et occasionné de la casse de rameaux et des phénomènes de vrillage. Les parcelles les plus affectées ont paru « stressées » durant toute l’arrière-saison. Le fonctionnement de la surface foliaire n’était pas optimum. Au final, les grappes n’étaient pas aussi « pleines » que l’année dernière. Il manquait des baies et cela a été confirmé par un poids des grappes plus faible à la véraison. Les deux très beaux mois de juillet et d’août ont laissé à penser que le retard allait en partie être compensé, mais les baies ont tardé à changer de couleur. La véraison tardive et longue s’est terminée vers les 5-10 septembre. Ensuite, le climat des trois premières semaines de septembre (ni mauvais, ni très favorable) n’a pas modifié « la donne ». L’espoir de voir les raisins atteindre un niveau de maturité plus complet s’est progressivement évaporé et l’apparition de foyers de botrytis précoces est devenue une préoccupation vis-à-vis de l’état sanitaire.

Les années tardives et pluvieuses, ce sont les rendements qui font « l’alcool pur »

2013 est un cycle végétatif tardif qui n’a pas été bonifié par une arrière-saison clémente et ensoleillée. La récolte s’est déroulée dans des conditions atypiques par rapport à la dernière décennie, mais assez proches de celles des années 80 et 90. Les effets terroirs et pratiques culturales sur chaque propriété ont eu une forte influence sur l’état de maturité finale des raisins. Globalement, les grappes n’ont jamais atteint le niveau de maturité idéal et l’hétérogénéité de la nature de la vendange était forte. 2013 est un millésime que beaucoup de viticulteurs considèrent comme décevant : « l’alcool pur n’est pas là » faute de rendements volumiques trop moyens. D’une parcelle à l’autre, les écarts de rendements pouvaient passer de 70 à 140 hl/ha et l’état sanitaire de la vendange fluctuait aussi beaucoup. Les niveaux de TAV des vins entre 7,5 et 9,5 % vol. cohérents compte tenu du caractère tardif du millésime et de la climatologie n’ont pas compensé les rendements moyens. Pouvait-on espérer mieux avec une fin de saison aussi capricieuse ? Objectivement, ce n’est pas sûr ! Seul un ensoleillement généreux en septembre et en octobre aurait pu faire augmenter les TAV des vins et les rendements en alcool pur. Dans un contexte d’année tardive avec une arrière-saison pluvieuse, l’alcool pur « se fait » avec les rendements volumiques.

Des rendements volumiques décevants dans toute la région

La principale déception se situe surtout au niveau des rendements volumiques qui ne correspondent pas à l’apparence visuelle de la charge de récolte sur les souches. Les prévisions de récolte de la Station Viticole du BNIC de début septembre avaient vu juste. L’équipe de Vincent Dumot avait pronostiqué un rendement volumique moyen entre 100 et 110 hl/ha dont certains observateurs contestaient la pertinence. Or, la donnée annoncée a confirmé une nouvelle fois toute sa fiabilité. Les pluies abondantes entre le 20 septembre et le 17 octobre n’ont pas bouleversé la donne, ce qui a surpris beaucoup de viticulteurs qui s’attendaient à des gains de rendements significatifs. En 2013, une conjonction d’éléments a limité l’augmentation des rendements en fin de saison, l’impact des maladies du bois (- 15 hl/ha), un potentiel de grappes juste supérieur à la moyenne, de mauvaises conditions de floraison, une incidence de la tempête du 27 juillet et les dégâts liés au botrytis. Le rendement moyen régional de 100 à 110 hl/ha masque de gros écarts d’un îlot de terroir à un autre et d’une propriété à une autre. Certains viticulteurs atteignent des niveaux de rendement bien supérieurs à 120 hl/ha et forcément la production d’alcool pur augmente même si les TAV chutent. Le faible niveau de productivité (entre 60 et 80 hl/ha) d’un certain nombre de parcelles encore jeunes représente un véritable sujet de préoccupation.

Des vignes dans la force de l’âge dont la productivité décroche régulièrement

Comment expliquer que des vignes dans la pleine force d’âge (entre 15 et 25 ans) portent peu de récolte ? La thématique de recherche sur la productivité du vignoble charentais est un sujet que les professionnels ont depuis trop longtemps remisé aux préoccupations « de troisième ordre ». D’autres priorités ont supplanté la réflexion technique sur la conduite du vignoble de Cognac. Or, aujourd’hui, dans un contexte de production rendu plus difficile par les nuisances permanentes des maladies du bois et des climatologies atypiques, le déficit de connaissances agronomiques fondamentales et la perte de savoir-faire sur certaines propriétés deviennent des préoccupations majeures. Des ceps de vignes conduits en privilégiant la rationalité économique pendant une décennie, c’est-à-dire en les sous-alimentant, en les taillant trop vite et de manière mutilante, en amplifiant les phénomènes de stress hydrique estival par un enherbement excessif… semblent aujourd’hui « épuisés » et ont du mal à retrouver « la santé ». La recherche de coût de production très bas imposée par des conditions économiques « noires » de l’époque a marqué durablement le fonctionnement des souches. En effet, il ne suffit pas « de doper » les fumures pendant trois ans pour espérer voir de nouveau les ceps porter 7 kg de raisins. La conduite de la vigne doit être abordée avec le sens de la constance pour respecter les principes agronomiques fondamentaux inhérents à une plante pérenne.

