Une nouvelle règlementation pour les tours aéroréfrigérantes

26 mai 2015

La Rédaction

Dans les distilleries importantes, le refroidissement des eaux de chaudières nécessite des moyens frigorifiques et des consommations d’énergie électrique importantes qui ont amené certains professionnels à privilégier l’utilisation des tours aéroréfrigérantes. L’utilisation de ces équipements très performants est soumise à une réglementation spécifique des installations classées qui a connu une évolution au début de l’année 2014.

 

 

Les tours aéroréfrigérantes, aussi appelées tours de refroidissement, sont utilisées dans certaines distilleries de la région de Cognac depuis de nombreuses années en raison de leurs bons niveaux de performances et de leurs coûts d’investissements et de fonctionnement modérés. L’obligation de mettre en place des circuits fermés dans les grosses unités de distillation à partir des années 2000 a favorisé l’implantation de ces équipements dont la technologie est parfaitement adaptée aux besoins de refroi-dissement des alambics. Dans l’industrie et dans de grands ensembles urbains, les tours de refroidissement sont encore très utilisées.

Une technologie simple déclinée en divers principes

Les tours aéroréfrigérantes sont constituées d’un système de distribution de l’eau à refroidir sous forme d’une pulvérisation de gouttelettes homogènes à l’intérieur d’une structure cylindrique (ayant la forme d’une tour verticale) où se produit l’échange air/eau. Les eaux chaudes pulvérisées en gouttelettes vers le sommet de la tour tombent par gravitation et rencontrent un flux d’air montant qui provoque le phénomène de refroidissement. La surface de l’échange eau/air est généralement augmentée par la présence de structures en clayettes à l’intérieur de la tour (ayant la forme de nids d’abeilles). Ces éléments fractionnent les gouttelettes d’eau et augmentent le temps de contact avec l’air. La production d’air est généralement assurée par des ventilateurs dont la puissance est adaptée aux besoins de réfrigération. Les eaux refroidies sont recueillies à la base de la tour et recyclées dans les circuits de refroidissement. L’air rejeté au-dessus de la tour est chargé en vapeur d’eau et en fines gouttelettes, ce qui occasionne des pertes en eau dans le circuit de refroidissement et des risques potentiels de dispersion de micro-organismes dans l’atmosphère. L’efficacité des aéroréfrigérants est principalement conditionnée par la qualité de la vaporisation des eaux chaudes et la production de l’air de refroidissement. Les tours aéroréfrigérantes à circuit ouvert fonctionnent sur le principe décrit précédemment. Les constructeurs ont fait évoluer la technologie des tours en proposant des systèmes à circuit fermé où l’eau à refroidir circule dans un réseau de tubulures très fines qui sont refroidies par une ventilation d’air en présence de ruissellement d’eau. Il existe aussi d’autres systèmes : ceux qualifiés de mixtes fonctionnant en mode sec ou humide selon les plages de températures ; ceux adiabatiques utilisant de l’air pré-
refroidi par une dispersion d’eau ; et enfin ceux dryadiabatiques qui refroidissent avec de l’eau sans dispersion dans le flux d’air.

Des bonnes performances et des coûts d’investissement et de fonctionnement faibles

D’un point de vue technologique, les installations équipées de tours de refroidissement s’avèrent performantes, relativement simples, moins coûteuses à installer et peu consommatrices d’énergie électrique. Les performances et l’intérêt économique des tours aéroréfrigérantes sont bien adaptés aux circuits de refroi-dissement demandant de grosses puissances. C’est pour cette raison que leur utilisation s’est développée au départ dans des sites industriels importants (de pétrochimie, centrale nucléaire…) et pour climatiser de grands centres urbains.

Comme le refroidissement des eaux des pipes des chaudières dans les ateliers de distillation importants demande des moyens
frigorifiques conséquents, l’utilisation des TAR permettait d’être une solution efficace et rationnelle sur le plan économique.

Les eaux en sortie des pipes atteignent en moyenne des températures proches de 70 °C et l’idéal est de les ramener entre 7 et 10 °C pour assurer une bonne maîtrise thermique des cycles de coulages dans les distilleries.

