le vin rouge primeur du Talmondais

26 décembre 2014

Vins et pineaux : des initiatives originales

Les productions de vins de pays charentais et de pineaux des Charentes, qui représentent de petits volumes au sein de la région délimitée, se sont bien pérennisées au sein de certaines propriétés. Elles sont devenues des débouchés constants et valorisants grâce à l’investissement personnel fort des vignerons. Les débouchés commerciaux captifs, liés à la proximité des zones touristiques importantes en Charente-Maritime, ont longtemps porté les productions régionales de vins et de pineaux mais, depuis plusieurs années, l’univers commercial de la filière vin s’est durci. Les vins de pays charentais et les pineaux des Charentes sont confrontés à une concurrence de plus en plus forte au sein même de leur aire d’expansion. L’affirmation de l’identité de production et le développement de l’offre qualitative et commerciale représentent des moyens pour capter l’intérêt de consommateurs de plus en plus friands de nouveaux produits. Un certain nombre de producteurs de la région développent des démarches de production novatrices conciliant la volonté de développer de nouvelles pistes qualitatives et la valorisation du terroir. Les initiatives de cinq vignerons – Bruno Arrivé, Lionel Gardrat, Christophe et Pierre Forgeron, Camille Plaize – s’inscrivent parfaitement dans cette double volonté d’investir dans le fondamental du métier et de tisser des liens forts avec les consommateurs.

Les premières bouteilles de Vin de Pays Charentais primeur « le Talmondais » du millésime 2014 sont commercialisées depuis le 16 octobre dernier. La démarche d’élaboration de ce vin atypique au sein de la filière régionale a été développée depuis plusieurs années par Bruno Arrivé. Il exploite à Talmont un vignoble de 9,30 ha où est implantée une diversité de cépages blanc et rouge. Le Vin de Pays Charentais primeur est élaboré à partir de 80 % de gamay et de 20 % de pinot noir, avec une méthode de vinification en macération carbonique.

p39.jpgAu sein de cette propriété, une diversité de cépages et de clones (chardonnay, sauvignon, merlot, cabernet, pinot noir, gamay, colombard, ugni blanc…) est cultivée pour assurer la production de matériel végétal certifié destiné à l’activité de pépinière viticole. La présence de surfaces significatives de pinot noir et de gamay a donné l’idée à B. Arrivé de réfléchir aux moyens de tirer profit des caractéristiques de raisins assez rares dans le vignoble charentais. Les sols argilo-calcaires et un climat tempéré sans excès thermiques créent des conditions de maturations propices à l’obtention de potentiels aromatiques généreux. Le hasard d’une discussion informelle avec François Mornet, l’œnologue qui suit l’ensemble des productions du domaine, a fait émerger une idée : pourquoi ne pas essayer d’élaborer avec ces cépages un vin ayant un caractère primeur plus affirmé.

Une première tentative en 2010 avec une vinification classique

La première année en 2010, les raisins de gamay et de pinot noir ont été vinifiés de façon classique mais en ne recherchant pas des extractions tanniques intenses. La vendange récoltée mécaniquement a été égrappée et aussitôt mise en cuve. La cuvaison courte de 5 à 6 jours avait permis d’élaborer des vins frais et bien co-lorés. L’assemblage de 80 % de gamay et de 20 % de pinot noir conférait à ce produit un équilibre intéressant. Le déroulement des vendanges et des vinifications précoces avaient permis de mettre en bouteille le vin fin octobre. B. Arrivé souhaitait tester la réaction des consommateurs locaux à ce type de vin : « Le vin rouge talmondais, souple et frais que nous avions élaboré, me plaisait beaucoup à titre personnel. Les arômes et la structure du gamay bien présents donnaient une typicité à ce vin très différente de celle des vins de merlot vinifiés dans les mêmes conditions. Dès la fin octobre, nous avons commercialisé un petit lot de 1 800 bouteilles pour tester la réaction des consommateurs. D’une manière générale, le produit a été bien accueilli mais il n’était pas réellement perçu comme un vin rouge primeur. Ce constat m’a incité à me rapprocher de mon œnologue, F. Mornet,, pour réfléchir à d’autres méthodes de vinification. »

Un millésime 2014 très attendu

Lors des vendanges en 2012, les vinifications ont été conduites en utilisant des méthodes proches de celles utilisées pour élaborer du Beaujolais primeur. La typicité du vin était très différente et un caractère primeur beaucoup plus affirmé. La commercialisation du premier vin primeur du Talmondais 2012 s’est très bien déroulée et le millésime 2013 devait permettre de confirmer ce succès. Malheureusement, les mauvaises conditions de maturation en 2013 n’ont pas permis d’obtenir des raisins parfaitement sains qui sont indispensables à la conduite de cette vinification particulière. B. Arrivé attendait donc avec une certaine impatience les vendanges 2014 et il ne cache pas que les conditions climatiques du mois d’août l’ont beaucoup inquiété : « Le gamay et le pinot noir sont des cépages précoces dont la maturation s’est réellement accélérée à partir de la mi-août, à une période où le soleil n’était pas de la partie. Heureusement, le retour du beau temps a bonifié les raisins qui ont atteint un très bon niveau de maturité au moment de la récolte. Cette année, les conditions étaient idéales pour que l’on puisse élaborer un vin rouge primeur dans les règles de l’art. »

