Projet stratégique 2010

27 décembre 2008

Le rapport Berthomeau, paru en juin 2001, ciblait déjà les problèmes rencontrés par les vins français sur le cœur de cible du marché, les « popular premium » ou encore les vins premiers prix vendus dans une fourchette de 1,5 à 3 e (10-20 F). Suite logique de l’étude, un groupe de pilotage nourri des contributions des différentes régions réfléchit à un projet stratégique 2010, avec ses traductions réglementaires envisageables, afin que la « ressource vin » française colle mieux au marché.

C’est un peu sous la « bannière France » que le groupe de pilotage né du rapport Berthomeau entend se placer. D’un côté, la crise viticole sévit et il convient d’y apporter une réponse ; de l’autre, les pays viticoles émergents ne se privent pas de réfléchir à leur propre avenir – leurs projets stratégiques font florès – et il serait sans doute dommage de leur laisser le champ libre comme le bénéfice de l’initiative.

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J. Berthomeau : « Répondre à l’offensive du nouveau monde. »

Avant d’être un contenu, tout projet stratégique est d’abord affaire de méthode, car de la forme dépend bien souvent le fond. « Un représentant de l’Etat comme je suis n’a pas mission d’élaborer une stratégie » confirme J. Berthomeau. Qui, que, quoi, quand, où ? Le groupe de pilotage se compose à la base de six personnes, trois producteurs et trois négociants. Les trois producteurs – Pierre Mirc, Jean-Louis Piton et Pierre Aguilas – incarnent à la fois la coopération (les deux premiers), les caves particulières (le troisième), la viticulture méridionale (P. Mirc préside Sieur d’Arques, la coopérative de Limoux, J.-L. Piton est du Luberon) ou plus septentrionale (l’Anjou pour P. Aguilas). Côté metteurs en marché, se retrouvent côte à côte le négoce bordelais avec Jean-Marie Chadronnier, de CVBG, la grande distribution et plus particulièrement la filiale vin de Carrefour, Prodis, avec son directeur Jean-Louis Vallet et Robert Skally, des vins du même nom, qu’ils soient du Languedoc ou de la Nappa Valley. Ce groupe restreint « pilote » un groupe élargi de 250 personnes. De toutes obédiences professionnelles, de la viticulture au négoce en passant par la restauration, la grande distribution, ces personnes ressources émanent des régions et plus exactement d’un découpage de la France en cinq grandes zones viticoles : Grand Sud (Vallée du Rhône, Languedoc-Rousillon), Sud-Ouest-Charentes (Gers, Plaimont, Buzet, Bergerac…), Bordeaux, Val de Loire, Grand Est (Alsace, Champagne, Bourgogne, Beaujolais). Selon leurs centres d’intérêt, les membres du comité de pilotage se sont partagé l’animation de ces groupes régionaux, le groupe Sud-Ouest-Charentes échoyant par exemple à J.-L. Piton. Transversalement, ont été définies sept thématiques, quatre associées au positionnement prix des vins (et non à leur catégorie réglementaire) – vins basiques, « popular », premium, super premium – et trois relatives à une segmentation horizontale de la consommation (ménage, hors ménage, export). Jouant la « blitz réflexion » plutôt que la dilution de parole, les groupes régionaux se sont réunis deux fois et deux fois seulement, fin février et début mars, en étant invité à activer au préalable leurs réseaux respectifs. Ce qui fut fait. Ainsi, Cognac a constitué un groupe de réflexion issue de l’interprofession en vue de la mise en commun régionale. A l’échelon national, une adresse e.mail, très dans la couleur du temps, a même été créée (groupe-strategique@onivins.fr) pour faciliter la mise en réseaux de tous ceux qui souhaitent apporter leur contribution au projet, sans contingence de temps, de lieu ou de qualité. Les courriers électroniques tombent directement sur les bureaux du chargé de mission et des membres du comité. A vos micros ! Pour essayer de dégager une vision claire des discussions, ce qui est bien le but recherché, fin mars, un document d’orientation stratégique sera remis au ministère de l’Agriculture. Voilà pour la forme.

Un espace de liberté

Le fond, il est difficile d’en présumer aujourd’hui. Cependant, il devrait s’inspirer peu ou prou de la grille de lecture proposée par le rapport Berthomeau. Que dit ce dernier ? Que du passé il ne faut pas faire table rase, que tout n’est pas bon à changer mais qu’il conviendrait sûrement de « créer un espace de liberté dans une certaine catégorie de vin pour répondre à l’offensive du nouveau monde. » La catégorie de vin en question, elle correspond en fait à la fourchette de prix entre 1,5 et 3 e « où tous les vins français, des vins de table aux vins les plus prestigieux, se retrouvent de manière significative à la fois en prix et en volume. » La proposition de J. Berthomeau ? « sortir de l’ambiguïté qui entoure les vins de pays » en ménageant la possibilité, pour ceux qui le souhaiteraient, d’être géré comme des VQPRD, avec les conséquences réglementaires que cela sous-entend (sortie de l’OCM vin…). Pour les autres, il s’agirait de créer une ressource plus adaptée au marché, avec une base territoriale large, des possibilités d’assemblage de cépages provenant de différentes régions (règle des 85 % utilisée dans les vignobles du nouveau monde), l’adjonction de copeaux… Objectif : sur des bases non traditionnelles, vendre cher un vin marketé. « Ce qui compte pour ce type de vin, c’est celui qui le signe et non l’origine du produit. » En complément à cette réflexion, n’est pas rejetée l’idée de « vignobles dédiés » (aux vins de base mousseux, aux jus de raisins, à la vinaigreie, aux brandies…) autrefois qualifiés de vignoble « industriels » et baptisés plus volontiers aujourd’hui « vignobles d’origine viticole destinés à la transformation ». La condition posée à la reconnaissance de tels vignobles : qu’ils ne pratiquent pas la politique des vases communicants. « C’est un système de contrôle brutal à la manière de la PAC qui devrait leur être appliqué. » « En mars, prévient Jacques Berthomeau, on ne déroulera pas tout le tapis. D’abord parce que nous rentrerons dans une période de latence de quelques semaines et ensuite parce que les propositions, quelles qu’elles soient, devront s’accompagner d’une traduction réglementaire. « On ne prend Kaboul que si l’on se dote d’une stratégie pour prendre Kaboul ! » Le projet stratégique 2010 débouchera sur des évolutions réglementaires ou restera lettre morte. Mais d’ores et déjà, Jacques Berthomeau y voit un intérêt : « les gens ont appris à se connaître et à bosser ensemble. » Une question cependant reste en suspens : ce projet sera-t-il adouber « par les grands chefs de la viticulture française ? »

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