Jean Guerbé et Maxime Lutard utilisent depuis trois campagnes deux alambics de 25 hl fonctionnant aux plaquettes de bois. L’ensemble de la production du vignoble de 40 ha est distillé avec deux alambics de 25 hl alimentés de façon automatique et équipés d’automatismes de distillation performants. Leurs témoignages révèlent que techniquement, l’utilisation de plaquettes de bois d’une qualité bien maîtrisée est adaptée aux exigences de la distillation Charentaise. Ils beaucoup avancé sur cette notion de qualité des plaquettes de bois en réalisant divers essais plaquettes de bois ayant une nature très différente.
La distillerie de J Guerbé et de M Lutard est un outil technologique performant ou des moyens technologiques performants permettent d’utiliser un combustible simple, le bois. C’est la sarl La Bonne Chauffe dirigée par Eric Grandperrin qui a conçu toute cette distillerie. L’entreprise a développé un automate spécifique, l’Alambois pour automatiser le fonctionnement du brûleur à air soufflé de la société Finlandaise Säätotuli. La cellule de combustion a été fabriquée sur le principe d’un foyer traditionnel en briques (montée par la Sct Boureau de Viville) avec des matériaux ayant une résistance à la chaleur supérieure à ceux utilisés pour le gaz. Le brûleur est équipé d’une alimentation en plaquettes automatisée (à partir d’une trémie) et d’un système d’extraction des cendres. L’automate Alambois pilote la gestion du brûleur par une mesure en continue du TAV et des débits correspondant aux exigences des différentes séquences des cycles de coulage. La production de la propriété est principalement distillée avec la méthode Martell.
Un bâtiment pensé pour les plaquettes
L’utilisation des plaquettes de bois par ces bouilleurs de crus a été motivée d’une part à la forte hausse du prix du gaz entre 2012 et 2014 et d’autre part à une envie personnelle d’utiliser une énergie plus verte. L’unité de distillation a été pensée pour utiliser le combustible. Les bruleurs Säätotuli fonctionne dans un foyer fermé avec un apport d’air soufflé. J Guerbé et M. Luttard qui ont une approche très rationnelle de la conduite de la distillation ont choisi de monter une unité de ce type après avoir mené une réflexion sérieuse. Les aspects d’approvisionnement et de ressources en plaquettes de bois ont été abordées avec le souci de concilier les enjeux de bon fonctionnement et économiques.
Des plaquettes de bois achetées bien adaptées
Diverses natures de bois depuis trois ont été testé avec plus ou moins de succès et les les deux viticulteurs ont fait part de leurs expériences avec objectivité. Au départ, ils ont acheté des plaquettes de bois calibrées et séchés (après un stockage de 4 à 6 mois sous des hangars ventilés) auprès de la Sct Martin de Saint Ouen la Thène qui possède une unité de production en gros volumes de plaquettes de bois. Ce combustible provenait principalement de déchets de feuillus (diverses essences) et d’un peu de résineux. Les copeaux de bois sont bien calibrés (de 10 à 30 cm de longueur et de 5 cm d’épaisseur) livrés par camion entier de 90 m3 après une phase de stockage à l’abri sous des hangars ouverts pendant 5 à 6 mois. Le remplissage des trémies des brûleurs s’effectue avec un télescopique tous les deux jours. L’utilisation de ce combustible au niveau des alambics a permis d’avoir de bonnes conditions de combustion et de faibles productions de cendres et de mâchefer. La conduite des coulages a été bien maîtrisée avec ce matériaux après une phase de calage. La qualité homogène des plaquettes au niveau de la nature des bois et de leur humidité (de 20 à 25 %) s’est avérée déterminante. À l’issue de la première campagne de distillation, le prix de revient de ce combustible était de 23 € HT/hl d’AP. Un tel niveau de coût était attractif en 2013 quand le gaz valait 700 à 800 € HT/t. Depuis la baisse des énergies fossiles, la valeur du gaz qui est retombée à 550 € HT /t est redevenue plus compétitive.
