La vinification des vins de distillation nécessite une grande technicité car l’ensemble des moyens technologiques mis en œuvre interfère fortement sur l’extraction du potentiel de qualité contenu dans les raisins. Aucune intervention corrective ne peut être réalisée au cours de la chaîne de traitement de la vendange et durant la fermentation alcoolique. Le challenge majeur de la vinification des vins de distillation est de créer les conditions idéales pour ne « sortir » que le meilleur des raisins et ensuite valoriser ce potentiel de qualité. C’est pour cet ensemble de raisons qu’il faut faire preuve d’une technicité globale, à la vigne pour suivre la maturité des différents îlots et ensuite au chai pour maîtriser le traitement de la vendange, la cinétique fermentaire et la conservation des vins. Sous-estimer l’importance de la qualité des raisins au moment de la récolte peut être tout aussi pénalisant en terme de qualité qu’un manque d’hygiène ou une extraction inconsidérée de bourbes. Les conditions plus tardives du millésime 2012 et une nature de vendange qui s’annonce comme très hétérogène vont rendre le pilotage des vinifications délicates. Le climat très humide et pluvieux du débourrement à la fermeture de la grappe et ensuite sec depuis le début août a « typé » le contenu des raisins. Les grappes qui ont véré tardivement et sur une longue période mûrissent dans des conditions variables selon la nature des sols et l’entretien agronomique des parcelles. Pour l’instant, l’état sanitaire est très bon mais beaucoup de grappes ont un aspect compact. Les vinificateurs seront confrontés cette année à des natures de grappes très variées, parfois mûres, sous-mûries, issues de parcelles à forts et faibles rendements. Le début des vendanges pourrait commencer dans les derniers jours de septembre pour les terroirs précoces et les propriétés de surfaces importantes où la récolte dure plus de deux semaines. Les exploitations qui réalisent la récolte en une grosse semaine peuvent envisager de décaler de quelques jours le début des vendanges. Néanmoins, un état sanitaire parfait et la recherche d’une maturité optimum des raisins restent prioritaires. Il ne faut pas perdre de vue qu’à partir de la mi-octobre, le climat dans notre région peut devenir pluvieux. La principale incertitude de l’année est bien le niveau de rendement. La sortie de grappes déjà en dessous la moyenne a été grignotée par le mildiou (probablement 10 % de perte moyenne) et par des phénomènes de filage et de millerandage au moment de la floraison. Ensuite, le poids des grappes au cours de la maturation n’augmente pas fortement en raison de l’absence de pluies depuis le début août. Certaines parcelles semblent souffrir du manque d’eau alors que d’autres le supportent bien. Tous ces éléments laissent à penser que le rendement régional se situerait autour de 90 hl/ha en moyenne avec bien sûr de gros écarts liés principalement au mildiou. La perspective de rendements moyens voire faibles sur certaines propriétés peut inciter les viticulteurs à vouloir « faire de l’alcool pur » en retardant la date de récolte pour obtenir des titres alcoométriques de vins plus élevés. C’est un pari risqué sur le plan qualitatif et au niveau de la productivité. Le fait de laisser sur-mûrir des raisins sur les souches s’accompagne souvent d’un flétrissement de l’extrémité des grappes qui engendre des pertes volumiques importantes. Par ailleurs, en année pluvieuse, retarder la récolte des raisins les rend très sensibles à des attaques de botrytis explosives. Le fait d’essayer de compenser de petits rendements par une récolte tardive va à l’encontre des attentes qualitatives de la filière Cognac et le gain économique d’une telle stratégie est loin d’être assuré.
Les critères essentiels pour maîtriser la vinification des vins de distillation :
– Une parfaite connaissance de la maturité des raisins de chaque îlot de terroir.
– Traiter la vendange avec douceur et cohérence.
– Maîtriser le déroulement de la fermentation alcoolique
– Créer les conditions pour assurer la parfaite conservation des vins.
L’observation du déroulement de la maturation au niveau du parcellaire d’une propriété est un acte œnologique essentiel pour piloter judicieusement les vinifications. Connaître les différences de maturité des îlots de terroir, apprécier finement l’état sanitaire, le niveau de maturité, les variations de rendements, permettent ensuite d’organiser les chantiers de récolte et aussi tout le déroulement des vinifications avec beaucoup plus de cohérence et de sérénité. Savoir apprécier la nature de la vendange récoltée avant de lancer les MAV dans les parcelles permet d’aborder de façon plus rationnelle la conduite du pressurage, des décantations et du suivi thermique des fermentations.
Chaque propriété possède également des infrastructures de récolte et de vinification dont les niveaux de débit et de performances doivent être appréciés de façon juste. La transformation des raisins de leur état solide en moût doit s’effectuer avec le plus grand soin. Dès la planification du chantier de récolte, il faut également se soucier « des potentialités de mise en fermentation » des lots de vendanges, leur température, la présence de botrytis, les teneurs en azote assimilable. S’organiser pour ne jamais surcharger la chaîne de traitement de la vendange et gérer les mises en fermentation des moûts de façon régulière. Tenir compte de la durée totale de vendange d’une propriété pour planifier la date de fin de la récolte. Cet élément doit déterminer la date de début de la récolte en tenant compte, bien sûr, de l’état de maturité. Garder une certaine souplesse dans l’organisation du chantier de récolte et des vinifications pour faire face à des retards liés à des incidents mécaniques (casse de matériel) ou à des événements climatiques pendant les vendanges (coup de chaleur ou fraîcheur excessive).
PRINCIPES GÉNÉRAUX
L’élaboration d’eaux-de-vie nouvelles ayant une typicité aromatique affirmée est devenue un enjeu majeur pour toutes les grandes maisons de Cognac. Depuis plusieurs années, la conduite des vinifications est entrée dans une phase de recherche de qualité positive. Produire des vins sans défauts est à la fois indispensable et plus suffisant. La philosophie actuelle est de piloter les vinifications avec l’objectif d’élaborer des vins équilibrés et structurés sur le plan qualitatif pour obtenir, à l’issue de la distillation, des eaux-de-vie aromatiques (distillées avec ou sans lies).
En 2012, l’hétérogénéité de maturité des raisins rendra les vinifications complexes
Le problème numéro des vendanges 2012 sera l’hétérogénéité des raisins d’une parcelle à l’autre. L’épisode de temps sec et chaud entre la fin juillet et la mi-septembre a eu comme effet bénéfique de bloquer l’évolution du mildiou mais a aussi gêné le déroulement de la maturation à partir de début septembre. L’absence de pluie en début de maturation n’a pas permis de lisser l’hétérogénéité des raisins qui cette année était grande. Des grappes bien avancées côtoient des grappes encore vertes, ce qui suscite beaucoup d’interrogations pour déterminer la date de vendange. Chaque terroir a réagi de manière très différente à ce contexte sec de fin de saison. Des parcelles ont extériorisé des symptômes de stress hydrique alors que d’autres semblaient assez bien supporter l’absence de pluie. Les conditions d’entretien agronomique (réflexion sur une alimentation adaptée à la nature des sols et au niveau de productivité recherché, pilotage raisonné des fumures dans la durée, qualité de l’enracinement des souches et entretien des sols…) ont joué un rôle déterminant sur l’aptitude des parcelles à mûrir les raisins. Par ailleurs, 2012 est un millésime plus tardif où la charge de raisins est très variable. Il n’est pas rare d’observer des différences de potentiels de rendements très importantes allant de 60 à 150 hl/ha dans un environnement de 200 à 500 m. Ces différences de charge de raisins compliquent sérieusement l’appréciation de l’état d’avancement de la maturation. Les contrôles de maturité de la Station Viticole du BNIC mettent aussi en évidence qu’entre le 1er et le 15 septembre, la baisse d’acidité a été rapide et importante. Les techniciens qui envisageaient, le 1er septembre, un début de vendange pour le 5 octobre pensent aujourd’hui qu’il serait judicieux d’avancer la récolte à la fin septembre pour conserver des niveaux d’acidité suffisants. Le climat du 15 au 30 septembre aura cette année un rôle capital sur la structure qualitative des raisins destinés à la production d’eaux-de-vie. Si un temps sec persiste, les niveaux d’acidité vont continuer à baisser rapidement et le seuil de référence de 7,5 g/l pourrait être atteint avant la fin septembre sur certains terroirs. Le début de la récolte pourrait alors être envisagé plus précocement (à partir du 25 septembre) sur les sites précoces, même si les raisins au départ « tomberont mal ». A l’inverse, si une séquence pluvieuse arrivait entre le 15 et le 25 septembre, les vignes et les raisins en tireraient un profit proportionnel à l’intensité des précipitations. L’idéal serait d’avoir un épisode pluvieux de 30 mm maximum concentré sur deux à trois jours pour relancer le processus de maturation et maintenir un bon état sanitaire. Par contre, si des pluies persistantes et abondantes se produisaient, « le remède serait presque pire que le mal ». Cela conduirait à un gonflement rapide des baies et des grappes qui favoriserait une dilution du contenu qualitatif, l’éclatement des baies et, probablement, un développement du botrytis. Bref, un très mauvais scénario que l’on ne souhaite pas envisager ! Le millésime 2012 va « se jouer au finish » sur les plans des volumes comme de la qualité. Dans un tel contexte, les viticulteurs devront faire preuve de réactivité et de vigilance pour cueillir au moment opportun sur chaque îlot de terroir. Les vinifications 2012 s’annoncent plus tardives, techniques et complexes pour être en mesure de tirer profit de l’hétérogénéité de maturité des raisins.