Une technologie de refroidissement très bien adaptée aux eaux chaudes des distilleries

p28.jpgÀ partir du milieu des années quatre-vingt, les constructeurs d’équipements de distillation dans la région de Cognac ont implanté les premières tours de refroidissement au départ sur des circuits ouverts et ensuite dans des circuits fermés. Le niveau d’investissement à puissance égale dans une tour aéroréfrigérante et un groupe de froid est généralement inférieur de 40 à 50 %. Ensuite, les besoins en énergie électrique pour assurer leur fonctionnement sont également moindres car ils se limitent aux seules consommations des moteurs des ventilateurs. Ces éléments ont favorisé leur développement chez les distillateurs de profession à partir du milieu des années quatre-vingt-dix et ensuite au début des années 2000, suite à l’obligation de mettre en place des circuits de refroi-dissement fermés. À cette époque, une soixantaine de distilleries s’était équipée de TAR. Par la suite, la mise en place en 2004 d’une réglementation spécifique aux installations classées pour la protection de l’environnement (rubrique 2921) a rendu leur utilisation plus contraignante en raison du risque légionellose (en termes de suivi analytique et réglementaire). Certains distillateurs, jugeant trop contraignant le cadre réglementaire, ont décidé de les remplacer par des groupes de refroidissement traditionnels pourtant nettement plus coûteux. D’autres ont persisté et, actuellement, une trentaine de distillateurs de profession continue d’utiliser les TAR en respectant les obligations réglementaires établies par le ministère de l’Ecologie.

Anticiper le risque légionellose

L’émergence de diverses technologies de tours de refroidissement a suscité des questionnements vis-à-vis du contexte réglementaire dès le début des années 2000. Le point faible de ces installations concerne les éventuelles conséquences de l’évacuation dans l’atmosphère d’un air chargé de gouttelettes d’eau chaude. Un tel milieu à la fois chaud et saturé en hygrométrie (et parfois concentré en particules ferreuses) peut être propice à la prolifération et à la dispersion de nombreux micro-
organismes dangereux dans l’environ-nement. Les eaux des circuits de refroidissement en absence de traite-ments spécifiques peuvent être colonisées par une bactérie pathogène, la Legionella pneumophila, responsable de la légionellose, une maladie infectieuse grave touchant les poumons (proche de celle d’une pneumonie). Les conditions climatiques chaudes (des températures de 25 à 30 °C). Le principe des tours de refroi-dissement favorise la dissémination dans l’atmosphère de micro-gouttelettes d’eau qui sont susceptibles d’être porteuses et de véhiculer les bactéries si le circuit de refroidissement est contaminé. La mise en œuvre de traitements préventifs (avec des produits spécifiques) et de suivis analytiques rigoureux de la qualité des eaux de refroidissement permet d’éviter ces pro-blèmes.

Une nouvelle réglementation depuis 2014

Suite à plusieurs cas dans l’industrie de contamination des circuits de refroidissement par la légionelle au début des années 2000, une réglementation officielle enca-drant le fonctionnement des installations de refroidissement évaporatif par dispersion d’eau dans le flux d’air a été mise en place. La rubrique 2921 au sein de la nomenclature ICPE impose depuis 2004 un encadrement très précis de l’utilisation des tours aéroréfrigérantes. La réglementation a connu une nouvelle évolution l’année dernière, suite à la publication au Journal officiel de deux arrêtés le 14 décembre 2013. Les prescriptions générales applicables à la fois aux installations relevant du précédent régime de l’enregistrement et du régime de la déclaration ont été modifiées. La notion d’autorisation disparaît et les seuils de puissance pris en compte sont modifiés.

Désormais, la nomenclature des tours aéroréfrigérantes est encadrée sous le régime suivant :

l De l’enregistrement pour les TAR d’une puissance thermique évacuée maximale supérieure ou égale à 3 000 kW.

l De déclaration avec contrôle périodique pour les TAR d’une puissance thermique évacuée maximale de moins de 3 000 kW.

L’ensemble des sites utilisant des TAR est référencé sur le site de la DREAL (1) Poitou- Charentes et cet organisme a la charge d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la réglementation.

La DREAL, l’organisme référent en matière de réglementation pour les distilleries

L’évolution du contexte réglementaire va modifier l’exploitation des TAR dans les distilleries de la région dont une seule est équipée d’une installation d’une puissance supérieure à 3 000 kW. Le fait que les tours de refroidissement utilisées dans les unités de distillation soient toutes intégrées dans des sites déjà soumis à enregistrement ou à autorisation (référencées comme des installations classées) implique que l’organisme référent en matière de réglementation et de contrôle est la DREAL (1), sans aucune distinction de niveau de puissance thermique évacuée. A l’inverse, des sites industriels ou viticoles non classés utilisant des tours de refroidissement de puissance inférieure totale à 3 000 kW font l’objet d’un suivi réglementaire par des organismes agréés par le ministère de l’Environnement (l’APAVE, le bureau Véritas…). A l’échelon régional, la DREAL Poitou-Charentes à Poitiers a un poste de référent régional sur les tours aéroréfrigérantes au sein du service des risques technologiques. Cette fonction est occupée un ingénieur chargé de la thématique santé et environnement. L’unité decentralisée de la DREAL, implantée à Nersac en Charente, est spécialisée dans le suivi de toutes les installations classées de chais et de distilleries de la région de Cognac.

