2013 : Une belle surprise pour Rémy Martin : Interview de Baptiste Loiseau

22 avril 2014

La Rédaction

Le millésime 2013 est véritablement une belle surprise pour la maison Rémy Martin. Baptiste Loiseau, le maître de chais, ne cache pas sa satisfaction sur la qualité d’un millésime qui ne s’annonçait pas très bien à la fin des vendanges. À l’issue de cette campagne, les eaux-de-vie présentent une structure aromatique intéressante qui laisse augurer de belles choses après quelques années de vieillissement. L’investissement des viticulteurs pour optimiser la conduite des vinifications et de la distillation a permis de tirer le meilleur d’une matière première délicate.

 

 

p14.jpgQuelle est votre analyse de la qualité des eaux-de-vie 2013 ?

Chez Rémy Martin, on est très agréablement surpris par la qualité des eaux-de-vie de ce millésime. À la fin des vendanges, on était très inquiet par rapport à l’état de la matière première qui avait été rentrée dans les chais. L’état sanitaire dégradé des raisins dans beaucoup de parcelles et la sous-maturité pouvaient laisser à penser que l’on risquait d’être confronté à des déviations qualitatives plus fréquentes. Or, très peu d’échantillons d’eaux-de-vie nouvelles présentent ce type de défauts. D’ailleurs, par rapport à 2012, le nombre d’échantillons à défauts sur l’ensemble des dégustations pour agrément a été divisé par deux. Les viticulteurs ont su s’adapter aux conditions de ce millésime en anticipant les effets de la sous-maturité et du botrytis.

Les efforts des viticulteurs au niveau de la conduite des vinifications ont donc tiré le potentiel de qualité vers le haut ?

Les viticulteurs ont, dans leur grande majorité, bien anticipé les risques qualitatifs liés à l’état de la vendange au moment de la récolte. Les messages préventifs au niveau du traitement de la vendange ont eu de l’écho. Au cours des réunions techniques de pré-vendanges au sein de la coopérative Alliance Fine Champagne, nous avions ressenti une grande écoute vis-à-vis des préconisations concernant la maîtrise qualitative de la chaîne d’extraction des jus. Avant de commencer la récolte, les viticulteurs avaient bien pris la juste mesure des difficultés auxquelles ils allaient être confrontés. C’était un véritable sujet d’inquiétude qui a débouché sur des actions concrètes pour optimiser l’extraction des jus. Cela traduit une prise de conscience de la relation entre la qualité des raisins récoltés et la structure aromatique finale des eaux-de-vie. Par exemple, l’utilisation de l’adjuvant de pressurage, le Trubex, a connu cette année une expansion importante. C’était un des moyens pour minimiser la production de bourbes grossières et faciliter l’extraction des jus au moment du pressurage.

Vous êtes donc satisfait du potentiel aromatique des eaux-de-vie de 2013 ?

D’une manière générale, la qualité moyenne des eaux-de-vie de 2013 est proche de celle de 2012 qui était assez exceptionnelle. L’année dernière était une référence en matière d’association de finesse, d’élégance et de richesse. En 2013, la richesse et la longueur sont là mais la finesse est moins présente. Les notes fruitées de type poire que nous apprécions se sont bien extériorisées mais avec quand même moins d’intensité. L’impact aromatique des lies était bien perceptible. Cette appréciation globale très positive de la qualité du millésime 2013 cache cependant des disparités importantes. Lors de nos dégustations pour avis, de très beaux échantillons côtoyaient des eaux-de-vie courtes ou à défauts et pas toujours en phase avec les attentes Rémy Martin. Les bouilleurs de crus et de profession se sont beaucoup investis pour améliorer la qualité et notre équipe d’ingénieurs-conseils a été beaucoup sollicitée sur le terrain pour aider les gens à caler les conditions de coulage des premières chauffes.

L’investissement des bouilleurs de crus et des distillateurs vous a-t-il semblé plus important au cours de la dernière campagne ?

Incontestablement, nous avons perçu un investissement de la grande majorité des distillateurs pour atteindre la qualité attendue. Les demandes de dégustation pour avis des viticulteurs ont été en progression de 30 % par rapport à l’année dernière. Le travail en amont au niveau de la sélection des vins et ensuite pour bien caler la conduite des coulages a été plus important. Il ne faut pas nier que cette année, la matière première vin était hétérogène et fragile en qualité. Dans un tel contexte, les dégustations pour avis représentent un moyen judicieux de mieux percevoir les attentes qualitatives de Rémy Martin. Les échanges entre nos équipes et nos livreurs ont permis de nouer un dialogue constructif pour anticiper, trouver et prévenir l’origine des problèmes. Dans notre approche, les retours de dégustations pour avis pour les échantillons à problème ou les eaux-de-vie de qualité ne se limitent pas à un simple commentaire. Nous essayons de nouer un dialogue sérieux et en phase avec la situation de chaque site pour dépasser le problème ou comprendre les éléments qui contribuent à l’extériorisation de la qualité.