Conditions de maturité optimales des raisins à la récolte
L’état sanitaire
Le bon état sanitaire de la vendange ➞ Une vendange pourrie seulement à 5 à 10 % risque d’entraîner l’apparition de déviations aromatiques irréversibles dans les eaux de-vie.
La vinification de raisins sains est une priorité qualitative.
Le suivi de l’évolution du botrytis dans les 2 semaines précédant les vendanges est indispensable pour planifier la récolte des différentes parcelles.
En cas de doute sur la présence de botrytis dans la vendange, l’utilisation de kit de détection rapide par colorimétrie (bandelettes) sur la vendange peut s’avérer intéressante.
La présence de botrytis dans la vendange est désormais à relier à la présence d’un marqueur dans les eaux-de-vie nouvelles, le 1-octène-3-one, qui est responsable de l’odeur caractéristique de nez de champignon.
Une vendange botrytisée contient en général des teneurs en potassium élevées qui contribuent à faire chuter l’acidité des vins.
Un équilibre de maturité pour les vins de distillation
Ne pas rechercher les surmaturités qui rendent plus délicate la conservation des vins.
Des niveaux de TAV potentiel élevés s’accompagnent d’une forte diminution de l’acidité.
Lors des deux derniers contrôles de maturités, doser le niveau d’acidité et le pH est très important.
Identifier les parcelles ayant souffert de sécheresse ou portant une charge de récolte très abondante.
Rechercher un équilibre entre le TAV potentiel et l’acidité totale
Dans l’approche d’élaboration des vins de distillation, la récolte de raisins ayant des teneurs équilibrées en sucres et en acidité est fondamentale.
L’acidité des moûts et des vins est constituée à 90 % par l’acide tartrique et l’acide malique.
L’acide tartrique est l’acide fort des raisins. Sa concentration dans les baies atteint un niveau maximum à la véraison et reste constante pendante la phase de maturation. Les éléments qui influencent sa synthèse entre la nouaison et la véraison sont encore méconnus.
L’acide malique, qui lui aussi atteint son niveau maximum à la véraison, décroît ensuite pendant toute la phase de maturation. Les fortes chaleurs et des situations de stress hydrique prolongées accentuent le phénomène de dégradation pendant la maturation.
Rechercher un bon équilibre sucres/acidité au moment de la récolte des ugni blancs est un objectif de qualité important. Les niveau de TAV de 9,5 % vol. et de 7,5 g d’acidité totale représentent les conditions idéales pour déclencher la récolte.
L’obtention d’un bon équilibre entre des teneurs en sucres suffisantes et des niveaux d’acidité corrects contribue à la valorisation du potentiel aromatique des eaux-de-vie. Toutes les grandes maisons de Cognac ont un discours précis et unanime sur l’importance de récolter des raisins mûrs ayant un bon équilibre sucre/acidité.
Conserver, au moment de la récolte, des niveaux d’acidités suffisants mais pas excessifs est un facteur qui renforce la stabilité biologique des vins lors de leur conservation. Cela contribue aussi au développement de la concentration en esters aromatiques dans les eaux-de-vie nouvelles.
Les conséquences liées à la vinification de raisins à forte maturité :
L’obtention de vins peu acides beaucoup plus difficiles à conserver qui, lors de la distillation, ne révèlent pas la structure aromatique attendue.
Les conséquences liées à la vinification de raisins à sous-maturité :
Une récolte de raisins à sous-maturité (trop acides) génère souvent des composés herbacés dans les eaux-de-vie (TDN, cis-3-hexénol. La présence de ces constituants jouent un rôle masquant sur les esters aromatique bénéfiques à la qualité.
La maturité aromatique des raisins Cognac
Actuellement, des travaux de recherches sont conduits par la Station Viticole du BNIC pour identifier des indicateurs de maturité aromatique des raisins d’ugni blanc. Certaines années à fort potentiel de maturité, la maturité aromatique semble décalée du rapport suces/acidité. Les études ont permis de mettre en évidence qu’au cours de la maturation divers constituants se retrouvant ultérieurement dans les eaux-de-vie avaient des teneurs qui baissaient ou augmentaient : le cis-3-hexénol (responsables des odeurs herbacées) et composés issus du raisins, l’alpha terpinéol (marqueur extériorisant une odeur de flan et de farine), les vitisparines (générant des composés volatils propices à la révélation des arômes) et la bétadamascénome (odeur de cmpote de pomme). Cela a débouché sur le développement d’un indicateur aromatique pertinent, l’IMA, qui est testé cette année sur le réseau de 55 parcelles de maturation. Un deuxième indicateur de maturation est en cours de validation, l’index 2. L’utilisation de ces nouveaux outils nécessite une période de validation pendant plusieurs années car les résultats doivent être corrélés à un échantillonnage représentatif des différents sols de la région et de plusieurs cycles végétatifs successifs. D’ici 3 à 4 ans, on peut penser que ces indicateurs de la maturité aromatique pourront être largement utilisés.
L’observation et la dégustation des baies lors des deux derniers contrôles de maturation est une pratique complémentaire aux données analytiques d’évolution de la maturation (TAV, pH, acidité totale et teneurs en azote assimilable). Certains responsables de propriétés en Charentes indiquent que l’état visuel et le goût des baies leur permettent d’affiner le calendrier de récolte des différentes parcelles.
S’intéresser à l’alimentation azotée
Des teneurs suffisantes dans les moûts contribuent à assurer une alimentation correcte des population de levures et favorisent un déroulement régulier et complet de la fermentation alcoolique. Il s’avère aussi que des teneurs suffisantes en azote ont une action directe ou indirecte sur la synthèse de composés indésirables (par exemple les alcools supérieurs) et favorables à la qualité (les composés aromatiques).
Un dosage des teneurs en azote assimilable lors du dernier contrôle de maturité se justifie pleinement.
Les propriétés confrontées depuis quelques années à des difficultés fermentaires ont intérêt à réaliser des dosages d’azote assimilable de façon plus systématique.
Attention aux effets parcelles en matière de teneur azotée des moûts, surtout si la climatologie estivale (pendant
la maturation) entraîne un stress hydrique prolongé.
Préconisations et raisonnement des apports correctifs d’azote
L’autre sujet d’inquiétude à la mi-septembre est bien sûr la teneur en azote des moûts qui s’annonce comme très variable selon les sites. D’une manière générale, la baisse des teneurs en azote s’est amplifiée entre le 1er et le 15 septembre, mais avec des différences importantes selon le degré de résistance des parcelles à la sécheresse. Là où les vignes souffrent, les teneurs en azote ont littéralement plongé alors qu’ailleurs, la diminution a été moins forte. Dans un tel contexte, la réalisation d’un dosage des teneurs en azote dans les baies lors du dernier contrôle de maturation paraît être une sage précaution. Si des pluies venaient à se produire d’ici le début des vendanges, les niveaux pourraient remonter mais peut-être pas dans des proportions suffisantes par rapport aux objectifs de la filière Cognac.
Attention au dosage sur moûts en sortie de pressoirs. Il est souvent difficile d’obtenir un échantillon pleinement représentatif de lot de vendange. L’idéal serait de prélever les moûts après la fin du cycle de pressurage, mais certaines levures peuvent déjà avoir colonisé le milieu. La rapidité et les conditions de transmission (maintenu au frais) sont déterminantes pour le résultat final de l’analyse. Les résultats d’analyse sur moûts sont en général de 10 à 20 % plus élevés que ceux sur baies.
