Couleur intense et structure souple

21 mars 2009

La Rédaction

La maîtrise de la couleur des Pineaux rosés devient un enjeu qualitatif et commercial majeur sur les exploitations qui commercialisent des volumes importants en bouteilles. Chaque année, l’élaboration des Pineaux doit répondre à des attentes qualitatives constantes et spécifiques sur le plan de la typicité. M. Jean-François Bertrand a mis en place sur son exploitation une démarche de vinification innovante pour élaborer des Pineaux rosés intenses en couleur et à la fois souples et gouleyants au niveau de leur structure.

m_jean_francois.jpgM. Jean-François Bertrand exploite un vignoble d’une cinquantaine d’hectares à Chevanceaux en Charente-Maritime, dont une partie importante des surfaces est consacrée à la production de Pineau des Charentes. La propriété est véritablement spécialisée dans cette production et le développement commercial constant et important qu’elle a connu depuis 25 ans a nécessité la mise en place d’une organisation globale à la vigne comme au chai. Depuis les années 70, l’activité n’a cessé de prospérer puisque actuellement 200 000 bouteilles de Pineaux sont commercialisées chaque année. Les ventes de rosés représentent un potentiel de 100 000 bouteilles/an, soit l’équivalent d’un volume de 750 hl, et ce viticulteur estime que la réussite commerciale de ce produit est liée en grande partie à son évolution qualitative : « Les clients sont demandeurs de produits colorés, stables, extériorisant des arômes variétaux et aussi une certaine diversité. Nous essayons de répondre à cette demande en élaborant des Pineaux rosés d’un rouge intense mais qui soient souples et gouleyants en bouche. »

Une recherche de maturité tout en préservant l’acidité et les arômes

L’élaboration de quantités importantes de Pineaux rosés chaque année avec des objectifs de qualité spécifiques est l’aboutissement d’une démarche globale qui commence à la vigne. Le choix de l’encépagement, 70 % de Merlot et 30 % de Cabernet Sauvignon, répond bien sûr à une problématique viticole mais aussi œnologique. Le Merlot est naturellement plus généreux en couleur et sur les sols de doucins, il mûrit progressivement et conserve de l’acidité. J.-F. Bertrand porte une attention particulière au suivi de la maturité de ce cépage précoce : « Sur les sols de doucins de l’exploitation, le déroulement de la maturation des Merlot est progressif et je ne recherche pas des concentrations en sucres qui dépassent 12 à 12,5 % vol. de TAV potentiel pour justement obtenir des moûts bien équilibrés en sucre et en acidité. L’acidité est un support de la structure aromatique et des Merlot surmûris conduisent à l’élaboration de Pineaux rosés qui ont perdu de la finesse aromatique et de la fraîcheur. Des niveaux d’acidité suffisants contribuent aussi à améliorer la stabilité biologique et la longévité des produits au cours du vieillissement. Le Cabernet Sauvignon est un cépage qui libère un potentiel de couleur pas aussi important que le Merlot mais, par contre, il est très intéressant sur le plan de l’équilibre aromatique et gustatif. Malheureusement, sa forte sensibilité aux maladies du bois et en particulier à l’eutypiose constitue un handicap vis-à-vis de la longévité des plantations. » La dizaine d’hectares de vignes destinées à la production de moûts rosés est conduite avec sagesse et technicité sur le plan de la vigueur et des rendements afin de concilier les exigences de bonne maturité et la préservation de l’acidité et des arômes.

