Incontestablement, sur la couronne de la gastronomie charentaise, le Cognac est LE joyau des joyaux… bien sûr le Pineau y brille aussi de tous ses feux…mais il serait dommage, se laissant aveugler par leur éclat, de passer à côté de bien d’autres merveilles qui émaillent le territoire de nos deux départements. Profitant de ces périodes de fêtes qui aiguisent les appétits, « Le Paysan Vigneron » vous invite à un voyage gourmand sur les terres de Charente.
Stars des tables de réveillons ou petites douceurs quotidiennes, tradition préservée ou brillante innovation, la liste en est si longue que les étapes choisies pour cette promenade ne pouvaient être exhaustives ; nous nous en excusons à l’avance auprès de ceux qui n’en font pas partie.
Nous vous présenterons aussi quelques-uns des gourmands qui se mobilisent pour ces produits, pour les défendre et les promouvoir, qui démontrent qui plus est que la gourmandise et la convivialité vont souvent de pair avec la générosité. Nous vous invitons enfin, si vous le souhaitez, à passer derrière les fourneaux pour tester quelques-uns de ces produits, grâce aux recettes, élaborées par de grands chefs, gracieusement offertes aux lecteurs du « Paysan Vigneron » par Charente Terre de Saveur.
L’or rouge
On commence peu à peu à le savoir : en dépit du parfum d’Orient qu’il traîne derrière ses pistils, le safran, cet épice mystérieux et si précieux – 1 gramme de safran vaut plus cher qu’un gramme de caviar – était une culture importante en Poitou-Charentes au XVIIIe siècle. Certains marchés, comme celui de Champniers, attiraient les acheteurs de toute l’Europe. Quelques hivers rigoureux ajoutés à la mainmise de la vigne sur les terres charentaises, et la culture du safran tombait dans l’oubli… Pas tout à fait pourtant, car il y a bientôt dix ans, quelques passionnés ont décidé de la faire revivre.
C’est un travail de longue haleine car le safran est extrait d’une fleur de crocus, ces jolies fleurs violettes qui fleurissent en automne. Cette fleur cache un pistil composé de trois stigmates rouges, qui, une fois séchés, deviendront du safran. Cent cinquante à deux cents fleurs sont nécessaires pour obtenir un gramme de safran pur. La récolte du safran, qui ne dure que quelques semaines, ne peut être que manuelle et demande beaucoup de patience et de précision.
Ce lourd investissement explique le coût élevé de cet « or rouge », mais aussi les nombreuses fraudes qui parasitent le marché en proposant des produits coupés de curcuma ou de brique pilée. Pour que les consommateurs puissent profiter en toute sécurité des richesses du safran d’ici, les producteurs ont fondé en 2007 l’association « les Safraniers du Poitou-Charentes » et travaillent avec l’IRQUA qui les a aidés à élaborer un cahier des charges et à identifier la qualité de leur produit grâce au logo « Signé Poitou-Charentes ».
Pas (encore) tout à fait oubliée…
Mais pourra-t-on encore déguster de la jonchée dans 10 ans ? Ce dessert d’un autre temps est bien plus endémique de Rochefort que les demoiselles de Jacques Demy qui n’ont vu le jour qu’en 1967. Impossible de dater l’invention de la jonchée, mais sa consommation est attestée dès le Moyen Age. Sa fabrication est aujourd’hui très marginale : une fois le lait caillé, et préalablement aromatisé à l’eau de laurier-amande, il est moulé en longueur jusqu’à ressembler à un ballon de rugby dégonflé, avant d’être placé sur un petit lit de joncs tressés qui vont assurer son emballage naturel. 24 heures plus tard, le lait s’est égoutté et il ne reste plus qu’à démouler et consommer. Plus elle est fraîche, meilleure elle est (au goût de la rédactrice, en tout cas !). Hélas, l’eau de laurier et les joncs, qui font toute la typicité de ce petit fromage, sont de plus en plus difficiles à trouver et la jonchée ne supporte pas le transport… Mais si vous avez l’occasion de passer par Rochefort, tentez votre chance et étonnez votre palais tout en douceur !
