Vinifier les pineaux en tenant compte de la qualité des raisins

1 février 2010

Unicoop est un acteur important de la filière Pineau des Charentes dont toute la production est vinifiée dans le vendangeoir de Mirambeau. Cette unité de production collecte la vendange et les moûts d’une centaine d’adhérents répartis dans la région délimitée et plus de 10 000 hl de Pineau ont été élaborés en 2009. L’évolution des attentes qualitatives a incité Christian Guérin, le maître de chais de la coopérative, à faire évoluer les démarches d’élaboration des Pineaux. en allant à la rencontre des viticulteurs et en engageant une nouvelle phase d’agencement technologique du vendangeoir de Mirambeau.

patrick_rigal.jpgLe vendangeoir de Mirambeau est une des rares unités de vinification de la région dont l’activité est consacrée exclusivement à la production de Pineau des Charentes. L’aspect extérieur du bâtiment avec des façades « bétonnées » des années 30 peut laisser à penser que l’on est en présence d’une unité de vinification d’une autre époque. Une fois à l’intérieur, on découvre un outil associant des moyens technologiques modernes et tous les principes d’élevage du Pineau sous bois dans des contenants de petite et grande capacités. Les murs sont noircis par la présence des eaux-de-vie nouvelles et du stock de Pineau qui est élevé dans un environnement bien isolé sur le plan thermique.

Un outil technologique en cours de rénovation

Des transformations importantes ont été réalisées à l’intérieur du bâtiment pour adapter l’outil à sa nouvelle fonction. Une première série d’aménagements novateurs avait été réalisée au début des années 90 au niveau de la macération des Pineaux rosés avec l’acquisition de 4 cuves rotatives Vinimatic de 400 hl. Par la suite, des efforts ont été réalisés au niveau de la cuverie pour améliorer l’hygiène car la conservation des Pineaux nécessite beaucoup d’attention. Les anciennes cuves bétons ont été pour la plupart verrées ou revêtues d’époxy et des cuves inox ont été installées pour réaliser les mutages, les homogénéisations et la conservation dans de bonnes conditions.

Lors de sa première visite à Mirambeau il y a deux ans, Ch. Guérin a tout de suite perçu l’intérêt et les limites œnologiques et qualitatives du vendangeoir. L’outil technologique avait un peu vieilli alors que, paradoxalement, les attentes qualitatives au niveau de l’élaboration du Pineau se sont renforcées. Après une année d’observation et d’échanges avec les équipes assurant l’élaboration des Pineaux durant les vendanges 2008, Ch. Guérin a mené une réflexion pour essayer de réorganiser la procédure de fabrication. Dans un premier temps, il est allé à la rencontre d’un certain nombre de producteurs pour les sensibiliser à l’importance du suivi de la maturité dans les parcelles de cépages blancs et rosés. Lors des réunions de pré-vendanges au début du mois de septembre 2009, le sujet maturité des raisins destinés à l’élaboration des Pineaux a aussi fait l’objet de communications spécifiques.

Le suivi de la maturité au vignoble indispensable

Le fait d’inciter les producteurs à réaliser des contrôles de maturité (AT, pH, TAV et état sanitaire) permet à la fois de réaliser la récolte au moment le plus opportun et de planifier l’organisation des vinifications du vendangeoir. Pour les rosés, la coopérative prend en charge les raisins aussitôt leur cueillette en bout de parcelle grâce à un système de bacs à vendange acheminés par camions jusqu’à Mirambeau. Pour les blancs, la démarche est différente puisque les viticulteurs assurent le pressurage et ensuite les moûts sont transportés rapidement pour être mutés avant le démarrage de la fermentation. L’organisation des vendanges nécessite la mise en place d’une logistique de transport importante pour essayer de planifier les récoltes en tenant compte à la fois des attentes de maturité et des capacités technologiques de vinification du chai. Les vinifications de Pineaux rosé et blanc s’étalent sur une période de 5 semaines et mobilisent une équipe de 7 personnes. L’élaboration des Pineaux rosés repose sur une organisation beaucoup plus lourde à mettre en œuvre car l’ensemble des lots de vendanges doit être mis à macérer. M. Patrice Rigal, le responsable du site, rentre en contact avec les viticulteurs pour adapter le rythme de récolte aux capacités du chai. Les deuxième et troisième semaines de vendanges sont les plus délicates à planifier car beaucoup de parcelles de Merlot arrivent à pleine maturité en même temps.

