Des pineaux rosés « vraiment rosés

1 mars 2012

Les pineaux rosés qui au cours des décennies 90 et 2000 avaient viré au rouge intense sont peut-être en train de retrouver une identité propre. Les efforts de certains producteurs ont permis de développer une structure qualitative très différente des rosés historiques qui avaient une teinte pâle, pelure d’oignon et des saveurs généralement oxydées. La nouvelle génération de pineaux rosés possède une typicité spécifique caractérisée par une teinte rose véritable et des arômes et des saveurs fruités. La commercialisation des premiers lots semble séduire une frange de consommateurs appréciant moins la structure capiteuse des pineaux rouges.

p27.jpgLa production de pineau des Charentes rosé représente aujourd’hui à peu près 35 % des volumes revendiqués et pratiquement tous les opérateurs, vignerons, coopératives et négociants ont un ou plusieurs rosés à leurs gammes. Leur élaboration a été autorisée par le décret de production de 1945. Dans les années 50 et 60, la couleur des rosés était irrégulière et inconstante dans le temps. Après deux-trois ans de vieillissement, un certain nombre de lots perdaient leur teinte rosée et étaient commercialisés en assemblage avec des pineaux blancs. A partir du milieu des années soixante-dix, la production de pineau des Charentes a commencé à représenter dans certaines propriétés une activité économique majeure et les producteurs ont essayé de fiabiliser la couleur des rosés. Plusieurs œnologues de la région se sont intéressés à l’amélioration qualitative du produit. Les pertes de couleur étaient liées à la fois aux conditions de maturité des cépages et à une maîtrise aléatoire du botrytis.

Le pineau : une richesse en arômes et saveurs unique

Cette évolution s’est accompagnée progressivement d’une montée en puissance des teintes qui sont devenues de plus en plus rouges. Les pineaux rosés bien rouges et structurés ont rencontré un succès commercial croissant au point que, dans le langage courant, la dénomination pineau rouge s’est généralisée. A l’inverse, les ventes de rosés ont globalement régressé. Le pineau des Charentes est un produit dont la richesse découle directement de son mode d’élaboration. Lors de la fabrication, le mariage moûts-eaux-de-vie de Cognac apporte une typicité unique faite d’arômes et de saveurs issus à la fois des parcelles et d’un concentré aromatique alcoolisé. Le fait d’empêcher la fermentation conserve cette structure qualitative bien spécifique qui est bonifiée par les méthodes de vinification et d’élevage. Le support de typicité liée au moût influence de manière déterminante la structure qualitative finale des produits commerciaux. La qualité des raisins et les conditions d’extraction de leur contenu représentent des phases importantes du process global d’élaboration. Au cours des vingt dernières années, des efforts de qualité considérables ont été réalisés, notamment pour stabiliser la qualité des produits au cours de leur élevage. Cette évolution a été particulièrement significative pour les pineaux rosés.

Innover au niveau  de la typicité contribue à valoriser la richesse du produit

p28.jpgAu niveau du Syndicat des producteurs, un certain nombre de réflexions témoignent d’une volonté d’être innovant dans la recherche de qualité des produits blancs, rosés et rouges. Jean-Marie Baillif, le président du syndicat, tient un discours ouvert sur ce sujet : « Globalement, les productions de pineaux actuellement commercialisées par les opérateurs de la région sont de bonne qualité, ce qui n’empêche pas de faire preuve d’innovation au niveau du process d’élaboration. Un certain nombre d’initiatives de la part de quelques producteurs ont permis de proposer en blanc, en rouge et en rosé des produits ayant une typicité différente qui apporte de la diversité à la « famille » pineau. Sans remettre en cause les principes du décret de production actuelle, il est possible de faire preuve d’innovation. Le fait d’élaborer des produits ayant une typicité particulière contribue à différencier l’offre et à valoriser la richesse du produit. Les effets terroirs, les caractéristiques de certains cépages et la mise en œuvre de procédés de vinification différents représentent aujourd’hui des leviers d’innovation que la filière pineau se doit d’explorer. Aujourd’hui, 99 % des producteurs travaillent avec des œnologues dont les compétences sont en mesure de beaucoup leur apporter. Des évolutions de connaissances récentes au niveau des pratiques de vinifications des vins trouvent un champ d’application au niveau du pineau. Le syndicat conduit aussi en partenariat avec la Station Viticole du BNIC des travaux scientifiques sur des thématiques spécifiques au pineau, comme la détermination des conditions de maturité optimale… A titre personnel, je suis convaincu que l’apport de diversité qualitative est vraiment un moyen de dynamiser les ventes de pineau. Le succès commercial des pineaux rouges en est le meilleur exemple. Pourquoi les blancs et les rosés ne profiteraient pas d’une nouvelle dynamique d’innovation ? »

