2017 : un millésime de diversité « impacté » en avril et « bonifié » en septembre

8 novembre 2017

La récolte 2 017 restera marqué dans les mémoires des viticulteurs en raison bien sûr des conséquences du gel et aussi de part son caractère imprévisible tout au long de la saison. La perte de production volumique sera très significative mais pas aussi importante que certains observateurs l’avaient imaginé aussitôt le sinistre. Les premiers échos de la qualité des vins laissent penser que la diversité des états de maturité au moment de la récolte a engendré des profils de vin bien différents dont la distillation demandera de la technicité.

À l’issue des vendanges, le millésime 2 017 est réellement très difficile à appréhender sur le plan des rendements et de la qualité. L’impact du gel sera sans doute significatif et très variable selon les secteurs de la région délimitée. Les remontées du terrain par les courtiers et les œnologues attestent de la diversité des situations, des volumes très modestes de 2 à 5 hl d’AP / ha dans les secteurs touchés à plus de 70 %, des niveaux de productions de 6 à 9 hl d’AP / ha en présence de dégâts de 30 à 50 % et de 10 à 13 h d’AP dans les fractions de vignobles épargnées.

 

 

Une production régionale qui devrait se situer entre 7,5 et 8,5 hl d’AP / ha

 

       Le fait que le gel ait affecté pratiquement toutes les communes amplifie les disparités de production. Le bon, le moyen côtoient souvent la rareté souvent dans un environnement de quelques kilomètres. De nombreux observateurs pensent que le niveau de rendement moyen de la région se situera entre 7,5, 8 à 8,5 hl d’AP/ ha. Les propriétés qui ont vendangé entre le 18 et 30 septembre ont tiré le meilleur profit de la précocité de l’année, des bienfaits volumiques des pluies et d’une accélération de la maturation au « finish ». Un tel volume de production régional est tout de même une bonne surprise suite à un sinistre qui avait touché plus de 40 % de la surface totale du vignoble. À titre de comparaison, le niveau de production en 1991 avait été de 4,65 hl d’AP/ha (48,4 hl/ha à 9,64 et un volume régional de production de 367 972 hl d’AP) mais plus de 70 % des surfaces avaient été touchées par le sinistre. Les volumes distillés au cours de la campagne 2017-2018 se situeront entre 500 000, 550 000, peut-être 600 000 hl d’AP ce qui est à la fois insuffisant par rapport aux besoins, satisfaisant  compte tenu de l’ampleur des dégâts et révélateur du bon état agronomique du vignoble. Indéniablement, les efforts de développement de la productivité déployés depuis 10 ans et la précocité de l’année ont permis de compenser partiellement les effets du gel. Les vignes épargnées par le gel ont généralement atteint des niveaux de production élevés qui ont fait beaucoup de bien « à la moyenne régionale ».

 

La climatologie des trois premières de septembre a changé « la donne »

 

      L’événement marquant du millésime 2 017 s’est déroulé durant les trois premières semaines de septembre pendant la phase de maturation finale des raisins. Le cycle végétatif qui s’annonçait ultra-précoce a été brusquement « contrarié » par deux semaines fraîches et pluvieuses. Les précipitions moyennes de 50 à 60 mm ont littéralement changé « la donne ». La maturation des raisins s’est ralentie et a évolué d’une manière très diversifiée et atypique. Un tel événement climatique est assez inhabituel dans notre région ou depuis deux décennies, les mois de septembre sont en général beau et ensoleillé. La réaction des vignes à ce contexte a été amplifiée par les effets terroirs et pratiques culturales qui ont été plus marqués. Cela a induit de nettes différences d’évolution de la maturité dont l’impact s’avère déterminant sur le profil de qualité final des vins.

 

L’augmentation des potentialités agronomique amplifie les différences de maturité entre les terroirs

       Depuis une décenn

ie, les efforts des viticulteurs engagés pour rénover le vignoble, mieux conduire les parcelles, apporter des fumures régulières,…. ont permis de stimuler les potentialités agronomiques des différents terroirs des propriétés viticoles. D’une manière générale, les niveaux de rendements semblent être à la hausse quelque soit la nature des sols et la situation des parcellaires. Même après des sinistres climatiques de grêles ou de gel, les vignes en forme ont une meilleure capacité de réaction. Cette augmentation de la productivité des vignes s’accompagne d’une différenciation plus nette des potentialités de maturation des différents terroirs. Les écarts de maturation entre des parcelles de plein coteaux, de mi-coteaux, de plaine, de terres superficielles, moyennement profond ou très généreux semblent de plus en plus marqués.

