Domaine du Breuil de segonzac, s’approcher du cognac du XIXème siècle

7 mars 2019

En redonnant vie à deux chaudières plus que centenaires, le Domaine du Breuil de Segonzac se lance dans la quête d’une eau de vie différente, proche de celle qui se fabriquait au dix-neuvième siècle…

Fin 2016, le groupe américain Sazerac achetait ce domaine bio de Grande Champagne. « Cela faisait longtemps que le groupe voulait investir dans le Cognac, explique Clive Carpenter, le gérant du Domaine   mais il attendait l’occasion de le faire vraiment, de devenir un véritable acteur de la filière, de maîtriser la chaîne complète, vigne et distillation comprise. Breuil de Segonzac correspond parfaitement à cet objectif. »

Et, cerise sur le gâteau, les acheteurs découvrent, en plus des deux chaudières de 25 hectos qui distillent l’eau de vie du Domaine, deux petits alambics de 8,5 hectos datant du 19ème. « Ils ne fonctionnaient plus depuis plus de 40 ans, les marmites étaient pleines de crasse et les briques fendues, mais elles étaient toujours utilisables. » Décision fut donc prise de les remettre en état avec un double objectif : produire des eaux de vie « obligatoirement » différentes mais aussi enrichir le projet d’œnotourisme du groupe américain, « pour attirer, l’exceptionnel est nécessaire… ». C’est à la SATIF, qui entretenait déjà les chaudières du domaine, que la remise en état fût confiée. Une mission pour laquelle l’entreprise s’est immédiatement prise de passion.

 

Quelques mois pour une renaissance…

 

En avant donc pour la remise en état des chaudières mais aussi celle de l’ancienne distillerie. Sur le chantier, en plus de SATIF, tous les corps de métiers nécessaires se sont attaqué au problème… Première découverte, sous les briques abimées, les massifs d’origine étaient en pierre de taille, très abimés. C’est donc en pierre qu’ils ont été refaits à l’identique. Seuls les socles d’origine des chauffe-vin ont pu être conservés et restaurés. Les deux chaudières ont été minutieusement démontées : toutes les pièces qui pouvaient être conservées l’ont été, les autres ont été refaites à l’identique, « jusqu’au moindre robinet. Ils sont très nombreux et on n’en connaît pas forcément l’utilité, s’amuse Clive Carpenter. “Ces alambics ont une particularité, la forme cylindrique surmontée d’un cône de leurs chapiteaux, “mais c’était courant au 19ème “.

Les chaudières étaient équipées d’un couvercle que le distillateur pouvait ouvrir, pour ajouter quelques arômes au vin en ébullition peut-on supposer. Ils ont été conservés mais transformés en hublots. Le cuivre a dû être peint dans le coloris traditionnel, pour camoufler les quelques soudures dues à la rénovation. Les massifs en pierre de taille ont été conçus pour cacher les « raccords techniques ». Si l’alambic de droite peut être daté de 1890, celui de gauche pourrait être plus ancien : Ainsi qu’on a pu le constater au démontage, sa marmite a été rehaussée pour augmenter sa capacité qui devait être à l’origine de 3 ou 4 hectos. Son processus de fabrication permet de la dater de 1830 ou 1840, avant le phylloxéra. Après la crise, il aurait été rehaussé afin de pouvoir fonctionner en parallèle avec le nouveau matériel qui arrivait pour augmenter les capacités de distillation. Quant au bâtiment qui abrite les deux vieilles dames, le sol a été recouvert de tommettes des 18 ème et 19 ème siècle, les murs ont été refaits et la toiture le sera très bientôt. « On a même pu conserver les fils à tabac pendus au-dessus des chaudières. ». Dans cette distillerie à l’ancienne, les tonneaux sont eux aussi habillés en conséquence et un lit de viticulteur contre le mur viendra bientôt compléter le tableau. Seule concession à la modernité, le gaz qui alimente les chaudières. Clive Carpenter souhaitait pousser le respect de la tradition jusqu’à utiliser du charbon ou du charbon de bois mais il aurait fallu pour cela traverser la distillerie actuelle, ce qui posait de sérieux problèmes d’hygiène.

 

Une distillation 100% humaine

 

 Aucun automate en effet pour conduire ces deux chaudières, « ce sera de la vraie distillation à l’ancienne pour conserver une flexibilité maximale. » Les deux vieilles dames n’avaient pas encore commencé à travailler lors de la rédaction de cet article, mais Clive Carpenter en était certain : elles donneront une eau de vie au goût différent. Pendant cette campagne, une partie de la récolte du domaine servira à comprendre comment piloter ces bijoux anciens, grâce à l’enthousiasme de 3 jeunes distillateurs passionnés par le challenge :  de l’uni blanc bien sûr mais aussi des essais avec du Colombard, de la folle blanche, du sémillon et du Monti, des cépages qui étaient dominants avant la crise du phylloxéra, « des cépages d’autrefois dans des chaudières d’autre fois. On devrait obtenir ce qui se rapprochera le plus du cognac du XIXème siècle, une eau un de vie forcément différente. »

« Ces deux chaudières seront les seules de leur espèce en fonctionnement, conclut Clive Carpenter. Leurs eaux de vie, de Grande Champagne qui plus est, auront je l’espère un caractère particulier que l’on pourra juger sur le long terme…mais en les goûtant très régulièrement. Ce projet s’inscrit dans la grande aventure tentée par Sazerac au domaine du Breuil, l’installation d’un circuit de visites, avec l’accueil visiteur dans la maison d’habitation après sa remise en état. Nous avons l’ambition de créer un pôle d’attractivité à Segonzac et je suis sûr que nos futures eaux de vie de caractère seront un excellent levier pour l’œnotourisme. »

 

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