Avez-vous porté un intérêt particulier aux propriétés et aux distilleries où ont été produites de belles eaux-de-vie ?

Effectivement, comme chaque année, nous nous sommes intéressés aux unités de production qui ont élaboré de belles eaux-de-vie pour essayer de comprendre les raisons de leur réussite. Les éléments qui ressortent traduisent d’une part une maîtrise et un raisonnement de toutes les pratiques viticoles et œnologiques, et d’autre part une forte implication personnelle dans leur métier. Ce sont globalement des personnes qui ont une connaissance profonde de leur vignoble et un sens du respect de la qua-lité des vins. Ils essaient en permanence de tirer le meilleur de leur environnement de production. D’une manière générale, les bouilleurs de crus et de profession qui produisent de belles eaux-de-vie sont toujours des gens qui dégustent leurs vins et leurs eaux-de-vie en ayant un regard critique sur leur propre production.

La qualité des eaux-de-vie s’est-elle bien tenue tout au long de la campagne ?

Malgré un hiver très doux, les vins et leurs lies se sont bien conservés tout au long de la campagne. Les vins avaient des niveaux d’acidité élevés avant et après la fermentation malolactique, ce qui explique leur bonne stabilité microbiologique tout au long de la campagne. Les acidités des vins étaient bien supérieures à celles de la récolte 2011. Les niveaux d’acidités volatiles ont peu évolué depuis le mois de janvier mais, à partir de cette époque, les teneurs en lactate d’éthyle dans les eaux-de-vie ont augmenté. Ce composé, qui joue un rôle de masqueur sur le potentiel aromatique, est naturellement plus présent dans les vins ayant fait leur fermentation malolactique. Sauf en cas de fortes concentrations en éthanal, nous pensons que distiller des vins n’ayant pas effectué leur fermentation malolactique est toujours bénéfique vis-à-vis de l’extériorisation de la typicité aromatique. Néanmoins, le déroulement de cette deu-xième fermentation est subi dans la très grande majorité des propriétés.

Quelles sont les principales déviations qualitatives que vous avez observées ?

Les deux types de défauts dans les eaux-de-vie que nous avons identifiés le plus fréquemment sont des notes de verdeur (caractère graisseux) et des notes de champignon. La verdeur est à relier à la fois à des problèmes de trituration de la vendange et de sous-maturité au moment de la récolte. Les notes de champignon sont la conséquence du développement de pourritures sur les raisins en quantité importante, ce qui a engendré des conséquences sur la qualité des vins. La dégustation de vins issus de vendanges botrytisées a souvent révélé un manque d’arômes mais pas de défauts en tant que tel. Avec le recul, nous estimons que l’incidence du mauvais état sanitaire des raisins au moment de la récolte n’a pas pénalisé la richesse des eaux-de-vie, mais par contre a altéré l’expression de leur finesse. Il me paraît important de préciser que la proportion d’échantillons ayant des défauts marqués a été cette année très nettement inférieure à celle des millésimes 2012 et 2011. L’investissement des viticulteurs autour de la qualité est en constante progression depuis 10 ans et c’est une grande satisfaction pour nous. De plus en plus de fournisseurs sont demandeurs d’informations techniques. Nous ressentons une volonté des gens d’aller plus loin pour élaborer des eaux-de-vie en phase avec le cahier des charges Rémy Martin.

On peut qualifier le millésime 2013 de bon millésime ?

2013 est une très belle surprise car la qua-lité des vins était très hétérogène. Distiller des vins de 7 à 7,5 % vol. n’était pas simple. Certains distillateurs, et notamment les plus jeunes, n’avaient jamais été confrontés à des vins de petits degrés. La qualité Rémy Martin et sa typicité aromatique est directement corrélée à la notion de qualité des lies. Contrairement à certaines idées reçues, ce n’est pas que la quantité de lies mise en œuvre au moment de la distillation qui fait la richesse aromatique des eaux-de-vie. Une année comme 2013, la notion de bonnes lies, riches en biomasse levurienne, s’est avérée capitale. Ce sont les acides gras contenus dans les cadavres des levures (précurseurs des esters formés au cours de la distillation) qui font la qualité des arômes. Les excès de bourbes produits au cours de la chaîne d’extraction des lies se retrouvent inévitablement dans des lies et peuvent nuire à la révélation du potentiel aromatique. On peut presque parler d’un effet masqueur des teneurs excessives de bourbes dans les lies. La mise en œuvre des lies au cours de la distillation est également très importante. Les retours d’expérience nous confirment que l’homogénéisation des apports de lies au cours des différents cycles de distillation est toujours préférable. Cela contribue aussi à renforcer l’équilibre et la finesse des eaux-de-vie. La qualité des lies se fait au moment de la vinification en ayant une parfaite maîtrise de la chaîne d’extraction des jus et de la phase fermentaire. L’objectif est d’obtenir des lies fines, riches en esters d’acides gras et limitées en bourbes.