L’intérêt de la fermentation intracellulaire au sein des baies

La méthode d’élaboration du vin correspond à la pratique des vinifications en macérations carboniques. L’intérêt de cette méthode réside dans les mécanismes de fermentation intracellulaire au sein des baies entière qui se déroulent en présence d’une atmosphère saturée de gaz carbonique. La vinification est conduite en deux phases distinctes, une première étape fermentaire des baies entières et, ensuite, une seconde phase fermentaire liquide dite de finition après le pressurage de la vendange partiellement fermentée. Durant la phase fermentaire en grains ronds, il se produit à l’intérieur des baies des modifications importantes de leur composition qui renforcent l’extériorisation ultérieure du caractère primeur des vins. Le principal intérêt réside dans la révélation d’arômes riches et intenses, issus directement des mécanismes de fermentation à l’intérieur des baies. Conjointement à ces phénomènes, l’acide malique est fortement dégradé en alcool et en divers composés, ce qui engendre une baisse de l’acidité des vins. La capacité de fermentescibilité des moûts (lors des fermentations alcooliques et malolactiques) est également fortement augmentée en raison de la dégradation de certaines protéines. L’extraction des composés phénoliques est volontairement assez limitée quand le pressurage intervient dans les deux à trois jours après le démarrage de la phase fermentaire en grains ronds. Les vins vinifiés selon ce principe possèdent une structure tannique souple qui est en parfaite harmonie avec les arômes.

Des vins ayant un équilibre qualitatif naturellement plus fragile

L’équilibre qualitatif des vins vinifiés en macération carbonique nécessite une surveillance durant les deux phases fermentaires et ensuite lors de leur courte conservation. Les risques de déviations qualitatives ne doivent pas être sous-estimés car ces types de vins rouges ont généralement une structure peu riche en tannins. Cela les rend potentiellement plus fragiles aux altérations biologiques. La composition différente des moûts issus d’une vinification en macération carbonique, qui possèdent naturellement des concentrations élevées en composés azotés (de nature aussi dif-férente), est propice au développement des micro-organismes, les bons comme les mauvais. C’est pour cette raison que
la récolte de raisins entiers totalement
exempts de botrytis représente une prio-rité pour éviter les risques de colonisation de la vendange par des bactéries indési-rables. Ensuite, lors de la phase de macération carbonique, tout incident d’étanchéité au niveau des contenants de fermentation engendre des aérations qui peuvent favoriser le développement des bactéries acétiques. Le maintien de la vendange sous protection permanente de gaz carbonique est indispensable durant toute la phase de macération. Ensuite, après le décuvage et le pressurage, la surveillance des teneurs en acide malique des jus de goutte et des jus de presse est incontournable vis-à-vis de la stabilité biologique des vins. Les jus libres présents lors de la phase de macération carbonique ont souvent terminé leur fermentation alcoolique au moment du pressurage de la vendange. La fermentation malolactique est aussi souvent commencée. Les jus de presse, qui sont encore sucrés au moment du pressurage, ont commencé leur fermentation alcoolique mais elle est loin d’être terminée. Il faut éviter de les assembler immédiatement et surveiller attentivement les teneurs en acide malique pour ensuite créer de bonnes conditions de conservation.

Les macérations carboniques effectuées dans des bennes élévatrices bâchées

B. Arrivé a mis en place une organisation originale et simple pour réaliser les macérations carboniques. Les raisins vendangés à la main et non égrappés ont été mis directement dans des bennes élévatrices à vis de grandes capacités (60 hl). Un levurage a été effectué directement sur les grappes entières au fur et à mesure du remplissage de la remorque (par couche de raisins). Les jus libres (2 à 4 hl) présents au fond des bennes ont été légèrement sulfités. Une fois la remorque pleine, la vendange a été inertée et protégée des aérations par une bâche. Au bout de 8 heures, un remontage de la vendange entière est intervenu en transvasant le contenu d’une benne dans une seconde remorque élévatrice préalablement inertée. Les remontages sont renouvelés deux fois par jour pendant la phase de macération carbonique. Au bout de deux jours, les dégagements de gaz carbonique à la surface de la vendange ont été importants. Les grappes changent totalement d’aspect et les saveurs des baies évoluent rapidement.

Arrêter la macération avant que les notes herbacées deviennent présentes

B. Arrivé estime que la conduite des vinification en macération carbonique nécessite beaucoup d’attention pour maîtriser l’extraction des bonnes saveurs fruitées : « Au moment de chaque transvasement de la vendange, je regarde la couleur des baies et je déguste à la fois les baies et les jus libres. Visuellement, la vendange change rapidement d’état. Le processus de fermentation provoque la libération des baies des rafles et leur aspect se transforme vite au fil des heures. C’est la dégustation des jus libres et des baies qui nous permet de piloter la durée de la macération carbonique. Ce n’est pas très simple à gérer car il faut arrêter l’opération avant que les notes herbacées deviennent trop présentes. La phase de macération de la vendange entière dans les bennes s’est déroulée à une température de 25 à 28 °C. » Cette année, la macération carbonique a été arrêtée quand les jus libres ont atteint le niveau de densité de 1 020. La vendange a été pressée et la fin de la fermentation alcoolique s’est déroulée en phase liquide dans des petites cuves inox enterrées. L’enclenchement de la fermentation malolactique s’est effectué très facilement et les vins étaient prêts à être mis en bouteille le 10 octobre. L’incorporation de 20 % de raisins de pinot noir permet de « tamponner » l’acidité toujours très présente dans le gamay. Le premier vin rouge talmondais du millésime 2014 possède toutes les caractéristiques d’un vin primeur, des arômes intéressants et des saveurs fruitées bien présentes. Le vin a été présenté en avant-première aux habitants de Talmont le 16 octobre dernier.

 

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