Les caractéristiques de la vendange du millésime 2014 sont globalement assez conformes aux conditions moyennes des récoltes de la région depuis une quinzaine d’années. Le cycle végétatif n’est ni précoce ni tardif et le potentiel de récolte s’annonce tout à fait correct mais pas pléthorique non plus. Les niveaux de rendements s’annoncent en moyenne supérieurs de 10 à 20 hl/ha à ceux de l’année dernière. Les grappes d’ugni blanc ont cette année un aspect très généreux qui fait plaisir à voir. Les raisins sont pleins, lourds, ce qui est un bon présage. La phase de maturation se déroule à peu près normalement, même si le mois d’août frais et très pluvieux a pénalisé la véraison. Heureusement, les chaleurs estivales des trois premières semaines de septembre ont fait bien évoluer la maturation qui s’est accélérée. Les bonnes conditions climatiques ont permis de sécher les foyers de botrytis qui avaient commencé à se développer depuis la mi-août. La perspective d’un début de vendanges dans les derniers jours de septembre ou tout début octobre semble d’actualité si le climat reste beau et ensoleillé. La préservation de l’état sanitaire des raisins est le principal risque de l’année en raison d’une part de la présence de foyers de botrytis latents et d’autre part d’une structure des grappes déjà très serrée. Si des conditions réellement pluvieuses intervenaient d’ici la fin septembre, le développement rapide du botrytis pourrait avancer la date des vendanges.
Une récolte 2014 plus conforme aux standards qualitatifs Cognac
La récolte 2014 s’annonce moins compliquée à traiter que celle de l’année passée qui avait été marquée par la sous-maturité. Beaucoup de viticulteurs semblent assez optimistes au niveau des volumes comme de la qualité de la production. La perspective de récolter des raisins sains et équilibrés sur le plan des teneurs en sucres et en acidités représente un gage de qualité. Le contrôle de maturation du 22 septembre avec un TAV moyen potentiel de 8,9 % vol. et une acidité totale de 8,7 g/l conforte cette perspective. La deuxième phase de la maturation a en quelque sorte compensé la fraîcheur d’août. Souhaitons que le climat de la fin septembre et début octobre viennent conforter le potentiel de qualité intéressant « qui pointe le nez ». La nature de la vendange du millésime 2014 s’annonce plus conforme aux standards qualitatifs de la région de Cognac.
Des raisins n’ayant subi aucun stress durant la maturation
Les bonnes réserves hydriques des sols associées au beau temps durant la première quinzaine de septembre contribuent à rendre la maturation régulière, ce qui est toujours intéressant vis-à-vis de l’équilibre aromatique et gustatif des baies. Les résultats des contrôles de maturation jusqu’à la mi-septembre ont révélé une bonne préservation de l’équilibre sucres/acidité. Le processus de maturation n’a pas été brutal et l’augmentation des teneurs en sucres s’est accompagnée d’une diminution des niveaux d’acidités normale. Les teneurs en acides maliques assez importantes sont à relier à la phase de croissance végétative tardive des vignes (jusqu’à la fin août). Les premières indications des niveaux de teneurs en azote des moûts ne semblent pas alarmantes. Globalement, le millésime 2014 se présente pour l’instant bien, mais les raisins ont encore besoin « de soleil » pour atteindre la pleine maturité « Cognac ».
Une hétérogénéité de charge des grappes et de nature de vendange
L’hétérogénéité de charge de récolte dans les parcelles représente une spécificité de l’année dont il ne faudra pas sous-estimer les conséquences. Dans les vignes portant un nombre de grappes moyen, la maturation a avancé de manière régulière et plus rapidement. Les baies au soleil se goûtent déjà bien ! Par contre dans les vignes chargées, l’évolution plus lente engendre un retard de maturité très perceptible lors des contrôles de maturité. Les écarts liés à la charge de raisins sont aussi amplifiés par les effets porte-greffe, l’exposition des parcelles et le niveau de fonctionnalité de la surface foliaire. L’ensemble de ces éléments aura une incidence au niveau de l’établissement du planning de récolte, même si la deuxième quinzaine de septembre est belle. Retarder la récolte des parcelles chargées serait judicieux pour atteindre la maturité Cognac idéale, mais l’état sanitaire des raisins le permettra-t-il ?
Le mildiou d’août a parfois endommagé la surface foliaire
Une des principales inquiétudes de cette fin de cycle végétatif se situe au niveau de la fonctionnalité de la surface foliaire. L’activité photosynthétique des feuilles âgées à partir de la mi-août se comporte comme une « unité de production » des composés qualitatifs présents dans les baies à la récolte. Or cette année, les fortes pressions de mildiou à partir de début août ont attaqué les feuilles de façon parfois virulente. Dans les parcelles insuffisamment protégées, les dégâts au niveau de la surface foliaire ont été significatifs sur les entre-cœurs et au niveau des feuilles âgées. Certaines parcelles ont perdu une partie de leur capacité photosynthétique et cela aura inévitablement des conséquences au niveau du déroulement de la maturation. La « machine » n’est plus totalement fonctionnelle et les vignes ayant un feuillage endommagé n’auront pas l’énergie suffisante pour assurer le processus de maturation complet, même si le beau temps se maintient.
Le développement d’attaques tardives de botrytis n’est pas impossible
La surveillance du développement du botrytis devra également mobiliser l’attention des viticulteurs. La récolte de raisins sains est une priorité pour la réussite des vinifications des vins de distillation car les composés issus « des pourritures » une fois libérés ne peuvent plus être éliminés. La surveillance de l’état sanitaire est un critère majeur pour déclencher la récolte au moment le plus opportun. Le pourri est « l’ennemi public N° 1 » des vinificateurs de la région de Cognac, même quand sa présence est faible à moyenne. La climatologie de l’été 2014 a été propice au développement d’épidémies précoces courant août. Les foyers latents de botrytis présents en fin de véraison ont heureusement été séchés par le soleil de début septembre. La situation s’est en quelque assainie mais des précipitations de 40 à 50 mm en un ou deux jours pourraient très vite relancer la dynamique de ces épidémies « en sommeil ». Il n’est pas impossible non plus que des attaques tardives de vers de la grappe soient dans certaines zones à l’origine de nouveaux foyers. La structure des grappes déjà très compacte les rend potentiellement plus sensibles aux attaques de botrytis. Un gonflement rapide des baies peut provoquer – faute de place – leur détachement des pédicelles et leur éclatement. La nature très sucrée des jus contenus dans les baies à l’approche des vendanges constitue un aliment prisé du botrytis et des autres formes de pourriture.
En présence d’un mauvais état sanitaire, tout est plus compliqué
Avec de la vendange botrytisée (même à 10 %), tout devient plus compliqué durant les vinifications. La libération des jus plus précoce et non maîtrisée rend la conduite du traitement de la vendange encore plus délicate. Des extractions de composés directement issus du botrytis (levures, bactéries, laccase…), une sur-concentration en particules végétales dans les moûts, de moindres teneurs bénéfiques en azote et en composés aromatiques…), des conduites de cinétique fermentaire plus aléatoires… modifient profondément la structure qualitative des moûts et des vins de distillation. Tous ces éléments justifient la mise en œuvre de pratiques de vinification spécifiques pour limiter les conséquences de la pourriture. Au niveau du traitement de la vendange, l’utilisation d’un adjuvant de pressurage comme le Trubex ou la réalisation de décantations rapides des moûts plus serrées (en présence d’enzymes) présentent de l’intérêt. Ces pratiques limitent les incidences négatives du botrytis, mais l’état sanitaire dégradé des raisins rend aussi leur mise en œuvre plus complexe. La colonisation très rapide des moûts par une flore de levures et de bactéries indigènes issue du botrytis complique aussi l’implantation des levains sélectionnés. Le potentiel naturel de teneurs en azote des moûts est en partie consommé par les divers champignons de la famille des pourritures, ce qui accroît les risques d’arrêts de fermentation. Tous ces éléments plaident en faveur d’une part de la mise en œuvre de moyens préventifs au vignoble pour anticiper l’apparition des différentes formes de pourriture et d’autre part d’un isolement des lots de vendange botrytisés au moment des vinifications.
Bien apprécier les différences de qualité des raisins pour réussir le traitement de la vendange
Les parcelles peu ou moyennement chargées auront atteint fin septembre la pleine maturité alors que d’autres en seront loin. La bonne connaissance du potentiel de maturité des raisins sera donc importante pour planifier la récolte, cueillir les raisins au moment opportun et piloter les interventions d’extractions des jus avec efficience. Les informations des suivis de maturation seront sans aucun doute un outil d’aide à la décision précieux pour bien apprécier les différences de nature des raisins. La structure qualitative du contenu des baies a une incidence directe sur leurs capacités à libérer plus ou moins facilement de nombreux composés lors des interventions de traitement de la vendange. Le savoir-faire des vinificateurs au niveau de l’appréciation du contenu des grappes s’avérera essentiel pour adapter les conditions des transferts de vendange, le chargement des pressoirs (en axial) et le paramétrage des cycles de pressurage. L’obtention de moûts possédant un bon équilibre de bourbes (ni trop, ni trop peu) représente un gage de qualité vis-à-vis de l’expression aromatique ultérieure des vins et de celle des eaux-de-vie.
La récolte des vignes grêlées rare et complexe à vinifier
L’évolution de la maturité dans les vignes grêlées suscite beaucoup d’inquiétudes compte tenu de l’importance des surfaces touchées (à des degrés d’intensité divers) qui sont de l’ordre de 8 000 ha. Les premiers orages, le 19 mai et surtout les 8 et 9 juin, ont littéralement traversé tout le vignoble. Les dégâts spectaculaires à la veille des relevages ont provoqué un redémarrage tardif des parcelles à partir du 25 juin, ce qui laissait peu d’espoir au niveau d’une ressortie des grappes. Dans les parcelles les plus touchées, quelques grappes se sont développées avec un retard de cycle qui ne permet pas d’envisager leur récolte. Les autres orages de grêle début et courant juillet bien plus locaux sont intervenus dans des vignes proches de la fermeture de la grappe. Le développement ultérieur de ces parcelles a été sérieusement perturbé durant tout le reste de la saison. Le stress occasionné par les fortes défoliations d’un côté des rangs a retardé fortement la mise en œuvre du processus de véraison et actuellement ces vignes accusent un net retard de maturité. Les pertes de récoltes liées aux différents orages de grêle sont estimées à 30 000 à 40 000 hl d’AP dans l’ensemble de la région délimitée.