Des pineaux rosés devenus de plus en plus rouges au fil des années

L’intérêt commercial autour des pineaux rouges a amené les professionnels a demandé une reconnaissance officielle de cette catégorie de produit. A la fin des années 90, le Syndicat des producteurs a décidé de faire évoluer la législation en demandant une modification du décret de production en deux couleurs, blanc et rosé ou rouge. La démarche a abouti en 2007 mais cette évolution s’est effectuée sans introduire de contraintes d’intensité de couleur régissant les catégories rosé et rouge. Un pineau rouge au moment de la vinification peut ensuite perdre une partie de sa couleur et prendre une belle teinte rosée. Le souhait des professionnels a été de laisser les opérateurs libres de choisir la dénomination de production qui convient réellement à la teinte des qualités commerciales. D’un point de vue réglementaire, il est aujourd’hui possible de mentionner sur les étiquettes pineau des Charentes rosé ou pineau des Charentes rouge. Lors de l’élaboration, les producteurs savent bien que les divers procédés de macérations (pressurage direct, macérations enzymatiques à froid, à l’alcool ou à chaud) ont une incidence directe sur l’extraction de la couleur et des composés tanniques. Un pineau très rouge dès le départ aura des caractéristiques aromatiques et gustatives bien différentes de celles d’un rosé traditionnel.

La mode des vins rosés peut-elle redynamiser les ventes de pineaux rosés ?

p29.jpgL’avenir commercial des pineaux rosés semblait être jusqu’à ces dernières années très bouché car, dans l’esprit de certains consommateurs, les rosés étaient en fait des rouges qui avaient perdu leur couleur. Ces réflexions suscitaient une nette réprobation chez les producteurs qui depuis toujours élaboraient et vendaient de vrais pineaux rosés. Alors que cette catégorie de produit peinait à trouver son marché, le développement commercial des ventes de vins rosés en France depuis presque 10 ans est assez spectaculaire. Ces vins ont permis de capter une frange de clientèle nouvelle qui n’était pas forcément des consommateurs habituels. Le vin rosé est synonyme de vins des soirées qui se consomment autour d’un barbecue ou sur une terrasse entre amis. Léger, rafraîchissant, ces produits remplacent l’apéritif et s’adaptent à une diversité de plats. Toutes les régions viticoles françaises ont su profiter de cette mode des vins rosés. Les efforts d’innovation et de qualité au niveau des vins rosés de Provence, des Clairet de Bordeaux, des rosés secs du Val de Loire, de la zone méridionale, du Sud-Ouest, des vins de pays charentais… ont créé un regain d’intérêt et un dynamisme commercial autour d’une catégorie de produit qui pendant très longtemps avait du mal à fidéliser une clientèle. Les rosés sont devenus des produits à la mode de plus en plus présents et demandés dans tous les lieux de consommations et de ventes. Les cartes des restaurants, les gammes des cavistes et les linéaires des grandes surfaces se sont enrichis d’une diversité de vins rosés ayant des caractéristiques gustatives et aromatiques différentes et intéressantes. Des efforts importants de recherche de qualité ont été engagés par les œnologues et les viticulteurs qui ont travaillé sur tous les maillons de la chaîne, l’adaptation des cépages au terroir, l’optimisation de la maturation et de la récolte, la gestion des opérations préfermentaires, le pilotage des fermentations et l’élevage des vins. Certains viticulteurs charentais se sont dit que la remise en cause des principes d’élaboration des pineaux rosés pouvaient être en mesure de redynamiser les ventes.

