Dans le grand bain de la réforme administrative

24 juin 2009

Viniflhor devient FranceAgriMer, l’INAO se réorganise sur la base de huit unités territoriales…Cette nouvelle architecture résulte à la fois de la grande réforme de l’administration territoriale pilotée par l’Etat (RGPP ou Révision générale des politiques publiques) et du Plan de modernisation de la filière viticole. Normalement, le changement devrait être à peu près transparent pour l’usager viticulteur.

 

En 1935, la viticulture est plongée dans une crise très grave (depuis le début des années 30 en fait). La récolte française s’élève à 73 millions d’hl vol., à laquelle il faut ajouter les 22 millions d’hl vol. provenant d’Algérie. Ce déluge vinique est particulièrement préjudiciable aux vins de qualité qui se retrouvent noyés dans la grande masse des vins sans caractère. Dès 1934, la Fédération des associations viticoles de France crée une section des grands crus. Joseph Capus, sénateur de la Gironde depuis 1919, ministre de l’Agriculture en 1923, dépose un projet de loi tendant à resserrer les disciplines de production des vins à appellations d’origine. Le 14 juin 1935, à l’occasion du congrès national de la Fédération des associations viticoles qui se tient à Bordeaux, la proposition reçoit l’aval de la section des grands crus. Assiste au congrès Edouard Barthe, député de l’Hérault. Président de la commission des boissons à la Chambre des députés, il obtient du gouvernement Laval des pouvoirs spéciaux pour que soit promulgué le décret-loi du 30 juillet 1935. Dans ses articles 20 et 25, le décret-loi institue le Comité national des appellations d’origine des vins et eaux-de-vie, qui deviendra Institut national des appellations d’origine (INAO) par décret de 1947. Dès le départ, le Comité national des appellations d’origine a le statut d’établissement public, placé sous l’autorité du ministère de l’Agriculture. A la même époque, le code du vin, promulgué le 1er décembre 1936, codifie la réglementation viticole nationale. Côté vins de table, le décret-loi du 30 septembre 1953 crée l’IVCC (Institut des vins de consommation courante) qui hérite d’un rôle à la fois technique (contrôle des plantations, des arrachages, des bois et plants de vignes…) et économique (orientation de la production). Etablissement public, il s’inscrit d’emblée dans le sillage des offices, dont le grand ancêtre est l’ONIB (Office interprofessionnel du blé) créé en 1936 par le gouvernement du Front populaire et qui deviendra un peu plus tard l’ONIC (Office interprofessionnel des céréales). Avec l’Europe, apparue en 1962, l’IVCC voit ses missions d’intervention et de gestion du marché des vins de table s’accroître. Il devient le bras séculier des fonds d’aides européens, FORMA puis FEOGA. En 1976, l’IVCC se transforme en ONIVIT (Office national interprofessionnel des vins de table). Au fil du temps, l’Office prendra le nom d’ONIVINS puis de VINIFLHOR (regroupement de la filière vins avec la filière fruits, légumes et horticulture).

Ostréiculture – FranceAgriMer

Dans Le Même Bateau

Le Mer de FranceAgriMer les concerne. Les ostréiculteurs vont partager le même office avec les céréaliers, les viticulteurs, les éleveurs. François Patsouris, président de la section ostréicole Marennes-Oléron, considère la situation avec beaucoup de philosophie et, pour tout dire, un certain détachement.

Pour François Patsouris, cela ne fait pas un pli. Cette façon de créer un office unique « fourre-tout » n’a qu’une finalité : « tuer les offices ». « Ils revenaient trop cher en frais de fonctionnement. » A la limite, il adhère presque au raisonnement. « Ofimer coûtait une fortune. » Sa filière pèsera encore moins « à côté des fleurs et du vin » mais, dit-il, « elle ne pesait déjà pas grand-chose dans son coin ». Le président de la section conchylicole de Marennes-Oléron n’en conçoit pas d’amertume particulière, lui qui préfère travailler en direct à Bruxelles. « C’est là où tout se passe. Il faut être présent sur cette plaque tournante quand se redéploient les subventions. » La gestion des fonds européens passe par le FEP (Fonds européens des pêches) alors qu’Ofimer ne jouait qu’un rôle mineur de mise en œuvre des campagnes de promotion collective. On comprend mieux le relatif détachement de la filière à l’égard de son office spécialisé. Si l’activité ostréicole se situe à cheval entre la DRAF (agriculture et alimentation) et la DRAM (affaires maritimes), il est clair que les paysans de la mer penchent vers la DRAM.

