2016, un millésime d’excès propice à la qualité et moyen en rendements

4 novembre 2016

     2 016 est un millésime fait de grosses déceptions et de belles réussites. La nature s’est montrée rebelle et a fait preuve de rudesse dans de nombreuses zones de la région délimitée. La qualité des raisins est rendez-vous de ce millésime mais par contre leur quantité est très jalouse. Les pluies de la mi-septembre ont permis d’une part de gonfler des rendements annoncés maigres et de valoriser le potentiel de qualité. Ce cycle végétatif a révélé l’importance d’avoir une démarche juste et pérenne de l’entretien agronomique des vignes. Les accidents et les excès climatiques ont malmené beaucoup de ceps de vignes dont on peut se demander s’ils retrouveront leur niveau de productivité normal en 2017.

 

Les premiers échos de la récolte 2 016 révèlent de belles, de moyennes et aussi de mauvaises récoltes. D’une manière générale, les viticulteurs ont rentré dans leurs chais de la vendange saine et mûre et des volumes très variables. Le beau potentiel de qualité des raisins et la grande hétérogénéité de la production sont les deux éléments marquants du millésime. La succession d’incidents climatiques (gel et grêle), les mauvaises conditions de floraison, l’impact de la sécheresse, les phénomènes de griffure ont eu une incidence négative sur le potentiel de production de l’ensemble de la région délimitée. Dans les secteurs non touchés par la grêle et le gel, les différences de comportement des îlots parcellaires ont été importants. Certains vignobles semblent avoir assez bien supporté la sécheresse estivale alors que d’autres ont littéralement décroché. Ce constat assez fréquent interpelle et soulève de véritables interrogations sur l’importance de la conduite des itinéraires agronomiques.

 

Les conditions d’un été sec comme celui 2 016 risquent de devenir plus fréquentes

 

      Le cycle végétatif 2 016 avec notamment une situation de sécheresse estivale prolongée que beaucoup de viticulteurs et de techniciens qualifient d’exceptionnel ne risque-t-il pas de devenir un scénario courant d’ici une petite décennie ? L’évolution climatique est une réalité qui a eu et aura des conséquences sur les phases essentielles du cycle végétatif. Des étés secs comme celui de 2016 risquent de devenir encore plus fréquents. Une plante pérenne comme la vigne est en mesure de s’y adapter dans la mesure où son implantation et sa conduite lui en donnent les ressources. Les différences de « tenue » au régime sec des vignes au cours de l’été 2016 méritent donc d’être analysées avec justesse. Une véritable réflexion technique sur l’adaptation des itinéraires agronomiques à des contextes de sécheresse estivale devra être conduite par les acteurs techniques de la région délimitée. Cela constitue sans aucun doute un sujet d’étude prioritaire pour le maintien des potentialités de production quantitatif et qualitatif du vignoble dans les années à venir.

 

Un grand millésime pour les vins de pays Charentais

 

      2 016 sont un très bon millésime pour la filière vins de pays Charentais car « la qualité et la quantité étaient là » ! Les volumes de production devraient enregistrer cette année une augmentation significative. Les cépages blancs, le chardonnay, le sauvignon et le colombard ont pleinement profité du bel été et des pluies de la mi-septembre qui ont fait gonfler les baies sans les diluer. L’état sanitaire des raisins s’est parfaitement tenu ce qui a permis d’attendre leur pleine maturité aromatique. Leur récolte est intervenue entre 15 et 30 septembre. Durant cette période, le potentiel aromatique des divers cépages avait atteint son niveau maximum. Les rendements des sauvignons et des colombards atteignaient fréquemment 80 hl/ha et voire plus. Les vinifications ont peu être conduite dans l’optique d’une recherche d’extraction maximum du potentiel de qualité. Les premiers vins bruts de chardonnay, de sauvignon et de colombard révèlent un bon équilibre alcool acidité et une structure aromatique au nez et en bouche riche et intéressante. Les niveaux d’acidité des vins faits de sauvignon et de colombard ne sont pas aussi faibles que l’on pouvait le craindre. En rouge, les merlots avaient atteint leur pleine maturité phénolique au moment de leur récolte dans la première semaine d’octobre. Les vins de ce cépage possèdent des couleurs stables et intenses, des notes fruitées de fraise, de cassis développées et des structures tanniques amples et soyeuses. Leur structure qualitative un mois après leur récolte semble assez comparable à celle de grands millésimes comme 2 009 ou 2 010. Les cabernets francs ont eux aussi bien mûri et leur potentiel de qualité était cette année très adapté à l’élaboration de vins rosés de belle typicité. Les vinifications en rouges à partir de cabernets francs bien mûrs révèlent aussi de belles potentialités. Le pinot noir a donné des vins typés et intéressants sur le plan qualitatif mais pas généreux sur le plan des rendements. Le cabernet sauvignon a tiré le meilleur profit du climat sec jusqu’au 15 octobre car son état sanitaire s’est globalement bien tenu.