Les travaux de la Station Viticole du BNIC ont permis de définir des besoins en azote qui sont proportionnels au titre alcoométrique des vins qui sont présentés dans le tableau ci-dessus.
Les préconisation des grandes maisons de Cognac vis-à-vis des apports d’azote :
Courvoisier : Apport variable à raisonner pour couvrir les déficits éventuels de la vendange. Se référer aux préconisations de la Station Viticole du BNIC.
HENNESSY : Avoir comme objectif d’atteindre un niveau de 160 mg/l en début de fermentation alcoolique. Raisonner les apports en s’appuyant sur le dosage de l’azote dans les raisins lors du dernier contrôle de maturité.
MARTELL : Apport à raisonner pour couvrir les déficits éventuels de la vendange. Se référer aux préconisations de la Station Viticole du BNIC.
rémy martin : Avoir comme objectif d’atteindre le niveau de 150 à 200 mg/l en début de fermentation alcoolique. Raisonner le stade et la dose des apports en s’appuyant sur le dosage de l’azote assimilable sur les raisins au dernier contrôle de maturité et sur celui des moûts en sortie de pressoir.
Maîtriser les opérations pré-fermentaires
Les conditions de traitements de la vendange constituent un enjeu majeur vis-à-vis du déroulement des opérations pré-fermentaires, de la conduite des fermentations alcooliques et de la qualité finale des vins de distillation. L’impossibilité de pouvoir corriger la turbidité des moûts avant la mise en fermentation doit inciter les viticulteurs à être très attentifs au processus de traitement de la vendange.
Une étape qualitative majeure
Le traitement de la vendange doit déboucher sur l’obtention de moûts ayant une structure qualitative équilibrée qui peut être définie au travers d’éléments clés :
– Limiter la libération excessive de bourbes tout au long de la chaîne de traitement de la vendange.
– Minimiser les effets de trituration provoquant la libération des précurseurs de composés extériorisant de la verdeur et le caractère herbacé dans les eaux-de-vie.
– Traiter la vendange dans des délais assez rapides pour l’imiter les incidences qualitatives négatives de populations de levures et de bactéries indigènes indésirables.
Les conséquences d’un excès de bourbes dans les moûts : l’excès de bourbes dans les moûts favorise ultérieurement la production d’alcools supérieurs au cours de la fermentation alcoolique. Ces composés présents en trop grandes quantités engendrent l’apparition de notes de lourdeurs dans les eaux-de vie-nouvelles et jouent un rôle masquant sur la structure aromatique.
Les conséquences des composés issus de la trituration : lors du traitement de la vendange, des réactions enzymatiques provoquent la formation dans les moûts de précurseurs de composés donnant ultérieurement dans les vins de l’hexanal, de l’hexanol, du cis-3—hexanol, du TDN… Ces constituants sont à l’origine de défauts majeurs de type végétal, herbacé dans les eaux-de-vie. Une fois que les précurseurs sont extraits dans les moûts, il n’est plus possible de les éliminer. La décantation rapide des moûts pratiquée à l’issue du pressurage s’avère efficace pour révéler la structure aromatique des eaux-de-vie mais pas pour corriger les excès de précurseurs de composés herbacés.
Les priorités
Adapter le rythme de récolte à la capacité de pressurage du chai ➞ Traiter la vendange avec des délais d’attente minimum.
Tenir compte de la nature de la vendange pour programmer les cycles de pressurage.
Maintien d’une parfaite hygiène au niveau de la chaîne de traitement de la vendange.
Attention aux effets mécaniques trop intenses, toujours préjudiciables à la qualité des eaux-de-vie.
Anticiper et organiser la mise en fermentation rapide des volumes de moûts récoltés quotidiennement.
La réalisation des travaux de récolte et de pressurage par des prestataires doit tenir compte des capacités technologiques du chai au niveau des décantations et des départs en fermentation.
Raisonner l’organisation du chantier de récolte en tenant compte de la température de la vendange (des moûts) et de la présence ou pas dans des chais de moyens de mise à température en ligne des moûts.
Ne pas hésiter à adapter les horaires de récolte, en fonction du climat pendant les vendanges, pour essayer de rentrer de la vendange entre 15 et 17 °C.
Une baie de raisin est constituée de cellules plus ou moins fragiles qui sont réparties dans trois zones distinctes. Cette caractéristique leur confère une aptitude à libérer leur jus différente :
Traiter la vendange en douceur
La vendange possède une capacité naturelle à libérer les jus qui fluctuent fortement selon sa nature au moment de la récolte. L’état de maturité et l’état sanitaire sont les deux éléments majeurs qui influencent le coulage des jus. La succession de moyens technologiques lors du traitement de la vendange doit favoriser l’extraction des jus dans des conditions optimales sans rechercher des phénomènes de sur-extraction. Il ne faut pas chercher à sortir des baies des fractions de jus limitées qui naturellement ne sont pas « disponibles ». Cela va à l’encontre des objectifs qualitatifs et accroît de manière significative le risque d’obtenir des teneurs élevées en bourbes et en marqueurs de la trituration.
En 2012, porter une attention à l’hétérogénéité de la vendange qui pourra amplifier les effets de trituration de la vendange si le traitement de la vendange est inadapté et trop brutal. Porter une attention particulière aux réglages des MAV (décrochage des raisins et nettoyage de la vendange), aux opérations de transfert de vendange, aux conditions de remplissage des cages de pressoirs et à la conduite des cycles de pressurage.
Les installations de réception et de transfert de la vendange les plus courtes et les plus simples sont toujours les meilleures.
Plusieurs marqueurs analytiques sont en mesure de quantifier l’intensité des phénomènes de trituration au cours du traitement de la vendange : l’hexanol, le Cis-3-hexenol, le TDN et les teneurs en alcools supérieurs. Le dosage de ces éléments est actuellement réalisé systématiquement dans la plupart des démarches de sélection qualitative des vins des grandes maisons.
La présence d’une vendange constituée d’une fraction semi-solide et de volumes de jus libres importante rend son traitement délicat. Les jus libres sont naturellement plus riches en bourbes et il convient donc de les extraire après leur avoir fait bénéficier de l’effet d’autofiltration dans la masse de vendange. C’est une intervention statique qui permet d’éliminer et de retenir une fraction significative de bourbes.
L’utilisation d’adjuvants œnologiques comme les enzymes pectolitiques pour pousser plus loin l’extraction des jus lors du pressurage est une pratique qui, à ce jour en Charentes, ne fait pas l’unanimité et suscite quelques inquiétudes. Les essais réalisés par la Station Viticole du BNIC pendant 3 ans (entre 2005 et 2007) n’avaient pas donné pleinement satisfaction sur le plan des volumes extraits et la qualité des moûts et des vins obtenus (concentration de méthanol doublée). La proportion de jus de goutte et de jus extraits à basse pression pendant le pressurage était plus importante, ce qui permettait de réduire la durée des phases à hautes pressions et du temps de pressurage total. Les volumes totaux de jus extraits n’étaient pas augmentés mais, par contre, la clarification des jus lors des décantations était facilitée. La proportion plus importante de jus de goutte et extraits à basses pressions modifie l’équilibre qualitatif des moûts à l’issue de chaque cycle de pressurage. En 2012, de nouveaux essais seront mis en œuvre par la Station Viticole du BNIC sur ce sujet avec de nouvelles préparations d’enzymes pectolitiques qui, selon les fournisseurs, présentent des caractéristiques différentes.
Des essais d’utilisation d’un autre adjuvant de pressurage, le Trubex (de la cellulose d’origine alimentaire), ont été menés par deux grandes maisons de Cognac pendant plusieurs années. L’une d’elles, la société Rémy Martin, considère cette pratique intéressante sur les sites propices à la production d’alcools supérieurs qui n’ont pas la possibilité de réaliser des décantations dans de bonnes conditions.
La conduite du pressurage
L’utilisation de plus en plus fréquente de pressoir de grande capacité peut parfois engendrer des durées de remplissage trop longues. L’idéal est de remplir une cage en 1 heure à 1 h 30 maximum.
