VSIG – Vins de base moussuex : « Une région mature doit pouvoir s’occuper de ses minorités

29 août 2016

Les minoritaires, en l’occurrence, ce sont ces vins « autres débouchés » qui voisinent avec le Cognac depuis des temps immémoriaux. Et celui qui en parle, c’est Xavier Latreuille, président du syndicat des négociants en moûts et vins charentais. Contingent 2017, programme stratégique des vins de base mousseux, segmentation, éléments différenciants…autant de sujets que le PDG des Ets Latreuille aborde dans son interview.

Une assemblée plénière du CIMVC (1) est prévue le 22 juin (interview réalisée le 9 juin). De quoi allez vous parler ?

Je pense que le sujet du contingent régional pour l’année prochaine va revenir à la discussion, comme ce fut le cas en 2016. Maintenant, ira-t-on ou pas vers la fixation d’un contingent régional ? La réponse ne se présume pas. Vous savez qu’au plan national, l’UMVIn (2), le syndicat qui regroupe les négociants en vin ne soutient pas la démarche, pas plus d’ailleurs que l’ANIVIN, l’interprofession des Vins de France (VSIG ndlr). Et comment la justifier quand la France importe 6 à 7 millions d’hl vol de vin ?  Il faudra nous expliquer les risques de surproduction.

 

Pourtant, l’an dernier, le CIMVC s’est bien mis d’accord avec les autres segments Cognac, Pineau, Vins de pays pour la fixation d’un contingent régional.

Oui, il nous est apparu alors que la plus mauvaise des solutions aurait été de ne pas se mettre d’accord. Mais il n’est pas certain que le calcul soit toujours le même. De nombreux bassins n’ont pas choisi cette voie et pourtant ça continue de fonctionner chez eux. Par ailleurs, vous remarquerez que nous n’avons toujours pas le retour de Bruxelles sur les autorisations de plantation 2016. Peu ou prou, l’Etat français a laissé les bassins gérer eux-mêmes leurs demandes et les a entérinés. Mais, personnellement, j’ai encore quelques inquiétudes. Il manque l’avis de Bruxelles.

 

Admettons que l’idée de contingent régional soit quand même avalisée pour 2017. A quelle hauteur positionneriez-vous votre demande pour les VSIG « autres débouchés » ?

Avant d’apporter une réponse, nous devons nous rencontrer avec nos homologues de la viticulture. Ceci dit, pour nous négociants en vin, le chiffre est déjà connu : 637 ha. C’est ce qui ressort de notre programme stratégique pluriannuel « Vins de base mousseux » qui porte, je vous le rappelle, sur environ 3 500 ha avec, bien entendu, des étapes de validation. Compte tenu du rattrapage 2016, nous avons besoin de 637 ha en 2017 pour tenir le cap.

 

Sur 2016, le contingent régional a porté sur 250 ha. Face à cette enveloppe, les viticulteurs ont déposé des demandes de plantatins nouvelles pour 2 500 ha. Pensez-vous que sur ces 250 ha disponibles, les VSIG autres que Cognac récupérent des surfaces ?

Je pense que oui. Combien ? Ce sera forcément minoritaire mails il y en aura. Dans nos entreprises, des gens viennent nous voir, notamment des jeunes. Ils comprennent, comme nous, qu’un certain nombre de cycles s’achèvent dans la région. La restructuration, lancée il y a 6 ou 7 ans, est bien entamée. Sans dire qu’il n’y a plus de besoin de restructurer, le potentiel de production atteint plus ou moins sa vitesse de croisière. On ne voit plus de vignes « tuteurs  à lierre ». Chez pas mal de viticulteurs, la réserve climatique est pratiquement abondée à son niveau maximum. Par ailleurs, si les 250 ha de contingents annuels alloués cette année aux Charentes ont déclenché dix fois plus de demandes, c’est aussi le signe que les viticulteurs, quelque part, s’interrogent. Ils se sentent un peu perdus. Les stocks constitués aujourd’hui pourront-ils être vendus demain ?  Dans ce contexte, tout le monde n’a pas la possibilité de trouver des contrats supplémentaires, surtout dans les crus périphériques comme les Bons Bois. Face à un rendement Cognac élevé, de 11,02hl AP cette année, quid des volumes restants ? L’idée chemine chez certains viticulteurs d’orienter quelques hectares aux autres débouchés. Certes, nous n’allons pas « vendre » notre modèle économique aux 76 000 ha de la région délimitée ni aux 4 500 viticulteurs. Il s’adresse peut-être à 10 % des surfaces et à 10 % des viticulteurs.

 

Sur le fond, que recherchez-vous ?

Nous cherchons à tourner le dos ce qui se passait il y a dix ou quinze ans : manquer de vin une année, en disposer de beaucoup trop une autre, sans pouvoir le valoriser. Notre souhait, c’est d’avoir des surfaces affectées de manière stable à nos débouchés. Voilà ce qui nous motive, ce pour quoi l’on « s’arrache » depuis longtemps.

