La conception d’une programmation est définie au départ à partir d’une analyse des attentes souvent très diversifiées dans les différentes régions viticoles. Le pilotage des pressoirs pneumatiques est abordé sur des bases bien différentes de celui des pressoirs horizontaux puisque aucune mesure de pression n’est exercée au niveau du gâteau de marcs au cours du cycle de pressurage. Les cycles sont construits à partir de montées en pression successives exercées par le gonflement progressif de la membrane qui provoque l’extraction des jus par un effet de filtration dans la masse de vendange. La pression intérieure de la membrane sert de base de raisonnement au déroulement des cycles de pressurage de toutes les programmations. Les montées en pressions successives compensent le colmatage progressif du gâteau de marcs et provoquent l’écoulement des jus jusqu’au moment où elles deviennent inefficaces. Il se produit alors une phase de régénération du filtre par un émiettage (un rebêchage) qui casse le gâteau de vendange compact. Cette intervention est indispensable pour ensuite relancer une nouvelle séquence de pressurage avec une masse filtrante opérationnelle. La succession de différentes phases de pressurage conduit à la construction d’un cycle complet dont l’objectif est d’atteindre un niveau d’assèchement prédéfini ou choisi par le vinificateur. Les programmations plus évoluées de type Ortal et Organ sont pilotées à partir de mesures en continu de débit des jus. Aucune approche de pilotage des cycles de pressurage pneumatique repose sur des mesures de pressions exercées directement sur la vendange à l’intérieur des cages.
L’égouttage statique et la phase de pressurage à basse pression déterminants
Gérard Curassier, le responsable régional Bucher Vaslin pour la région de Cognac, estime qu’en Charentes la conduite des cycles de pressurage nécessite une véritable technicité : « En Charentes, la nature de la vendange après la récolte mécanique représente une contrainte particulière dont on doit tenir compte pour piloter les cycles. La proportion de jus libres et de baies éclatées importante constitue une spécificité. Le pressoir doit assurer l’écoulement des jus libres de manière efficace et en respectant les objectifs qualitatifs de la filière Cognac. Leur extraction doit s’effectuer assez rapidement et avec le minimum de pression pour obtenir des moûts bien équilibrés en bourbes. La notion d’égouttage statique des jus libres me paraît essentielle. Toutes les interventions en amont du pressurage ont une incidence forte sur l’état de la vendange qui est ensuite transférée dans les cages. Le pressurage étant le dernier maillon technologique de traitement de la vendange, c’est tout à fait normal qu’il soit considéré comme une phase clé du débat qualité des jus. Or, les conditions de remplissage des pressoirs influencent fortement l’élimination des jus libres et le déroulement ultérieur des cycles de pressurage. Les techniciens Bucher Vaslin estiment que des pressoirs de 50 ou 80 hl devraient être remplis en 30 à 40 minutes et ce temps total pourrait être scindé en deux ou trois séquences. Ces préconisations ont comme intérêt principal de laisser le temps au jus de se filtrer dans la masse de vendange. La réalité de travail dans certains chais est tout autre. Des chargements qui s’effectuent en 15 à 20 minutes ont des conséquences directes sur l’équilibre qualitatif des moûts. Un remplissage trop rapide avec des pompes de gros débits provoque dans les cages un effet de mise en pression de la vendange comparable à une séquence de pressurage mettant en œuvre des pressions de 1 à 1,5 bar. Le remplissage doit être géré de manière régulière en utilisant judicieusement les rotations de cages. Trop de rotations débouche sur un phénomène de surchargement des pressoirs et à l’inverse, leur absence engendre un colmatage plus rapide de la capacité d’égouttage ayant des effets de sur-pression sur la vendange. Les rotations de cages sont indispensables pour optimiser l’égouttage statique, mais il convient de les moduler en tenant compte de la nature de la vendange. »
Un programme automatique spécial Charentes
Ce cycle spécifique n’est pas figé. Il est possible d’intervenir à tous les niveaux pour adapter tous les paramètres du cycle aux spécificités de chaque millésime ou du parcellaire. Le constructeur assure une formation avant la mise en route des pressoirs chez les concessionnaires ou directement à l’usine de Chalonnes-sur-Loire. En 2011, la conception conviviale des programmes a permis aux concessionnaires et à certains viticulteurs de modifier les programmes sans difficultés pour adapter le pressurage aux fortes variations de nature de la vendange. D’autres programmes qui fonctionnent de manière séquentielle sont aussi proposés sur tous les matériels. Ils sont construits à partir des séquences incluant deux ou trois paliers de pression successifs avec des phases de maintien plus longues avant de réaliser les émiettages. Ces programmations séquentielles sont adaptées au pressurage de produits plus particuliers comme des sauvignon très mûrs ou des moûts destinés à l‘élaboration de crémants.
