Droits de plantation – Groupe à haut niveau

23 octobre 2012

Si, à l’issue du 3e GHN (Groupe à haut niveau), la Commission fait preuve d’une certaine ouverture sur les questions de gouvernance des plantations, elle se montre toujours aussi fuyante en ce qui concerne l’encadrement des vins sans IG. Une position inacceptable pour la viticulture européenne.

p15a.jpgQue la régulation du potentiel de plantation s’applique à tous les vins, aussi bien aux vins sans IG (sans indication géographique) qu’aux AOP et IGP fait partie des revendications de base de la profession viticole. Cette exigence, la Commission a du mal à l’entendre. Voilà 20 ans que la DG Agri (direction générale de l’Agriculture à Bruxelles) plaide pour la dérégulation du secteur des vins de table. A l’issue du troisième et avant-dernier GHN, réuni à Palerme le 21 septembre 2012, le communiqué de la Commission n’évoque, pour les vins sans IG, qu’une simple « clause de sauvegarde ». Le concept est connu. Il existe dans le cadre des accords de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). C’est tout dire !

Il s’agirait d’un dispositif anti-dérapage qui permettrait de contrecarrer l’arrivée massive de nouvelles plantations. Problème ! Ce filet de sécurité ne fonctionnerait qu’a posteriori, une fois les vignes plantées. « Nous avons besoin d’une régulation en amont, car la vigne et une plante pérenne qui produit du vin sur plusieurs dizaines d’années » pilonnent Ricci Curbastro (EFOW) et Bernard Farges, président de la CNAOC.

Pour la viticulture, cela équivaut, ni plus ni moins, à une libéralisation totale du secteur des vins sans IG. Inacceptable !

En ce qui concerne les vins AOP et IGP, la Commission se montre plus ouverte. Elle admet l’encadrement des plantations de ces vignobles. « C’est une avancée, commente Thierry Coste, président du groupe vin du Copa-Cogeca et à ce titre membre du GHN. Il constate que la Commission « bannit désormais de son vocabulaire le terme “libéralisation”. Elle parle maintenant de régulation. » En contrepartie, la Commission insiste beaucoup sur la responsabilisation des acteurs économiques de filière. Ce fut tout le sens de l’intervention de la Commission lors du dernier GHN. « L’idée essentielle, dit la Commission, est que la gestion des plantations implique les professionnels eux-mêmes, ce qui nécessite une participation active de la majorité des acteurs économiques de la filière vin. » « Cette gestion, précise-t-elle, pourrait entrer dans le cadre des tâches allouées aux organisations professionnelles, telles que les organisations de producteurs, les organisations interprofessionnelles ou toutes autres instances compétentes en la matière (e.g Consorzi di Tutela, Consejos Regulatores, Organismes de défense et de gestion, chambers of commerce, etc.). »

Satisfaction non dissimulée dans les rangs du négoce européen des vins. Il y voit la reconnaissance de sa demande de co-gestion du potentiel de production viticole, sur des critères économiques. « Cette vision économique est essentielle pour nous. »

« En affirmant très clairement qu’il n’y aura pas de retour en arrière et que la gestion pourra être confiée à des organismes professionnels, la Commission va dans le bon sens » poursuivent les représentants du négoce. « Pour nous, disent-ils, le concept interprofessionnel est le plus facile à comprendre mais il existe d’autres types d’organisation L’important, c’est d’impliquer tous les acteurs économiques de la filière vin et de le faire à l’échelon du territoire. Tout ne se décidera pas d’en haut, de Bruxelles. »

Des garde-fous

Appréciation plus nuancée du côté de la viticulture. Si le secteur de la production ne nie pas le besoin de flexibilité ni celui de croissance du potentiel de production, il réclame des garde-fous.

« Il doit y avoir un arbitre au plan national et une réglementation définie au plan communautaire. Ne soyons pas dupes ! Si chacun fait ce qu’il veut localement, on sait très bien où ça finira. Ce sera la libéralisation totale, y compris pour les vins AOP et IGP. »

Ainsi, dans un esprit « d’assouplissement de la réglementation actuelle » la viticulture émet une série de propositions :

• Que chaque Etat membre dispose d’une réserve nationale, tout en ayant la possibilité de créer des réserves régionales. L’augmentation du potentiel viticole serait encadrée par une limite, à définir au plan communautaire.

• Que les Etats membres puissent déterminer des priorités pour les nouvelles plantations, sur des critères objectifs non discriminatoires : nouveaux entrants (JA), certaines catégories de vins AOP, IGP, VSIG, certaines zones.

• Que l’encadrement des droits de plantation soit géré par les Etats membres au niveau national et/ou régional.

• Que la gestion des plantations porte sur une durée de 5 ans et qu’au bout de cette période, un point soit refait.

L’ensemble de ces propositions est issu de la « plate-forme » signée par onze Etats membres, réunis à Paris fin juillet. Cette « feuille de route » impulsée par la France a été remise à la Commission européenne, en amont du GHN 3. Pour la viticulture européenne, cette plate-forme revêt une grande importance. « C’est dans ce sens que doivent aller les travaux de la Commission. »

p15b.jpgAujourd’hui, la CNAOC, chef de file des anti-libéralisation, considère que « la proposition de la Commission n’est pas acceptable en l’état. » Pour au moins deux raisons. Première raison – « Il n’est pas admissible que les vins sans IG ne soient pas encadrés, au même titre que les autres vins. » Deuxième raison – « Il ne peut y avoir de régulation que s’il existe un échelon communautaire, ne serait-ce que pour éviter la concurrence déloyale entre Etats membres.