Récolter très peu de raisins, préserver le capital de bois : un vrai dilemme
Les zones grêlées le plus précocement ont eu un cycle végétatif décalé qui a connu à partir de début août une phase d’accélération au niveau des grappes. Les parcelles grêlées à plus de 80 % ont retrouvé une surface foliaire fonctionnelle à partir de la fin juillet. Les quelques grappes ayant échappé au sinistre ont eu un cycle à peu près normal (floraison 15 au 20 juin), mais les perspectives de rendements sont très limitées (de 5 à 30 hl/ha). Le rapport feuilles/fruits très élevé des vignes a fait évoluer rapidement la maturation des raisins de première génération. Leur évolution s’est effectuée très rapidement et leur récolte pourrait être envi-sagée à partir du 25 au 27 septembre. Les quelques raisins de deuxième génération présents sur les souches n’ont toujours pas atteint le stade de la véraison à la mi-septembre, ce qui rend inenvi-sageable leur récolte avant la chute des feuilles. La fragilité des rameaux et le retard d’aoûtement des bois (à peine commencé au 15 septembre) incitent beaucoup de viticulteurs à retarder au maximum la récolte des parcelles fortement grêlées. C’est un vrai dilemme : faut-il récolter plus tôt des raisins sains ou choisir d’intervenir très tard (ou peut-être pas) pour préserver des bois de taille pour la récolte 2015 ? L’idéal serait de vendanger à la main ces vignes, mais est-il réaliste économiquement d’investir à court terme 1 000 €/ha pour récolter 1, 2, 3 hl d’AP/ha ? Trouver le juste compromis pour à la fois minimiser les pertes économiques de 2014 et conserver le capital de bois de taille pour les deux ou trois récoltes à venir ne sera pas simple !
Une maturation rapide dans les parcelles grêlées à 50 à 70 % début juin
Les vignes grêlées début juin à seulement 50 à 70 % ont conservé un potentiel de récolte un peu plus important qui laisse espérer des niveaux de rendement se situant entre 30 à 60 hl/ha. Le bon fonctionnement de la surface foliaire en absence de fortes attaques de mildiou durant le mois d’août a accéléré le cycle de développement des raisins. La présence de beaucoup de feuilles fonctionnelles pour alimenter peu de grappes a été très bénéfique. Leur maturation s’est effectuée rapidement et la pleine maturité des parcelles sera atteinte avant la fin du mois de septembre. Les grappes qui ont aspect un peu plus lâche devront être surveillées de près à l’approche des vendanges, car leur sensibilité au botrytis risque d’être forte. Dans ces vignes moins grêlées, la récolte fin septembre des raisins à leur pleine maturité pourra s’effectuer avec les MAV en faisant preuve de beaucoup de souplesse au niveau du réglage du secouage. La préservation des bois de taille pour les prochaines récoltes représente également un challenge économique pour le moyen terme. En 2009, des parcelles de 15 à 20 ans fortement grêlées ont vieilli prématurément les années suivantes. La taille était difficile, les courants de sève n’étaient plus respectés et les maladies du bois ont explosé.
Un impact des baies de raisins peu mûres à ne pas sous-estimer
Les vignes grêlées plus tardivement dans le courant du mois de juillet ont subi une situation de stress qui a bloqué leur évolution durant trois à quatre semaines. La véraison s’est déroulée plus tardivement et en deux temps. Les fractions de grappes du côté de rang non exposé aux impacts des grêlons ont verré plus tardivement mais de façon assez régulière. Par contre, les baies rescapées sur les faces de rangs grêlées sont restées vertes très longtemps. Leur véraison est intervenue avec un décalage de plusieurs semaines, ce qui confère aux grappes une forte hétérogénéité. Cette situation va poser de gros problèmes pour la conduite des vinifications. La présence de 20 à 30 % de baies accusant un net retard va indéniablement nuire à la qualité de l’ensemble de la production ? Pourra-t-on attendre la pleine maturité de ces baies « retardataires » sans que les graines les plus mûres soient altérées par le botrytis ? Cela peut paraître peu plausible, sauf si l’été indien dure jusqu’au 25 octobre. Qualitativement, déclencher les vendanges pour cueillir 70 à 80 % des baies mûres et ne pas récolter les graines peu mûres peut se justifier. Néanmoins, économiquement, peut-on se priver après une grêle de 20 à 30 % du volume de rendement restant ? Beaucoup de viticulteurs situés au cœur des zones durement grêlées se voient mal laisser dans les vignes de la récolte. Là encore, trouver le juste compromis entre la recherche d’un peu plus de productivité et les enjeux qualitatifs ne seront pas simples. Heureusement, l’utilisation de MAV performantes, dotées de plages de réglage de secouage nombreuses (et de système de tri embarqué) est peut-être un moyen astucieux de ne laisser sur les souches que les baies les plus vertes et les moins mûres.
Une vendange plus fragile et de nature déséquilibrée
La vendange issue des parcelles grêlées sera de toute façon d’une nature plus fragile. Les grappes meurtries n’ont pas eu une évolution normale même si leur maturation paraît être complète. Leur mise en œuvre lors des vinifications nécessitera une attention de tous les instants. La parfaite identification des différents lots de vendanges « grêlés » au moment de la récolte et leur traitement séparés durant les vinifications représentent de sages précautions. Le fait que des grappes surmûries soient associées à des raisins peu mûrs confère aux moûts un équilibre de composés bien différent de celui d’une vendange ayant mûri normalement. L’autre spécificité se situe au niveau de la présence de débris végétaux secs plus nombreux dans la vendange grêlée récoltée mécaniquement. Ces éléments peuvent être à l’origine de déviations qualitatives qu’il est possible de minimiser en faisant preuve d’anticipation. Les opérations de traitements de la vendange issue des parcelles très grêlées qui n’ont pas été nettoyées (sans interventions manuelles pour éliminer les débris végétaux dans le palissage) après le sinistre risquent aussi de poser des problèmes. La présence plus importante de débris végétaux secs très difficiles à éliminer avec les extracteurs de feuilles peut avoir un impact sur l’équilibre qualitatif des moûts, des vins et des eaux-de-vie. Divers moyens technologiques rationnels permettent d’envisager d’atténuer ce risque qualitatif. L’utilisation de MAV équipées de systèmes de tri embarqués performants pourrait être une première solution au moment de la récolte pour extraire les plus gros éléments. Ensuite, d’autres interventions au niveau de la chaîne de traitement de la vendange comme l’utilisation d’un adjuvant de pressurage (le Trubex) et la réalisation de décantations rapides des moûts rigoureuses permettent d’en limiter les conséquences.
Les critères essentiels pour maîtriser la vinification des vins de distillation :
– Une parfaite connaissance de la maturité des raisins de chaque îlot de terroir avant la récolte.
– Traiter la vendange avec douceur et cohérence.
– Maîtriser le déroulement de la fermentation alcoolique
– Créer les conditions pour assurer la parfaite conservation des vins.
L’observation du déroulement de la maturation au niveau du parcellaire d’une propriété est un acte œnologique essentiel pour piloter judicieusement les vinifications. Connaître les différences de maturité des îlots de terroir, apprécier finement l’état sanitaire, le niveau de maturité, les variations de rendements, permettent ensuite d’organiser les chantiers de récolte et aussi tout le déroulement des vinifications avec beaucoup plus de cohérence et de sérénité.
Chaque propriété possède également des infrastructures de récolte et de vinification dont les niveaux de débit et de performances ne doivent pas être sur-estimées. La transformation des raisins de leur état solide en moût doit s’effectuer avec le plus grand soin. Dès la planification du chantier de récolte, il faut également se soucier « des potentialités de mise en fermentation » des lots de vendanges, leur température, la présence de botrytis, les teneurs en azote assimilable.
Les priorités
Ne jamais surcharger la chaîne de traitement de la vendange.
Gérer les mises en fermentation des moûts de façon régulière.
Tenir compte de la durée totale de vendange d’une propriété pour planifier la date de fin de la récolte.
Cet élément doit déterminer la date de début de la récolte en tenant compte, bien sûr, de l’état de maturité.
Une certaine souplesse dans l’organisation du chantier de récolte et des vinifications est toujours souhaitable pour faire face à des retards liés à des incidents mécaniques (casse de matériel) ou à des événements climatiques pendant les vendanges (coup de chaleur ou fraîcheur excessive).
PRINCIPES GÉNÉRAUX
L’élaboration d’eaux-de-vie nouvelles ayant une typicité aromatique plus affirmée est devenue un enjeu majeur pour tous les acteurs de la région de Cognac. La conduite des vinifications est entrée dans une phase de recherche de qualité positive. Produire des vins sans défaut est à la fois indispensable mais plus suffisant. Le pilotage des vinifications doit être abordé avec l’objectif d’élaborer des vins équilibrés et bien structurés sur le plan qualitatif pour obtenir, à l’issue de la distillation, des eaux-de-vie aromatiques (distillées avec ou sans lies).
Conditions de maturité optimales des raisins à la récolte
L’état sanitaire
Le bon état sanitaire de la vendange ➞ Une vendange pourrie seulement à 5 à 10 % risque d’entraîner l’apparition de déviations aromatiques irréversibles dans les eaux de-vie.
La vinification de raisins sains est une priorité qualitative.
La présence d’un marqueur dans les eaux-de-vie nouvelles, le 1-octène-3-one, qui est responsable de l’odeur caractéristique de nez de champignon, indique que la vendange était touchée par des foyers de pourriture avancée.
Une vendange botrytisée contient en général des teneurs en potassium élevées qui contribuent à faire chuter l’acidité des vins.
Un équilibre de maturité pour les vins de distillation
Ne pas rechercher les surmaturités qui rendent plus délicate la conservation des vins.
Des niveaux de TAV potentiel élevés s’accompagnent d’une forte diminution de l’acidité.
Lors des deux derniers contrôles de maturités, doser le niveau d’acidité et le pH est très important.
Identifier les parcelles ayant souffert de sécheresse, portant une charge de récolte très abondante ou ayant une surface foliaire très endommagée.
L’insuffisance de maturité des raisins liés à de fortes charges ou des incidents agronomiques et culturaux divers représente aussi un véritable danger pour la qualité des eaux-de-vie.