L’intérêt économique des plaquettes achetées démontrée dès que le gaz coûte plus de 600 €/T
C’est en faisant ce constat que J Guerbé s’est dit qu’il pouvait peut-être envisager d’utiliser d’autres ressources de bois moins coûteuses et en partie produite sur la propriété : « Notre distillerie aux plaquettes de bois a été opérationnelle après bien sur une phase de calage pour trouver les bon paramètres de coulage. La nature du combustible plaquettes de bois n’a rien à voir avec le gaz. L’ensemble brûleur foyer piloté par l’automate de mesure en continu des débits et du TAV a permis d’arriver à bien maîtriser toutes les phases de la méthode de distillation Martell. Il était capital que nous soyons en mesure de répondre aux attentes qualitatives de notre acheteur. D’ailleurs, les experts de la distillation de cette grande maison nous ont aidés à finaliser la conduite des coulages avec le système Alambois. Durant la première campagne de distillation, les dégustations régulières des eaux-de-vie ont permis de confirmer le bon fonctionnement des alambics. L’analyse économique de l’utilisation du combustible plaquettes de bois nous a permis de nous rendre compte de l’intérêt de notre démarche quand le gaz vaut plus de 600 € HT/T. Ensuite, la baisse des cours des énergies fossiles à partir de début 2015 nous a incités à pousser plus loin notre réflexion sur le type de plaquettes de bois. On s’est dit qu’il serait peut-être intéressant de tester divers matériaux d’origines différentes dont certains pouvaient être produits en partie par notre vignoble ».
La déception avec les sarments broyés et l’e bon fonctionnement avec les piquets
La présence sur la propriété d’un stock important de balles de sarments de vignes a été la première piste explorée. L’essai de sarments broyés pendant quelques jours s’est révélé décevant. Le pouvoir calorifique de ce combustible n’était pas suffisant dans Les phases de fortes demandes de puissance durant les coulages. Les mises au courant étaient difficiles à gérer. Par ailleurs, la production de cendres très importantes gênait le processus de combustion et le système d’extraction automatique en dessous le brûleur n’était pas suffisant. Ensuite, J Guerbé a décidé d’utiliser le stock de piquets bois (en acacia et en pin) de la propriété en les faisant déchiqueter. Préalablement à cette intervention, toutes les pointes avaient été arrachées manuellement. Le déchiquetage a été effectué en utilisant le broyeur de CUMA Innov 16 dont ce viticulteur est adhérent. Les résultats ont été plutôt encourageants au niveau de la maîtrise de la combustion et de la conduite des coulages. La production de cendres était à la fois moindre qu’avec les sarments broyés mais supérieure aux plaquettes achetées. L’analyse économique de l’utilisation de ce combustible s’est révélée identique au coût des plaquettes achetées, soit 20 à 23 € HT/d’AP. L’intervention manuelle d’arrachage des pointes engendrait des charges de mains-d’œuvre relativement importantes dans un vignoble d’une quarantaine d’hectares. Les disponibilités en piquets bois représentaient aussi une préoccupation avec le développement de l’utilisation des palissages métalliques dans les nouvelles plantations.
L’hétérogénéité des ceps de vigne problématique
Les arrachages de souches mortes provenant des plantations existantes et des vieilles parcelles représentaient une autre ressource régulière de bois. Les vieux ceps ont été transformés en plaquettes de bois avec le broyeur de la CUMA Innov 16. Les essais avec ce combustible n’ont pas répondu non plus aux attentes de J Guerbé : « En fait, le matériau ceps de vigne mort n’est pas du tout homogène ce qui influence fortement le pouvoir de combustion. Les ceps morts engendrent une mauvaise combustion qui d’une part gêne les mises au courant et d’autre part provoque la formation de mâchefert. L’extraction de cette matière solide très dure en dessous le foyer devenait problématique. Les ceps issus d’arrachages de parcelles entières avec une proportion encore forte de souches fonctionnelles représentaient une ressource énergétique beaucoup plus intéressante au niveau du pouvoir calorifique et de la maîtrise des combustions. Par contre, la production de cendres et de mâchefer était encore importante. Nous avons également essayé d’utiliser un mélange de plaquettes de bois achetées avec fragments de sarments broyés, mais là aussi, les résultats ont été décevants. Le mélange entre les deux matériaux s’avère difficile à homogénéiser ce qui nuit à la constance de la combustion ».