Revenir vers des qualités conciliant arôme, fruité, fraîcheur et teinte rose éclatante

Quelques producteurs de pineaux ont imaginé qu’ils pouvaient aussi tirer profit de cette mode des vins rosés en proposant un nouveau profil qualité aux consommateurs. Historiquement, les moyens technologiques d’élaboration des pineaux rosés reposaient sur une idée toute simple : l’obtention au départ d’une couleur suffisamment intense qui « tienne » durant toute la phase élevage (pendant 15 à 30 mois). De tels principes d’élaboration paraissent aujourd’hui assez éloignés d’un process d’élaboration de véritables « pineaux rosés ». La vinification de pineaux rouges et rosés fait appel à des principes et à des méthodes bien différents. Depuis quelques années, l’élaboration de pineaux rosés ayant une typicité beaucoup plus fruitée devient un centre d’intérêt pour certains viticulteurs et les œnologues. Julien Frumholtz et François Mornet, deux œnologues impliqués dans la filière pineau, estiment que l’élaboration de pineaux rosés frais et aromatiques nécessite un grand professionnalisme.

En effet, la réussite d’une qualité rosée ne se limite pas à une maîtrise de la couleur mais à l’extériorisation d’une structure aromatique et gustative affirmée. Arriver à concilier et à stabiliser dans le temps une couleur rosée flatteuse, des arômes plaisants et de la fraîcheur en bouche n’est pas une démarche simple.

Des pineaux de garde courte devant arriver à pleine maturité en 15 mois

p30.jpgJ. Frumholtz ne cache pas que c’est difficile de maîtriser la teinte et la structure d’un « vrai » rosé : « La définition de la qualité d’un véritable pineau rosé s’apparente à un produit de garde courte ayant avant tout une richesse aromatique, des notes en bouche pleines de fruité, de la fraîcheur et une belle teinte rosée éclatante. C’est donc un produit complexe. L’obtention d’arômes, de saveurs fruitées et de fraîcheur se fait à la vigne en attendant le moment de récolte opportun. Avec des raisins trop mûrs, des notes de fruits confits prédominent et à sous-maturité, le caractère végétal est présent. Les raisins doivent être récoltés à une maturité suffisante pour que le moût ait encore l’acidité suffisante pour apporter de la fraîcheur en bouche. Ensuite, les extractions de couleur doivent être parfaitement maîtrisées en privilégiant le pressurage direct à 70 %. Les moûts extraits de cette manière sont équilibrés sur le plan des saveurs et leur couleur bien que moins intense représente la base finale du produit. La conduite de macérations enzymatiques de courte durée (3 à 4 heures) permet d’extraire une réserve de couleur suffisante pour réaliser ultérieurement les assemblages. Au niveau du mutage, je suis partisan d’un TAV autour de 17,5 % vol. pour limiter les problèmes bactériens souvent dus à des acidités de moûts basses. Le plus gros problème est d’arriver à conserver toute la structure du produit au cours de l’élevage. De tels produits supportent mal l’oxydation durant les 15 à 20 mois de vieillissement. Leur élevage dans des contenants limitant les échanges est souhaitable. Il ne faut pas perdre de vue que l’objectif est d’obtenir un produit mature sur le plan qualitatif en 15 à 18 mois seulement. »