Les vendanges sous-mûries sont généralement beaucoup plus en marqueurs de composés engendrant des notes de verdeur dans les eaux-de-vie. Ces constituants ont l’inconvénient d’être très puissants sur le plan aromatique et de jouer un rôle masqueur vis-à-vis des « beaux » arômes des eaux-de-vie. En présence de lots de vendanges peu ou pas assez mûrs, les interventions technologiques au niveau de la chaîne d’extraction des jus doivent être adaptées avec beaucoup de douceur pour minimiser les phénomènes de trituration et limiter la libération de composés indésirables.
Rechercher un équilibre entre le TAV potentiel et l’acidité totale
Dans l’approche d’élaboration des vins de distillation, la récolte de raisins sains ayant des teneurs équilibrées en sucres et en acidité est fondamentale.
L’acidité des moûts et des vins est constituée à 90 % par l’acide tartrique et l’acide malique.
L’acide tartrique est l’acide fort des raisins. Sa concentration dans les baies atteint un niveau maximum à la véraison et reste constante pendante la phase de maturation. Les éléments qui influencent sa synthèse entre la nouaison et la véraison sont encore méconnus.
L’acide malique, qui lui aussi atteint son niveau maximum à la véraison, décroît ensuite pendant toute la phase de maturation. Les fortes chaleurs et des situations de stress hydrique prolongées accentuent le phénomène de dégradation pendant la maturation.
Rechercher un bon équilibre sucres/acidité au moment de la récolte des ugni blancs est un objectif de qualité important. Les niveau de TAV de 9,5 % vol. et de 7,5 g d’acidité totale représentent les conditions idéales pour déclencher la récolte.
L’obtention d’un bon équilibre entre des teneurs en sucres suffisantes et des niveaux d’acidité corrects contribue à la valorisation du potentiel aromatique des eaux-de-vie. Toutes les grandes maisons de Cognac ont un discours précis et unanime sur l’importance de récolter des raisins mûrs ayant un bon équilibre sucre/acidité.
Conserver, au moment de la récolte, des niveaux d’acidités suffisants mais pas excessifs renforce la stabilité biologique des vins lors de leur conservation. Cela contribue aussi au développement de la concentration en esters aromatiques dans les eaux-de-vie nouvelles.
La maturité aromatique des raisins Cognac
Des travaux de recherches sont conduits par la Station Viticole du BNIC pour identifier des indicateurs de maturité aromatique des raisins d’ugni blanc. Certaines années à fort potentiel de maturité, la maturité aromatique semble décalée du rapport suces/acidité. Les études ont permis de mettre en évidence qu’au cours de la maturation divers constituants se retrouvant ultérieurement dans les eaux-de-vie avaient des teneurs qui baissaient ou augmentaient : le cis-3-hexénol (responsables des odeurs herbacées) et composés issus du raisins, l’alpha terpinéol (marqueur extériorisant une odeur de flan et de farine), les vitisparines (générant des composés volatils propices à la révélation des arômes) et la bétadamascénome (odeur de compote de pomme). Cela a débouché sur le développement d’un indicateur aromatique pertinent, l’IMA, qui est testé cette année sur le réseau de 55 parcelles de maturation. Un deuxième indicateur de maturation est en cours de validation, l’index 2. L’utilisation de ces nouveaux outils nécessite une période de validation pendant plusieurs années car les résultats doivent être corrélés à un échantillonnage représentatif des différents sols de la région et de plusieurs cycles végétatifs successifs. D’ici 3 à 4 ans, on peut penser que ces indicateurs de la maturité aromatique pourront être largement utilisés.
L’observation et la dégustation des baies lors des deux derniers contrôles de maturation est une pratique complémentaire aux données analytiques d’évolution de la maturation (TAV, pH, acidité totale et teneurs en azote assimilable). Certains responsables de propriétés en Charentes indiquent que l’état visuel et le goût des baies leur permettent d’affiner le calendrier de récolte des différentes parcelles.
Les conséquences liées à la vinification de raisins à forte maturité :
L’obtention de vins peu acides beaucoup plus difficiles à conserver qui, lors de la distillation, ne révèlent pas la structure aromatique attendue.
Les conséquences liées à la vinification de raisins à sous-maturité :
Une récolte de raisins à sous-maturité (trop acides) génère souvent des composés herbacés dans les eaux-de-vie (TDN, cis-3-hexénol. La présence de ces constituants jouent un rôle masquant sur les esters aromatique bénéfiques à la qualité.
S’intéresser à l’alimentation azotée
L’azote présente dans les moûts est un composé indispensable au développement des populations des levures. Des teneurs suffisantes permettent une implantation rapide des levains et un déroulement complet et régulier de la fermentation alcoolique. Des travaux de recherches ont mis en évidence le rôle de teneurs en azote plus élevées d’une part pour minimiser la production d’alcools supérieurs et d’autre part pour accroître la concentrations en esters aromatiques.
Etre attentif aux teneurs en azote des moûts au moment de la récolte.
Les propriétés confrontées depuis quelques années à des difficultés fermentaires ont intérêt à réaliser des dosages d’azote assimilable de façon plus systématique.
Préconisations et raisonnementdes apports correctifs d’azote
Les teneurs en azote des moûts sont devenues depuis quelques années un levier technique durant les vinifications plus important car le rôle de ce composé contribue à deux objectifs importants :
– Assurer un développement rapide et abondant de la flore levurienne.
– Renforcer la structure aromatique des eaux-de-vie en limitant la production d’alcools supérieurs et en favorisant la synthèse d’esters.
Les teneurs nécessaires à un bon déroulement de la fermentation alcoolique ont été présentées dans le tableau ci-dessus. Les niveaux d’azote propices à un renforcement de la structure aromatique des eaux-de-vie se situent en général entre 180 et
200 mg/l.
La surveillance des teneurs en azote lors des derniers contrôles de maturation permet d’avoir une vision juste de l’effet millésime. Dans les propriétés sensibles au carences azotées, la réalisation de dosages sur les moûts à l’issue du pressurage est conseillée.
Attention au dosage sur moûts en sortie de pressoirs. Il est souvent difficile d’obtenir un échantillon pleinement représentatif de lot de vendange. L’idéal serait de prélever les moûts après la fin du cycle de pressurage, mais certaines levures peuvent déjà avoir colonisé le milieu. La rapidité et les conditions de transmission (maintenu au frais) sont déterminantes pour le résultat final de l’analyse. Les résultats d’analyse sur moûts sont en général de 10 à 20 % plus élevés que ceux sur baies.
Les travaux de la Station Viticole du BNIC ont permis de définir des besoins en azote qui sont proportionnels au titre alcoométrique des vins qui sont présentés dans le tableau ci-dessous.
Des teneurs en azote dans les moûts nécessaires au bon déroulement de la fermentation alcoolique
Maîtriser les opérations pré-fermentaires
Les conditions de traitements de la vendange constituent un enjeu majeur vis-à-vis du déroulement des opérations
pré-fermentaires, de la conduite des fermentations alcooliques et de la qualité finale des vins de distillation. L’impossibilité de pouvoir corriger la turbidité des moûts avant la mise en fermentation doit inciter les viticulteurs à être très attentifs au processus de traitement de la vendange.
Une étape qualitative majeure
Le traitement de la vendange doit déboucher sur l’obtention de moûts ayant une structure qualitative équilibrée qui peut être définie au travers d’éléments clés :
– Limiter la libération excessive de bourbes tout au long de la chaîne de traitement de la vendange.
– Minimiser les effets de trituration provoquant la libération des précurseurs de composés extériorisant de la verdeur et le caractère herbacé dans les eaux-de-vie.
– Traiter la vendange dans des délais assez rapides pour l’imiter le développement des populations de levures et bactéries indigènes dont les incidences qualitatives sont généralement négatives.
Les priorités
Adapter le rythme de récolte à la capacité de pressurage du chai ➞ Traiter la vendange avec des délais d’attente minimum.
Tenir compte de la nature de la vendange pour programmer les cycles de pressurage.
Maintenir une parfaite hygiène au niveau de la chaîne de traitement de la vendange.
Attention aux effets mécaniques trop intenses, toujours préjudiciables à la qualité des eaux-de-vie.
Anticiper et organiser la mise en fermentation rapide des volumes de moûts récoltés quotidiennement.
La réalisation des travaux de récolte et de pressurage par des prestataires doit tenir compte des capacités technologiques du chai au niveau des décantations et des départs en fermentation.
Raisonner l’organisation du chantier de récolte en tenant compte aussi de la température de la vendange (des moûts) et de la présence ou pas dans les chais de moyens de mise à température en ligne des moûts.
Ne pas hésiter à adapter les horaires de récolte, en fonction du climat pendant les vendanges, pour essayer de rentrer de la vendange entre 14 et 17 °C.
La constitution d’une baie
Une baie de raisin est constituée de cellules plus ou moins fragiles qui sont réparties dans trois zones distinctes. Cette caractéristique leur confère une aptitude à libérer leur jus différente :
Les conséquences d’un excès de bourbes dans les moûts
L’excès de bourbes dans les moûts favorise ultérieurement la production d’alcools supérieurs au cours de la fermentation alcoolique. Ces composés présents en trop grandes quantités engendrent l’apparition de notes de lourdeurs dans les eaux-de-vie nouvelles et jouent un rôle masquant au niveau de la structure aromatique.
Les conséquences des composés issus de la trituration
Lors du traitement de la vendange, des réactions enzymatiques provoquent la formation dans les moûts de précurseurs de composés donnant ultérieurement dans les vins de l’hexanal, de l’hexanol, du cis-3-hexanol, du TDN… Ces constituants sont à l’origine de défauts majeurs de type végétal, herbacé dans les eaux-de-vie. Une fois que les précurseurs sont extraits dans les moûts, il n’est plus possible de les éliminer. La décantation rapide des moûts pratiquée à l’issue du pressurage s’avère efficace pour révéler la structure aromatique des eaux-de-vie mais pas pour éliminer les excès de précurseurs de composés herbacés.
Traiter la vendange en douceur
La vendange possède une capacité naturelle à libérer les jus qui fluctuent fortement selon sa nature au moment de la récolte. L’état de maturité et l’état sanitaire sont les deux éléments majeurs qui influencent le coulage des jus. La succession de moyens technologiques lors du traitement de la vendange doit favoriser l’extraction des jus dans des conditions optimales sans jamais rechercher des phénomènes de sur-extraction. Il ne faut pas chercher à sortir des baies des fractions de jus qui naturellement ne sont pas « disponibles ». Cela va à l’encontre des objectifs qualitatifs et accroît de manière significative le risque d’obtenir des teneurs élevées en bourbes et en marqueurs de la trituration.