 

Des écarts de maturité de plus de 10 jours entre  différents îlots

 

       En 2017, dans les zones gelées à plus de 50 %, les facteurs potentialités agronomiques et nature des sols se sont révélés déterminants vis-à-vis de la réaction des parcelles et de la productivité finale. Dans des vignes gelées de 25 ans et plus, les rendements n’excédaient pas 20 à 30 hl/ha alors que dans les parcelles en forme, ils franchissaient souvent la barre des 40 hl/ha. Dans les zones épargnées par le gel, l’incidence cumulée des effets terroirs et agronomiques a été cette année très significative sur les niveaux de rendements et  l’évolution de la maturation. En 2017 tout s’est vraiment joué au « finish » et les effets sols et pratiques culturales ont été très perceptibles. L’écart de maturité entre des environnements de production différents pouvait dépasser dix jours. Il est vrai que le contexte climatique pluvieux et frais jusqu’au 15, 17 septembre est venu amplifier les réactions parcellaires durant la toute dernière phase de maturation.

 

Le gros dilemme du choix de la date de vendange idéale

 

      Au 10 septembre, les différences d’état d’avancement de la maturation étaient fortes et l’état sanitaire des raisins était encore bon. Un certain nombre de parcelles à cette date avaient atteint l’équilibre TAV potentiel-acidité théorique idéal pour la filière Cognac (9 à 9,5 de TAV potentiel et des pH de 2,90 à 3) mais étaient-elles réellement arrivées à l’optimum de maturité ? Le risque latent de développement du botrytis devait-il être l’élément déclencheur d’une récolte précoce ? Fallait-il au contraire avoir la patience d’attendre que cette période climatique défavorable se termine pour démarrer les vendanges ? L’arrivée des pluies ne pouvait-elle pas un événement bienfaiteur dans toutes les parcelles portant un volume de récolte de 40 à 80 hl/ha ? Une récolte trop précoce ne pouvait-elle pas entraîner des pertes économiques significatives dans les propriétés touchées par le gel ? Ces quelques interrogations résument le dilemme auquel ont été confrontés les vinificateurs de la région pour choisir l’époque de vendange idéale et organiser leur planning de récolte.

 

Trois périodes de vendanges étalées entre le 10 septembre et le 7 octobre

 

       La nature a eu le dernier mot mais les écarts de maturité entre les différents îlots sont restés importants jusqu’à la fin du mois de septembre. Il y a eu trois périodes de vendanges, distinctes, qui se sont étalées entre le 10 septembre et le 7 octobre. La première précoce est intervenue entre le 10 et 18 septembre, la seconde plus idéale entre le 19 et 29 septembre et la troisième tardive entre le 01 et 7 octobre. L’étalement des vendanges et les disparités des volumiques entre les parcelles sont à l’origine de beaucoup d’interrogations sur les outils d’analyses de la maturité Cognac. Les moyens techniques actuels ont peut-être montré leurs limites dans le contexte d’une année de rareté de récolte. On ne peut pas reprocher aux viticulteurs touchés par le gel d’avoir eu comme priorité de rechercher l’alcool pur ! Concilier les enjeux qualitatifs et enjeux économiques est essentiel pour les viticulteurs et la longévité du potentiel de production régional.

 

 

Les vendanges précoces étaient-elles en phase avec la maturité aromatique

 

       La première époque de vendanges que l’on peut qualifier de précoce est intervenue entre le 10 et 18 septembre. Des préconisations incitant à démarrer les vendanges rapidement ont été faites en s’appuyant sur des résultats de contrôles de maturité régionaux qui indiquaient qu’un nombre significatif de parcelles avait atteint au 10 septembre les bons ratios sucres potentiel acidité. Un certain nombre d’observateurs et d’œnologues de terrains pensaient eux que malgré les bons indicateurs analytiques que les raisins n’étaient probablement pas à l’optimum de maturité aromatique des raisins. À cette époque, le décrochage des raisins par les premières MAV en fonctionnement nécessitait des efforts plus intenses même dans les parcelles peu ou pas gelées ou la maturité paraissait homogène. Les vignes portant une récolte généreuse accusaient un net retard lié aux conséquences des mauvaises conditions climatiques d’août. Dans les secteurs gelés, le décalage de maturité était encore plus marqué et les niveaux de TAV potentiel étaient encore très souvent en dessous 9 % Vol. L’état sanitaire des raisins se tenait bien même si dans quelques parcelles, des foyers de botrytis étaient présents.

