Reynac, marque De référence du Pineau

21 mars 2009

La Rédaction

Reynac, locomotive du Pineau ? Peut-être pas. Mais en tout cas c’est la marque leader du Pineau en grande distribution et cela presque sans interruption depuis sa naissance, aux débuts des années 70. Produit homogène, qualité constante, réseau de vente et communication ont fait la force d’une marque qui sert de référence à un univers Pineau étrangement colonisé par les marques distributeurs.

jean_vincent_co.jpgDepuis deux ans, Reynac a récupéré sa place de leader des marques en grande distribution (source Secodip). Très longtemps en tête du classement, elle avait un peu chuté ces dernières années. Grâce à une belle remontée, elle a regagné sa position de n° 1. L’histoire de Reynac se confond avec celle d’une structure, la coopérative Unicoop, devenue, beaucoup plus tard, H. Mounier. En 1965, la coopérative « de Cognac et des vins charentais » est confrontée, comme toutes les autres entités régionales, à une crise de surproduction accompagnée d’une baisse des prix. A la recherche d’une diversification pour dégager un revenu supplémentaire aux adhérents, Jean-Vincent Coussié, alors directeur d’Unicoop, a l’idée du Pineau. A l’époque, le Pineau des Charentes est un produit largement confidentiel même si quelques producteurs passionnés en assurent une promotion active. Un seul négociant s’y intéresse, Camus, avec sa marque Plessis mais cette dernière est positionnée haut de gamme. Pourtant, avec son statut d’AOC acquis depuis 1945, le Pineau recèle un potentiel évident. Le président de la coopérative de l’époque, Jean Joumier, lui-même producteur de Pineau, y croit très fort, ainsi que Bernard Lucquiaud, jeune cadre commercial embauché trois ans plus tôt par la coopérative fondée par son grand-père. En bon « agro » qu’il est, J.-V. Coussié cherche « à innover sans se tromper ». Avec la collaboration du maître de chai Maurice Joubert, il va engager une grande quantité d’essais techniques sur le Pineau : essais sur les moûts, sur les eaux-de-vie, leur degré d’alcool, leur caractère plus ou moins boisé… L’objectif consiste à obtenir un produit rond, souple, homogène, de qualité constante, se rapprochant plus du concept industriel que de l’effet année. A partir de 1970, la coopérative dispose des 5 à 6 000 hl de stocks lui permettant de lancer la commercialisation. Se pose alors la question de la marque. Faut-il reprendre la marque de Cognac de la coopérative, Prince Hubert de Polignac, pour vendre du Pineau ? On le lui conseille. Jean-Vincent Coussié refuse, guidé par le souci d’éviter toute confusion. Dans un panier de marques achetées à une petite maison jarnacaise, réside la marque Reynac. Le nom est court, il sonne bien. Facile à mémoriser, il est prononçable dans toutes les langues. Sa terminaison en ac a l’avantage de faire penser au Cognac et à l’Armagnac tout en évoquant Polignac. Banco pour Reynac ! Reste à décliner la marque sur les habillages de bouteilles. Pour sa création d’étiquette, la coopérative fait appel à un chic cabinet de design parisien qui lui sort une étiquette tellement en avance sur son temps, tellement décalée par rapport aux codes produit, qu’elle ira au panier deux ans plus tard. Avec une étiquette plus « normale », Reynac se voit attribuer un flacon personnalisé, après s’être un temps inspiré de celui du Porto. « Une erreur », relève B. Lucquiaud. En même temps qu’elle prépare l’entrée en scène de Reynac, la coopérative crée une dizaine de marques distributeurs pour attaquer la grande distribution. Ces contremarques doivent servir de garde prétorienne à la marque phare, afin de rehausser son niveau, tout en créant un effet de gamme immédiat. Il faut dire que la coopérative n’arrive pas en terra incognita. Bardée d’un bon savoir-faire commercial (ses services exportent dans plus d’une centaine de pays), elle est déjà introduite dans la grande distribution pour son Cognac. Le Pineau ne constitue donc qu’une extension du portefeuille. « Quand on parlait Cognac, on parlait Pineau », note Bernard Lucquiaud.

bernard_lu.jpgGrâce au réseau de VRP interne à l’entreprise, Reynac atteint en quatre-cinq ans un seuil de visibilité significatif, de l’ordre de 200 000 col. Ce niveau de visibilité va en effet lui permettre… d’être vu, par le réseau de distribution Marie-Brizard. « On ne pouvait pas se présenter les mains vides à un distributeur », explique B. Lucquiaud. Pour la petite histoire, c’est une publicité noir et blanc de Reynac passée dans Paris-Match, au creux de l’été, là où les insertions sont les moins chères, qui servira de déclencheur, en attirant le regard des commerciaux du groupe Marie-Brizard. Avec cette équipe de vendeurs, Reynac va vivre ses plus belles années. La marque frise les 600 000 bouteilles. Mais Marie-Brizard connaît des difficultés financières. Reynac passe chez Sovedi, qui va quelque peu « plomber » la marque. Elle sera alors reprise directement par H. Mounier qui s’occupera de redresser la barre. Aujourd’hui, si Reynac n’a pas retrouvé les volumes écoulés sous l’ère Marie-Brizard, ses bouteilles sont vendues et bien vendues, ce qui, au final, laisse peut-être autant de profits.