Un équilibre qualitatif fragile à protéger des aérations

F. Mornet considère qu’élaborer des pineaux rosés « de soif » est aussi compliqué que faire des vins rosés gouleyants et aromatiques : « Dans les pineaux rosés, il est difficile d’obtenir et ensuite de stabiliser dans le temps les arômes, la fraîcheur gustative et une couleur attractive. Ce type de structure qualitative qui plaît beaucoup aux consommateurs n’est vraiment pas simple à maîtriser. Se donner les moyens de conserver cet équilibre trouve son aboutissement dans la mise en œuvre d’un itinéraire de production complet de la vigne à la bouteille. Néanmoins, il faut s’adapter aux différentes situations et chaque année on tâtonne pour trouver la méthode la plus adaptée. Au niveau des cépages, le merlot plus précoce, riche en couleur et en notes fruitées me paraît le plus adapté. Le cabernet n’atteint pas la pleine maturité tous les ans, ce qui pose des problèmes. La détermination de la date de récolte est à la fois essentielle et délicate à gérer vis-à-vis de la qualité finale des produits. Les raisins doivent être suffisamment mûrs mais pas trop non plus pour conserver un peu d’acidité et des arômes. La vendange doit être absolument éraflée pour éviter les extractions de composés herbacés et rendre la structure aromatique plus fine. La conduite des extractions de couleur se fera principalement par pressurage direct et, pour une moindre part, en macération de courte durée (autour de 4 heures). L’assemblage judicieux des fractions de produit issues de pressurage direct et de macération permet d’obtenir le niveau de couleur souhaité. L’apport de tannins œnologiques s’effectuera précocement pour stabiliser la teinte du pineau jeune. Un mutage ne dépassant pas 17 % vol. est conseillé pour faciliter une harmonisation plus rapide des eaux-de-vie au cours du vieillissement. Ensuite, l’élevage doit être conduit en minimisant au maximum les aérations qui fragilisent la stabilité des pineaux. La conservation des arômes, de la fraîcheur et d’une belle teinte rose est vraiment une priorité car, sinon, la typicité finale du produit s’en trouve irrémédiablement affectée. »

Le domaine du Chêne élabore de vrais rosés depuis 2008

Le domaine du Chêne, à Saint-Palais-de-Phiolin, est une propriété fortement impliquée dans la production de pineau des Charentes depuis quarante ans. Jean Doussoux et Jean-Marie Baillif sont des passionnés et d’ardents promoteurs du pineau sur leur exploitation. Le domaine du Chêne commercialisait jusqu’à ces dernières années quatre qualités : un blanc jeune, un rouge jeune, un blanc vieux et un blanc extra-vieux. J.-M. Baillif a souhaité élargir l’offre de produit en élaborant un vrai rosé ayant une teinte étincelante et beaucoup de fruité en bouche. L’engagement dans cette démarche n’allait-elle pas créer une certaine concurrence avec le pineau rouge déjà commercialisé ? J.-M. Baillif estime au contraire que l’introduction d’un nouveau produit stimule les ventes : « Les ventes de notre pineau rouge évoluaient normalement et ce produit avait de par sa structure qualitative séduit une certaine clientèle. La structure capiteuse, les saveurs de fruits rouges et la grande onctuosité en font un produit de forte typicité. En décidant d’élaborer un vrai rosé, mon souhait était d’intéresser une nouvelle clientèle attirée par des produits frais et flatteurs. En tant que consommateur, j’avoue que la diversité des vins rosés depuis quelques années m’a beaucoup séduit. Les saveurs rafraîchissantes de ces vins et le caractère convivial et festif qu’ils véhiculent ne sont sûrement pas étrangers à leur succès. C’est en faisant ce constat que je me suis dit qu’élaborer un pineau d’une belle couleur rose, fruité et frais pouvait aussi représenter un réel intérêt. J’ai parlé de mon projet à mon œnologue qui m’a ensuite aidé à construire un itinéraire de vinification et d’élevage spécifique. »

Les discussions entre J.-M. Baillif et F. Mornet ont concerné toutes les étapes de l’élaboration. Au vignoble, les merlot ont été surveillés de près au moment des vendanges pour rechercher une maturité suffisante mais pas très poussée. La première année (2008), la récolte est intervenue quand le TAV potentiel a atteint 10,5 à 11 % vol. Les raisins à ce stade de maturité ont encore un niveau d’acidité suffisant qui, en quelque sorte, conforte la structure aromatique et « tamponne » la sucrosité des moûts.

