Vous Avez Dit Pragmatique

28 mars 2009

Un viticulteur témoigne de son approche environnementale. Une approche surtout mue par l’économique et le sens des réalités. En un mot pragmatique.

 

« Le Paysan Vigneron » – Comment vous situez-vous par rapport aux préconisations agri-environnementales et notamment vis-à-vis de la gestion de vos effluents de chais ?

Je me sens concerné mais en position d’attente, ma position favorite (sourire). J’attends que l’on me donne des directives.

« R.L.P. » – De qui attendez-vous ces directives ?

De tout le monde mais surtout des négociants.

« R.L.P. » – Pourquoi vous sentez-vous concerné par le dossier ?

Chacun se sent interpellé, moins par crainte des problèmes environnementaux d’ailleurs que par le sentiment d’une pression commerciale. C’est certainement dû à l’image du Cognac !

« R.L.P. »- A quelle échéance envisagez-vous la mise aux normes ?

Quand l’obligation se fera jour, je dirais dans les deux-trois ans qui viennent, peut-être à l’occasion d’un renouvellement de contrat ou de quelque chose de ce genre. Mais dès maintenant, j’intègre cette dimension dans le raisonnement de mes aménagements. Sans forcément exécuter les travaux dans l’heure, il faudra pouvoir être prêt, le moment venu, quand il n’existera plus de délai pour réagir.

« R.L.P. » – Pourquoi ne pas passer à l’acte tout de suite ?

Parce que cela coûte très cher. C’est pour cette raison que tout le monde temporise, que personne ne s’y met vraiment. Il faudra des obligations commerciales ou des pénalités administratives pour franchir le pas. On le fera quand il sera plus économique de se mettre aux normes que de ne pas s’y mettre. C’est le raisonnement économique qui prévaudra.

« R.L.P. » – Que vous inspirent ces préoccupations environnementales. Etes-vous pour ou contre ?

Je dirais que c’est logique. On ne peut pas faire du cas par cas. Dans la majorité des situations, cela me paraît largement infondé mais il existe certainement quelques débordements ici ou là. C’est pour régler ces cas marginaux que la règle s’applique à tous.

« R.L.P. » – Avez-vous une idée du montant des investissements ?

C’est encore assez nébuleux dans mon esprit mais il s’agit certainement de coûts importants. Il y a non seulement l’aspect investissement dans le matériel mais aussi toute la partie main-d’œuvre. Quand on rejette les effluents dans la nature, on a besoin de personne pour les transporter. Traiter les effluents signifie de les récupérer et de les épandre. Nous connaissons déjà le problème pour les marcs de chaudière. Cela génère des coûts supplémentaires en terme de personnel.

« R.L.P. » – Aujourd’hui, pensez-vous avoir les moyens de réaliser ces investissements. En clair, vous paie-t-on votre marchandise assez chère ? Et ces investissements liés à l’environnement sont-ils « rentables » ?

Bien sûr que j’aimerai voir les prix augmenter. Ce serait plus facile pour lancer le chantier. Ceci étant, sur une exploitation, trouver de l’argent pour faire des investissements relève toujours d’une échelle de priorités. On gère dans l’urgence. Que vaut-il mieux ? Partir en vacance, acheter un tracteur, des cuves de décantation, des barriques neuves ou une bonne bâche pour mettre au fond du trou ? Aujourd’hui la bâche ne s’avère pas prioritaire mais demain… On peut d’ailleurs se demander si le fait de changer de tracteur tous les ans, avec du matériel électronique embarqué et tout le confort est tellement plus productif. Pourtant, dans l’esprit des agriculteurs, la dépense passe mieux. Je dirais que l’investissment dans l’environnement s’inscrit dans l’ordre des choses. Les exploitations n’ont plus 3 ha et la chaudière ne fait plus 1,5 hl. Il faut bien réagir. Aujourd’hui, un chai en terre battue choque tout le monde. Par contre, il sera certainement nécessaire de trouver des solutions pour minimiser les coûts, comme par exemple de réaliser soi-même des travaux. Il y aura sans doute un petit côté « bricolé » pour les travaux courants.

« R.L.P. » – Vous sentez-vous suffisamment informés ?

J’ai l’impression que l’information, on l’a eu. La Chambre d’agriculture a organisé un ou deux trucs et voilà déjà un certain temps que l’on nous parle de retraitement, d’épandage…

« R.L.P. » – Comment intégrez-vous une question comme la décantation dans votre approche ?

La décantation touche à la vinification et au concept de chai. Elle ne change pas grand-chose au problème du traitement des effluents.

« R.L.P. » – Ainsi avancez-vous sans vous presser.

Je ne vois pas pourquoi j’anticiperai. Si j’en avais les moyens, peut-être et encore. La question environnementale n’est pas prioritaire et ne le sera jamais. Elle ne se raisonnera qu’en terme d’obligation. A de rares exceptions près, je crois que beaucoup partagent cet état d’esprit.

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