Pour les pressoirs pneumatiques remplis en axial, attention aux rotations de cage excessives durant la phase de chargement. Cela provoque une libération de bourbes importantes. Ne jamais faire tourner la cage quand de la vendange est pompée dans le pressoir. Limiter les rotations à 1 à 2 tours pour égaliser la vendange quand la cage est remplie à 80 %.
Lors du remplissage en axial des pressoirs pneumatiques, les conditions de chargement influencent fortement l’extraction des bourbes. Charger une cage de 50, 80 ou 100 hl en 10 minutes est une aberration. Cela crée un phénomène de surpression sur la vendange dans la cage (souvent supérieur à 2 bars) qui provoque une libération de bourbes non maîtrisée. Le pressostat des vannes axiales (généralement taré à 1 bar) se déclenche par un signal sonore quand le niveau de remplissage exerce sur la vanne cette pression. Le fonctionnement de l’alarme ne signifie pas que la vendange dans le cœur du pressoir subit une pression de seulement 1 bar. Au contact de la cage, les pressions sont sûrement supérieures à 2 bars, ce qui ne permet pas à la couche de vendange de jouer son rôle d’autofiltration.
Quel que soit le type de pressoir, chercher à tirer profit de la capacité d’autofiltration des moûts de la masse de vendange au moment du remplissage.
Adapter la programmation du cycle de pressurage à la nature de la vendange :
➞ Laisser les jus libres s’écouler sans montée de pression au cours du chargement.
➞ Observer la turbidité des premiers jus coulés.
➞ La phase de basse pression entre 0 et 1 bar est capitale en terme de qualité.
➞ Privilégier les montées en pression progressives en évitant de bloquer les jus dans les cages
➞ Gérer avec progressivité les maintiens de pression.
➞ Limiter le nombre d’émiettages.
➞ La séquence de pressurage à haute pression (entre 1 et 2 bars) doit être abordée de façon plus rapide pour que le temps de pressurage total ne dépasse pas 2 heures.
➞ Au-delà 1 bar, la structure qualitative évolue profondément et pas forcément en bien.
En présence de vendange grasse, surmûrie ou botrytisée, l’écoulement des jus est beaucoup plus difficile. Il faut laisser le temps au jus de s’écouler avec des montées en pression lentes et progressives.
Le tamisage des moûts
La filtration des moûts par tamisage aussitôt le pressurage est une intervention importante pour éliminer les particules solides (pépins, pellicules, fragments végétaux…).
En présence de vendange altérée par le botrytis, le tamisage des moûts avec des moyens technologiques plus performants peut en limiter partiellement les incidences négatives.
L’utilisation de filtre de type Alfa Laval (avec des grilles de 600 à 800 microns) s’avère efficace pour éliminer une partie des particules végétales libérées de la vendange botrytisée.
Les dangers des sur-extractions au cours du pressurage
La perspective de petits rendements en 2012 peut inciter les viticulteurs à pousser plus loin les cycles de pressurage pour obtenir des niveaux d’assèchement élevés. Il peut être tentant d’allonger les cycles de pressurage pour « presser » plus fort. Ce type de conduite des cycles de pressurage dont la finalité est d’extraire les jus « difficiles » va à l’encontre des objectifs qualitatifs car cela amplifie les effets de trituration. Privilégier des phases de sur-extraction s’avère aussi contre-productif sur les plans des volumes extraits. Il ne suffit pas de multiplier les séquences à fortes pressions pour provoquer une augmentation des volumes totaux de jus coulés. C’est même le phénomène inverse qui se produit. Les jus de fin de cycles s’écoulent d’autant mieux quand la phase de pressurage à basses pressions (entre 0 et 1 bar) s’effectue de manière progressive en tenant compte de la nature de la vendange. Observer finement l’état de la vendange lors du remplissage est le moyen le plus sûr de maîtriser la construction d’un cycle de pressurage efficace. Les programmations de cycles de pressurage fondées sur des mesures en continu de l’écoulement des jus représentent une évolution technologique intéressante conciliant en permanence la qualité des jus et les volumes extraits. 2012 risque d’être une année délicate en matière de pressurage, compte tenu des différences de rendement et de nature de vendange d’une parcelle à l’autre.
Le point sur les décantations rapides
Les priorités
La décantation est une opération de stabulation statique rapide des moûts aussitôt le pressurage qui contribue à améliorer la finesse et la richesse aromatique des eaux-de-vie (avec une distillation sur lies) et tend aussi à réduire les teneurs en alcools supérieurs. Elle permet aussi de conserver les vins sur toutes leurs lies aussitôt la fermentation alcoolique. La nature des lies beaucoup moins compacte facilite leur mise en œuvre au moment de la distillation.
En présence de botrytis, la décantation rapide des moûts est très conseillée. Son intérêt est d’être alors une intervention corrective qui atténuera les effets indésirables de la pourriture sans pour autant les gommer totalement. Les prélèvements des fonds de cuves et des éléments surnageants pourront être augmentés (8 à 10 %), mais la durée de l’intervention ne sera pas allongée.
Intégrer parfaitem ent le déroulement des différentes opérations liées à la décantation dans l’organisation de la chaîne d’extraction des jus.
Bien maîtriser la durée des décantations et le temps global entre l’arrivée de la vendange au chai et le soutirage des moûts décantés pour ne pas pénaliser le démarrage rapide des fermentations.
Opération à n’envisager que si on s’est donné les moyens techniques (en cuverie, pompes…) et humains de la réussir. Par exemple, il vaut mieux limiter la décantation aux deux premiers pressoirs du matin si on ne dispose pas de suffisamment de temps pour la réaliser dans de bonnes conditions au cours de la journée.
La mise en œuvre des décantations
Chaque lot de moût provenant d’un même cycle de pressurage doit être isolé et collecté dans une même cuve. L’idéal est de posséder 2 cuves de décantation pour un même pressoir.
Interdiction d’utiliser du soufre ou tout autre antiseptique.
La durée de la décantation : maximum de deux heures après le début du remplissage de la cuve réceptionnant les jus provenant d’un même cycle de pressurage.
Tenir compte pour les durées de décantation du temps total (intervalle de temps entre l’arrivée de la vendange au chai et le soutirage des moûts décantés) pour ne pas retarder le départ en fermentation.
Elimination d’environ 2 à 7 % des volumes de fond de cuve et de la fraction surnageante.
Pratique facile à réaliser et présentant peu de risque avec des moûts à 14-15 °C.
Toujours bénéfique en année de pourriture.
Pratique délicate en présence de moûts à 18 °C et plus. A ces niveaux de température, la flore indigène de levures et de bactéries est en mesure de se développer rapidement.
La conduite des décantations doit s’accompagner d’une anticipation des départs en fermentation (bonne gestion des levurages ou de l’introduction des pieds de cuve).
La décantation génère aussi une charge de travail importante au chai qu’il faut bien apprécier.
L’utilisation de coude décanteur, de mireur et de vannes de vidange totale à 2 voies facilite le travail.
La mise en œuvre de la décantation nécessite une parfaite propreté au niveau de la cuverie de réception. Entre chaque cycle de pressurage, les cuves doivent être systématiquement lavées.
En conclusion : la décantation est une pratique œnologique dont l’intérêt qualitatif est démontré mais sa mise en œuvre nécessite une bonne maîtrise technique, une attention permanente et une charge de travail supplémentaire significative.
Décantation des moûts : les préconisations des grandes maisons de Cognac
Courvoisier : Une interventions qui ne se justifie pas si le pressurage a été bien conduit et en présence d’une vendange saine. Une mise en œuvre complexe dans les chais disposant de peu de main-d’œuvre. La décantation est conseillée dans le cas de vendange fortement botrytisée
Hennessy : Une intervention conseillée en présence de vendange saine et obligatoire si la récolte est dégradée par le botrytis. Acte qualitatif primordial dont la mise œuvre nécessite une certaine technicité. Des dangers accrus en présence de températures de moûts élevées. Moduler les prélèvements selon la qualité de la vendange.
Martell : Intervention pouvant s’envisager si, d’une part, la qualité des moûts le justifie et si, d’autre part, les niveaux de températures le permettent. La décantation rapide des moûts ne peut être bénéfique que si elle est réalisée dans de bonnes conditions et avec l’équipement adapté. En présence de vendange botrytisée, c’est une procédure corrective à envisager.