L’extraction à chaud plus respectueuse des équilibres de couleur et d’arômes

Les aspects de vinification sont abordés sur cette exploitation avec une grande rigueur car, comme beaucoup de producteurs de Pineaux, J.-F. Bertrand et son père ont été confrontés à un certain nombre de déceptions avec la couleur des rosés. Les accidents de stabilité de couleur après 6 mois, un an… de vieillissement prématuré les ont amenés très tôt à veiller d’une part au parfait état sanitaire des raisins au moment de la récolte et d’autre part essayer d’extraire des potentiels de couleur beaucoup plus importants. L’expérience de ce viticulteur depuis trente ans est riche d’enseignement et c’est en essayant différentes méthodes d’extraction qu’il a « construit » la qualité de leur Pineau rosé. Les propos de J.-F. Bertrand sur ce sujet témoignent de l’importance de son investissement personnel dans la maîtrise de pratique innovante : « Comme beaucoup de producteurs, nous nous sommes vite rendus compte que les macérations simples de vendange fraîche ne permettaient pas d’obtenir des couleurs suffisantes sur l’intensité et de la longévité dans le temps. Les macérations à l’alcool de pellicules ont été la première évolution importante qui nous a permis de sortir de belles couleurs. Indéniablement, cette méthode donnait des résultats intéressants sur le plan de l’intensité colorante et de la stabilité de la couleur dans le temps ; par contre, la structure aromatique était trop standardisée. Des notes de cassis dominaient tous les lots et gommaient l’effet terroir, et je trouvais que ces Pineaux, après 12 à 18 mois de vieillissement, manquaient de finesse aromatique. Par ailleurs, à l’issue de mes études j’ai eu la chance de travailler au début des années 80 à la mise au point du prototype de la cuve RVS développée pour réaliser les premières macérations à chaud. J’avoue que cette technique avait éveillé mon attention et à mon retour sur l’exploitation familiale dans le milieu des années 80, j’ai effectué mes premiers essais d’extraction à chaud. Les résultats ont été encourageants sur le plan de la couleur, du respect des arômes variétaux et de la finesse. L’achat d’un premier groupe réversible de type Climat a permis de travailler sur des volumes plus importants. » A partir du début des années 90, les extractions de couleur à chaud sont devenues systématiques sur cette propriété car la facilité de conduite des macérations permettait d’obtenir des moûts et ensuite des Pineaux colorés, fruités et faciles à boire et stables dans le temps.

L’incidence de la maturité et de l’état de propreté des raisins

L’étape décisive a été franchie en 1999 quand un stagiaire a réalisé sur l’exploitation de M. J.-F. Bertrand un essai comparatif en quatre méthodes : une macération enzymatique à froid, une macération à chaud (à 35 °C) avec des enzymes, une macération à l’alcool à froid et une macération à l’alcool à chaud. L’étude de M. benoît Folléa a été menée avec le concours du CRITT agro-alimentaire Poitou-Charentes, du Syndicat des producteurs de Pineau et l’équipe de la Station Viticole du BNIC. Les conclusions de ce travail ont conforté l’intérêt des macérations à chaud avec des enzymes sur le plan de la qualité des moûts comme de la facilité de conduite des macérations. En 1999, J.-F. Bertrand a fait évoluer son équipement de chais pour optimiser la conduite des macérations à chaud. Il s’est équipé d’une batterie de 6 cuves inox de 150 hl sur pieds dotées de fonds cuillères pour faciliter les opérations de décuvage, d’une centrale de production d’eau chaude performante et d’un échangeur tubulaire pour chauffer les moûts. Aussitôt la récolte mécanique, la vendange est sulfitée (à des doses normales) et les enzymes sont apportées simultanément. A l’arrivée au chai, les raisins sont égrappés avec le plus grand soin, puis transférés par une pompe à queue de cochon dans les cuves de macération. A la base des cuves, des grilles d’égouttage intérieures permettent de recueillir les jus libres et de commencer à les réchauffer en utilisant l’échangeur tubulaire. La montée en température de 15 à 35 °C ne demande pas plus de 6 à 7 heures et la durée des macérations n’excède pas 18 heures.

La souplesse de la méthode

Au fil des années, J.-F. Bertand a acquis une certaine maîtrise technique dans la conduite des macérations et l’effet maturité de la vendange et millésime joue un rôle important : « Selon les années, la vendange possède une capacité à libérer les anthocyanes très variable. L’influence de l’état de maturité des raisins est indéniable et le système d’extraction dont nous sommes équipés actuellement permet d’adapter la conduite des extractions avec souplesse, en jouant à la la fois sur les durées des macérations et les niveaux de températures. A partir de la 6e heure, l’extraction est rapide et nous dégustons les moûts toutes les heures pour surveiller la qualité des extractions. L’objectif est de sortir des arômes, du fruité, de la souplesse mais surtout pas des notes herbacées et dures. Il faut parfois savoir décuver rapidement car en une heure les caractéristiques organoleptiques des moûts évoluent de façon surprenante. Chaque lot de vendange nécessite une approche de traitement différente. La mise en cuve d’une vendange parfaitement égrappée et propre (sans feuille et sans pétiole) est essentielle vis-à-vis de la qualité finale des moûts. » Actuellement, l’ensemble des volumes de vendange rouge de cette exploitation subit une extraction à chaud plus ou moins poussée. J.-F. Bertrand estime que cette pratique d’extraction de la couleur lui a permis d’élaborer des Pineaux rosés totalement en phase avec les attentes de sa clientèle et depuis 1999, il n’a rencontré aucun problème d’instabilité de couleur au cours du vieillissement.

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