Dans les communes, les curés se font rares et les instituteurs sont en RPI. Mais il reste les secrétaires de mairies. Les administrés viennent les voir pour une foule de choses, du passeport du petit qui franchit pour la première fois les frontières à la concession de cimetière que se dispute une famille fâchée. Les jours de pluie, leur bureau ne désemplit pas et, parfois, il ressemble à un confessionnal. Mais entre octobre et novembre, en Charentes, les secrétaires de
mairies vivent une période bien particulière, celle des déclarations de récolte. « Ce n’est pas le moment de prendre des vacances ou de partir en stage. Il faut être opérationnelle » relève la sympathique et vive Géraldine Bernatet, depuis six ans adjointe administrative sur deux communes de Grande Champagne, Criteuil-la- Magdeleine et St-Preuil. Elle fonctionne aux côtés de sa collègue secrétaire de mairie Muriel Nouveau, trente ans d’expérience derrière elle. Même profil pour Maryse Lainé, secrétaire de marie à Salles-d’Angles depuis 1974. Des déclarations de récolte, Maryse en a vu et elle en a fait. « Surtout autrefois, nous les remplissions pratiquement nous-mêmes. Les viticulteurs venaient nous voir avec leurs chiffres sur un bout de papier. » Elle se souvient de vendanges qui s’étalaient sur trois semaines-un mois pour souvent finir au 11 novembre. Derrière, il ne fallait pas perdre de temps pour rendre les déclarations à la date immuable du 25 novembre. Surtout qu’à l’époque, les exploitations étaient bien plus nombreuses que maintenant. A Salles-d’Angles, en 1974, on en dénombrait 150 contre une cinquantaine aujourd’hui. A l’époque, nombreuses étaient les situations de fermage, de métayage, avec deux déclarations à remplir, une pour le métayer, une autre pour le propriétaire. En 2008, le paysage a bien changé. Le « gros boom » des déclarations de récolte en mairie démarre à la fin octobre, une semaine-une semaine et demie après la récolte. Depuis quelques années, la plupart des secrétaires de mairies ont pris l’habitude de transmettre à leurs administrés une photocopie de la déclaration de récolte. Les viticulteurs la remplissent – pour certaines « notent ce qu’ils savent » – puis reviennent vers la secrétaire qui recalcule, procède à une vérification d’ensemble. « Nous n’y sommes peut-être pas obligées par circulaire préfectorale mais cela évite des retours, pénalisant pour tout le monde » explique Maryse Lainé. Chiffres « qui ne collent pas », oubli du nom de l’acheteur de vendanges fraîches, modifications de structures incomplètes ou encore difficulté d’aiguillage entre vin Cognac et moût Pineau. Telles sont quelques-unes des erreurs les plus fréquentes. « Quand la déclaration concerne une seule commune, sans arrachage ni replantation, les choses peuvent aller assez vite note Géraldine Bernante. Dans d’autres cas, nous passons facilement une demi-heure, trois-quatre d’heure par déclaration. Certains jours, nous ne faisons que ça. » L’époque où les viticulteurs arrivaient avec « trois chiffres sur un bout de papier » est révolue…ou presque. Restent à la marge deux ou trois irréductibles par commune. Paradoxalement, les secrétaires de mairie se plaindraient presque de l’excès de confiance de certains ressortissants, les jeunes surtout. « Ils se sentent autonomes et veulent remplir eux-mêmes l’original de la déclaration de récolte. Sauf qu’ils se trompent parfois et qu’il faut recommencer. Ce sont six feuillets autocopiants à refaire. Ils auraient parfois intérêt à nous faire davantage confiance. » Quand les viticulteurs buttent sur des difficultés, les secrétaires de mairies leur conseillent d’aller au BN se faire aider. « C’est ce qu’ils font et ça se passe bien. » Date fatidique, la date d’envoi des déclarations de récolte le 25 novembre ne souffre pas d’exception. Quelques jours avant, les secrétaires battent le rappel des retardataires. Les « vieilles secrétaires » savent se montrer fermes et convaincantes. « Ma collègue ne mâche pas ses mots. Elles les recadrent » note, un brin amusée, Géraldine Bernatet. Elle, elle n’ose pas trop.
un passage obligé
Si tout le monde sans exception doit venir en mairie signer sa déclaration de récolte – un passage obligé – les secrétaires sentent une certaine réticence des viticulteurs à divulguer leurs chiffres de récolte. Pas tellement vis-à-vis d’elles mais entre eux. « Ils n’aiment pas trop en parler. » Bien que les déclarations de récolte soient consultables en mairie, une confidentialité règne autour des chiffres. C’est la mairie qui dispatche les feuillets de la déclaration de récolte entre les différents destinataires : BNIC, Centres de la viticulture et du Cognac, déclarant. En cas d’erreur, le Bureau national du Cognac s’adresse à la secrétaire qui renvoie le document corrigé par courrier.
Comment les secrétaires de mairie jugent-elles la nouvelle déclaration de récolte ? A priori, elles la trouvent « pas évidente ». « J’espère que nous allons avoir une bonne formation. » Car, tels des scouts, les secrétaires se disent « toujours prêtent », prêtent à épauler leurs administrés dans les petits actes de la vie.