Rémy Martin : Intervention à réaliser quand les conditions d’extraction des jus et le tamisage n’ont pas permis d’obtenir des moûts pauvres en bourbes. Conseillée en présence de moûts bourbeux et en présence de vendange touchée par le botrytis. La mise en œuvre de la décantation nécessite de la technicité et des ressources humaines suffisantes.
Favoriser un démarrage rapide de la fermentation alcoolique
Si, dans les 2 jours suivant le départ en fermentation, la population de levures se multiplie suffisamment et montre une bonne activité, il y a de très fortes probabilités pour que la cinétique fermentaire s’achève sans incidents. A l’inverse, si les moûts présentent une insuffisance de teneurs en azote ammoniacal, des niveaux de températures trop bas ou trop hauts…, la multiplication des levures sera perturbée et les risques d’accidents fermentaires sont beaucoup plus importants.
Créer des conditions favorables à un démarrage rapide de la fermentation alcoolique est un acte œnologique important.
La température des moûts, c’est très important
La notion de température des moûts est capitale pour le lancement du processus fermentaire.
Les levures intéressantes sur le plan qualitatif ne peuvent se multiplier dans de bonnes conditions que si la température des moûts se situe entre 15 à 17 °C. Un moût trop froid (à 12 °C et moins) rend plus difficile l’implantation des levains de qualité au profit de souches indigènes cryophiles générant des composés secondaires indésirables (éthanal…). Un moût trop chaud (20 à 22 °C) est un handicap pour toutes les productions de vins blancs car les levures indigènes se multiplient très rapidement et leur présence nuit à l’implantation des levains sélectionnés. Cela favorise le développement rapide de levures oxydatives (Klockera, Pichia… occasionnant des déviations aromatiques dans les vins et les eaux-de-vie) qui, en l’absence de populations suffisantes de S. cerevisae, dominent le milieu. Les temps de latence trop longs pendant la phase pré-fermentaire favorisent aussi la multiplication des levures oxydatives.
Quand la récolte intervient dans une période chaude, le décalage des horaires de récolte tôt le matin (de 4 heures à 13 heures) permet de rentrer des raisins plus tempérés. En 2003, 2005 et 2011, les propriétés ayant mis en œuvre cette stratégie de travail avaient beaucoup mieux maîtriser le déroulement des fermentation alcooliques.
La mise à température des moûts peut être assez facile à maîtriser avec des moyens simples et peu coûteux tant que les volumes récoltés ne dépassent pas 250 à 350 hl/jour. Par contre, dès que les apports quotidiens dépassent 400 hl/jour, des moyens technologiques sont nécessaires.
Un mauvais état sanitaire, la cause de nombreux problèmes
Le développement du champignon Botrytis cinerea sur les baies ou les fractions de grappes « consomme » une partie des réserves alimentaires (les substances azotées) destinées aux levures. La présence de baies altérées dans la vendange héberge des levures et des bactéries indésirables pour la qualité.
La présence de laccase et d’autres microorganismes consomme des quantités d’oxygène relativement importantes qui peuvent manquer aux levures en fin de fermentation et favoriser leur mortalité précoce.
Une vendange et des moûts botrytisés représentent un milieu peu favorable à la multiplication des « bonnes » levures. Il convient alors de pallier les insuffisances en matières azotées, en oxygène de façon préventive pour faciliter l’implantation des LSA ou des pieds de cuve dans les meilleures conditions.
Maîtriser les apports d’azote
Depuis quelques années, les travaux de recherche conduits par la Station Viticole du BNIC ont mis en évidence d’une part la corrélation entre les niveaux d’acidité de la vendange à la récolte et la teneur en azote des moûts (des moûts acides sont riches en azote et inversement).
La présence de teneur variable en azote dans les moûts influence fortement la production de composés volatiles dans la fermentation alcoolique.
Lors des millésimes 2007, 2008 et 2009, la récolte de raisins possédant une bonne acidité a permis d’obtenir des moûts riches en azote et des eaux-de-vie nouvelles extériorisant un potentiel aromatique généreux.
La présence de teneurs en azote suffisantes dans les moûts est à la fois un gage de réussite pour le déroulement complet de la fermentation alcoolique et un révélateur de composés bénéfiques à la structure aromatique des eaux-de-vie.
L’azote intervient aussi de façon indirecte sur la production de composés aromatiques bénéfiques à la qualité des eaux-de-vie. Une alimentation azotée suffisante des moûts facilite le développement des flores de levures sélectionnées beaucoup plus propices à la production d’esters fermentaires. Des teneurs plus élevées en azote limite aussi la production d’alcools supérieurs, ce qui contribue aussi à assurer une meilleure extériorisation du potentiel aromatique. L’augmentation des populations de levures présentent dans les moûts a aussi un influence sur l’impact aromatique des lies mises en œuvre au cours de la distillation. La qualité des lies est directement liée à la concentration d’esters d’acides gras provenant directement des cellules de levures présentes au fond des cuves.
L’azote des moûts, l’aliment indispensable des levures
L’azote est un nutriment essentiel au fonctionnement de toutes les cellules vivantes et les levures n’échappent pas à cette règle. Les principales sources d’azote dans les moûts qui sont assimilables par les levures sont l’azote
ammoniacal et les acides aminés (sauf la proline). La nutrition azotée intervient sur le cycle de croissance des levures et, par voie de conséquence, sur l’activité fermentaire et la vitesse de fermentation.
Des teneurs élevées en azote dans les moûts favorisent l’augmentation des populations de levures et leur activité (une capacité à dégrader les sucres plus forte). Pour les distillations avec lies, la présence de fortes populations de levures contribue à renforcer la structure aromatique des eaux-de-vie nouvelles. Les cadavres de levures libèrent des acides gras qui sont à l’origine des esters aromatiques apportés par la mise en œuvre des lies.
Les moûts issus d’une vendange riche en sucres à pleine maturité, voire à surmaturité, se seront naturellement appauvris en substances azotées. A l’inverse, des moûts présentant un bon équilibre sucres/acidité ont généralement des teneurs en azote suffisantes pour assurer une bonne multiplication des levures.
Faire une analyse des teneurs en azote assimilable dans les moûts dans la majorité des parcelles lors du dernier contrôle de maturation sera en 2011 une sage précaution.
Maîtriser les apports d’azote et d’autres activateurs
Les levures mettent en stock de l’azote au début de leur cycle de vie. Si cette mise en stock est insuffisante, elles n’auront pas assez de résistance pour survivre dans un milieu qui devient de plus en plus alcoolisé. C’est pour cette raison que les apports d’azote en cours de fermentation ont une efficacité aléatoire.
L’utilisation d’activateurs de fermentation ne doit pas être systématique mais au contraire raisonnée, en tenant compte des caractéristiques de la vendange, des résultats analytiques et des objectifs de qualité de chaque propriété.
Quelques exemples de situation à risques :
• Vendanges très mûres, voire surmûries.
• Moûts issus de vendange botrytisée.
• Vignes peu vigoureuses, enherbées en plein ou ayant subi un stress hydrique.
L’adjonction d’activateur doit toujours être abordée de manière préventive (ne pas attendre une chute de l’activité des levures pour intervenir), de façon à créer des conditions favorables au bon déroulement de la phase de
croissance active des levures (les multiplications cellulaires).
En situation de carence avérée sur moût, l’apport en début de fermentation d’un complément azoté (en même temps que l’apport de LSA) va permettre d’augmenter la dynamique de multiplication des levures et d’accroître la capacité de fermentation des sucres par une présence importante de biomasse levurienne. En revanche, des apports tardifs d’azote suite à un ralentissement fermentaire ne sont pas assez efficaces pour assurer l’achèvement des fermentations.
Divers essais réalisés par la Station Viticole du BNIC ont démontré sur des moûts carencés l’intérêt d’apports préventifs de produits simples et peu coûteux comme le sulfate et le phosphate d’ammonium. L’utilisation de produits commerciaux élaborés et coûteux n’avait pas donné de meilleurs résultats.
En année de forte maturité, l’utilisation de sulfate d’ammoniaque peut présenter un réel intérêt car cela engendre une baisse légère du pH significative des vins (dès que les rajouts sont significatifs).
Conseils
Les informations régionales sur les teneurs en azote des moûts de chaque millésime représentent seulement une tendance régionale qu’il convient de compléter par une analyse fine du « potentiel azote » de chaque propriété.
Avoir une connaissance précise des teneurs en azote des moûts des différents îlots terroir de sa propriété.