La conduite du pressurage
L’utilisation de plus en plus fréquente de pressoir de grande capacité peut parfois engendrer des durées de remplissage trop longues. L’idéal est de remplir une cage en 1 heure à 1 h 30 maximum.
Pour les pressoirs pneumatiques remplis en axial, attention aux rotations de cage excessives durant la phase de chargement. Cela provoque une libération de bourbes importantes. Ne jamais faire tourner la cage quand de la vendange est pompée dans le pressoir. Limiter les rotations à 1 à 2 tours pour égaliser la vendange quand la cage est remplie à 80 %.
Lors du remplissage en axial des pressoirs pneumatiques, les conditions de chargement influencent fortement l’extraction des bourbes. Charger une cage de 50, 80 ou 100 hl en 10 minutes est une aberration. Cela crée un phénomène de surpression sur la vendange dans la cage (souvent supérieur à 2 bars) qui provoque une libération de bourbes non maîtrisée. Le pressostat des vannes axiales (généralement taré à 1 bar) se déclenche par un signal sonore quand le niveau de remplissage exerce sur la vanne cette pression. Le fonctionnement de l’alarme signifie que la vendange dans le cœur du pressoir subit une pression de seulement 1 bar. Au contact de la cage, les pressions sont sûrement supérieures à 2 bars, ce qui ne permet pas à la couche de vendange de jouer son rôle d’autofiltration.
Quel que soit le type de pressoir, chercher à tirer profit de la capacité d’autofiltration des moûts de la masse de vendange au moment du remplissage.
En présence de vendange grasse, surmûrie ou botrytisée, l’écoulement des jus est beaucoup plus difficile. Il faut laisser le temps au jus de s’écouler avec des montées en pression lentes et progressives.
Le tamisage des moûts
La filtration des moûts par tamisage aussitôt le pressurage est une intervention importante pour éliminer les particules solides (pépins, pellicules, fragments végétaux…).
En présence de vendange altérée par le botrytis, le tamisage des moûts avec des moyens technologiques plus performants peut en limiter partiellement les incidences négatives.
L’utilisation de filtre de type Alfa Laval (avec des grilles de 600 à 800 microns) s’avère efficace pour éliminer une partie des particules végétales libérées de la vendange botrytisée.
Des raisins de nature hétérogène plus difficiles à traiter
En 2014, les différences de nature de vendange risquent d’être importantes même en présence de raisins parfaitement sains. L’homogénéité et l’état d’avancement de la maturité des raisins récoltés ont une incidence forte sur leur capacité à libérer les jus lors des interventions de traitement de la vendange. Les effets rendements, terroir et entretien du vignoble ont façonné le contenu qualitatif des baies. Bien apprécier les différences de nature de la vendange à l’entrée des chais est essentiel pour moduler et optimiser les conditions d’extraction des jus. La conduite du pressurage de raisins titrant 10 % ou 8,5 % de TAV potentiel ne peut pas être abordée de la même façon, car chaque nature de raisin possède une propre capacité naturelle d’écoulement des jus.
Limiter les phénomènes de trituration, les surpressions (dans les tuyauteries ou lors du chargement en axial des pressoirs pneumatiques) et aborder le pressurage avec sagesse et progressivité dans les phases de basse pression contribuent à éviter les extractions de composés indésirables (bourbes en excès, marqueurs de trituration et de verdeur…).
La vendange issue des parcelles grêlées devra être traitée avec encore plus de délicatesse pour faire face à la fragilité des raisins meurtris, au retard de maturité de certaines fractions de grappes et parfois à une présence accrue de débris végétaux.
Les installations de réception et de transfert de la vendange les plus courtes et les plus simples sont toujours les meilleures.
Plusieurs marqueurs analytiques sont en mesure de quantifier l’intensité des phénomènes de trituration au cours du traitement de la vendange : l’hexanol, le Cis-3-hexenol, le TDN et les teneurs en alcools supérieurs. Le dosage de ces éléments est actuellement réalisé systématiquement dans la plupart des démarches de sélection qualitative des vins des grandes maisons.
La présence d’une vendange constituée d’une fraction semi-solide et de volumes de jus libres importante rend son traitement délicat. Les jus libres sont naturellement plus riches en bourbes. Il convient donc de les extraire après leur avoir fait bénéficier de l’effet d’autofiltration de la masse de vendange présente dans les pressoirs. C’est une intervention statique qui permet de retenir une fraction significative de bourbes.
De nouvelles préparations d’enzymes de pressurage
L’utilisation de diverses formulations d’en-zymes pectolitiques en tant qu’adjuvants de clarification des moûts destinés à l’élaboration des vins de distillation est testée depuis une dizaine d’années par les œnologues de la Station Viticole du BNIC. La première génération d’enzymes proposée au début des années 2000 par les fournisseurs avait comme principal intérêt d’améliorer le rendement en jus au cours du pressurage. Les essais conduits par le BNIC ne se sont pas révélés concluants. Les gains de rendements en jus annoncés n’ont pas été confirmés. En plus, l’utilisation de ces préparations d’enzymes provoquait une augmentation importante des teneurs en méthanol dans les vins qui occasionne des déviations qualitatives dans les eaux-de-vie. Ces résultats rendaient inappropriée l’utilisation de ces enzymes d’extraction dotée d’une activité pectine estérase pour la vinification des vins de distillation.
De nouvelles préparations d’enzymes
Depuis quelques années, les fournisseurs de produits œnologiques ont développé de nouvelles préparations d’enzymes épurées en méthyl-estérase dont l’intérêt est d’améliorer le drainage des jus pendant le pressurage tout en ayant une aptitude à synthétiser des teneurs plus faibles en méthanol. Le mode d’action de ces enzymes provoque d’une part une déstructuration des pellicules des baies et d’autre part favorise la dégradation des pectines naturelles. Les parois des cellules des baies sont constituées de pectines dont la libération en excès accentue le niveau de trouble et la présence de bourbes dans les moûts. L’intérêt des enzymes est à la fois de permettre la rupture plus facile des pellicules en mettant en œuvre des efforts moindres et de limiter la libération des composés responsables du trouble. Plus concrètement, au cours du cycle de pressurage, l’extraction des jus en présence d’enzymes s’effectue plus facilement à des niveaux de pressions moindres et dans un temps global plus court. L’efficacité des enzymes est en général plus significative en début de vendange en présence de raisins moins mûrs alors qu’elle décroît dès que la maturité avance. Des raisins et des baies à pleine maturité ont naturellement des pellicules plus souples, plus fragiles dont la libération des jus demande moins d’effort lors du pressurage. L’utilisation des nouvelles générations d’enzymes n’est pas un moyen de pallier les insuffisances des méthodes de chargement « brutales » des pressoirs et aux conduites de cycles de pressurage inadaptées. C’est juste un moyen complémentaire après une phase de pressurage bien conduite de faciliter l’obtention de moûts moins bourbeux.
Les essais récents de la Station Viticole du BNIC sont plutôt concluants
Au cours des dernières vendanges, la Station Viticole du BNIC a conduit de nouveaux essais avec des nouvelles préparations enzymatiques épurées en méthyl-estérase. Bernard Galy, l’ingénieur qui a mené cette étude, considère que l’emploi de ces produits est beaucoup plus en phase avec les attentes qualitatives régionales. Le suivi des quantités de moûts extraits lors des cycles de pressurage n’a pas démontré des gains volumiques au niveau des coulages mais une hausse significative des quantités de jus obtenues dans les phases de basse pression. L’intérêt de cette nouvelle génération d’enzymes est de favoriser l’obtention de moûts moins bourbeux à l’issue du pressurage. La présence de teneurs en bourbes élevées favorise la synthèse ultérieure d’alcools supérieurs et aussi la présence excessive de composés issus de la trituration. D’un point de vue analytique, les teneurs en méthanol dans les moûts et les vins s’avèrent comparables ou très légèrement supérieures aux lots témoins. L’autre intérêt indirect de l’utilisation des enzymes se situe au niveau de la conduite des décantations rapides de moûts qui peuvent être mises en œuvre de façon plus efficace et plus rapide. Les enzymes doivent être incorporées dans la vendange au niveau des bennes ou des conquets pour qu’elle puissent avoir un effet lors du pressurage. Les températures de la vendange ont une incidence directe et forte sur leur efficacité (en dessous 13 °C, peu d’effet). Ce sont tout de même des adjuvants dont l’intérêt au niveau de la chaîne de traitement de la vendange Cognac a encore besoin d’être précisé. En effet, divers essais ont révélé que leur efficacité décroît au fur et à mesure que la maturité des raisins avance.
Les travaux de la maison Hennessy révèlent une efficacité très différente en début et fin de vendanges
La maison Hennessy teste l’utilisation d’une nouvelle enzyme d’extraction purifiée en méthyl-estérase depuis 2011. Les constats après deux années d’essais révèlent à la fois des choses intéressantes et soulèvent de nouveaux sujets de préoccupation. La turbidité des moûts en sortie des pressoirs se trouve nettement améliorée en début de vendange alors qu’en fin de récolte ce n’est pas du tout le cas. Une moindre turbidité des moûts facilite la mise en œuvre des décantations rapides. L’apport qualitatif au niveau des vins élaborés en début de vendange se manifeste par une nette augmentation de la production d’esters d’acétate d’isoamyle (de l’ordre de 30 à 35 %), qui s’accompagne d’une légère augmentation des teneurs en méthanol (dans des proportions n’initiant aucune déviation qualitative). En fin de vendanges, les apports qualitatifs sur les vins ne sont pas perceptibles. Ces observations amènent les responsables techniques d’Hennessy à être vigilants et mesurés vis-à-vis de l’utilisation des enzymes. Une relation existe entre le niveau de maturité des raisins et l’efficacité des enzymes, et aujourd’hui l’état des connaissances ne permet pas de savoir jusqu’à quel moment l’apport de cet adjuvant s’avère intéressant. En 2013, de nouveaux essais seront conduits pour justement préciser l’état de maturité des raisins à partir duquel l’utilisation des enzymes n’a plus d’intérêt.