Après avoir vécu « un mauvais film » l’an dernier, les huîtres ont retrouvé « la pêche » cette année. Pour autant les professionnels ne sont pas atteints d’amnésie. Ils regrettent que la recherche « aille moins vite que la mortalité sur site ». L’Ifremer ne leur a encore rien dit sur la crise majeure de 2008 mais eux suspectent fortement les pesticides drainés par l’eau douce des bassins versants. « Nous restons très vigilants. » Le dialogue – tendu – avec les agriculteurs se poursuit au sein des agences de l’eau et des cellules de l’eau en préfecture. F. Patsouris pense que se joue-là un « choix de société ». « Ou la Charente-Maritime choisit un épi de maïs comme logo du département ou elle choisit les touristes, le marais salant, l’élevage, les huîtres, les vignes. »

 

 Une nouvelle étape

La naissance de FranceAgriMer marque une nouvelle étape dans l’histoire des offices. Officiellement créé le 1er avril 2009, FranceAgriMer instaure le principe de l’office unique. Le nouvel établissement regroupe cinq offices : l’Onigc (grandes cultures), l’Office de l’élevage (lait et viandes), Viniflhor (vins, fruits et légumes), l’Onippam (plantes à parfum, aromatiques et médicinales), l’Ofimer (produits de la mer et de l’aquaculture), ainsi que le service des nouvelles des marchés, précédemment rattaché au ministère de l’Agriculture et de la Pêche. Chargé d’organiser la fusion des offices, Fabien Bova prend sans surprise la tête du nouvel office, lui qui avait dirigé l’Onigc avant de devenir directeur par intérim de l’Office de l’élevage, d’Ofimer et d’Onippam. Sur le terrain, qu’est-ce que cela change ? « Cela ne va pas révolutionner les choses » assure un praticien. « Les régions fortement orientées vers la viticulture auront un service France-AgriMer spécialisé en viticulture et les régions à forte dominante élevage auront un service FranceAgriMer à dominante élevage. » Une chose est sûre : la bannière Viniflhor disparaît. Plus fondamentalement, la réforme se coule dans le moule de la RGPP, la révision générale des politiques publiques. Ce grand chantier interministériel lancé en septembre 2007 se donne pour objectif essentiel de déconcentrer les services de l’Administration. Désormais, le niveau régional devient le niveau de droit commun pour piloter l’action publique. « La réforme va plutôt dans le bon sens dans la mesure où les décisions se prendront au niveau régional » plaide un acteur. Conséquence pour FranceAgriMer : le nouvel office va être rattaché aux directions régionales de l’Agriculture et de l’Alimentation, qui acquerront, au détour de la réforme, un relief supplémentaire (un décret du 19 décembre 2008 est venu préciser les missions des nouvelles DRAF). Les délégations régionales de Viniflhor, telles qu’on les connaissait par le passé, disparaissent. Selon les régions et le poids des filières dans ces zones, soit FranceAgriMer constituera un service à part entière au sein de la DRAF – le service FranceAgriMer – soit quelques agents de la DRAF seront mis à disposition de l’office. Les fonctions de délégués régionaux n’existent plus. Du point de vue hiérarchique, ce sont les préfets de région qui auront vocation à superviser FranceAgriMer en région. Quel sort allait-on réserver à la délégation régionale Vinifhlor Aquitaine-Charentes ? Car la délégation bordelaise présente la particularité d’embrasser des vignobles relevant de deux régions administratives, la région Aquitaine pour les vignobles de Gironde, Dordogne, Lot-et-Garonne, Landes, Pyrénées-Atlantiques et la région Poitou-Charentes pour le vignoble de Cognac. De manière « pratiquo-pratique » la réponse est venue des agents de Viniflhor. Ils ont tous fait le choix de rester sur Bordeaux. Ainsi la nouvelle entité FranceAgriMer Aquitaine devrait rassembler tout le personnel de Viniflhor Bordeaux, auquel viendront s’adjoindre les agents de l’Onigc, l’autre office composant FranceAgriMer Aquitaine. Du coup, les anciens locaux de la Cité mondiale du vin devenant trop étroits, on est en train de rechercher de nouveaux bureaux pour l’établissement. A cette nuance près, la réforme devrait être assez transparente pour les vignerons du Sud-Ouest. D’autant que Patrick Lizée, ancien directeur de Viniflhor Bordeaux, est pressenti comme chef de service du nouvel établissement régional. Mais quid du vignoble des Charentes ? Logiquement, il relève de FranceAgriMer Poitou-Charentes tutoré par la DRAF de Poitiers. En plus de la viticulture, l’office unique devrait reprendre les missions et le personnel de l’Onigc et de l’Office de l’élevage. Cependant, pour la viticulture se pose la question de la spécialisation des agents ainsi que des compétences particulières exigées par la filière, notamment sur la partie suivi et contrôle des pépinières (voir page 33). Dans cette perspective, des pistes ont été ouvertes, dont celle de missions inter-régionales entre les deux DRAF, Aquitaine et Poitou-Charentes. « Nous sommes dans une phase d’adaptation. On apprend à marcher en avançant » notait récemment un fonctionnaire proche du dossier. La DRAF Poitou-Charentes moins que quiconque souhaite créer un effet de rupture. « Tout sera fait pour œuvrer dans le sens de la continuité. »

