Le marqueur du défaut nez de « champignon » identifié

21 août 2012

Dire que le botrytis représente un danger majeur pour la qualité des eaux-de-vie nouvelles est banal ! Par contre relier la présence de la maladie sur les grappes au moment de la récolte à un marqueur dans les eaux-de-vie nouvelles était jusqu’à présent impossible. L’aboutissement de récents travaux de recherche de la Station Viticole du BNIC a permis d’identifier le composé responsable du défaut « champignon » qui avait été plus fréquent en 2011. L’identification de ce marqueur représente un progrès important au niveau de la caractérisation qualitative des vins de distillation et des eaux-de-vie nouvelles.

 

 

Depuis de nombreuses années, le botrytis est considéré comme un danger majeur pour la qualité des moûts et de tous les vins, les rouges, les rosés, les blancs et les vins de distillation. Les effets négatifs sur la structure aromatique des eaux-de-vie sont redoutés mais toujours faciles à caractériser. Tous les maîtres de chais s’accordent pour dire qu’une vendange atteinte de botrytis pénalise dans des proportions importantes la qualité des eaux-de-vie. Pour autant, la corrélation entre les dégâts de la maladie au vignoble et l’apparition d’un défaut spécifique n’est pas établie. Elle est à juste titre « pressentie » mais pas validée. Indéniablement, la typicité aromatique des eaux-de-vie nouvelles s’en trouve fortement affectée au point que lors des millésimes propices au botrytis, la dégustation de nombreux échantillons révèle une typicité réduite et un caractère « neutre ». La relation entre la présence du botrytis et la déviation aromatique apparaît généralement après 2, 3, 4 ans de vieillissement sous la forme des notes de « champignon ». Pourtant, à la faveur de conditions particulières, il arrive que des déviations aromatiques de type « nez de champignon, de terre » apparaissent dans les eaux-de-vie nouvelles. En 2011, la fréquence d’eaux-de-vie nouvelles présentant ce défaut plus important a interpellé beaucoup de dégustateurs.

Des « notes de champignon » plus fréquentes en 2011

p24.jpgLes attaques de botrytis au cours de la maturation avaient été fréquentes et l’état sanitaire des raisins récoltés tardivement s’était dégradé. Lors des vendanges 2011, l’apparition du botrytis dans les parcelles a été souvent l’élément déclencheur de la récolte dans de nombreuses propriétés. Les plannings d’organisation des vendanges du parcellaire ont tenu compte du taux d’attaque de pourriture. A l’issue des vinifications, le défaut « nez de champignon » était parfois présent dans les vins et les micro-distillations mais ensuite ne réapparaissait pas dans les eaux-de-vie. A l’inverse, son absence dans les vins n’empêchait pas son extériorisation dans les eaux-de-vie aussitôt la distillation. Le caractère fugace de cette déviation aromatique complique aussi les choses. Un verre d’eau-de-vie présentant le défaut (couvert ou pas) voit au bout de quelques heures ou de quelques jours s’atténuer la déviation qualitative au point de n’être plus perceptible. Cela peut laisser à penser que le défaut aromatique va s’atténuer au cours des premiers mois de vieillissement alors que c’est souvent le contraire qui se produit. Le défaut « nez de champignon » caractéristique de la présence du botrytis n’était jusqu’à présent pas relié à la présence d’un marqueur identifié, mais des travaux d’étude récents ont permis de remédier à ce problème.

Un kit de détection rapide sur moûts et vins à l’essai depuis 3 ans

p24a.jpgLes dégâts qualitatifs occasionnés par le botrytis sur les moûts, les vins et les eaux-de-vie nouvelles sont un sujet d’étude presque permanent pour l’équipe de la Station Viticole du BNIC. Depuis une quinzaine d’années, des travaux de recherches nombreux ont été conduits pour tester des kits de détection du botrytis dans les moûts et identifier des marqueurs du botrytis (et de la flore associée) dans les eaux-de-vie. Les acquis scientifiques sur ce sujet ont aujourd’hui progressé. Depuis trois ans, Guillaume Snakkers et Louise Urruty, deux ingénieurs de la Station Viticole, ont testé un kit de détection rapide de la présence de composés de dégradation du botrytis dans les moûts et les vins. C’est le kit immunologique, QuickStix, développé par la société américaine Envirologix (et distribué en France par la société Libios [1]). Le produit a fait l’objet depuis 2008 de recherche en Champagne où il est maintenant commercialisé. Quelles sont les raisons qui ont justifié de s’intéresser à ce test ? Le kit possède un mode d’action immunologique doté à la fois d’une bonne sélectivité et d’une grande sensibilité. Lors d’une attaque de botrytis, il s’avère que, très souvent, l’épidémie se développe en présence de diverses souches de botrytis et une flore de champignon associée. Le kit QuickStix possède une bonne sélectivité vis-à-vis de nombreuses souches de botrytis et la réponse au test est obtenue en 10 minutes. Il suffit de tremper de petites bandelettes colorimétriques dans le moût et le vin, et de faire preuve d’un peu de patience pour obtenir les résultats. Un lecteur de bandelettes peut aussi être utilisé pour donner des résultats plus quantitatifs, mais cette méthodologie doit être adaptée à chaque région.