« Nous ne disons pas que le potentiel de production doit être figé. Il doit être placé sous la responsabilité de l’Etat membre, qui en confie la gestion à qui il veut. Bien entendu, les professionnels doivent être associés à la gestion – ce que nous avons toujours défendu – mais dans un cadre dont on connaît les règles au niveau communautaire. »

Sur le point précis de l’encadrement des vins sans IG, qu’en pense le négoce en vin français ? Lors d’une conférence de presse de l’UMVIN – ex AGEV – qui regroupe l’ensemble des entreprises vinicoles hexagonales, Nicolas Ozanam, son délégué général, a tenu des propos sans ambiguïté. « Vouloir séparer les producteurs s’apparente à un mythe. Ce sont les mêmes qui produisent à la fois des vins avec IG et des vins sans IG. Il va falloir rebattre un peu les cartes pour que l’outil de gestion, à l’échelle d’une région, puisse « embarquer » l’ensemble des produits. Ce sera le prix à payer en terme d’organisation de filière. » Tous les regards se tournent vers les comités de bassins, encore un peu à l’état embryonnaire. Durant l’été, CNAOC et UMVIN se sont rencontrées à trois reprises. Les deux fédérations ont beaucoup discuté entre
elles. Aujourd’hui, leurs relations sont qualifiées de « plutôt bonnes ». Les points de vue se sont rapprochés, des zones d’accord ont émergé. « Après, les professionnels n’y mettent pas forcément la même chose » croit cependant discerner un proche du dossier. Toute la difficulté est là, surtout quand il s’agit d’aller discuter avec la Commission.

Aujourd’hui, à l’aube du prochain et dernier GHN, prévu le 23 novembre prochain, l’attente de la viticulture européenne se résume en une phrase : « Que la Commission mette une bonne proposition sur la table. » Pas des scenari mais une véritable proposition. La profession viticole se montre assez confiante. « A mon avis, ça va bouger, pronostique un spécialiste du sujet. La Commission n’a pas le choix. Maintenant la question est de savoir jusqu’où elle va aller et sur quoi elle va bouger ? »

La viticulture européenne ne se retrouve pas sans appui. Le Parlement européen et son rapporteur agricole Michel Dantin campent toujours sur une ligne dure. Un pays comme l’Allemagne en reste au maintien pur et simple des droits de plantation. Sans concession. Quant à Jean-Paul Bachy, président de la région Champagne-Ardenne, par ailleurs président de l’AREV (Assemblée des régions européennes viticoles), défenseur « historique » de l’encadrement, il a modérément apprécié que le directeur général de l’Agriculture, José Manuel Silva Rodriguez, lui coupe la parole lors du dernier GHN. Il l’a vertement fait savoir par communiqué de presse interposé. « Pas de libéralisation, pas de traitement distinctif pour les différentes catégories de vins » a martelé le président de l’AREV.

Enfin, le commissaire européen à l’Agriculture, Dacian Ciolos, fait entendre, quand il le peut, sa « petite musique », légèrement différente de celle de son administration. Ce fut le cas début septembre, en marge du conseil informel des ministres de l’Agriculture ; ou encore lors de sa récente prise de parole au congrès du Copa/Cogeca à Budapest le 2 octobre. A chaque fois, il réclame « un système plus efficace pour toutes les catégories de vin, IG et non IG » (Conseil des ministres informel) ou, à Budapest le 2 octobre, au congrès du Copa-Cogeca : « Je l’ai déjà dit début septembre, je le répète aujourd’hui : le vin avec ou sans IG a besoin de régulation. La libéralisation n’est pas une option. » On ne saurait être plus clair. Commentaire de la viticulture : « Le commissaire Ciolos a compris qu’il n’existait pas d’étanchéité entre les vignobles. » En défendant un encadrement pour tous les types de vin, le commissaire européen affiche une intention manifeste. Maintenant, réussira-t-il à entraîner derrière lui la Commission.

* Le prochain et dernier GHN est annoncé pour le 23 novembre et il sera « conclusif ». Pour mémoire, ces GHN, lancés à l’initiative de la Commission, ont vocation à servir de forum de réflexion sur la libéralisation des droits de plantation. Y participent professionnels, élus, administrations agricoles des Etats membres et représentants de la Commission.

 

Manifestations de soutien
Tous derrière l’encadrement des plantations
En soutien à l’encadrement des plantations, plusieurs actions sont envisagées courant novembre. Dans le viseur, l’opinion publique européenne avec la participation forte de la viticulture. La mobilisation sera de rigueur, dans toutes les régions viticoles.
Le dernier GHN (Groupe à haut niveau) se tiendra le 23 novembre prochain à Bruxelles. Un rendez-vous considéré comme déterminant, qui devrait déboucher sur des propositions concrètes. C’est en tout cas le souhait de la viticulture européenne. Le
7 novembre, l’AREV (Assemblée des régions européennes viticoles) « ouvrira le ban ». Avec le concours de l’EFOW (l’instance viticole européenne à l’UE), elle organisera une conférence de presse à Bruxelles. Sa cible ! Les médias généralistes, pour saisir l’opinion publique de l’importance d’encadrer les plantations viticoles. Ce sera le point de départ d’une série d’actions dont le programme est en train de s’échafauder. Il est par exemple envisagé que les JA (Jeunes Agriculteurs) mènent une action « cartes postales électroniques », afin de mobiliser les réseaux sociaux. Juste avant la réunion du GHN, des conférences de presse se tiendront à Bruxelles et dans les capitales européennes (Paris, Rome, Madrid…). A l’issue du GHN, ce sera au tour des viticulteurs de se mobiliser, dans toutes les régions de production. Un jour J à ne pas manquer, pour envoyer un message fort à la Commission.

 

 

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