 

Des pineaux blancs, rosés et rouges prometteurs

 

      La filière Pineau des Charentes bénéficie aussi d’un millésime de grande qualité et généreux en volume. En blanc, l’évolution des parcelles d’ugni blanc, de montils et de colombard conduites avec modération ont permis d’obtenir des raisins à maturité idéale. L’équilibre sucres acidité a été atteint sans aucune contrainte et le potentiel aromatique des moûts de colombard était particulièrement intéressant. 2 016 semble être un millésime idéal au niveau du potentiel de maturité et de la structure aromatique des colombards. Malgré ce beau potentiel de qualité, les quantités de pineaux blancs produites en 2016 seront probablement inférieures à celles des deux dernières années. Les difficultés rencontrées sur les marchés par les opérateurs commerciaux semblent avoir créé un contexte plus morose au niveau des transactions de vrac. Ce contexte a incité un certain nombre de producteurs de pineaux blanc à affecter une partie de leurs surfaces de cépages de pineau blancs à double fin sur la filière Cognac. En rosé et en rouge, la production s’annonce très belle en qualité. Les merlot avaient atteint un gros potentiel de sucres et une maturité phénolique optimale au moment de leur récolte. Les lots de pineaux rosés et rouges élaborés par pressurage direct ou après des macérations préfermentaires (enzymatique, à l’alcool ou sulfitique) bénéficient d’une structure complexe et prometteuse. Le gros potentiel en sucres et la forte maturité phénolique des raisins de merlots ont permis d’envisager des débuts de fermentation sous marc qui confèrent aux pineaux rouges une typicité différente. Lest deux autres principaux cépages, les cabernets franc et sauvignon ont eu aussi atteint des niveaux de belle maturité propices à l’élaboration de lots équilibrés en couleur et riches sur le plan aromatique.

 

Des dégâts de gel qui avaient été souvent sous-estimés

 

      La production de vins de distillation est cette année très hétérogène en volume en raison de l’importance des aléas climatiques (le gel et la grêle), des mauvaises conditions de floraison et de l’incidence de la sécheresse. L’impact des gelées de printemps a été sous-estimé dans de nombreuses zones du vignoble qui sont habituellement moyennement exposées. Dans les secteurs très gelés, les rendements n’ont pas dépassé 30 à 70 hl/ha mais ces vignes ont globalement mieux supporté la sécheresse estivale. Dans la zone du Pays Bas plus touchée par le gel, la ressource des sols profonds a permis finalement de limiter les pertes de production quand l’entretien des vignes a été piloté avec sérieux. Le très bon état végétatif en fin de saison des parcelles gelées laisse espérer un retour à un développement tout à fait normal en 2017. La présence de bois normalement développés et surtout bien aoûtés même s’ils ne sont pas toujours bien placés, représente un capital de taille intéressant pour l’année prochaine. La faible charge de raisins portée par les vignes gelées a aussi favorisé le processus de mises en réserves en fin de saison dont l’importance est indéniable sur la qualité du débourrement.

 

La grêle de fin mai a encore « fait très mal »

 

Ensuite l’ampleur des différents épisodes de grêle a fait chuter fortement la productivité d’un certain nombre de propriétés. Les vignes grêlées précocement fin mai avaient bien redémarré mais au final leur production s’avère maigre (10 à 30 hl/ha). Leur cycle végétatif s’est effectué avec un grand décalage et la qualité des bois s’en trouve affectée. Indéniablement, le potentiel de beaux bois de taille sera limité ce qui aura un impact sur le potentiel de production de la prochaine récolte. Les retours d’expériences des vignes fortement grêlées en 2014 ont mis en évidence que l’année suivante, les niveaux de rendements étaient encore assez fortement impactés, entre 40 et 80 hl/ha en fonction de l’état d’entretien agronomique des parcelles.

 

Les vignes grêlées en juillet et septembre ont tiré profit d’une récolte plus tardive

 

      Les parcelles grêlées tardivement fin juillet ou à la mi-septembre ont pu bénéficier des bonnes conditions climatiques de l’arrière-saison. Les raisins nettement plus abîmés sur une seule face des rangs ont pu reprendre un cycle de maturation. Le fait de retarder la récolte jusqu’au 05, 10 octobre a souvent permis de rentrer des raisins globalement sains, enrichis en sucres potentiels et même de gagner « un peu de volume ». Les niveaux de rendements dans les parcelles touchées à 50 à 80 % se situent entre 3 et 6 hl d’AP/ha. La vinification de cette vendanges atypique et enrichie anormalement en débris végétaux a été complexe. Les vinificateurs qui ont su déployer de l’énergie pour traiter en douceur ces grappes fragiles, et clarifier les moûts avant les mises en fermentation se trouvent récompenser de leurs efforts. Certes, les vins n’ont pas un profil de qualité idéal mais ils ne présentent pas non plus de déviations qualitatives trop marquées. Les premières analyses révèlent des teneurs en marqueurs de trituration au-dessus de la moyenne. L’incertitude importante dans les vignes grêlées fin juillet se situe au niveau de la qualité des bois de taille. Les blessures profondes dans les bois et des conditions d’aoûtement retardées et perturbées laissent craindre de mauvaises conditions de mises en réserves qui sont toujours pénalisantes pour le cycle végétatif suivant.