Un service de conseils aux forunisseurs renforcé

p16.jpgLa maison Rémy Martin a défini depuis très longtemps un cahier des charges pour élaborer des eaux-de-vie ayant une typicité aromatique spécifique qui leur confère une bonne aptitude au vieillissement. Les différents maîtres de chai de la maison Rémy Martin s’attachent à cultiver et à poursuivre cette recherche permanente de la qualité. La transmission du savoir entre Pierrette Trichet et Baptiste Loiseau atteste de l’importance des enjeux qualitatifs à la sortie des alambics.

Depuis quelques années, les remontées d’information du groupe qualité de la coopérative Alliance Fine Champagne attestaient de nouveaux besoins techniques. Pierrette Trichet et Baptiste Loiseau ont su répondre à cette attente en construisant un service de conseil adapté aux besoins de ses partenaires.

Une approche de terrain

Le service conseil fournisseur de la maison Rémy Martin a pour vocation d’accompagner ses partenaires à élaborer les meilleures eaux-de-vie dans le respect du style de la maison. B. Loiseau tient sur ce sujet un discours cohérent et précis : « Nous avons perçu qu’un certain nombre de fournisseurs souhaitait bénéficier d’un encadrement technique plus pointu pour élaborer des eaux-de-vie totalement en phase avec les attentes de Rémy Martin. Nous souhaitons pérenniser un relationnel technique de qualité avec nos partenaires. L’écoute des préoccupations concrètes des gens sans aucune interférence des contingences commerciales permet de créer les bases d’un dialogue enrichissant et toujours constructif. Nous sommes réceptifs aux demandes techniques et nous avons un rôle de prescripteur. Nous devons également assurer des missions de recherche et de transfert de connaissances au niveau du vignoble, des vinifications et de la distillation. Ce qui nécessite notamment de nombreuses visites au pied des alambics pour affiner la sélection des vins et améliorer les paramètres de distillation selon le millésime. Enfin, des expérimentations sont conduites par nos équipes et, ensuite, les résultats sont diffusés auprès des fournisseurs. Par exemple, nous avons mené les premiers essais de l’adjuvant de pressurage le Trubex dès 2009, qui a depuis largement démontré son intérêt. »

Une équipe jeune, dynamique et expérimentée

Le service conseil fournisseur a été organisé avec l’intégration de trois ingénieurs-conseils ayant à la fois des domaines de compé-
tences différents et une bonne connaissance du vignoble et de la dégustation des eaux-de-vie. L’équipe est directement rattachée au maître de chai, B. Loiseau, qui définit les orientations techniques et qualitatives. Le service conseil fournisseur s’est cons-titué progressivement avec l’arrivée en octobre 2011 de Laura Mornet, puis de celle de Julien Georget en novembre 2013 et enfin celle de Jean-Charles Lorant en début d’année. Les trois techniciens effectuent un travail de terrain auprès des viticulteurs afin de répondre à leurs attentes techniques. Plus spécifiquement, Laura Mornet est responsable de la conduite des travaux de
recherches en interne. Julien Georget est en charge des aspects Matériels, pratiques viticoles et distillation. Enfin, Jean-Charles Lorant est le référent sur les questions Qualité Sécurité et Environnement et ODG.

La dégustation pour avis : la base du conseil

Durant la campagne de distillation, notre équipe de conseillers déguste l’ensemble des échantillons d’eaux-de-vie nouvelles déposés par les fournisseurs de la maison Rémy Martin. Les dégustations pour avis sont en quelque sorte « un examen blanc » du contenu qualitatif des différents lots qui seront présentés ultérieurement à la commission de dégustation pour agrément (avec l’enjeu des primes qualités). Elles permettent aux bouilleurs de crus d’optimiser la sélection de leurs vins avant la distillation, de moduler la conduite des coulages et, d’une façon générale, d’améliorer leur démarche de production. La disponibilité de nos techniciens permet de renforcer le dialogue avec nos partenaires autour des attentes qualitatives de la maison Rémy Martin. Au cours du millésime 2013, le travail étroit entre les ingénieurs-conseils et les distillateurs a permis de valoriser des qualités de vins souvent hétérogènes.

 

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