L’utilisation des enzymes pectolitiques épurées en méthyl-estérase doit être abordée en s’entourant des compétences d’un œnologue. Cet adjuvant de clarification des moûts est à réserver aux lots de vendange à risque présentant une nature déséquilibrée (peu ou pas assez mûrs, pourris, vendange grêlée riche en débris végétaux). C’est un traitement qui contribue à optimiser l’efficacité des décantations rapides des moûts à l’issue du pressurage.
La mise en œuvre nécessite de la technicité pour en tirer le meilleur profit. La plage de températures permettant leur efficacité maximum dans les moûts se situe autour de 15° C. Il convient aussi de les incorporer de manière homogène dans la vendange au niveau des bennes, des conquets ou des pressoirs. L’emploi de cet adjuvant doit être raisonné au cas par cas, en faisant preuve de rigueur et de professionnalisme.
Le Trubex augmente la capacité d’autofiltration de la vendange
L’utilisation d’un autre adjuvant de clarification, le Trubex, a fait l’objet de recherches au cours des dernières années. Une vendange à bonne maturité traitée avec une chaîne technologique respectueuse permet d’obtenir des moûts naturellement équilibrés en bourbes qui ne nécessitent aucun traitement de type correctif. L’intérêt d’un produit comme le Trubex est d’améliorer la capacité d’autofiltration de la vendange pendant le pressurage, de limiter la production de bourbes dans les moûts et, par voie de conséquence, d’éviter la synthèse de teneurs en alcools supérieurs élevées. C’est une intervention corrective de clarification qui se substitue aux décantations rapides des moûts à l’issue du pressurage. L’utilisation de cet adjuvant de clarification est destiné à des lots de vendanges dont la qualité est fragilisée, pas assez mûre, enrichie en débris végétaux ou dégradée par la pourriture. Dans les sites à fortes teneurs en alcools supérieurs et dans les chais uti-lisant une chaîne de traitement de la vendange agressive favorisant la production de bourbes, l’utilisation du Trubex s’est révélée bénéfique.
Des essais conduits par la maison Rémy Martin
La maison Rémy Martin a testé le produit pendant plusieurs années (entre 2009 et 2013) sur plusieurs sites pilotes. Le Trubex est un produit à base de cellulose végétale (développé par le groupe Erbsolh au travers de sa filiale La Littorale) qui est utilisée dans l’univers de la production de jus de fruits en Allemagne depuis de nombreuses années. La structure fibreuse de la cellulose améliore l’effet de filtration naturel de la masse de vendange, ce qui présente de l’intérêt pour les vinifications des vins de distillation.
Le produit a une structure et un aspect cotonneux et fibreux qui sont essentiels pour son efficacité. La structure des fibres et tout particulièrement leur longueur sont à l’origine de ses performances. Le Trubex est conditionné en paquets rectangulaires de 10 kg (de 5 à 10 cm d’épaisseur) qu’il faut casser en petits fragments pour les incorporer dans la vendange au niveau des bennes ou
des conquets. D’autres conditionnements sous la forme de poudre n’ont malheureusement pas donné satisfaction car la structure des fibres de cellulose était trop fragmentée.
Des fibres de cellulose absorbantes
Aussitôt l’incorporation des fragments de Trubex dans la vendange, il se produit un phénomène d’absorption des jus libres par la matière cotonneuse. Les essais de la société Rémy Martin avaient pour objectif de proposer aux viticulteurs une solution pour mieux maîtriser la turbidité des moûts à la sortie des pressoirs. Le mode d’action de cet adjuvant est en quelque sorte de remplacer le rôle drainant des rafles actuellement laissées sur les souches avec la vendange mécanique. Le fait d’accroître la capacité d’autofiltration de la vendange au cours du pressurage est un acte qualitatif au niveau de la chaîne d’extraction des jus. C’est aussi un moyen indirect de pouvoir maîtriser plus facilement les décantations rapides et même d’éviter de les mettre en œuvre si la turbidité des moûts est bonne et quand la température des moûts est supérieure à 18 °C.
Un intérêt pour réduire la production d’alcools supérieurs
Les essais ont mis en évidence une nette diminution de la turbidité des moûts (– 40 % en moyenne). Cela s’explique par le fait que des volumes de jus plus importants s’écoulent durant la phase de pressurage en profitant de la capacité d’autofiltration de la masse de vendange. Par contre, des pertes volumiques peuvent être observées à l’issue du pressurage. Le faible niveau de turbidité des moûts ne justifie plus réellement la mise en œuvre des décantations rapides des moûts. D’un point de vue qualitatif, les analyses sur les vins et les eaux-de-vie ont mis en évidence une nette diminution des teneurs en alcools supérieurs et en composés issus de la trituration. La moindre présence de bourbes dans les moûts permet aux levures d’exprimer leur potentiel de production en esters fermentaires. Un essai a été conduit sur de la vendange botrytisée avec des résultats positifs en terme d’efficacité du pressurage et de turbidité des moûts obtenus (en baisse de 30 %). Par contre, aucun impact n’a été observé sur les marqueurs du botrytis. En 2012, plusieurs domaines viticoles ont utilisé du Trubex à grande échelle et le suivi qualitatif des vins et des eaux-de-vie nouvelles a confirmé les résultats évoqués précédemment. La société Rémy Martin considère que l’utilisation du Trubex peut être une pratique intéressante sur les sites propices à la production d’alcools supérieurs qui n’ont pas la possibilité de mettre en œuvre des décantations dans de bonnes conditions.
Un petit matériel pour casser, disperser et mécaniser totalement l’incorpation du Trubex
Si beaucoup de techniciens et d’œnologues sont convaincus de l’intérêt qualitatif du Trubex, son utilisation à grande échelle paraissait jusqu’à présent difficile. Une micronisation trop fine des fibres en poudre ou en petite boule fait perdre au produit toute son efficacité. La principale contrainte pour utiliser le Trubex était jusqu’à présent la dispersion manuelle dans la vendange de blocs de 10-15 cm de long. Casser à la main les blocs de fibre était un travail fastidieux et difficile à systématiser dans les chais de vinification.
L’initiative d’un viticulteur ingénieux, Alain Bodin de Saint-Palais-du-Né, a débouché sur la fabrication d’un outil de dispersion des blocs de Trubex au niveau des bennes à vendange ou des conquets. L’appareil fonctionne en utilisant un aspirateur de feuilles de MAV équipé de couteaux de broyage sur lesquels une petite trémie a été fixée. Cela permet d’engager les blocs entiers de Trubex. L’équipement a été positionné au-dessus un petit conquet mobile. La mise en route du moteur hydraulique casse et disperse les gros blocs de produit au-dessus de la vendange. L’opération s’effectue rapidement et sans aucune pénibilité. L’appareil va fonctionner cette année durant toutes les vendanges dans cette exploitation.
Les points clés pour réussir un pressurage
Adapter la programmation du cycle de pressurage à la nature de la vendange :
➞ Laisser les jus libres s’écouler sans montée de pression au cours du chargement.
➞ Observer la turbidité des premiers jus coulés.
➞ La phase de basse pression entre 0 et 1 bar est capitale en terme de qualité.
➞ Privilégier les montées en pression progressives en évitant de bloquer les jus dans les cages
➞ Gérer avec progressivité les maintiens de pression.
➞ Limiter le nombre d’émiettages.
➞ La séquence de pressurage à haute pression (entre 1 et 2 bars) doit être abordée de façon plus rapide pour que le temps de pressurage total ne dépasse pas 2 heures.
➞ Au-delà 1 bar, la structure qualitative évolue profondément et pas forcément en bien.
Tenir compte de la capacité des baies à libérer leur jus pour traiter la vendange et piloter les cycles de pressurage. L’influence de la maturité des baies de chaque millésime joue un rôle important sur leur aptitude à libérer les jus. Lors de millésimes propices à une forte maturation, les raisins ont une aptitude à libérer leurs jus moindre.
Le point sur les décantations rapides
Les priorités
La décantation est une opération de stabulation statique rapide des moûts aussitôt le pressurage qui contribue à améliorer la finesse et la richesse aromatique des eaux-de-vie (avec une distillation sur lies) et tend aussi à réduire les teneurs en alcools supérieurs. Elle permet de conserver les vins sur toutes leurs lies aussitôt la fermentation alcoolique. La nature des lies beaucoup moins compacte facilite leur mise en œuvre au moment de la distillation.
En présence de botrytis, la décantation rapide des moûts est très conseillée. Son intérêt est d’être alors une intervention corrective qui atténuera les effets indésirables de la pourriture sans pour autant les gommer totalement. Les prélèvements des fonds de cuves et des éléments surnageants pourront être augmentés (8 à 10 %), mais la durée de l’intervention ne sera pas allongée.
Bien maîtriser la durée des décantations et le temps global entre l’arrivée de la vendange au chai et le soutirage des moûts décantés pour ne pas pénaliser le démarrage rapide des fermentations.
Opération à n’envisager que si on s’est donné les moyens techniques (en cuverie, pompes…) et humains de la réussir. Par exemple, il vaut mieux limiter la décantation aux deux premiers pressoirs du matin si on ne dispose pas de suffisamment de temps pour la réaliser dans de bonnes conditions au cours de la journée.
Une organisation pour réussir les décantations
Chaque lot de moût provenant d’un même cycle de pressurage doit être isolé et collecté dans une même cuve. L’idéal est de posséder 2 cuves de décantation pour un même pressoir.
Interdiction d’utiliser du soufre ou tout autre antiseptique.
La durée de la décantation : maximum de deux heures après le début du remplissage de la cuve réceptionnant les jus provenant d’un même cycle de pressurage.
Tenir compte pour les durées de décantation du temps total (intervalle de temps entre l’arrivée de la vendange au chai et le soutirage des moûts décantés) pour ne pas retarder le départ en fermentation.
Elimination d’environ 2 à 7 % des volumes de fond de cuve et de la fraction surnageante.
Pratique facile à réaliser et présentant peu de risque avec des moûts à 14-15 °C.
Toujours bénéfique en année de pourriture.
Pratique délicate en présence de moûts à 18 °C et plus. A ces niveaux de température, la flore indigène de levures et de bactéries est en mesure de se développer rapidement.
La conduite des décantations doit s’accompagner d’une anticipation des départs en fermentation (bonne gestion des levurages ou de l’introduction des pieds de cuve).
La décantation génère aussi une charge de travail importante au chai.
La mise en œuvre de la décantation nécessite une parfaite propreté au niveau de la cuverie de réception. Entre chaque cycle de pressurage, les cuves doivent être systématiquement lavées.