Des procédures de suivi des installations réglementées et encadrées

Les nouveaux arrêtés publiés au Journal officiel établissent des prescriptions générales d’implantations et d’utilisation des TAR qui diffèrent sur certains aspects du précédent cadre réglementaire. Chaque site doit disposer d’une personne responsable du site qui doit être le référent du fonctionnement de la tour. Cette personne doit établir un plan de formation incluant une formation obligatoire tous les 5 ans. La formation est dispensée à toutes les personnes susceptibles d’intervenir sur l’installation du site. Elle concerne tous les aspects du fonctionnement et de la réglementation de ce type d’installations classées, et peut être effectuée soit en interne par une personne disposant des connaissances soit auprès d’un organisme extérieur. Les utilisateurs devront aussi tenir un carnet de suivi de l’utilisation des TAR (papier ou informatisé) détaillé dans lequel seront enregistrés tous les paramètres de la vie de l’équipement (les périodes de fonctionnement, les analyses d’eau, les produits de traitements utilisés, les nettoyages, les incidents…).

Des analyses régulières de la qualité des eaux 

La qualité des eaux des circuits de refroidissement doit faire l’objet d’un suivi rigoureux par des analyses (de recherches par mise en culture de la bactérie Legionella pneumophila) régulières effectuées auprès de laboratoires agréés. La première analyse doit intervenir 48 heures et une semaine maximum après le démarrage de la distillerie, et ensuite des contrôles sont effectués tous les deux mois pour les installations d’une puissance inférieure à 3 000 kW et tous les mois pour les unités d’une puissance supérieure à 3 000 kW. Les prélèvements des eaux doivent être effectués par une personne formée de l’entreprise ou du laboratoire d’analyse. Les résultats analytiques doivent être enregistrés sur le site GIDAF (Gestion informatisée des données d’auto-surveillance fréquentes) qui dépend du ministère de l’Environnement. Tous les résultats doivent aussi être intégrés dans le carnet de suivi de l’installation. Au sein de chaque installation, une analyse de risque doit être périodiquement réalisée (tous les un à deux ans) pour établir et mettre à jour les procédures d’intervention en cas d’incident. Les eaux de purge de la tour doivent faire l’objet d’un suivi comme l’ensemble des rejets des distilleries. Les services de la DREAL ont la possibilité de réaliser des contrôles ino-pinés pour vérifier le fonctionnement des installations et la bonne tenue des obligations réglementaires.

Un coût du suivi analytique et de traitement pratiquement équivalent

Le suivi analytique des eaux de refroi-dissement des TAR est-il plus délicat et plus complexe à gérer que celui des autres circuits de refroidissement ? L’obligation de réaliser des analyses spécifiques (des mises en cultures) pour rechercher la présence éventuelle de la bactérie Legionella pneumophila peut le laisser penser. Dans les faits, la réponse s’avère beaucoup plus mesurée. En effet, la plupart des distilleries équipées de circuits de refroidissement semi-fermés fonctionnant avec des groupes de froid traditionnels sont obligées de mettre en place un suivi de la qualité des eaux incluant divers aspects : pH, calcaire (encrassement biologique et biocides). Le faible renouvellement des volumes d’eau dans les circuits fermés accentue le risque de voir leur qualité (et leur stabilité) se détériorer, ce qui nuit à l’efficacité des moyens frigorifiques. Suite à un développement incontrôlé de bactéries ou d’algues, les eaux des réfrigérants peuvent « tourner » et les circuits de froid deviennent progressivement de moins en moins performants. Les témoignages anonymes de plusieurs distillateurs de profession et des bouilleurs de crus (équipés de 2 ou 3 alambics) confirment cet état de fait : « Depuis que nous fonctionnons avec des circuits fermés, nous avons été confrontés à des problèmes de qualité des eaux dans les réfrigérants qui n’ont rien à voir avec le calcaire. Les pipes peuvent être envahies d’une masse pulpeuse et parfois odorante qui est la conséquence d’un développement soudain de bactéries ou d’algues. Pour éviter ces incidents, nous avons mis en place un suivi de la qualité des eaux sur le plan bactéricide et depuis tout va bien. » Nathalie Prulho, la responsable de la société Analysys à Jarnac spécialisée dans le suivi de la qualité des eaux des circuits de refroidissement (pour l’industrie, l’agroalimentaire et les distilleries), estime que les risques de développement de bactéries dans les circuits de refroidissement sont inhérents au principe même de ce type d’installation : « Dans un circuit de refroi-dissement de type semi-fermé, les eaux se renouvellent très lentement. Ce n’est qu’au bout d’un mois de distillation que les premiers renouvellements d’eau interviennent. Les élévations de températures sont propices au développement de microorganismes comme des bactéries ou des algues. Ce risque n’est pas toujours bien appréhendé par les utilisateurs de circuits de refroidissement. C’est malheureusement souvent après un incident que les gens mettent en place un suivi analytique et des traitements préventifs. Dans la région, nous suivons un certain nombre de distilleries équipées de circuits utilisant à la fois des groupes de froid traditionnels et des TAR. Le suivi analytique vis-à-vis du risque de flores de bactéries et d’algues et les coûts des traitements ne sont pas différents quel que soit le type d’équipement utilisé. Avec une TAR, le seul surcoût concerne la recherche de la légionelle dont le montant ne dépasse pas quelques centaines d’euros par an. Le fait d’avoir un accès visuel plus direct à la qualité des eaux de refroidissement avec les TAR constitue à mon sens pour les utilisateurs un plus pour le suivi de leur installation. »