 

Vos débouchés partagent le même statut que le vin Cognac, celui de VSIG (Vin sans indication géographique). Cela alimente le soupçon de « vase communicant ».

Comme nous nous y étions engagés, nous continuons d’explorer la piste des éléments différenciants. En quoi nos vins peuvent-ils s’opposer au cahier des charges Cognac ? Les cépages différenciants viennent tout de suite à l’esprit. Avec un professeur de Montpellier Sup Agro, nous allons lancer une recherche de manière à identifier le ou les cépages qui pourraient convenir à la production de vin de base mousseux pour notre région, de manière spécifique. Car ce n’est pas parce qu’un cépage fonctionne en Italie, en Autriche ou en Allemagne qu’il fonctionnera chez nous. Nous avons compris aussi que chacun menait les recherches pour son propre compte. La Station viticole est la Station du Cognac et c’est bien plus simple ainsi. Dans les grandes lignes, nous avons besoin – un peu comme le Cognac – d’un vin blanc acide, à petit degré mais à plus fort rendement que le Cognac. L’on peut y rajouter la notion de cépages résistants aux maladies cryptogamiques, cépages dits Piwi. Le cahier des charges VSIG, extrêmement souple, permet de mettre en culture les expérimentations sur les résistances de la vigne et de pouvoir commercialiser les volumes, à condition bien sûr que ces cépages figurent sur la liste des variétés raisins de cuve. Par ailleurs, nos produits, au cycle de vie beaucoup plus court que le Cognac, peuvent servir de test.

 

Selon vous, la recherche cépage représente « la » solution ?

La piste des cépages fait partie du panel de réponses mais pas seulement. Il y a l’écartement, la présence de soufre dans les moûts, qui présente l’avantage d’être une solution simple, facile à tracer…

 

Et un vignoble Cognac dont le statut juridique évoluerait vers l’IG (Indication géographique) ?

Si juridiquement c’est possible, cette réponse nous convient. Elle fait partie des choix différenciants qui permettent de segmenter, de cloisonner. A une nuance près toutefois. Cloisonner dans un sens signifie de pouvoir cloisonner dans l’autre. Si le Cognac s’enrhume, pas question de voir arriver des opportunistes sur le créneau des VSIG alors que des producteurs se seront investis pour rentrer dans notre production. L’étanchéité, elle doit fonctionner dans les deux sens. Ce que nous recherchons, ce ne sont pas des viticulteurs qui font 120 hl vol ha à 10 % vol, ne mettent pas de soufre dans leur vin pour pouvoir trier dans la perspective du marché Cognac. Non ! Nous voulons des surfaces dédiées, capables de produire entre 200 et 250 hl vol ha, que nous rentrerons prioritairement en moûts. Sur une propriété de 30 ha, cela représentera peut-être 2 ha et encore auprès d’une minorité de viticulteurs. Mais nous commençons à voir émerger ce genre de profils. En tout cas nous y croyons.

 

Pensez-vous que la profession soit convaincue de la nécessité de « purs » VSIG dans la région de Cognac ?

Certes, en tant que négociants en vins, nous sommes peut-être plus moteurs au sein du CIMVC. Le temps est certainement venu à la viticulture d’avancer à son tour. Nous savons aussi que les « purs » VSIG représentent epsilon dans le vignoble cognaçais : aujourd’hui 1 000 ha sur les 76 000 ha. Pour autant, une région mature doit pouvoir s’occuper de ses minorités. Sous d’autres cieux, n’est-ce pas l’un des grands thèmes du moment ! Il faut aussi que les pouvoirs publics s’impliquent et que, collectivement, nous n’ayons pas peur d’avancer. Prenons des décisions, quitte à ce qu’elles ne soient pas bonnes . Nous pourrons revenir dessus. Mais avançons ! 

 

  1. Comité interprofessionnel des vins et moûts des Charentes

  2. UMVin : Union des Maisons et Marques de vins

     

     

    Bio en bref


  3. PDG des Etablissements Latreuille à Gémozac, Xavier Latreuille, 50 ans cette année, est la cinquième génération de la famille à exercer le métier de négociant en vin, derrière  Jean-Paul,  Raoul, Georges, Baptiste…En 1900, une distillerie de Cognac vient s’adjoindre à l’activité de marchand de vin commencée en 1870. A Gémozac, l’entreprise emploie une quinzaine de personnes autour des activités vin et Cognac (bouilleur de profession-vinificateur, marchand en gros). Président du syndicat des négociants en moûts et vins charentais, Xavier Latreuille siège à ce titre au CIMVC ainsi qu’au Bassin Charentes-Cognac. Membre du conseil d’administration de l’UMVin – le syndicat national du négoce en vin présidé par Michel Chapoutier – il est administrateur de l’interprofession ANIVIN.

     

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