Un outil fiable pour identifier les lots touchés par le botrytis

Les attaques de botrytis sur les raisins provoquent l’apparition de composés spécifiques dans les moûts comme l’acide gluconique, le glycérol, le sorbitol. Les essais de la Station Viticole ont révélé que l’augmentation de ces trois composants est bien corrélée aux attaques de botrytis sur les grappes. Sur les ugni blancs de la région de Cognac, le glycérol est le marqueur le plus fiable et le plus facile à doser lors des contrôles de maturation. Le kit QuickStix a été expérimenté pendant trois campagnes successives de 2009 à 2011, essentiellement sur des moûts. Les résultats ont démontré son intérêt en tant qu’outil de détection de la présence de botrytis mais n’apportent pas d’informations quantitatives sur l’intensité des taux d’atteintes avec les seules bandelettes. Par contre, l’utilisation du lecteur permet d’évaluer le niveau d’attaque. Les essais qui ont été aussi conduits sur les moûts et les vins révèlent une fiabilité correcte.

L’utilisation du kit présente de l’intérêt pour sélectionner et isoler les lots de vendange et de moûts touchés par le botrytis, et éventuellement identifier les cuves de vins dont le potentiel de qualité peut être dégradé par les conséquences de la maladie.

Le marqueur du défaut nez de « champignon »  identifié dans les eaux-de-vie nouvelles

p25.jpgLes travaux de recherche avaient jusqu’à présent permis de trouver des marqueurs fiables de la présence du botrytis sur les grappes, dans les moûts et les vins mais pas dans les eaux-de-vie nouvelles. Les résultats d’analyses attestaient d’une modification de l’équilibre de certains composés, une augmentation des teneurs en méthanol, une baisse des concentrations en esters mais pas la présence d’un composé spécifique. La fréquence accrue du défaut aromatique de « champignon » a amené l’équipe de la Station Viticole à engager de nouveaux travaux de recherches pour essayer de trouver le marqueur analytique lié à cette déviation qualitative majeure dans les eaux-de-vie nouvelles. Le travail a débouché sur l’identification du marqueur olfactif « champignon », l’1-octène-3-one qui appartient à la grande famille des aldéhydes aromatiques.

Le dosage de ce composé a nécessité le développement d’une méthode d’analyse spécifique développée par Sylvie Estréguil, de la Station Viticole.

G. Snakkers, un des ingénieurs de la Station Viticole qui a participé à cette étude, explique que la découverte de marqueur représente un véritable progrès en matière de caractérisation du défaut botrytis :

« Le 1-octène-3-one est réellement un marqueur de l’incidence négative du botrytis sur la qualité des eaux-de-vie. Il caractérise parfaitement le défaut nez de champignon propre au botrytis, mais ce n’est pas forcément un élément révélateur de l’impact qualitatif de la flore associée. Le seuil de détection olfactif de ce composé se situe autour de 5 mcrgr/l. Les échantillons extériorisant le défaut présentent des concentrations de l’ordre de 5 à 10 mcrg/l et plus. L’apport de teneurs de cet ordre dans des eaux-de-vie nouvelles issues de vendange non botrytisée a tout de suite entraîné l’apparition de la note aromatique champignon. Ces résultats nous ont permis de valider le rôle de marqueur de l’1-octène-3-one.L’origine du 1-octène-3-one dans les eaux-de-vie est liée à une attaque de pourriture intégrant le botrytis et d’autres champignons. »

Un indicateur du taux de pourriture

Le dosage de ce composé ne peut pas être effectué lors d’une analyse courante en chromatographie en phase gazeuse. Il nécessite une analyse complémentaire (et plus coûteuse) aux procédures habituelles pour le quantifier. L’équipe de la Station Viticole s’est intéressée aux moyens de simplifier le dosage du 1-octène-3-one mais cela ne paraît pas facile. Une autre approche a été développée en essayant de travailler sur un autre composé, l’octanol, qui est l’alcool correspondant à l’1-octène-3-one. Ce composé est plus facile à doser dans les micro-distillations et les eaux-de-vie nouvelles, mais pour l’instant la corrélation avec le marqueur du défaut nez de champignon n’est pas validée. L’octanol étant un constituant lié au développement des attaques de pourriture sur la vendange, sa concentration est bien corrélée au taux d’attaques sur grappes. C’est un marqueur des intensités des attaques sur la vendange. Ce composé est dosé dans les micro-distillations et les eaux-de-vie après une étape supplémentaire d’extraction.

(1) Société Libios, chemin de la Plagne, 69210 Bully – www.libios.fr

 

 

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