Ne pas systématiser les apports d’azote ➞ raisonner les complémentations en tenant compte du climat, de l’état de maturité et de l’effet terroir.
Avoir des teneurs en azote supérieures à 180 mg contribue à la révélation du potentiel dans les eaux-de-vie (distillées avec lies).
En situation de carence avérée, réaliser les apports d’azote précocement avant le départ en fermentation en même temps que le levurage.
Pour des complémentations importantes, il faut fractionner les apports en 2 fois, la moitié en début de fermentation et le reste autour de 1040 de densité.
L’adjonction d’azote provoque une activation du processus fermentaire dont il faut anticiper les conséquences, une élévation des températures de fermentation.
Les points clés au niveau des apports d’azote
➦ La teneur en azote est un levier technique important pour le bon déroulement de la cinétique fermentaire et l’apport indirect de composés aromatiques bénéfiques à la qualité des eaux-de-vie.
➦ Créer les conditions au vignoble pour obtenir des moûts riches en azote doit être intégré dans l’itinéraire technique de production viticole.
➦ Gérer les apports doit être abordé en s’entourant des compétences d’un œnologue, car la mise en œuvre d’une complémentation est une intervention technique.
➦ Apporter des teneurs conséquentes d’azote accentue la vitesse de fermentation et les élévations de températures, ce qui, lors d’années chaudes, peut poser des problèmes.
Trois niveaux d’ajustement de la teneur en azote peuvent être envisagés :
Niveau 1 : pour assurer une transformation complète des sucres.
Niveau 2 : la recherche de vins équilibréd en composés volatiles (arômes fermentaires et teneurs en alcools supérieurs réduites).
Niveau 3 : la recherche de vins riches en ester d’acide gras.
Les préconisations des grandes maisons de Cognac vis-à-vis des appports d’azote
Courvoisier : Apport variable à raisonner pour couvrir les déficits éventuels de la vendange. Se référer aux préconisations de la Station Viticole du BNIC.
HENNESSY : Avoir comme objectif d’atteindre un niveau de 160 mg/l en début de fermentation alcoolique. Raisonner les apports en s’appuyant sur le dosage de l’azote dans les raisins lors du dernier contrôle de maturité.
MARTELL : Apport à raisonner pour couvrir les déficits éventuels de la vendange. Se référer aux préconisations de la Station Viticole du BNIC.
rémy martin : Avoir comme objectif d’atteindre le niveau de 150 à 200 mg/l en début de fermentation alcoolique. Raisonner les apports en s’appuyant sur le dosage de l’azote dans les raisins lors du dernier contrôle de maturité et dans les moûts en sortie de presoir..
Maîtriser le déroulement des fermentations alcooliques
Le cycle de vie des levures
Le cycle de vie d’une levure se décompose en 4 phases distinctes de cycle de croissance:
1 La période de latence : au départ, les levures s’acclimatent au milieu sucré du moût qui est aussi légèrement alcoolisé.
2 La multiplication cellulaire : les levures se multiplient rapidement pour atteindre 120 à 130 millions de cellules/millilitre. Les besoins en azote sont importants et immédiats. Les levures utilisent l’azote d’une part pour constituer leurs parois cellulaires et d’autre part pour constituer des stocks. Une insuffisance de disponibilité en azote pendant cette phase réduit l’augmentation de la population de levures.
3 La phase stationnaire : pendant cette période, la population de levures reste stable et très active (vis-à-vis de la fermentation) mais le milieu est épuisé en azote. Les levures poursuivent leur activité grâce aux réserves accumulées pendant la phase de croissance. L’insuffisance de ces réserves peut conduire à une mortalité prématurée des levures et donc à un ralentissement brutal de la fermentation alcoolique (risque d’arrêt FA en présence de sucres résiduels).
4 La phase de déclin : l’accumulation d’éthanol dans le milieu provoque la dégradation des parois cellulaires de levures qui meurent.
Ensemencer à partir d’un pied de cuve
Maintenir un lot de moût à bonne température (entre 15 et 17 °C) dans lequel un ensemencement en LSA à la dose de 10 à 20 g/hl sera réalisé. Le pied de cuve ne pourra être utilisé comme « levain qualitatif » que si sa densité est supérieure à 1040. Incorporer 20 à 30 % de moût du pied de cuve dans la cuve à ensemencer (20 à 30 hl pour 100 hl).
Lors d’années chaudes, les mises en fermentation à partir de pieds de cuve ont certaines limites liées aux phénomènes inévitables de concurrence des flores de levures indigènes.
A la base, le pied de cuve doit être réalisé à partir de LSA.
Les pieds de cuve doivent être renouvelés assez fréquemment (tous les 3 jours) pour conserver leur rôle d’ensemencement en « bonnes » levures.
Des différences de températures importantes (7 à 10 °C) entre le moût frais et le levain posent le même problème qu’avec des LSA. Il faut alors réaliser une étape intermédiaire d’acclimatation.
Le levurage direct pour mieux maîtriser la F.A.
L’utilisation systématique des LSA par un levurage direct est devenue une pratique préconisée par tous les acteurs techniques de la région de Cognac. C’est le moyen le plus efficace de pallier la colonisation des flores de levures indigènes et des bactéries indésirables. Une implantation rapide de levures sélectionnées et un déroulement régulier et assez rapide de la fermentation alcoolique améliorent généralement le rendement en alcool, ce qui permet de largement valoriser l’investissement dans les LSA.
L’utilisation des LSA apporte une maîtrise de la cinétique fermentaire qui réduit de façon considérable les risques d’apparition en excès de composés indésirables (du type éthanal, alcools supérieurs, acétate d’éthyle) et renforce les vins en arômes fermentaires et support d’acide gras (masses de la flore de levure présente dans les lies).
Un très gros travail technique est conduit par la Station Viticole du BNIC et les services techniques des grandes maisons de Cognac pour tester les souches de LSA adaptées aux attentes spécifiques de la filière. Une procédure de qualification spécifique a été développée pour expérimenter les LSA des fournisseurs avant qu’elles ne soient commercialisées. A l’issue de 3 à 5 années d’essais en petits et grands volumes, les souches obtiennent ou pas la qualification. Cette étape de qualification est aujourd’hui incontournable pour commercialiser des LSA dans le vignoble de Cognac.
D’une manière générale, il est intéressant d’utiliser dans un chai plusieurs souches de levures car cela contribue à développer des typicités aromatiques différentes dans les vins et les eaux-de-vie. L’effet millésime qui s’avère tout de même plus déterminant sur les caractéristiques aromatiques des vins peut s’exprimer de façon différente grâce à l’effet souche de LSA.
Levurage : les préconisations des grandes maisons de Cognac
Courvoisier : Une utilisation des LSA sur l’ensemble de la récolte systématique, car cela contribue à optimiser le bon déroulement du processus fermentaire. Porter une grande attention à la préparation et aux conditions d’incorporation du levain pour tirer le meilleur profit du levurage.Souches de levures préconisées ➞ Toutes les souches qualifiées par le BNIC sauf la SM 102 (en raison de sa capacité à bloquer la malo et à synthétiser de l’éthanal).Utiliser 2 à 3 souches de LSA dans chaque chai.
HENNESSY : Utilisation des LSA systématique sur l’ensemble de la récolte, car c’est un levier technique important pour maîtriser la qualité des vins et minimiser la production d’éthanal.Porter une grande attention aux conditions d’ensemencement pour obtenir des levains de qualité. Les phases de réhydratation et d’acclimatation des LSA et les aspects de nutrition des levures sont essentielles. Souches de levures préconisées ➞ Utiliser les souches définitivement qualifiées par le BNIC en ciblant prioritairement les LSA non productrices d’éthanal, FC9, Fermiflor, Zymasil, 7013, et éventuellement faire un essai de petits volumes avec ICV 254 (en cours de qualification).Utiliser 2 à 3 souches par chai.
MARTELL : Une utilisation systématique des LSA sur l’ensemble de la récolte pour maîtriser le déroulement du processus fermentaire.Souches levures préconisées ➞ Utiliser les souches qualifiées par le BNIC en privilégiant celles connues pour produire peu d’alcools supérieurs.Utiliser au moins 2 souches par chai pour apporter de la diversité aromatique aux vins.