Les granulés 100 % à base de sarments n’ont pas un pouvoir calorifique suffisants
L’échec avec les broyats de sarments de vigne n’a pas découragé ces viticulteurs d’utiliser ce matériau. Ils ont fait transformer les balles de sarments en granulés de bois par la société Durepaire. Pendant toute la campagne 2015-2016-, la distillerie a fonctionné avec des granulés 100 % à base de sarments et cette expérience s’est révélée au final décevante : « La conception d’origine des brûleurs montés sous les alambics permet d’utiliser de manière indifférente, des plaquettes et des granulés de bois, d’où notre idée de transformer les balles de sarment en granulés. La manutention facile de ce combustible et le moindre volume nécéssaire à leur stockage nous paraissaient être aussi des avantages. Malheureusement, les résultats n’ont encore pas été à la hauteur de nos attentes en raison des mauvaises conditions de combustion. Nous avons réalisé avec l’équipe de la Bonne Chauffe de nombreux essais pour essayer de trouver les bons réglages du brûleur avec ce combustible. Nous avons été confrontés à une série de problèmes récurrents, des températures de fumées dans la cheminée élevées, des dégagements de chaleurs intenses au niveau du brûleur et des quantités de cendres et de mâchefer produites en abondance. Après deux mois d’intenses efforts, nous avons donc abandonné ce combustible. Les techniciens qui nous ont suivi dans cette démarche sont arrivés à la conclusion que le pouvoir calorifique des granulés à base de 100 % de sarments n’est pas suffisant pour maîtriser le pilotage de la distillation. ».
Les piquets « non-épointés », un bon compromis performance-coût mais attention au mâchefer
Lors de la dernière campagne de distillation, des plaquettes de bois issues de piquets de châtaignier et de pins injectés bruts (avec les pointes) ont été de nouveaux employées. La manutention de ce matériau et son broyage sont assez faciles et le coût de l’opération de déchiquetage par la Cuma s’avère abordable. L’une des seules contrainte est de disposer de suffisamment de place pour stocker les plaquettes de bois dans un espace à la fois couvert et ventilé. L’utilisation de, combustible a donné satisfaction lors de toutes les phases des cycles de chauffe. Le processus de combustion s’est déroulé dans de bonnes conditions mais par contre, la présence de fragments de pointes provoque la formation de mâchefer dans le foyer. Le système d’extraction automatique des cendres (une vis d’archimède) évacue avec difficulté ce matériau très dur. D’un point de vue économique, l’utilisation des piquets bruts avec leurs pointes issues de la propriété est très compétitive puisque la distillation revient à 10 € HT/hl d’AP. Si les piquets sont achetés, ce coût s’élève à 15 € HT/hl d’AP.
La notion de qualité des déchers bois est importante
J Guerbé et M Lutard avouent qu’ils ont investi beaucoup d’énergie dans la mise au point des plaquettes de bois lors des deux premières campagnes de distillation. Actuellement, ils estiment que leur unité de distillation est opérationnelle : « D’une manière générale, nous maîtrisons très bien la conduite des courbes de coulages avec la méthode Martell. La conduite d’un alambic aux plaquettes de bois doit être abordées sur le plan des réglages sur des bases très différentes de celle du gaz. Ensuite, les divers essais de matériaux bois démontrent que tous les déchets de bois ne sont pas adaptés aux exigences de la distillation Charentaise. L’influence du taux d’humidité des fragments de bois mis en œuvre est aussi un élément à bien appréhender. Le système de pilotage du brûleur Alambois a permis de globalement bien maîtriser les variations d’humidité du bois mais pas celle des matériaux présentant un pouvoir calorifique insuffisant. En effet, les essais avec les sarments broyés ou en granulés et les plaquettes de ceps de vignes n’ont pas permis d’assurer les conditions de combustion nécessaires à la conduite des cycles de coulage. Par contre, l’utilisation des broyats de piquets de vignes donne satisfaction mais la présence des pointes pose des problèmes. Nous avons évalué que les charges de main-d’œuvre pour enlever les pointes des piquets ( manutention comprise) se situent entre 5 à 10 € HT/hl d’AP. On souhaite réfléchir avec le constructeur du brûleur et les techniciens de la Bonne Chauffe aux moyens technologiques (un système d’aimants) qui pourraient mettre en œuvre pour éliminer les fragments de pointes lors des transferts de plaquettes. Une autre de nos interrogations concerne, les conséquences de la puissance du feu au niveau du brûleur sur la solidité et l’étanchéité du foyer dans l’avenir. Peut-être faudrait-il utiliser des matériaux encore plus résistants à la chaleur ?».