 

Un impact net de la sécheresse dans les sols argileux lourds et dans les terres de groie

 

      Dans les secteurs non gelées et non grêlées, l’impact de la sécheresse sur les niveaux de productivité des parcelles a été très perceptible. Dans les sols lourds avec des horizons profonds argileux et compact, les vignes ont donné l’impression de s’être littéralement bloquées. Leur développement à partir du 20 août et les pluies de la mi-septembre n’ont pas réellement relancé leur cycle. La productivité de ces parcelles en grandes souffrances a été décevante en volume et titre alcoolique potentiel (40 à 70 hl/ha maximum). Les techniciens suivant divers vignobles dans ces types de sols ont observé des différences de résistances à la sécheresse notables qu’ils relient à l’âge de la vigne et à l’état agronomique global des parcelles. Les vignes implantées et conduites avec justesse et constance sur plan agronomique (maintien du capital ceps, taille maîtrisée et équilibrée, fumure régulière, entretien des sols raisonné, ….. ) dans le temps ont beaucoup mieux résisté que celles qui sont gérées avec une philosophie économique de court terme. Les terres de groies légères ont également pâti de la sécheresse car naturellement les réserves hydriques sont moindres. Le niveau d’enracinement en profondeur des souches dans ce type de sol a souvent été le facteur clé de la plus ou moins grande capacité des parcelles à résister à la sécheresse. Les plantations de 3 à 12 ans ont généralement beaucoup souffert et leur productivité s’en est trouvée affectée. Les vignes les plus affectées avaient dès la fin août perdu une partie de leurs feuilles et les grappes n’ont pas évolué même après les pluies. Au moment de la récolte, la quantité de vendange était souvent là mais le rendement en jus lors du pressurage était faible. Globalement dans les zones de terres de groies séchantes, les rendements moyens ne dépassent pas 80 à 90 hl/ha. Cela concerne un vaste secteur situé au nord de Jarnac en allant vers Angoulême et Barbezieux.

 

Un secteur plus productif au sud d’un axe Archiac, Pons, Saintes

 

      Le secteur le plus productif de la région délimitée se situe dans une vaste zone en dessous d’une ligne Saintes, Pons, Archiac et Baignes. D’une manière générale, la plupart des propriétés situées dans ce secteur produiront 11 à 12 hl d’AP/ha avec toujours des disparités liées à l’état agronomique des vignobles. Dans certaines « poches » locales et limitées en surface, les effets combinés de vignerons impliqués et d’une climatologie un peu plus arrosées ont permis d’atteindre des niveaux de rendements généreux. Dans le cœur de la région, l’hétérogénéité de production a été forte. Certaines propriétés peinent à produire 8 à 9 hl d’AP/ha alors que d’autres font le plein.

 

Une production moyenne autour de 9,5 hl d’AP / ha

 

Au vu de tous ces éléments, les acteurs de la filière ont un certain mal à apprécier le potentiel de production moyen. Les divers recoupements émanant principalement des courtiers laissent penser qu’en moyenne le rendement volumique devrait se situer entre 90 et 100 hl/ha avec un niveau de TAV de 9,5 % vol. Une production de 9,5 hl d’AP/ha est au final tout à fait satisfaisante compte tenu de la complexité du cycle végétatif 2 016. Avec le recul, on peut penser que sans les pluies bienfaitrices du 13 septembre, le rendement moyen régional aurait été de réduit de 1 à 2 hl d’AP/ha et là la récolte aurait été mauvaise dans beaucoup de propriétés. Les vinifications se sont déroulées dans d’assez bonnes conditions en présence d’une vendange saine. Seule la fraîcheur de quelques matinées a posé quelques problèmes pour le démarrage des fermentations alcooliques qui par la suite ne sont pas montées en températures.

 

Les viticulteurs attentifs à leurs vignobles ont été récompensés de leurs efforts

 

      Les viticulteurs attentifs et impliqués dans la conduite de leurs vignobles ont été cette année récompensés de leurs efforts. 2 016 est un millésime qui met en évidence l’importance d’avoir une gestion dans la durée des itinéraires agronomiques. D’ailleurs, on peut penser qu’il serait intéressant d’analyser finement les itinéraires culturaux des propriétés productives implantées dans divers types de sols (champagnes profondes ou légères, groies de tous types, doucins, terres de pays bas, …) pour cerner les éléments majeurs de la gestion des itinéraires culturaux. Si la notion de maîtrise des coûts de production annuelle reste importante, elle doit être plus connectée aux réalités des potentialités agronomiques des sols de chaque propriété qui représentent le fondement à long terme du capital viticole. Cette réflexion de bon sens aujourd’hui partagée par de plus de viticulteurs doit se concrétiser par des initiatives techniques concrètes. Travailler les leviers agronomiques permettant de maîtriser la productivité de parcelles d’ugni blanc confrontées dans un avenir proche à des étés plus secs doit redevenir une priorité.

                               

 

 

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