Des macérations enzymatiques à froid pour extraire de la couleur et du fruité

Au moment de la réception de chaque lot de vendange rouge, des contrôles de qualité portant sur les teneurs en sucres, l’acidité totale, l’appréciation de l’état sanitaire grâce au test laccase et une évaluation visuelle du potentiel couleur sont effectués de manière systématique. C’est un moyen simple de pratiquer une présélection de chaque lot pour ensuite adapter la démarche de vinification. Si la présence de botrytis est révélée, le lot sera détourné de la démarche de macération et isolé après son mutage. La conduite des macérations est abordée en tenant compte des effets millésimes et du style de Pineau recherché. Ch. Guérin souhaite élaborer des Pineaux rosés bien colorés et présentant une structure en bouche fruitée : « L’objectif est au niveau des rosés de sortir de belles couleurs et du fruité car les Pineaux Reynac sont bien rouges. Cela nous conduits à réaliser des macérations dans les cuves rotatives qui durent de 24 à 72 heures en fonction de la capacité des raisins à libérer la matière colorante. La recherche d’extraction assez poussée ne doit pas non plus conduire au développement de goûts de types confitures qui apparaissent généralement à l’issue de macérations de lots de vendanges sur-mûries. D’où l’importance de la planification de la récolte en fonction des effets sols et du climat de septembre. Rechercher systématiquement des macérations longues peut aussi conduire à l’extériorisation de notes de verdeur qui ne s’estompe pas facilement lors du vieillissement. La conduite des macérations à froid en présence d’enzymes nécessite une véritable technicité pour tirer le meilleur de chaque lot de vendange. Les priorités qualitatives sont de deux ordres, avoir des raisins totalement sains et essayer d’atteindre une maturité spécifique au Pineau avec des teneurs en sucres correctes, une maturité phénolique suffisante et une structure acide encore présente. »

Des rosés 2009 associant des couleurs intenses et du fruité

Dès l’arrivée des raisins rouges, la vendange est immédiatement sulfitée (entre 3 et 6 g/hl de soufre) et traitée le plus rapidement possible. Ce sont les cuves rotatives de 400 hl qui conditionnent le débit du chai et la première semaine de vendange est toujours la plus facile à gérer. Chaque cuve reçoit un volume de vendange proche de 35 tonnes, ce qui correspond à la production de 3 à 4 ha de vignes. Au cours des vendanges 2009, le potentiel couleur généreux permettait de réaliser des macérations sur une durée de 48 heures pour les Merlot. Des rotations étaient effectuées toutes les 3 à 4 heures pour optimiser les extractions entre les pulpes et le moût. Chaque jour, une cuve était en phase de remplissage, deux en phase de macération et la quatrième était en cours de vidage et pressurage.

L’acquisition d’un pressoir pneumatique de 80 hl en remplacement des deux anciens pressoirs horizontaux de 40 hl facilite considérablement le travail car le remplissage s’effectue sans aucune intervention manuelle. Les durées de pressurage, comprises entre 80 et 120 minutes selon les cycles, ont permis de recueillir des moûts beaucoup plus clairs et de réduire la proportion de lies grossières ne pouvant pas être incorporée au moment du mutage. Aussitôt les décuvages et le pressurage, les moûts rosés sont mis à décanter pendant une heure ou deux pour éliminer seulement les particules grossières et conserver « la bonne matière » aromatique et gustative. Les bilans analytiques et les dégustations des Pineaux rosés 2009 deux mois après leur élaboration semblent confirmer le beau potentiel de qualité de ce millésime qui concilie des couleurs intenses et des saveurs fruitées intéressantes en bouche-. Les teneurs en sucres souvent élevées ne s’accompagnent pas de notes gustatives de sur-maturité de type « confitures ».