Photo 540 : Jean Marie Baillif présente sa nouvelle qualité de rosé

Un moyen de capter une clientèle appréciant moins le côté capiteux des rouges

La vendange éraflée est ensuite mise à macérer pendant une durée courte de 3 à 6 heures selon les années. Le pilotage des macérations est réalisé soit dans la cage du pressoir pneumatique, soit en cuve. L’extraction de couleur doit être surveillée de près pour réellement obtenir dès le départ une belle teinte rosée et non pas rouge.
J.-M. Baillif estime qu’une grande partie de la qualité finale d’un vrai pineau rosé réside dans la maîtrise de la conduite des macérations : « Le suivi de l’extraction de la couleur nécessite une grande vigilance. Il faut réellement rester au pied de la cuve pour prélever des échantillons régulièrement et les déguster. Le temps de macération varie de manière importante d’une année à l’autre. Lorsque l’on juge que l’on a atteint la couleur et les saveurs souhaitées, l’arrêt du processus de macération doit s’effectuer rapidement. Le produit doit avoir une couleur qui se tienne dans le temps, ce qui n’est pas si simple que cela à gérer. J’essaie d’obtenir une teinte rose vive sans que cette couleur vire au rouge. En 2009 et en 2010, 3 à 4 heures de macération étaient suffisantes alors qu’en 2011, une durée de 5 à 6 heures s’est avérée nécessaire pour obtenir le même résultat. »

Après deux ou trois semaines d’homogénéisation (suite au mutage), 90 % de la structure qualitative du produit final est déjà construite et le plus dur est d’arriver ensuite à la conserver intacte pendant les 15 à 18 mois d’élevage. Un sulfitage mesuré et une conservation en tonneaux sont indispensables pour éviter les aérations et les phénomènes d’oxydations qui en découlent. Le domaine du Chêne commercialise depuis l’été 2010 cette nouvelle qualité de pineau rosé et l’accueil par la clientèle est plutôt bon. J.-M. Baillif pense que les vrais rosés ont la capacité de conquérir un public de consommateurs différent : « C’est vraiment un produit à faire redécouvrir aux consommateurs. Chaque fois que l’on arrive à le faire goûter, la réaction des consommateurs est bonne. Les saveurs de fruit et la fraîcheur plaisent. Certains clients, qui apprécient moins le côté capiteux des rouges, sont séduits par ce produit. Le travail sur la typicité aromatique et gustative s’avère payant car ce nouveau produit fidélise une clientèle nouvelle. Notre pineau rosé ne concurrence pas les ventes de rouge. Cela a même permis de clarifier l’offre commerciale avec deux produits de deux couleurs identifiés différemment au niveau de l’étiquetage. »

Une production historique de pineau au domaine de la Margotterie

Le pineau de Charentes est une production historique au domaine de la Margotterie, à Saint-Bonnet-sur-Gironde, car, dès la fin des années 70, les premiers lots ont été commercialisés en vrac. Les cours fluctuants et peu porteurs à cette époque du marché de place ont incité Jean-Pierre Terrigeol a se lancer dans la vente en bouteilles. L’activité a commencé modestement par de petits volumes de blanc mais, progressivement, la clientèle a été demandeuse de rosé. Christophe Terrigeol et son père ont décidé, à partir du milieu des années 80, de produire des rosés qui étaient en réalité rouges. Dès cette époque, la production de rosé commençait à prendre de la couleur et les consommateurs réagissaient favorablement à cette évolution. Le domaine de la Margotterie a cherché à élaborer des pineaux bien rouges en réalisant des macérations à l’alcool longues. Lors des vinifications, l’objectif était d’obtenir de belles couleurs et une structure ample en bouche qui, après trois ou quatre ans de vieillissement, donnaient un produit de couleur rouge intense, un peu oxydé et très riche. L’augmentation des ventes générées par ce nouveau produit a été significative pendant de nombreuses années mais certains clients faisaient remarquer que le pineau rosé était dans la réalité un produit totalement rouge. La couleur des pineaux se tenait bien au cours du vieillissement mais le caractère fruité disparaissait progressivement au fil des mois.