Parmi les défricheurs du marché belge

Alors que Reynac et ses contremarques « vivent joyeusement leurs vies » sur le marché français, Bernard Lucquiaud charge de Pineau son coffre de voiture et file en Belgique. On peut dire qu’il fit partie de ceux qui ont ouvert le marché belge. « L’atout du Pineau, dit-il, c’est qu’il n’avait aucun concurrent dans sa catégorie. J’arrivais et je proposais Reynac et ses contremarques, positionnées à des niveaux de prix différents. Le distributeur se constituait directement une gamme et je fermais la porte à mes concurrents. Le schéma a fonctionné pendant une bonne dizaine d’années. Pendant longtemps, on n’a pas perdu un poil. Je ne lâchais rien ! Le Pineau de la coopérative contrôlait 35 à 40 % du marché belge. » Le directeur commercial déploie un argument et un seul pour contrer ses challengers : « mon Pineau est le meilleur ! » Première à se pencher sur la fermentation malolactique, qui avait quand même gâché pas mal de Pineaux par le passé, la coopérative est aussi la première à pratiquer la flash pasteurisation, cinq ans avant le second. Exit les lies en fond de bouteille, pas vraiment du goût du consommateur. Le produit arrive limpide sur les rayons du distributeur. « Nous avons toujours livré un produit irréprochable », constate Bernard Lucquiaud. Dès le départ Unicoop vise pour son Pineau Reynac un positionnement volume. Sa religion : produire un Pineau de bonne qualité standard, qui ne dévalorise pas l’image de la coopérative, qui offre une bonne valorisation et participe efficacement à l’écoulement de la récolte des adhérents. « Nous n’allions pas nous amuser à fabriquer 50 hl de Pineau haut de gamme », renseigne Jean-Vincent Coussié. La force de la coopérative ! Maîtriser la production de Pineau, ce que les négociants ne pouvaient pas faire (et ne peuvent toujours pas faire, obligés qu’ils sont d’acheter le Pineau déjà élaboré). Ceci étant, la coopérative respecte scrupuleusement l’obligation de mutage du jus de raisin avec l’eau-de-vie provenant de l’exploitation de l’adhérent. « Avec la maison Hennessy, nous fûmes les premiers dans la région à être équipés d’ordinateurs, à cartes perforées s’il vous plaît », se souvient B. Lucquiaud. Après la Belgique, ce dernier tente des incursions en Allemagne, en Angleterre et sur des marchés plus lointains comme le Canada, les Etats-Unis ou l’Extrême-Orient. Au Canada, le Pineau n’est pas un inconnu. Il est présent sur le marché depuis les années 50. Ses ventes se développent très rapidement et encore aujourd’hui, le Québec reste une destination phare du Pineau. Les Pineaux Reynac, « Coq » d’Hardy et d’Henri Mounier y tiennent le haut du pavé. Reynac aborde le marché américain aux débuts des années 90, y trouve un importateur et investit de l’ordre de 500 000 F par an. Las ! Au bout de trois ans, le distributeur américain dépose le bilan. Fin de l’aventure américaine. « Le marché américain, c’est clair, ne s’intéresse qu’à des produits aptes à générer des volumes » indique Bernard Lucquiaud. L’importateur Sydney Franck, celui-là même qui a fait la fortune de la Vodka Grey Goose, a pris dans son catalogue le Pineau Reynac, qui réalise des volumes modestes outre-Atlantique. L’Asie n’a pas mieux répondu aux attentes. Toujours dans les années 90, la coopérative débourse un million de francs pour une étude de marché sur le Japon. En pure perte. « Certes les Asiatiques aiment les produits sucrés mais ils veulent plus d’alcool, constate l’ancien directeur commercial, qui émet des doutes sur l’adaptabilité tous azimuts du Pineau. « Il me semble que le produit, pour s’épanouir, a besoin d’une certaine culture du vin et d’une certaine gastronomie disons franco-européenne. Je vois mal le Pineau voisiner avec les nems ou la cuisine vapeur. »

Quand on demande à Bernard Lucquiaud de préciser la position de Reynac dans le petit monde du Pineau, il ne reprend pas à son compte le terme de « locomotive ». « Je n’ai pas la prétention de dire que Reynac a été une locomotive. Disons qu’elle a donné l’exemple. La marque Reynac existe et elle est au-dessus du panier. » Lui qui servit de trait d’union entre la Vodka Grey Goose et l’importateur américain Sydney Franck, il est animé d’une conviction : « Vous pouvez faire le plus beau produit du monde, quand il n’y a pas de distributeur derrière, c’est sans solution. »

 

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