 

La période idéale de vendange se situait sûrement entre 18 et 29 septembre

 

La deuxième période de vendange, du 18 au 29 septembre, a représenté le créneau idéal par rapport aux aspects de maturité technologique et aromatique. Le retour du beau temps à partir du 17 septembre a relancé le processus de maturation ce qui a permis en quelques jours d’homogénéiser la maturité des raisins dans toutes les parcelles. Il s’est produit un phénomène de rattrapage avec un gain de niveau de TAV de plus 1 % Vol, une baisse de l’acidité mais les écarts de maturité sont restés forts selon les terroirs et les volumes de production. Le botrytis latent depuis le 10 septembre s’est développé de façon très disparate, parfois de façon significative dans les sites sensibles (les terres fortes, les zones touchées par les vers de la grappes, les parcelles stimulées par des fumures azotées trop fortes, au niveau des raisins compacts de certaines zones gelées …  ) et est resté très discret ailleurs. La dégradation de l’état sanitaire ne constituait pas dans cette deuxième période de vendange une véritable urgence généralisée. Il fallait simplement récolter les parcelles sensibles en priorité. Les propriétés qui ont récolté entre 18 et 29 septembre ont généralement gagné en volume, en niveau de TAV (un gain de 0,5 à 1 hl d’AP /ha) sans que le potentiel de qualité en soit affecté.
La dernière séquence de vendange à partir du 1er octobre s’est avérée beaucoup moins intéressante sur le plan qualitatif.
Le botrytis a continué de se développer dans les parcelles sensibles et les niveaux d’acidité ont rapidement chuté. La conjonction de ces éléments risque de rendre les conditions de conservation des vins beaucoup plus délicates.

Un  vrai besoin de moyens novateurs pour caractériser la maturité Cognac

      Le ratio des niveaux de TAV potentiel et d’acidité optimum a-t-il représenté en 2017 un outil d’aide à la décision fiable pour optimiser la date de vendange idéale des 77 000 ha de vigne de la région ? L’acquisition de nouvelles données scientifiques extrapolable au nombreux contextes de productions manque cruellement. Ce millésime démontre qu’i faut aller pour aller plus loin dans la caractérisation du potentiel de maturité Cognac afin de mieux s’adapter  aux des divers effets, de situation géographique, de nature des sols, de situation et d’exposition du parcellaire, de conduite des vignes, … . Il manque en Charente un indicateur de maturité aromatique comparable au dosage des thiols pour les productions de vins blancs secs de sauvignon.

 

 Un capital de qualité plutôt bon qu’il faudra surveiller

 

       L’autre enseignement de ce millésime réside dans la grande disparité de profils de qualité des vins. En 2017, la nature des vins de distillation sera très diverse avec des lots peu à moyennement alcoolisés et acides, des cuves bien équilibrées, des vins de 11 à 12 % vol peu acides, quelques citernes affectées par le botrytis, …..  . Les œnologues de terrain ont déjà pris la juste mesure de cette diversité d profils de qualité des vins. D’une manière générale, les fermentations alcooliques se sont bien déroulées même si les tes teneurs en azote ammoniacales des moûts étaient parfois faibles. Le déroulement des cinétiques fermentaires a été rapide et les conditions de températures ont parfois favorisé l’expansion des flores indigènes de levures. Les chais équipés de moyens de maîtrise thermiques simples ou plus sophistiqués ont été en mesure bien contrôler la thermie des fermentations. Ensuite, les fermentations malolactiques se sont effectuées avec facilité durant la climatologie plutôt chaude de la deuxième décade d’octobre. L’importance de la chute d’acidité a été forte car les teneurs en acide malique étaient élevées. Beaucoup de cuves ayant fait leur FML ont des niveaux de pH supérieurs à 3,20, 3,30 et des acidités volatiles inférieures à 0,30. A priori, le capital de qualité de ce type de vins semble pour l’instant bon mais une vigilance accrue (surveillance des plein, inertage des cuves en vidange) de leurs conditions de conservation sera indispensable.

    

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