Courvoisier : Une intervention qui ne se justifie pas si le pressurage a été bien conduit et en présence d’une vendange saine. Une mise en œuvre complexe dans les chais disposant de peu de main-d’œuvre. La décantation est conseillée dans le cas de vendange fortement botrytisée.
Décantation des moûts : Les préconisations es grandes maisons de Cognac
Hennessy : Une intervention conseillée en présence de vendange saine et obligatoire si la récolte est dégradée par le botrytis. Acte qualitatif primordial dont la mise en œuvre nécessite une certaine technicité. Des dangers accrus en présence de températures de moûts élevées. Moduler les prélèvements selon la qualité de la vendange.
Martell : Intervention non préconisée sur de la vendange saine. Elle peut être envisagée en tant que procédure corrective en présence d’une récolte sous-mûrie ou botrytisée et dans la mesure où les niveaux de températures permettent de la réaliser dans de bonnes conditions. Sa mise en œuvre nécessite de la technicité et des disponibilités en équipement et en main-d’œuvre dans les chais.
Rémy Martin : Intervention corrective à réaliser quand les conditions d’extraction des jus et le tamisage n’ont pas permis d’obtenir des moûts pauvres en bourbes ou en débris végétaux. Conseillée en présence de moûts bourbeux et en présence de vendange touchée par le botrytis. Sa durée doit être limitée à 1 h 30 seulement. Les décantations ne peuvent s’envisager que quand la température des moûts est inférieure à 18 °C. La mise en œuvre de la décantation nécessite de la technicité et des ressources humaines suffisantes.
La décantation est une pratique œnologique dont l’intérêt qualitatif est démontré mais sa mise en œuvre nécessite une bonne maîtrise technique, une attention permanente et une charge de travail supplémentaire significative.
Un démarrage de la fermentation alcoolique rapide est toujours un gage de qualité pour l’élaboration des vins de distillation. Cela signifie que les levures se multiplient dans de bonnes conditions et font preuve d’une activité suffisante pour assurer un achèvement de la cinétique fermentaire dans de bonnes conditions. À l’inverse, un départ retardé de plusieurs jours ou très lent atteste des difficultés d’implantation des levains les plus qualitatifs dans des moûts. Créer des conditions favorables au développement des levures est un acte œnologique très important pour éviter la production de composés nuisant à l’expression qualitative des vins et des eaux-de-vie. L’évolution des connaissances depuis 15 ans a permis d’identifier plusieurs facteurs importants qui interférent directement sur les conditions d’implantation des levures. Les teneurs en azote des moûts, la température des moûts, la concurrence des populations de micro-organis-mes indigènes (levures et bactéries) et les conditions d’acclimatation des levains sélectionnés influencent fortement le déroulement ultérieur de la cinétique fermentaire.
Favoriser un démarrage rapide de la fermentation alcoolique
Créer des conditions favorables à un démarrage rapide de la fermentation alcoolique est un acte œnologique important.
La température des moûts idéale : 15 à 17° C
La notion de température des moûts est capitale pour le lancement du processus fermentaire.
Les levures intéressantes sur le plan qualitatif peuvent se multiplier dans de meilleures conditions quand la température des moûts se situe entre 15 à 17 °C. Un moût trop froid (à 10, 12 °C et moins) rend plus difficile l’implantation des levains de qualité au profit de souches indigènes cryophiles générant des composés secondaires indésirables (éthanal…). Un moût trop chaud (20 à 22 °C) est un handicap pour toutes les productions de vins blancs car les levures indigènes se multiplient très rapidement et leur présence concurrence l’implantation des levains sélectionnés. Cela favorise le développement rapide de levures oxydatives (Klockera, Pichia… occasionnant des déviations aromatiques dans les vins et les eaux-de-vie) qui, en l’absence de populations suffisantes de S. cerevisae, dominent le milieu. Les temps de latence trop longs pendant la phase pré-fermentaire favorisent aussi la multiplication des levures oxydatives.
Quand la récolte intervient dans une période chaude, le décalage des horaires de récolte tôt le matin (de 4 heures à 13 heures) permet de rentrer des raisins plus tempérés.
La mise à température des moûts peut être assez facile à maîtriser avec des moyens simples et peu coûteux tant
que les volumes récoltés ne dépassent pas 250 à 350 hl/jour. Par contre, dès que les apports quotidiens dépassent 400 hl/jour, des moyens technologiques sont nécessaires.
Les conséquences négatives d’un mauvais état sanitaire
Le développement du champignon Botrytis cinerea sur les fractions de grappes « consomme » une partie des réserves alimentaires (les substances azotées) destinées aux levures. La présence de baies altérées dans la vendange héberge des levures et des bactéries indésirables pour la qualité.
La présence de laccase et d’autres microorganismes consomme des quantités d’oxygène relativement importantes qui peuvent manquer aux levures en fin de fermentation et favoriser leur mortalité précoce.
Une vendange et des moûts botrytisés représentent un milieu peu favorable à la multiplication des « bonnes » levures. Il convient alors de pallier les insuffisances en matières azotées, en oxygène de façon préventive pour faciliter l’implantation des LSA ou des pieds de cuve dans les meilleures conditions.
Maîtriser les apports d’azote
Depuis quelques années, les travaux de recherche conduits par la Station Viticole du BNIC ont mis en évidence d’une part la corrélation entre les niveaux d’acidité de la vendange à la récolte et la teneur en azote des moûts (des moûts acides sont riches en azote et inversement).
L’azote intervient aussi de façon indirecte sur la production de composés aromatiques bénéfiques à la qualité des eaux-de-vie. Une alimentation azotée suffisante des moûts facilite le développement des flores de levures sélectionnées beaucoup plus propices à la production d’esters fermentaires. Des teneurs plus élevées en azote limite aussi la production d’alcools supérieurs, ce qui contribue aussi à assurer une meilleure extériorisation du potentiel aromatique. L’augmentation des populations de levures présentent dans les moûts a aussi un influence sur l’impact aromatique des lies mises en œuvre au cours de la distillation. La qualité des lies est directement liée à la concentration d’esters d’acides gras provenant directement des cellules de levures présentes au fond des cuves.
Un aliment indispensable des levures
L’azote est un nutriment essentiel au fonctionnement de toutes les cellules vivantes et les levures n’échappent pas à cette règle. Les principales sources d’azote dans les moûts qui sont assimilables par les levures sont l’azote ammoniacal et les acides aminés (sauf la proline).
La nutrition azotée intervient sur le cycle de croissance des levures et, par voie de conséquence, sur l’activité fermentaire et la vitesse de fermentation.
Des teneurs élevées en azote dans les moûts favorisent l’augmentation des populations de levures et leur activité (une capacité à dégrader les sucres plus forte). Pour les distillations avec lies, la présence de fortes populations de levures contribue à renforcer la structure aromatique des eaux-de-vie nouvelles. Les cadavres de levures libèrent des acides gras qui sont à l’origine des esters aromatiques apportés par la mise en œuvre des lies.
Les moûts issus d’une vendange riche en sucres à pleine maturité, voire à surmaturité, seront naturellement appauvris en substances azotées. A l’inverse, des moûts présentant un bon équilibre sucres/acidité ont généralement des teneurs en azote suffisantes pour assurer une bonne multiplication des levures.
Faire une analyse des teneurs en azote assimilable dans les moûts dans la majorité des parcelles lors du dernier contrôle de maturation sera en 2014 une sage précaution.
Raisonner les apports d’azote et d’autres activateurs
Les levures mettent en stock de l’azote au début de leur cycle de vie. Si cette mise en stock est insuffisante, elles n’auront pas assez de résistance pour survivre dans un milieu qui devient de plus en plus alcoolisé. C’est pour cette raison que les apports d’azote en cours de fermentation ont une efficacité aléatoire.
L’utilisation d’activateurs de fermentation ne doit pas être systématique mais raisonnée, en tenant compte des caractéristiques de la vendange, des résultats analytiques et des objectifs de qualité de chaque propriété.
L’adjonction d’activateur doit toujours être abordée de manière préventive (ne pas attendre une chute de l’activité des levures pour intervenir), de façon à créer des conditions favorables au bon déroulement de la phase de croissance active et de multiplication des levures.
En situation de carence avérée sur moût, l’apport en début de fermentation d’un complément azoté (en même temps que l’apport de LSA) va permettre d’augmenter la dynamique de multiplication des levures et d’accroître la capacité de fermentation des sucres par une présence importante de biomasse levurienne. En revanche, des apports tardifs d’azote suite à un ralentissement fermentaire ne sont pas assez efficaces pour assurer l’achèvement des fermentations.
Divers essais réalisés par la Station Viticole du BNIC ont démontré sur des moûts carencés l’intérêt d’apports
préventifs de produits simples et peu coûteux comme le sulfate et le phosphate d’ammonium. L’utilisation de
produits commerciaux élaborés et coûteux n’avait pas donné de meilleurs résultats.
Conseils
Il convient d’avoir une analyse fine du « potentiel azote » de chaque propriété.
Avoir une connaissance précise des teneurs en azote des moûts des différents îlots terroir.
Ne pas systématiser les apports d’azote ➞ raisonner les complémentations en tenant compte du climat, de l’état de maturité et de l’effet terroir.
Avoir des teneurs en azote supérieures à 180 mg contribue à la révélation du potentiel dans les eaux-de-vie (distillées avec lies).
En situation de carence avérée, réaliser les apports d’azote précocement avant le départ en fermentation en même temps que le levurage.
Pour des complémentations importantes, il faut fractionner les apports en 2 fois, la moitié en début de fermentation et le reste autour de 1040 de densité.
L’adjonction d’azote provoque une activation du processus fermentaire dont il faut anticiper les conséquences, une élévation des températures de fermentation et une cinétique fermentaire plus rapide.
Des exemples de situation à risques :
• Vendanges très mûres, voire surmûries.
• Moûts issus de vendange botrytisée.
• Vignes peu vigoureuses, enherbéesen plein ou ayant subi un stress hydrique.
Eléments de réflexion au niveau des apports d’azote
➦ La teneur en azote est un levier technique important pour le bon déroulement de la cinétique fermentaire et l’augmentation de concentration indirecte de composés aromatiques bénéfiques à la qualité des eaux-de-vie.
➦ Créer les conditions au vignoble pour obtenir des moûts riches en azote doit être intégré dans l’itinéraire technique de production viticole.