Une approche auto-régulée sur les pressoirs XPert
La conduite des cycles de pressurage en tenant compte du débit instantané des jus n’est pas une approche nouvelle puisque ce procédé est proposé par la société Bucher Vaslin sur les pressoirs XPert (modèles de 100 à 450 hl) depuis plus d’une dizaine d’années. Le procédé Ortal de pilotage du cycle qui est asservi au débit instantané des jus a démontré son intérêt dans de nombreux domaines viticoles en France et à l’étranger. Le principe de cette programmation intelligente repose sur l’installation de débitmètres performants à la sortie des collecteurs de jus. Ces équipements permettent en permanence de mesurer les débits de jus extraits. Les informations sont enregistrées et corrélées en temps réel aux variations de pression exercées par la membrane. Cela permet d’analyser la réaction de la vendange aux montées de pressions successives durant tout le déroulement du cycle. L’utilisation de ce procédé permet de gérer le déroulement de chaque cycle de pressurage de manière spécifique, en tenant compte de la capacité de la vendange à libérer leur jus. Les variations de nature de la vendange deviennent l’élément essentiel pour piloter les cycles de pressurage. L’utilisateur intervient avant le pressurage pour seulement choisir la durée totale du cycle et le niveau d’assèchement recherché (indice allant de 1 à 9). Le procédé Ortal gère ensuite de façon automatique toute la construction du cycle, la phase d’égouttage, les séquences de montées en pression, les durées de maintiens, le nombre et l’intensité des émiettages. A l’issue du cycle, le pressoir apprécie même le niveau d’assèchement obtenu. L’intérêt qualitatif de ce système de pilotage automatisé a été unanimement apprécié par les utilisateurs de pressoirs XPert, mais son coût relativement élevé ne le rend pas accessible pour les pressoirs de la gamme XPlus. La fiabilité du procédé Ortal repose sur l’utilisation de débitmètres performants et fiables qui sont malheureusement onéreux à l’achat.
Une auto-régulation personnalisée avec la programmation Organ
Plusieurs viticulteurs charentais ont été réceptifs aux enjeux qualitatifs de cette nouvelle programmation puisque plusieurs pressoirs XPlus seront équipés de ce système. Le constructeur va mettre en place un encadrement technique pour aider les vinificateurs à maîtriser ce nouvel outil.
Des viticulteurs de Touraine satisfaits du procédé Organ
Leur témoignage après les vendanges 2011 permet de se rendre compte des performances des deux technologies de pressurage : « En 2011, la maturation difficile nous a obligés à vendanger plus rapidement que l’on souhaitait. Il a fallu vraiment suivre de près l’évolution des raisins dans les différentes parcelles de sauvignon et intervenir au moment opportun. Les pressurages étaient difficiles à conduire avec le programme séquentiel du XPF car les paramètres qui donnaient de bons résultats un jour s’avéraient inadaptés le lendemain. On a passé beaucoup de temps derrière ce pressoir. Avec le procédé Organ, le pilotage du cycle se faisait tout seul dans de meilleures conditions. Les jus du début et du cœur de cycle étaient plus clairs et, à la dégustation, le caractère végétal était peu présent. La proportion de jus de presse a été aussi beaucoup plus réduite, ce qui pour nous est très intéressant sur le plan économique. Avec un temps de pressurage identique (2 h 30), on a obtenu des niveaux d’assèchement satisfaisant. Le surcoût d’investissement d’environ 4 000 € ht dans la programmation Organ nous a permis depuis deux ans d’améliorer la qualité des jus et de réduire nettement la proportion de vins de presse. »
Le domaine des Corbillières à Oisly est une propriété renommée pour la qualité des vins de sauvignon blanc. Dominique Barbou, qui vinifie chaque année la production de 16 ha en appellation Touraine blanc, porte une attention particulière au pressurage.