Rémy martin : Utilisation des LSA systématique à des doses suffisantes pour valoriser la structure aromatique future des vins et des eaux-de-vie. Attention aux chocs thermiques au moment de l’incorporation des levains. La phase d’acclimatation du levain avant son incorporation dans les cuves est très importante. Souches de levures conseillées ➞ Utiliser les 3 souches qualifiées par le BNIC suivantes : FC9, Zymasil et SM 102. Pour les souches non qualifiées, faire éventuellement un essai en ayant en comparaison une cuve témoin. Utiliser plusieurs souches par chai apporte une diversité aromatique qui est toujours bénéfique.
Anticiper les excès thermiques
Au cours du déroulement de la fermentation alcoolique, les excès thermiques à la hausse comme à la baisse sont en mesure de perturber fortement le processus de dégradation des sucres en alcool et la synthèse des composés propices à la révélation du potentiel aromatique final des eaux-de-vie.
Les priorités
Prendre conscience des risques ultérieurs de fortes ou de faibles températures au moment de la réception des raisins et de la libération des moûts.
Une vendange ou un moût à 10 °C ou à 22 °C pose bien évidemment des problèmes au moment du déroulement de la fermentation.
Les faibles comme les fortes températures de fermentation ont des conséquences directes sur le développement des populations de levures, la préservation du potentiel aromatique…
Le fait de pouvoir anticiper ces risques thermiques représente un acte de vinification majeur même si les chais ne disposent pas d’équipements de maîtrise thermique performants.
Comment diagnostiquer d’éventuels excès thermiques ?
➊ Connaître les températures de chaque lot de moût aussitôt le pressurage.
L’incidence du climat pendant les vendanges est importante :
• Année très froide ➞ t° moûts 10 °C
• Année fraîche ➞ t° moûts 12 à 14 °C
• Année tempérée ➞ t° moûts 14 à 18 °C
• Année chaude ➞ t° moûts 19 à 22 °C
La température des moûts idéale pour le démarrage de la fermentation alcoolique : 15-17 °C en sortie de pressoir.
➋ Tenir compte des volumes de moûts récoltés quotidiennement.Plus ils sont importants, plus les besoins en refroidissement ou en réchauffage seront importants :
• 300 hl/jour ➞ 2,5 ha/jour
• 500 hl/jour ➞ 4 ha/jour
• 1 000 hl/jour ➞ 8 ha/jour
Lorsque les volumes de moûts récoltés quotidiennement ne dépassent pas 300 à 400 hl, un décalage des horaires de récolte est un moyen astucieux de rentrer une vendange plus tempérée.
➌ Evaluer les élévations de températures liées à la fermentation alcoolique.La transformation des sucres en alcool par les levures s’accompagne d’un dégagement d’énergie qu’il est aujourd’hui possible de quantifier très précisément.
La température ambiante autour de la cuverie de fermentation. Le niveau de ventilation d’un chai accentue ou réduit les échanges thermiques d’une cuve (quel que soit le matériau) et les incidences du climat pendant les vendanges sont importantes. Une cuve enterrée ne pourra pas être ventilée alors qu’une cuve extérieure le sera naturellement beaucoup plus.
• Année chaude ➞ température extérieure sur 24 heures de 22 °C.
• Année tempérée ➞ température extérieure sur 24 heures de 18 °C.
• Année fraîche ➞ température extérieure sur 24 heures de 14 °C.
Le matériau et la contenance des cuves. Dans les chais de vinification on utilise aujourd’hui des cuves en ciment, en fibre de verre ou en inox. Chacun de ces matériaux possède une capacité d’échange très différente. L’inox est très conducteur, la fibre de verre possède plus d’inertie et le ciment est peu conducteur. L’augmentation de la capacité des cuves amplifie les niveaux des dégagements d’énergie durant la fermentation alcoolique.
➍ Envisager les solutions pour contrôler les excès thermiques.
Utiliser des moyens technologiques pour contrôler les températures de fermentation.
Les + d’une fermentation sans excès thermique
➊ Avoir des températures de moûts autour de 15 °C favorise un démarrage des fermentations rapide. Un démarrage à basse température est propice à la production d’éthanal.
➋ Eviter des excès thermiques au-dessus 25 °C pendant la fermentation alcoolique. Cela contribue à renforcer la structure aromatique des vins et des eaux-de-vie. La synthèse d’alcools supérieurs est plus importante lorsque les températures de fermentation dépassent 25 °C.
➌ L’idéal est que la cinétique fermentaire s’effectue de façon complète et régulière pendant 4 à 6 jours maximum.
Températures de fermentation alcoolique : les préconisations des grandes maisons de Cognac
Courvoisier : Eviter les excès thermiques qui perturbent le déroulement du processus fermentaire. En dessous 20 °C, le déroulement de la cinétique fermentaire est ralenti et à l’inverse, au-dessus 28 °C, le risque de mortalité des levures augmente.
HENNESSY : Lancer la fermentation alcoolique avec des moûts dont la température se situe entre 16 et 18 °C.Plage idéale de température de fermentation ➞ 21 à 26 °C. En dessous 20 °C, la production d’éthanal est accrue et au-dessus de 26 °C, les teneurs en alcools supérieurs augmentent. Durée de fermentation idéale : 4 à 6 jours.A partir de 1020, relâcher la maîtrise thermique pour faciliter le bon déroulement des fins de fermentation.
MARTELL : La température des moûts ainsi que les températures mini et maxi durant la FA sont des paramètres qui conditionnent le bon déroulement du processus fermentaire. Des moûts entre 16 à 18 °C au moment du levurage représentent une situation idéale pour le lancement des FA. La mise en température en ligne des moûts (avec des échangeurs) est un levier technique important.
Plage idéale de température de fermentation alcoolique ➞ 22 à 25 °C pour permettre l’accomplissement de la fermentation en moins d’une semaine. Un contrôle journalier des températures et des densités permet de suivre le bon déroulement de la fermentation alcoolique. Suivre de près le déroulement des fin de fermentations et à partir de 1020, relâcher la maîtrise thermique pour en faciliter le bon déroulement. Dès la fin de fermentation, s’assurer par analyse de l’absence de sucres résiduels.
Rémy martin : Lancer les fermentations avec des moûts dont la température se situe entre 16 à 18 °C. Ne pas hésiter à jouer sur les horaires de récolte pour « tempérer » les raisins. Prendre des précautions lors de l’utilisation des cannes chauffantes en années froides.
Plage idéale de température de fermentation alcoolique ➞ 22 à 26 °C pour conduire le processus fermentaire en 4 à 6 jours. En dessous 22 °C, l’impact qualitatif de levains de LSA est moins bon. Au-dessus 28 °C, la richesse en composés aromatiques des vins diminue et les risques d’arrêt de fermentation augmentent.
La maîtrise thermique apporte de la souplesse dans l’organisation des chantiers de vendange en années froides et chaudes
Les chais équipés de maîtrise thermique doivent relâcher leurs contrôles de température à partir de 1020. La maison Rémy Martin a édité cette année une fiche technique sur les aspects de maîtrise thermique des moûts et des vins.
Présentation d’une étude thermique de contrôle des fermentations
Les éléments pris en compte pour réaliser l’étude thermique
Température de départ des moûts : 17 °C.
Titre alcoométrique potentiel des moûts : 9 à 12 % vol.
Durée de la fermentation alcoolique : 7 jours.
Maîtrise thermique à 25 °C.
3 hypothèses de climat pendant les vendanges :
• Année chaude
• Année tempérée
• Année fraîche
(Etude réalisée par Jean-Michel Maron, de la Chambre d’agriculture de la Gironde).
Contrôler le déroulement des fermentations
Le mauvais déroulement de la fermentation alcoolique conduit à l’obtention de vins présentant des défauts majeurs qu’aucune intervention corrective ne permettra d’atténuer. Tous les vinificateurs peuvent être confrontés à « des cuves difficiles » ayant un démarrage trop lent, des montées en température plus importantes, des fins de F.A. languissantes… Dans de telles circonstances, un suivi quotidien des densités et des températures de fermentations permet de détecter tôt les prémices d’un accident fermentaire et d’en limiter les conséquences.
Prendre les densités et les températures de chaque cuve tous les jours est vraiment « un geste » œnologique de base indispensable.
Contrôler les fermentations : un protocole à respecter
➊ Prendre les températures et les densités de chaque cuve quotidiennement et à heure fixe.
➋ Enregistrer ces informations sur une fiche de vinification pour visualiser parfaitement le déroulement du processus fermentaire.