➦ Gérer les apports doit être abordé en s’entourant des compétences d’un œnologue, car la mise en œuvre d’une complémentation est une intervention technique.
➦ Apporter des teneurs conséquentes d’azote accentue la vitesse de fermentation et les élévations de températures, ce qui, lors d’années chaudes, peut poser des problèmes.
Trois niveaux d’ajustement de la teneur en azote peuvent être envisagés :
Niveau 1 : pour assurer une transformation complète des sucres.
Niveau 2 : la recherche de vins équilibrés en composés volatiles (arômes fermentaires et teneurs en alcools supérieurs réduites).
Niveau 3 : la recherche de vins riches en ester d’acide gras.
Les préconisations des grandes maisons de Cognac vis-à-vis des apports d’azote
Courvoisier : Apport variable à raisonner pour couvrir les déficits éventuels de la vendange. Se référer aux préconisations de la Station Viticole du BNIC.
HENNESSY : Avoir comme objectif d’atteindre un niveau de 160 mg/l en début de fermentation alcoolique. Raisonner les apports en s’appuyant sur le dosage de l’azote dans les raisins lors du dernier contrôle de maturité.
MARTELL : Apport à raisonner pour couvrir les déficits éventuels de la vendange. Réaliser une analyse au cours d’un contrôle de maturité ou sur les moûts, et complémenter en se référant aux préconisations de la Station Viticole du BNIC.
rémy martin : Avoir comme objectif d’atteindre le niveau de 150 à 200 mg/l en azote total (après apport) en début de fermentation alcoolique. Raisonner le stade et la dose des apports en s’appuyant sur le dosage de l’azote assimilable sur les raisins au dernier contrôle de maturité ou sur celui des moûts en sortie de pressoir. La gestion des apports doit être abordée dans une optique de renforcement de la structure qualitative des eaux-de-vie.
Maîtriser le déroulement des fermentations alcooliques
Le cycle de vie des levures
Le cycle de vie d’une levure se décompose en 4 phases distinctes de cycle de croissance:
1 La période de latence : au départ, les levures s’acclimatent au milieu sucré du moût qui est aussi légèrement alcoolisé.
2 La multiplication cellulaire : les levures se multiplient rapidement pour atteindre 120 à 130 millions de cellules/millilitre. Les besoins en azote sont importants et immédiats. Les levures utilisent l’azote d’une part pour constituer leurs parois cellulaires et d’autre part pour constituer des stocks. Une insuffisance de disponibilité en azote pendant cette phase réduit l’augmentation de la population de levures.
3 La phase stationnaire : pendant cette période, la population de levures reste stable et très active (vis-à-vis de la fermentation) mais le milieu est épuisé en azote. Les levures poursuivent leur activité grâce aux réserves accumulées pendant la phase de croissance. L’insuffisance de ces réserves peut conduire à une mortalité prématurée des levures et donc à un ralentissement brutal de la fermentation alcoolique (risque d’arrêt FA en présence de sucres résiduels).
4 La phase de déclin : l’accumulation d’éthanol dans le milieu provoque la dégradation des parois cellulaires de levures qui meurent.
L’ensemencement à partir
d’un pied de cuve
Maintenir un lot de moût à bonne température (entre 15 et 17 °C) dans lequel un ensemencement en LSA à la dose de 10 à 20 g/hl sera réalisé. Le pied de cuve ne pourra être utilisé comme « levain qualitatif » que si sa densité reste supérieure à 1040. Incorporer 20 à 30 % de moût du pied de cuve dans la cuve à ensemencer (20 à 30 hl pour 100 hl).
Les pieds de cuve doivent être réalisés exclusivement à partir de souches de levures sélectionnées et qualifiées par le BNIC.
Les pieds de cuve doivent être renouvelés assez fréquemment (tous les 3 jours) pour conserver leur plein rôle d’ensemencement en « bonnes » levures.
Des différences de températures importantes (7 à 10 °C) entre le moût frais et le levain posent le même problème qu’avec des LSA. Il faut alors réaliser une étape intermédiaire d’acclimatation.
Le levurage direct pour mieux maîtriser la F.A.
L’utilisation systématique des LSA sous la forme d’un levurage direct dans les moûts est devenue une pratique très fréquente et préconisée par tous les acteurs techniques de la région de Cognac. C’est le moyen le plus efficace de faciliter un démarrage rapide et un déroulement complet et maîtrisé des fermentations alcooliques.
La réussite de l’implantation des levains sélectionnés nécessite une véritable technicité pour limiter les phénomènes de concurrence de la flore de levures indigènes qui est toujours présente.
L’utilisation des LSA apporte une maîtrise de la cinétique fermentaire qui réduit de façon considérable les risques d’apparition en excès de composés indésirables (du type éthanal, alcools supérieurs, acétate d’éthyle) et renforce les vins en arômes fermentaires et support d’acide gras (masses de la flore de levure présente dans les lies).
Un très gros travail technique est conduit par la Station Viticole du BNIC et les services techniques des grandes maisons de Cognac pour tester les souches de LSA adaptées aux attentes spécifiques de la filière. Une procédure de qualification spécifique a été développée pour expérimenter les LSA des fournisseurs avant qu’elles ne soient commercialisées. A l’issue de 3 à 5 années d’essais en petits et grands volumes, les souches obtiennent ou pas la qualification. Cette étape de qualification est aujourd’hui incontournable pour commercialiser des LSA dans le vignoble de Cognac.
D’une manière générale, il est intéressant d’utiliser dans un chai plusieurs souches de levures car cela contribue à
développer des typicités aromatiques différentes dans les vins et les eaux-de-vie. L’effet millésime qui s’avère tout de même plus déterminant sur les caractéristiques aromatiques des vins peut s’exprimer de façon différente grâce à l’effet souche de LSA.
1) Bien apprécier les capacités de fermentescibilité de chaque cuve (teneur en azote, température des moûts, présence ou pas de botrytis).
Levurage : les préconisations des grandes maisons de Cognac
Courvoisier
Une utilisation des LSA sur l’ensemble de la récolte systématique, car cela contribue à optimiser le bon déroulement du processus fermentaire.
Porter une grande attention à la préparation et aux conditions d’incorporation du levain pour tirer le meilleur profit du levurage.
Souches de levures préconisées ➞ Toutes les souches qualifiées par le BNIC sauf la SM 102 (en raison de sa capacité à bloquer la malo et à synthétiser de l’éthanal).
Utiliser 2 à 3 souches de LSA dans chaque chai.
HENNESSY
Utilisation des LSA systématique sur l’ensemble de la récolte, car c’est un levier technique important pour maîtriser la qualité des vins et minimiser la production d’éthanal.
Porter une grande attention aux conditions d’ensemencement pour obtenir des levains de qualité. Les phases de réhydratation et d’acclimatation des LSA et les aspects de nutrition des levures sont essentielles.
Souches de levures préconisées ➞ Utiliser les souches définitivement qualifiées par le BNIC en ciblant prioritairement les LSA non productrices d’éthanal, FC9, Fermiflor, ICV D254, Zymasil, 7013.
Utiliser 2 à 3 souches par chai.
MARTELL
Une utilisation systématique des LSA sur l’ensemble de la récolte pour maîtriser le déroulement du processus fermentaire.
Souches de levures préconisées ➞ Utiliser les souches qualifiées par le BNIC en privilégiant celles connues pour produire peu d’alcools supérieurs.
Utiliser au moins 2 à 3 souches par chai pour apporter de la diversité aromatique aux vins et aux eaux-de-vie.
Rémy martin
Utilisation des LSA systématique à des doses suffisantes pour valoriser la structure aromatique future des vins et des eaux-de-vie.
Attention aux chocs thermiques au moment de l’incorporation des levains. La phase d’acclimatation du levain avant son incorporation dans les cuves est très importante.
Souches de levures conseillées ➞ Utiliser les 4 souches qualifiées par le BNIC suivantes : FC9, Zymasil, ICV D254 et SM 102. Pour les souches non qualifiées, faire éventuellement un essai en ayant en comparaison une cuve témoin.
Utiliser plusieurs souches par chai apporte une diversité aromatique qui est toujours bénéfique.
Anticiper les excès thermiques
Les + d’une fermentation sans excès thermique
➊ Avoir des températures de moûts autour de 15 °C favorise un démarrage des fermentations rapide. Un démarrage à basse température est propice à la production d’éthanal.
➋ Eviter des excès thermiques au-dessus
25 °C pendant la fermentation alcoolique. Cela contribue à renforcer la structure aromatique des vins et des eaux-de-vie. La synthèse d’alcools supérieurs est plus importante lorsque les températures de fermentation dépassent 25 °C.
➌ L’idéal est que la cinétique fermentaire s’effectue de façon complète et régulière pendant 4 à 6 jours maximum.
Les priorités
Une vendange ou un moût à 10 °C ou à 22 °C pose bien évidemment des problèmes au moment du déroulement de la fermentation.
Les faibles comme les fortes températures de fermentation ont des conséquences directes sur le développement des populations de levures, la préservation du potentiel aromatique…
Le fait de pouvoir anticiper ces risques thermiques représente un acte de vinification majeur même si les chais ne disposent pas d’équipements de maîtrise thermique performants.
Diagnostiquer d’éventuels excès thermiques ?
➊ Connaître les températures de chaque lot de moût aussitôt le pressurage.
L’incidence du climat pendant les vendanges est importante :
• Année très froide ➞ t° moûts 10 °C
• Année fraîche ➞ t° moûts 12 à 14 °C
• Année tempérée ➞ t° moûts 14 à 18 °C
• Année chaude ➞ t° moûts 19 à 22 °C
La température des moûts idéale pour le démarrage de la fermentation alcoolique : 15-17 °C en sortie de pressoir.
➋ Tenir compte des volumes de moûts récoltés quotidiennement.
Plus ils sont importants, plus les besoins en refroidissement ou en réchauffage seront importants :
• 300 hl/jour ➞ 2,5 ha/jour
• 500 hl/jour ➞ 4 ha/jour
• 1 000 hl/jour ➞ 8 ha/jour
Lorsque les volumes de moûts récoltés quotidiennement ne dépassent pas 300 à 400 hl, un décalage des horaires de récolte est un moyen astucieux de rentrer une vendange plus tempérée.
➌ Evaluer les élévations de températures liées à la fermentation alcoolique.