Une stratégie de prévention des risques qu’il faut parfaitement maîtriser

La mise en œuvre du nouveau contexte réglementaire est-elle réellement plus contraignante ? Le moindre coût et les performances élevées des TAR ne sont-ils pas des arguments qui supplantent les contraintes réglementaires ? L’installation de groupes de froid classiques plus puissants et engendrant de grosses consommations électriques est-elle finalement une bonne solution vis-à-vis du bilan carbone ? Les avis des distillateurs sur ces sujets sont souvent corrélés au contexte local d’implantation de leur unité qui peut être plus ou moins propice à certaines technologies. Les distillateurs qui utilisent actuellement des TAR ne semblent pas rebutés par le contexte réglementaire. L’un de ces profes-
sionnels, Jean-Philippe Roy, considère que cet équipement a encore de beaux jours devant lui : « A l’échelle de notre distillerie qui compte une dizaine d’alambics, j’estime vraiment que la TAR est bien adaptée à nos exigences de refroidissement. C’est un équipement très performant et dont les coûts d’investissement et les frais de fonctionnement s’avèrent compétitifs. Lorsqu’il a fallu changer notre première tour, on a tout de suite opté pour le même type d’équipement, même si le contexte réglementaire s’était un peu durci. Le fonctionnement d’une TAR demande comme beaucoup d’autres matériels de l’attention et de l’entretien. Le traitement des eaux de refroidissement n’est pas plus compliqué à mettre en œuvre qu’avec un groupe de froid classique. Nous réalisons auprès d’un prestataire un suivi analytique de la qualité des eaux incluant un volet bactéricides. Tous les 15 jours, des analyses sont effectuées en respectant les spécificités vis-à-vis de la légionelle. Il faut mettre en place une stratégie de trai-
tement préventive pour prévenir tout risque d’incident. Nous effectuons, dès le début de campagne, des traitements bactéricides qui sont calés en fonction des résultats des analyses. De toute façon, la maîtrise de la qualité des eaux de refroidissement est devenue un élément essentiel pour gérer efficacement les températures de coulages des distillats. Certes, nous devons effectuer un travail d’enregistrement et suivre des formations tous les 4-5 ans. Cela demande un peu d’organisation mais, dans nos ateliers de distillateurs professionnels, c’est tout à fait gérable. Il faut faire preuve de sérieux vis-à-vis des exigences réglementaires. »

(1) Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement.

Bibliographie :
– Service de la DREAL Poitou-Charentes.
− Société Analysys.

Les contacts régionaux de la DREAL
l DREAL Poitou-Charentes : 15, rue Arthur-Ranc – 86000 Poitiers
Référent des TAR : un ingénieur au sein du service des risques technologiques et
naturels – Tél. 05 49 55 63 81 – Fax : 05 49 55 63 01
E-mail : 
pierre.fajoux@developpement-durable.gouv.fr
l Unité DREAL de la Charente
Equipe chargée du suivi et du contrôle de l’ensemble des distilleries et chais de la
région de Cognac : ZI de Nersac, rue Ampère – 16440 Nersac – Tél. 05 45 38 64 64
Interlocuteurs :
Isabelle Miranne – E-mail : 
isabelle.miranne@developpement-durable.fr
Armand Gruaud – E-mail : armand.gruaud@developpement-durable.fr

 

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