➌ Renforcer la surveillance de cuves en dessous 1020 de densité car « les derniers grammes » de sucre sont toujours les plus délicats à transformer en alcool. Prendre 2 fois par jour les densités et les températures.
➍ Une fois que les densités indiquent la fin de la fermentation alcoolique, une confirmation de l’achèvement du processus par une analyse de laboratoire s’impose (dosage : sucre résiduel et acidité volatile).
➎ En cas d’incident (arrêt aux fermentations languissantes), s’entourer des compétences d’un œnologue.
Les points clés pour réussir la fermentation alcoolique
• S’entourer des conseils d’un œnologue de terrain pour définir et piloter l’itinéraire technique des vinifications.
• Un démarrage rapide des fermentations dans un délai de 6 à 12 heures après le pressurage est toujours favorable à la qualité.
• Un démarrage lent après 2 à 3 jours d’attente est toujours la cause d’apparition de défauts majeurs dans les eaux-de-vie.
• Pratiquer le levurage systématique et bien acclimater les levains.
• Mettre à bonne température les moûts.
• S’organiser pour essayer de lancer les fermentations des moûts à une température de 15 à 17 °C.
• En présence d’un mauvais état sanitaire, le levurage systématique, l’apport d’azote et la décantation des moûts s’imposent : ce sont les seuls moyens de limiter le développement des levures et des bactéries indésirables pour la qualité.
• Penser à « alimenter » les levures de manière préventive : raisonner les apports de sulfate ou de phosphate d’ammonium en fonction des teneurs dans les raisins et les moûts.
• Assurer un déroulement régulier de la cinétique fermentaire :
– Conduire la fermentation alcoolique en 5 à 7 jours en maintenant les températures en dessous de 25 °C.
– La maîtrise thermique en dessous de 24 °C allonge les durées de fermentation et provoque un enrichissement en
composés aromatiques aux notes florales.
– Certaines grandes Maisons de Cognac ont formulé des exigences en matière de maîtrise des températures de fermentation :
– Suivre quotidiennement les densités et les températures de fermentation.
– Respecter les préconisations de vinification de chaque grande Maison de Cognac.
– Etre très vigilant dans le suivi des fins de fermentation.
Le suivi analytique et qualitatifdes vins
Dès que les prises de densité indiquent la fin de la fermentation alcoolique, il faut réaliser un dosage des sucres résiduels et de l’acidité volatile pour confirmer le déroulement du processus fermentaire.
Une fois cette information obtenue, une série d’interventions devra être effectuée pour créer de bonnes conditions de conservation des vins. La réalisation du plein des cuves et leur maintien pleines grâce à des ouillages réguliers est indispensable. La présence de gaz carboniques dans les vins juste faits assure une protection contre l’oxydation dans la mesure où les cuves sont maintenues parfaitement pleines.
L’utilisation de soufre pour conserver les vins de distillation est actuellement proscrite même à toutes petites doses. Les grandes maisons de Cognac ont sur ce sujet une position unanime.
Au cours des deux à trois semaines suivant la fin de la fermentation alcoolique, le refroidissement des vins entraîne une contraction volumique du contenu des cuves qui doit être compensé en réalisant des ouillages réguliers.
L’utilisation de systèmes d’inertage avec des gaz neutres représente une nouvelle possibilité pour empêcher les conséquences d’aération excessives des vins au cours de leur conservation. Des essais de conservation en présence de gaz inertes ont été conduits au cours des trois dernières campagnes sur des cuves pleines et d’autres en cours de distillation. Plusieurs œnologues de terrain considèrent cette pratique intéressante sur le plan qualitatif et assez abordable sur le plan économique.
Une semaines après la réalisation du premier plein des cuves, les vins seront dégustés et analysés pour apprécier, d’une part, l’état d’avancement de la fermentation malolactique et la concentration de certains composés considérés comme majeurs : acétate d’éthyle, éthanal, acétal, alcools supérieurs. Si les teneurs en éthanal ne correspondent pas aux attentes des acheteurs, la mise en œuvre de la fermentations malolactique grâce à des moyens naturels (chauffage, adjonction de petits volumes de vins faisant leur FML) et œnologiques (ensemencements en ferments malolactiques) représente un moyen correctif et efficace de dégrader ce composé.
Le débat sur l’intérêt et les dangers du déroulement de la fermentation malolactique au niveau de la conservation des vins de distillation est devenu un sujet à la fois simple et complexe. Dans les chais, le déroulement de la fermentation malolactique est subi dans 90 % des situations. Certains millésimes de forte maturité avec des vins peu acides, la réalisation de la FML fait encore chuter l’acidité et rend la phase de conservation souvent délicate. A l’inverse, certaines années propices à la synthèse d’éthanal, les niveaux d’acidité très élevés rendent très difficile son déroulement. En résumé, le déroulement du processus malolactique est actuellement peu ou pas maîtrisé dans le vignoble de Cognac alors que dans d’autres régions viticoles, les fournisseurs de produits œnologiques le considèrent comme opérationnel.
Les conditions de conservation des vins de distillation doivent aussi tenir compte des attentes ultérieures au moment de la distillation, principalement au niveau de la mise en œuvre des lies. Les maisons de négoce comme Martell et Courvoisier (pour les vins issus des Fins Bois) distillant sans lies préconisent un soutirage précoce des vins encore laiteux dans les 3 à 4 jours suivant la fin de la fermentation alcoolique. Cela permet de conserver l’effet protecteur du gaz carbonique dissous. dans le vins. Un soutirage plus tardif, 3 à 4 semaines après la fin de la fermentation alcoolique peut provoquer une aération importante du vins dont les conséquences sur la structure qualitatives sont toujours négatives. Les maisons de négoce comme Rémy Martin et Hennessy qui souhaitent réaliser une distillation avec lies, préconisent de ne pas soutirés les vins en fin de fermentation alcoolique. La surveillance régulière des pleins pendant toute la durée de la conservation est un acte préventif majeur.
Dès que le délai de conservation dépasse 3 à 4 mois, la réalisation de contrôles analytiques réguliers (tous les mois) de l’acidité volatile et du pH sont souhaitables. La dégustation régulière des vins est également conseillée pour suivre leur évolution organoleptique.
Déroulement de la fermentation malolactique : les préconisations des grandes maisons de Cognac
COURVOISIER : Une volonté de distiller des vins ayant effectué leur fermentation malolactique quand elle s’enclenche naturellement. Dans l’état actuel des connaissances, l’utilisation de levains lactiques n’est pas conseillée quand la fermentation malolactique ne se déroule pas.
HENNESSY : L’objectif d’une vinification maîtrisée et réussie est d’élaborer des vins qui, à l’issue de la fermentation alcoolique, ne présentent aucun défaut et donc pas d’éthanal. Si ce composé est absent des vins, il ne faut pas rechercher à mettre en œuvre la fermentation malolactique qui provoque une perte d’acidité des vins. Toute chute d’acidité durant la conservation fragilise le potentiel de qualité des vins. Le déroulement de la fermentation malolactique ne se justifie qu’en présence de teneurs en éthanal excessives. C’est alors un processus correctif. L’utilisation de levains malolactiques peut s’envisager quand les moyens naturels ne donnent pas satisfaction. A l’issue de la fermentation alcoolique, la réalisation des pleins et leur surveillance régulière sont déterminants pour assurer de bonnes conditions de conservation des vins.
MARTELL : La fermentation malolactique (FML) peut être bénéfique une année de faible maturité, mais peut poser des problèmes de stabilité une année de forte maturité (pH élevé). Il n’est donc pas nécessaire de forcer son déclenchement sauf cas particuliers (ex : teneur élevée en éthanal), mais son suivi analytique est fortement conseillé. Vérifier régulièrement les niveaux et ouiller si nécessaire les cuves. Suivre régulièrement l’évolution de l’acidité volatile.
rémy martin : Si les vins à l’issue du premier contrôle analytique (2 à 3 semaines après la fin de la fermentation alcooliqu e) ne présentent pas de teneurs élevées en éthanal, favoriser le déroulement de la fermentation malolactique n’est pas à rechercher. A l’inverse, si les vins possèdent des teneurs excessives en éthanal, le déroulement de la FML permet de gommer ce défaut. Malheureusement, le processus ne s’enclenche pas toujours, même si des moyens œnologiques rationnels sont mis en œuvre. Eviter les aérations excessives lors de la conservation permet de diminuer sa teneur. Surveiller régulièrement le plein est très important durant toute la phase de conservation.