2003, 2005 et 2009, des pineaux blancs de millésimes très ensoleillés

La démarche d’élaboration des Pineaux blancs a aussi connu certaines évolutions dans l’optique d’une recherche accrue de typicité aromatique. L’importance du suivi de la maturité est également très important pour un cépage comme l’Ugni blanc avec lequel est élaborée la quasi-totalité des volumes de blanc. Les parcelles de vignes destinées à la production de Pineaux blancs sont conduites de façon à obtenir régulièrement des teneurs en sucres suffisantes. La maîtrise de la vigueur, la recherche de rendements moyens… facilitent la récolte de raisins parfaitement sains et ayant atteint une bonne maturité. Les conséquences de l’évolution climatique deviennent plus perceptibles avec des vendanges plus précoces et un potentiel de maturité nettement plus important voire très abondant certaines années comme 2003, 2005 et 2009.

Des moûts d’Ugni blanc ayant des titres alcoométriques potentiels très élevés (supérieurs à 12,5 % vol.) permettent-ils d’élaborer des Pineaux blancs équilibrés ? Cette question, beaucoup de viticulteurs, d’œnologues et de maîtres de chais dans la région se la posent.

Ch. Guérin considère que l’obtention de raisins sains et bien mûrs représentent deux conditions essentielles pour élaborer des Pineaux blancs ayant une typicité affirmée et un bon équilibre sucres/acidité : « Dans une année à fort potentiel de maturité comme 2009, les Ugni blancs ont évolué rapidement au cours du mois de septembre et nous avons rentré des moûts très riches en sucres. Des titres alcométriques potentiels de 13 % vol. et plus ont été fréquemment atteints et les Pineaux élaborés à partir de ces moûts présentent une structure aromatique et gustative très différente de celle des deux derniers millésimes. Les acidités sont basses et il va falloir être vigilant dans le suivi de leur conservation. Les millésimes de forte maturité comme 2003 et 2005 nous ont déjà permis d’observer l’évolution de ces productions de Pineaux blancs de forte maturité. Leur structure très généreuse se démarque de la typicité habituelle qui concilie les saveurs sucrées, la fraîcheur, les arômes élégants et un peu de nervosité en fin de bouche. Le climat fait évoluer les choses et à mon sens si de telles conditions se reproduisent dans l’avenir, il conviendra d’être plus attentif au suivi de la maturité pour récolter des Ugni blancs seulement bien mûrs. »

Muter des moûts blancs « louches », un gage de typicité

L’organisation de l’élaboration des Pineaux blancs repose sur une collecte des moûts (sulfités légèrement) rapide aussitôt le pressurage sans qu’ils soient débourbés. Les productions des adhérents sont acheminées avec des camions-citernes vers le vendangeoir pour y être mutés rapidement. Dès la réception de chaque lot, un contrôle qualitatif est effectué et les moûts sont mis à décanter pendant une courte phase de 2 à 4 heures maximum. Ch. Guérin est très attaché au fait de ne pas dépouiller les moûts des cépages blancs : « Le fait de muter des moûts blancs bien louches s’inscrit dans une volonté de conserver le maximum de matières aromatiques et de pouvoir ensuite élever les Pineaux sur leurs lies. C’est l’assurance d’obtenir des Pineaux généreux et structurés qui ne cesseront de se bonifier au fil des mois de vieillissement. Si on réalisait un débourbage serré des moûts, la maigreur de leur structure dès le départ ne permettrait pas d’acquérir une typicité suffisante même au bout d’une ou deux années d’élevage. » Le mutage des Pineaux est effectué dans des tonneaux ou des cuves inox de grandes capacités pour faciliter les homogénéisations par des pompages fréquents dans le mois suivant leur fabrication. L’ensemble des Pineaux blancs mutés en cuves inox sont rapidement soutirés dans des tonneaux et dans des barriques de 400 à 600 l.

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