Conduire les vignes avec le sens de la pérennité pour maintenir la productivité

Le système de conduite du vignoble charentais, les vignes larges et hautes à faibles densités, est-il pour autant fragilisé ? Certains viticulteurs commencent à le penser et le remettent en cause en revenant à des densités de plantation plus élevées alors que d’autres continuent de maîtriser de telles vignes. Les témoignages d’exploitants adeptes des gros rendements et des techniciens sont unanimes sur un point : « L’importance du nombre de souches réellement productives sur les rendements volumiques est une constante quels que soient les densités de plantation et les modes de conduite. Les parcelles ayant une densité de ceps inférieure à 2 500 pieds/ha nécessitent une constance d’entretien agronomique dans le temps pour maintenir le capital de souches, une productivité à un niveau élevé (se situant autour de 10 hl d’AP/ha/an) et élaborer des eaux-de-vie de qualité. » Alors, quelles sont les « recettes » de ces viticulteurs productivistes ? Les quelques questions posées à un échantillon d’une vingtaine de viticulteurs débouchent sur les mêmes réponses : « Une maîtrise d’interventions d’entretien des vignes de façon permanente comme une taille respectueuse des courants de sève, le remplacement systématique des souches manquantes, des fumures raisonnées et permanentes, un entretien des sols adapté pour limiter les stress hydriques… » . Au final, l’ensemble de ces « attentions » supplémentaires a bien sûr un impact sur les coûts de production annuels mais, en 2012 comme en 2013, la productivité dépasse aussi toujours 10 hl d’AP/ha même dans des vignes de plus de 25 ans. La conduite d’un vignoble ne peut pas être abordée avec des principes trop rigides de gestion économique à court terme car les raisins ne sont pas une matière inerte. C’est un produit naturel et noble dont la nature et le contenu sont directement soumis aux aléas de la nature. Par leur travail, les vignerons essaient de tempérer les effets du climat en faisant preuve de sens de l’observation, de rigueur, de sens de l’anticipation et de réactivité. L’accompagnement de technique des viticulteurs en matière de conduite du vignoble relié à des objectifs de productivité élevés doit redevenir une priorité de recherche au sein de la région délimitée.

Une nature de vendange plus délicate à traiter

Les vendanges se sont déroulées sur une période assez longue et avec des conditions climatiques globalement propices au déroulement des fermentations alcooliques. Seules deux ou trois matinées très fraîches ont occasionné la collecte de moûts autour de 10 °C. Les teneurs en azote des moûts étaient naturellement élevées en raison de l’état de maturité moindre des raisins. Le botrytis, présent dans certaines parcelles depuis la mi-septembre, a parfois continué de se développer et les vendanges ont dû être déclenchées prématurément (dans la première semaine d’octobre). L’état sanitaire s’est aussi très bien tenu dans beaucoup d’endroits jusqu’à la mi-octobre, mais le faible niveau d’ensoleillement n’a pas fait réellement évoluer la maturité. La qualité de la vendange était assez fluctuante d’une parcelle à l’autre, parfois mûre et saine et d’autres fois encore un peu altérée par la pourriture. Le développement du botrytis s’est stabilisé entre le 10 et le 20 octobre car les températures nocturnes étaient redescendues en dessous 12 °C. D’une manière générale, les rendements en jus lors des pressurages étaient inférieurs à ceux de l’année dernière et le pilotage des cycles n’a pas toujours été simple. Le risque d’extraire des teneurs en composés issus de la trituration et des bourbes en quantités plus élevées a été globalement assez bien appréhendé. En effet, les volumes de vendanges récoltés assez moyens ont laissé plus de temps aux vinificateurs d’adapter les programmes des pressurages. D’une manière générale, les jus « sortaient » mal et un allongement de 10 à 20 minutes des séquences à basses pressions favorisait leur extraction.

Des fermentations régulières et des vins riches en acide malique

La réalisation des décantations était vivement conseillée, compte tenu de l’état de sous-maturité et aussi de la présence de botrytis. Les viticulteurs qui l’ont pratiquée en mesurent cette année tout l’intérêt au niveau des teneurs en alcools supérieurs et des marqueurs de trituration. Les fermentations alcooliques se sont déroulées de manière rapide et sans excès thermiques, et les premiers vins élaborés semblent assez francs de goût. Il est bien sûr beaucoup trop tôt pour porter une appréciation sur le potentiel qualitatif des vins. Les niveaux d’acidité sont élevés et la proportion d’acide malique est aussi importante. L’enclenchement des fermentations malolactiques pourrait occasionner une forte chute de l’acidité totale qui rendrait la conservation des vins délicate si l’hiver est doux. La surveillance de la qualité des vins durant leur conservation sera importante. La qualité des lies est aussi cette année un sujet d’interrogation, surtout quand les raisins à l’origine étaient altérés par le botrytis. Certains œnologues dans la région ont mis au point une démarche d’évaluation qualitative des lies à partir d’une analyse en chromatographie en phase gazeuse effectuée à partir d’un échantillon de lies. Les viticulteurs ne mettant pas en œuvre les lies lors de la distillation ont tout intérêt à pratiquer un soutirage précoce en fin de fermentation pour optimiser les conditions de conservation des vins durant l’hiver.

 

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