Xavier Latreuille : « prendre ses responsabilités, sortir du principe de précaution »

25 mars 2015

Voilà deux ans que la filière Vins et moûts des Charentes faisait du lobbying pour promouvoir la plantation de vignes dédiées aux Vins de base mousseux. Sans attendre 2016, elle profite de la fenêtre de tir ouverte en 2015 pour marquer sa position. Une démarche volontariste qu’explique Xavier Latreuille, président du CIMVC (Comité interprofessionnel des moûts et vins du bassin viticole des Charentes).

 

 

p8.jpgLa filière Vins de base mousseux des Charentes demande, pour 2015, un contingent de 400 ha de droits. Pourquoi ?

Les marques françaises de vins effervescents ont besoin d’un approvisionnement hexagonal, pour justifier leur démarche export. Aujourd’hui, le manque de mar-chandise est estimé à environ 600 000 hl vol. En termes de surfaces, cela veut dire que la demande porte, grosso modo, sur 3 000-3 500 ha nouveaux, dont une partie avec des cépages améliorateurs du type Chardonnay, Pinot noir… Le contingent de 400 ha sur lequel nous nous positionnons en 2015 ne va pas changer la donne mais, à travers lui, nous envoyons un signal très positif à nos clients et à la viticulture. Car, depuis pas mal d’années, nous vivons sous un principe de précaution qui conduit à ne rien faire, par crainte de déstabiliser les fi-lières : peur que se déversent des volumes, d’un côté comme de l’autre. Pendant ce temps, des vignes Vins de base mousseux se plantent en Angleterre, en Espagne. Bref, on plante partout, sauf chez nous ! A un moment donné, nous nous sommes dit que nous allions prendre nos responsabilités, en montrant que nous étions prêts à nous engager, à signer des contrats. Le même niveau d’engagement est attendu de nos cosignataires viticulteurs pour que soit assurée l’étanchéité entre segments. Cette contractualisation fait d’ailleurs partie des conditions exigées par les pouvoirs pu-
blics pour que les VISG (Vins sans indication géographique) bénéficient de droits. Dans les jours qui viennent, nous allons communiquer sur le sujet.

Des opérateurs, hors région, pourront-ils contractualiser directement avec des viticulteurs charentais ?

Oui, pourquoi pas. L’engagement ne se limite pas aux opérateurs historiques que nous sommes ici, en Charentes. A l’ANIVIN, l’an dernier, un tour de table avait révélé un intérêt patent d’opérateurs extra-régionaux pour des plantations sur notre zone. Certains étaient prêts à se porter candidats à la contractualisation.

Pourrait-on imaginer des contrats tripartites entre un viticulteur, un vinificateur et un metteur en marché ?

Ce type d’engagement, nous le connaissons bien dans la région délimitée. Il réunit un viticulteur, un distillateur, une maison de négoce. Nous l’avions envisagé un temps pour les vins de base mousseux. Cependant, dans le contexte actuel, cela se révèle un peu compliqué. Nous venons juste de déposer une demande de plantations. Les plantations restent à réaliser les volumes seront disponibles, au mieux, qu’en 2020. C’est un peu comme si nous voulions vendre un lapin dans un chapeau. C’est pourquoi les opérateurs charentais que nous sommes ont décidé, comme déjà dit, de prendre leurs responsabilités et de s’engager, au titre de leurs entreprises.

Potentiellement, tous les viticulteurs peuvent-ils postuler à des droits VSIG ?

Il n’y a pas d’exclusivité mais il est clair qu’en tant qu’opérateurs, nous avons nos habitudes de travail sur ce genre de produit. Il n’y a pas si longtemps, des contrats pluriannuels existaient, sur des moûts de raisin, des vins. En priorité, nous allons réactiver ce réseau. Et puis, comme déjà dit, il faut que les viticulteurs soient prêts, avant fin avril, à s’engager contractuellement avec un vinificateur. Il ne s’agit pas uniquement d’un contrat moral. Nous sommes en train de travailler avec FranceAgriMer sur les composantes de ce contrat. L’idée n’est pas de créer une « bulle d’approvisionnement » réservé à quelques élus. Mais il ne s’agit pas non plus de voir arriver des gens trop loin de notre secteur. Nous risquerions de leur donner de faux espoirs au détriment de personnes ayant un vrai projet de filière. Dans cet état d’esprit, des éléments restent à déterminer. Par ailleurs, il faut bien comprendre que le contrat reste un contrat de droit privé, signé de gré à gré par les deux parties. Le viticulteur doit trouver un négociant prêt à s’engager et vice-versa. Personnellement, je ne contractualiserais pas avec un viticulteur qui planterait 5 ha de Chenin ou qui le ferait sur des sols n’offrant pas les meilleures chances de réussite.

Ces chances de réussite, comment les définiriez-vous ?

Parler de vins de base mousseux, c’est prêter une attention toute particulière aux rendements. Inutile de penser tirer son épingle du jeu avec des rendements faibles. A partir de là, un critère comme l’irrigation de la vigne au goutte à goutte prend toute son importance. L’irrigation apporte une caution agronomique essentielle. Elle permet d’augmenter les rendements tout en réduisant les coûts. D’ailleurs, nous parlons moins d’irrigation que de ferti-irrigation : apport direct de fertilisants, économie de passages, limitation du lessivage…Le surcoût lié à l’installation d’un système d’irrigation peut très vite se rentabiliser. J’ai déjà eu des contacts avec des viticul-teurs qui envisagent de planter des vignes sur des surfaces déjà irriguées en cé-
réales. Sols riches, eau disponible… autant de facteurs positifs qui conduisent à penser que les viticulteurs pourront vivre de leur production.

Quid de la question des prix.

En tant que président du CIMVC, je n’ai pas à m’exprimer sur les prix. Mais dans tous les cas, le contrat ménagera une place au prix : une parcelle, un volume, un cépage, un prix. Après libre à chacun, négociant et viticulteur, de discuter sur ce qu’ils souhaitent y mettre. Dans les prochains jours, cette question du prix sera abordée avec nos interlocuteurs de la viticulture. En précisant bien ce sur quoi porte l’engagement : sur des raisins, des moûts, des vins, avec quel cépage…

Justement, en matière de cépages, l’étanchéité entre segments serait mieux préservée si ne pouvaient être plantés que des cépages « autres que Vin blanc Cognac ». Or, ce n’est pas le choix qui a été fait. Pourquoi ?

Evidemment que la piste « autres cépa-ges » est intéressante pour organiser le cloisonnement des vignobles. D’ailleurs, des recherches sont en cours, pour envi-sager les possibilités techniques de cultiver des cépages bien différenciés, 100 % adaptés à notre filière Vins de base mousseux (cépages à haut rendement, nouvelles méthodes culturales…). Cependant, à ce jour, notre réputation auprès des clients repose sur une base Ugni blanc, Colombard. Nous devons en tenir compte.

Puisqu’un vignoble Vin de base mousseux se dessine, ne pourrait-on pas imaginer un vignoble Brandy en Charentes ?

A entendre les études stratégiques, la liste des besoins est longue, entre un vignoble Brandy, un vignoble qui produirait des rosés… En ce qui nous concerne, nous nous focalisons sur ce pourquoi nous sommes reconnus historiquement, les vins de base mousseux. Tout ce qui relève d’une connotation Brandy se fera ailleurs mais pas chez nous. Si les vins de base mousseux ont un positionnement commercial non concurrentiel au Cognac, ce n’est pas exactement le cas du Brandy.

 

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