Des poissons heureux
Vous les rencontrerez à Gensac-la-Pallue. Dans ce joli bourg situé entre Jarnac et Cognac, un jeune pisciculteur élève depuis 2007 des truites arc-en-ciel et fario, ainsi que des saumons de fontaine. Alimentés par l’eau du Gouffre – une importante résurgence qui donne naissance à un tout petit affluent de la Charente, le Ri de Gensac – les bassins de la pisciculture du Moulin offrent aux poissons tout le confort d’un 5 étoiles…pour poissons : une température constante spécialement adaptée à leur croissance, une faible densité d’élevage (environ 30 kg par m3 contre 100 en moyenne pour les élevages intensifs) et le temps de grandir et de grossir, grâce à une nourriture adaptée. Les truites sont commercialisées vivantes, en filet, en carpaccio mais aussi fumées car la pisciculture possède son propre fumoir…des produits qui séduisent de plus en plus de restaurants de la région. La pisciculture du Moulin élève aussi des esturgeons pour une future production de caviar quand ils seront arrivés à maturité… À suivre.
Cocorico
C’est en 1997 que l’Association pour la sauvegarde de la poule de Barbezieux (Aspoulba) voit le jour. Quelques passionnés décident de relancer l’élevage de ces volatiles qui ont fait le renom de Barbezieux pendant des siècles avant de tomber dans l’oubli après la guerre. Pendant plus de 10 ans, ces acharnés ne vont pas mesurer leurs efforts pour parvenir à leurs fins. Ils vont pister les quelques sujets qui survivent encore dans les basses-cours du canton pour constituer en 2001 un cheptel de 7 « familles ». Elles seront envoyées aux spécialistes du Centre pour la reproduction des volailles de Bresse qui les approvisionnera en poussins pendant plusieurs années, avec tous les aléas liés aux problèmes du transport. En parallèle, les membres de l’association poursuivent leurs recherches pour mettr e au point l’alimentation adéquate pour cette volaille à la chair giboyeuse et à la croissance lente puisqu’elle dure de 110 à 120 jours (contre 80 jours en moyenne pour les Label Rouge et 28 jours pour les poulets élevés en batterie). Ce travail acharné a d’ores et déjà été reconnu par un « Signé Poitou-Charentes » de l’IRQUA. En outre, l’ensemble de la filière s’est regroupé cette année en Charente : l’Aspoulba dispose désormais d’un troupeau de poules pondeuses et d’un couvoir pour la naissance des poussins à Châteauneuf-sur-Charente, une étape essentielle pour la stabilisation de la race et de la production.
Autre trésor de Grande Champagne
A Bouteville, au cœur du plus prestigieux des terroirs du Cognac, la Vinaigrerie du Château partage l’exigence de qualité qui anime les viticulteurs de Grande Champagne. Respectueuse de l’héritage des grands vinaigres traditionnels, elle fabrique uniquement des produits artisanaux et entièrement naturels. Parmi eux, le Baume de Bouteville choisi par de nombreux chefs renommés et étoilés pour agrémenter leurs cartes gastronomiques de saveurs acidulées : mélange de vinaigre fort de vin blanc et de moût concentré, issus des meilleurs cépages de la Grande Champagne (et notamment du cépage « ugni blanc »), le Baume de Bouteville est élaboré, en octobre, au moment des vendanges, avant de vieillir au minimum 18 mois dans des fûts ayant contenu du Cognac. La douceur de ce condiment, qui n’atteint pas les 6° acétiques prévus par la législation française pour l’appellation « vinaigre », en fait le compagnon idéal pour de nombreuses préparations.
Il s’utilise en salade ou en cuisine, pour le déglaçage, les marinades, pour accompagner un poisson ou exalter, par ses notes acidulées, un dessert original.
Le nouveau nectar d’un distillateur du cognac
Mariage subtil