Chercher le fruit dans les raisins pour l’avoir dans les pineaux

Ch. Terrigeol a toujours trouvé que le fait de ne pas être en mesure de conserver le caractère fruité et frais des pineaux rouges jeunes au cours du vieillissement était dommageable. C’est en prenant connaissance du nouveau cahier des charges en 2007 qu’il a eu envie de faire une nouvelle qualité de pineau réellement rosée : « La mode des vins rosés en France a littéralement explosé au cours des cinq dernières années et sur notre propriété de Blaye Côtes-de-Bordeaux, cette production a pris de l’importance. Par ailleurs, les producteurs de porto se sont aussi engagés dans la production de rosés avec les portos Pink. Pourquoi le pineau resterait-il à l’écart d’une demande de produits aromatiques, fruités et frais. Pendant les salons, certains consommateurs nous faisaient remarquer que les pineaux rouges et blancs étaient très sucrés et manquaient de fraîcheur. Tous ces éléments m’ont incité en 2008 à élaborer un vrai pineau rosé et les consommateurs apprécient ce nouveau produit. Depuis, j’ai aussi élargi ma gamme de pineaux blancs en élaborant une qualité plus légère et très aromatique en utilisant les caractéristiques d’une parcelle de merlot blanc. » L’élaboration d’un pineau rosé fruité et vif en couleur a été abordée en faisant preuve d’une démarche de production bien différente de celle des rouges. Les rosés sont élaborés à partir de merlot récoltés à une maturité optimale. Ch. Terrigeol considère qu’il faut laisser mûrir les raisins jusqu’à ce que la saveur de fruité apparaisse dans les baies : « Il faut pousser la maturation phénolique suffisamment loin pour obtenir la saveur de fruit mûr. Certaines années, il faut être patient alors que d’autres, on y arrive assez facilement. Récolter au moment opportun est très important. Si les raisins au départ ne possèdent pas les saveurs de fruit on ne les aura jamais dans le pineau. »

Le caractère « flatteur » du rosé capte une nouvelle clientèle

La vendange éraflée est ensuite mise à macérer (macération à froid avec des enzymes) pendant 6 à 12 heures pour obtenir une couleur rose vive mais pas rouge intense. L’élaboration de pineaux rouges repose sur des macérations beaucoup plus longues avec un léger départ en fermentation dont l’apport de tannins stabilise la couleur. L’élevage des pineaux rosés est conduit pendant une durée courte n’excédant pas 15 à 20 mois dans des contenants de plus grandes capacités pour éviter l’oxydation et protéger les saveurs fruitées. Les pineaux rouges nécessitent un élevage beaucoup plus long avec des séquences oxydatives bénéfiques à l’évolution de la structure. Cela fait quatre ans que Ch. Terrigeol élabore des pineaux rosés fruités et la commercialisation de ce nouveau produit à plutôt bien démarré : « Le pineau rosé possède un nez de framboise tout en finesse et des saveurs en bouche légères, fruitées, qui rendent la sucrosité moins perceptible. La structure qualitative générale de ce produit est à la fois généreuse et flatteuse. Le pineau rouge, c’est un tout autre produit qui extériorise des arômes de cassis mûr, de fruits rouges et des saveurs en bouche complexes et rondes (ayant une grande persistance). Sur le plan commercial, on s’aperçoit que les deux produits ont leurs adeptes. Contrairement à ce que l’on a pu imaginer, il n’y a pas eu de transferts des amateurs de rouge vers le rosé. Ce produit a capté une nouvelle clientèle et récréé un intérêt au pineau. Avoir trois couleurs à la gamme, c’est très important ! ».

 

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