Dominique Filhol, Directrice Adjointe De l’INAO

d_filhol_light_opt.jpegChef du bureau des boissons à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) depuis 1985, Dominique Filhol vient d’intégrer les services de l’INAO au poste de directrice adjointe chargée des vins, eaux-de-vie et autres boissons alcoolisées. Titulaire d’une maîtrise d’histoire et d’un 3e cycle en droit, D. Filhol a débuté sa carrière au service de la répression des fraudes (ministère de l’Agriculture) en 1972. Elle était en charge des appellations d’origine puis de l’ensemble du secteur viticole. Suite à la fusion de la Répression des fraudes avec la Direction générale de la concurrence et de la consommation, elle devient en 1985 chef du Bureau des boissons à la DGCCRF. Coordinatrice de la mission d’enquête vins et spiritueux depuis 2000, D. Filhol siégeait également au Comité national vins, eaux-de-vie et autres boissons spiritueuses au titre du ministère de l’Economie.

Dominique Filhol succède à Hervé Briand, nommé délégué territorial Ouest dans le cadre de la réorganisation des services territoriaux de l’INAO.

 

L’inao se réforme

carte_inao_opt.jpegDans le plan de modernisation de la viticulture, deux établissements sont en charge de la filière vins et eaux-de-vie : FranceAgriMer pour le suivi et l’accompagnement, et l’INAO pour tous les signes de qualité. En tant qu’établissement public, l’INAO ne pouvait pas rester imperméable à la RGPP. Qui plus est, depuis 1999, l’INAO a intégré de nouvelles tâches – élargissement aux IGP puis à l’Agriculture Biologique et aux Labels Rouges – sans que son organisation soit véritablement revue. Sur toute la France, seulement quelques postes supplémentaires furent accordés. Autant dire que l’extension du domaine de compétence s’est fait « à périmètre constant ». La réforme administrative était donc l’occasion de procéder à une remise à plat. Le fil rouge de la réorganisation mise en place depuis le 1er janvier 2009 consiste à garder les sites INAO existants – 25 à ce jour – mais à organiser le travail en commun entre au moins deux sites et jusqu’à cinq. Au final, cela donne huit unités territoriales, fonctionnant comme autant de centre-ressources. Le centre INAO de Cognac allait-il se rapprocher de celui de Bordeaux ? Cela aurait donné naissance à un mastodonte viticole. Le choix a été fait de privilégier une autre guillard_1_opt.jpegconfiguration, jouant plutôt sur les complémentarités que sur les similitudes. C’est avec le site d’Aurillac que le site de Cognac s’est « pacsé ». A Aurillac un profil très laitier, à Cognac un profil très viticole avec les pommes du Limousin comme trait d’union. Les hommes restent en place mais l’idée est d’introduire de la polyvalence entre les agents, surtout entre les ingénieurs, qui doivent pouvoir se suppléer sur les dossiers. Laurence Guillard, ancienne chef de centre à Cognac, a été nommée déléguée territoriale pour l’ensemble de l’unité Centre-Ouest. Dominique Lanaud, ancien chef de centre d’Aurillac, devient son adjoint. Il l’épaulera sur des dossiers picto-charentais et inversement. L’unité territoriale compte une dizaine d’agents. A Cognac exercent Laurence Guillard, les deux techniciens Frédéric Pardon (secteur viticole), Virginie Garot (produits laitiers, IGP) et Christelle Gesson, secrétaire. Un profil d’ingénieur « Protection des terroirs et délimitation » est en phase de recrutement pour venir renforcer l’unité territoriale. Il aura vocation à être multisites.

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