La transformation des sucres en alcool par les levures s’accompagne d’un dégagement d’énergie qu’il est aujourd’hui possible de quantifier très précisément.
La température ambiante autour de la cuverie de fermentation. Le niveau de ventilation d’un chai accentue ou réduit les échanges thermiques d’une cuve (quel que soit le matériau) et les incidences du climat pendant les vendanges sont importantes. Une cuve enterrée ne pourra pas être ventilée alors qu’une cuve extérieure le sera naturellement beaucoup plus.
• Année chaude ➞ température extérieure sur 24 heures de 22 °C.
• Année tempérée ➞ température extérieure sur 24 heures de 18 °C.
• Année fraîche ➞ température extérieure sur 24 heures de 14 °C.
Le matériau et la contenance des cuves. Dans les chais de vinification on utilise aujourd’hui des cuves en ciment, en fibre de verre ou en inox. Chacun de ces matériaux possède une capacité d’échange très différente. L’inox est très conducteur, la fibre de verre possède plus d’inertie et le ciment est peu conducteur. L’augmentation de la capacité des cuves amplifie les niveaux des dégagements d’énergie durant la fermentation alcoolique.
➍ Envisager les solutions pour contrôler les excès thermiques.
Utiliser des moyens technologiques pour contrôler les températures de fermentation.
1 % de TAV potentiel provoque une élévation de température de 1 à 1,5 °C au cours de la fermentation alcoolique.
Températures de fermentation alcoolique : les préconisations des grandes maisons de Cognac
Courvoisier :
Etre attentif aux niveaux de températures au moment de la mise en cuve. 14 °C est un seuil minimum pour assurer un démarrage rapide de la fermentation et au-dessus 18 °C, les risques d’élévation de températures incontrôlées augmentent. L’utilisation d’échangeur en ligne (échangeur tubulaire) pour réchauffer les moûts est à préférer aux cannes chauffantes.
Eviter les excès thermiques qui perturbent le déroulement du processus fermentaire. En dessous 20 °C, le déroulement de la cinétique fermentaire est ralenti et à l’inverse, au-dessus 28 °C, le risque de mortalité des levures augmente.
Une durée de fermentation de 6 à 7 jours avec des niveaux de pics de températures ne dépassant pas 26 °C représentent des conditions de fermentation idéales. Dans le cadre d’années tardives, attention à l’incidence des nuit froides sur les fins de fermentation avec la cuverie extérieure.
HENNESSY :
Lancer la fermentation alcoolique avec des moûts dont la température se situe entre 16 et 18 °C.
Plage idéale de température de fermentation ➞ 21 à 26 °C. En dessous 20 °C, la production d’éthanal est accrue et au-dessus de 26 °C, les teneurs en alcools supérieurs augmentent. Une durée de fermentation courte (de 5 à 6 jours) avec un pic de température entre 24 et 25 °C est un gage de qualité pour élaborer des vins de distillation équilibrés.
A partir de 1020, il faut être plus souple et ne pas chercher à trop réduire la vitesse de fermentation. Dans les chais équipés de maîtrise thermique, le relâchement de la régulation à partir de 1020 de densité facilite le déroulement des fins de fermentation. MARTELL :
La température des moûts ainsi que les températures mini et maxi durant la FA sont des paramètres qui conditionnent le bon déroulement du processus fermentaire. Des moûts entre 16 à 18 °C au moment du levurage représentent une situation idéale pour le lancement des FA. La mise en température en ligne des moûts (avec des échangeurs) est un levier technique important.
Les années froides, organiser les début de remplissage des cuves et la réalisation des levurages en profitant des plages de récolte pendant les heures les plus chaudes de la journée.
Plage idéale de température de fermentation alcoolique ➞ 22 à 25 °C pour permettre l’accomplissement de la fermentation en moins d’une semaine. Un contrôle journalier des températures et des densités est indispensable pour suivre le bon déroulement de la fermentation alcoolique.
A partir de 1020, relâcher la maîtrise thermique pour l’achèvement de la FA. Dès la fin de fermentation, s’assurer par analyse de l’absence de sucres résiduels.
Rémy martin :
Lancer les fermentations avec des moûts dont la température se situe entre 16 à 18 °C. Ne pas hésiter à jouer sur les horaires de récolte pour « tempérer » les raisins. Prendre des précautions lors de l’utilisation des cannes chauffantes en années froides.
Plage idéale de température de fermentation alcoolique ➞ 22 à 25 °C pour conduire le processus fermentaire en 4 à 6 jours. En dessous 22 °C, l’impact qualitatif de levains de LSA n’est pas si notable. Au-dessus 25 °C, la richesse en composés aromatiques des vins diminue (moins d’esters), les teneurs en alcools supérieurs augmentent et les risques d’arrêts de fermentation deviennent réels.
La maîtrise thermique apporte de la souplesse dans l’organisation des chantiers de vendange en années froides et chaudes.
Les chais équipés de maîtrise thermique doivent relâcher leurs contrôles de température à partir de 1020 de densité.
La maison Rémy Martin a édité une fiche technique sur les aspects de maîtrise thermique des moûts et des vins.
Présentation d’une étude thermique de contrôle des fermentations
Les éléments pris en compte pour réaliser l’étude thermique
Température de départ des moûts : 17 °C.
Titre alcoométrique potentiel des moûts : 9 à 12 % vol.
Durée de la fermentation alcoolique : 7 jours.
Maîtrise thermique à 25 °C.
3 hypothèses de climat pendant les vendanges :
• Année chaude
• Année tempérée
• Année fraîche
Le contrôle du déroulement des fermentations
Le mauvais déroulement de la fermentation alcoolique conduit à l’obtention de vins présentant des défauts majeurs qu’aucune intervention corrective ne permettra d’atténuer. Tous les vinificateurs peuvent être confrontés à « des cuves difficiles » ayant un démarrage trop lent, des montées en température plus importantes, des fins de F.A. languissantes… Détecter tôt les prémices d’un accident fermentaire permet toujours d’en limiter les conséquences.
Prendre les densités et les températures de chaque cuve tous les jours est vraiment « un geste » œnologique de base indispensable.
Un protocole à respecter
➊ Prendre les températures et les densités de chaque cuve quotidiennement et à heure fixe.
➋ Enregistrer ces informations sur une fiche de vinification pour visualiser parfaitement le déroulement du processus fermentaire.
➌ Renforcer la surveillance de cuves en dessous 1020 de densité car « les derniers grammes » de sucre sont toujours les plus délicats à transformer en alcool.
➍ Une fois que les densités indiquent la fin de la fermentation alcoolique, une confirmation de l’achèvement du processus par une analyse de laboratoire s’impose (dosage : sucre résiduel et acidité volatile).
➎ En cas d’incident (arrêt aux fermentations languissantes), s’entourer des compétences d’un œnologue.
Les points clés pour réussir la fermentation alcoolique
• S’entourer des conseils d’un œnologue de terrain pour définir et piloter l’itinéraire technique des vinifications.
• Un démarrage rapide des fermentations dans un délai de 6 à 12 heures après le pressurage est toujours favorable à la qualité.
• Un démarrage lent après 2 à 3 jours de latence est toujours la cause d’apparition de défauts majeurs dans les eaux-de-vie.
• Pratiquer le levurage systématique et bien acclimater les levains.
• S’organiser pour essayer de lancer les fermentations des moûts à une température de 15 à 17 °C.
• Mettre à température les moûts si besoin.
• En présence d’un mauvais état sanitaire, le levurage systématique, l’apport d’azote et la décantation des moûts s’imposent : ce sont les seuls moyens de limiter le développement des levures et des bactéries indésirables pour la qualité.
• Penser à « alimenter » les levures de manière préventive : raisonner les apports de sulfate ou de phosphate d’ammonium en fonction des teneurs dans les raisins et les moûts.
• S’assurer du déroulement régulier de la cinétique fermentaire :
– Conduire la fermentation alcoolique en 5 à 7 jours en maintenant les températures en dessous de 25 °C.
– La maîtrise thermique en dessous de 24 °C allonge les durées de fermentation et provoque un enrichissement en composés aromatiques aux notes florales.
– Suivre quotidiennement les densités et les températures de fermentation.
– Respecter les préconisations de vinification de chaque grande Maison de Cognac.
– Etre très vigilant dans le suivi des fins de fermentation.
Le suivi analytique et qualitatif des vins
Dès que les prises de densité indiquent la fin de la fermentation alcoolique, il faut réaliser un dosage des sucres résiduels et de l’acidité volatile pour confirmer le déroulement du processus fermentaire.
La réalisation du plein des cuves et leur maintien pleines grâce à des ouillages réguliers sont indispensables.
Éviter toute absence de contact des vins avec l’air est fondamental pour la conservation des vins de distillation. Le niveau des cuves doit être surveillé attentivement dans les semaines suivant la fin de la fermentation alcoolique. Toute aération incontrôlée peut être à l’origine d’une altération de la stabilité biologique des vins et de la dégradation de leurs caractéristiques aromatiques et gustatives.
La présence de gaz carboniques dans les vins juste faits assure une protection contre l’oxydation dans la mesure où les cuves sont maintenues parfaitement pleines.
L’utilisation de soufre pour conserver les vins de distillation est proscrite même à toutes petites doses. Les grandes maisons de Cognac ont sur ce sujet une position unanime.
Au cours des deux à trois semaines suivant la fin de la fermentation alcoolique, le refroidissement des vins entraîne une contraction volumique du contenu des cuves qui doit être compensé en réalisant des ouillages réguliers.
L’utilisation de systèmes d’inertage avec des gaz neutres représente une nouvelle possibilité pour empêcher les conséquences d’aération excessives des vins au cours de leur conservation. Les œnologues de terrain considèrent cette pratique intéressante sur le plan qualitatif et assez abordable sur le plan économique.
Les démarches de sélection qualitative des Maisons de Cognac sont actuellement bien connues des viticulteurs et des œnologues. La dégustation des micro-distillats et les résultats des chromatographies sont incontournables. Il convient de tenir compte des spécificités de chaque acheteur dans la démarche de caractérisation du potentiel qualité des chais.
Anticiper la présence d’éthanal
Bien appréhender la problématique éthanal est important car c’est le seul élément sur lequel il peut être envisagée une intervention œnologique corrective. En effet, le déroulement de la fermentation malolactique dégrade naturellement ce composé et l’enclenchement de ce processus est toujours plus facile à réaliser dans la continuité de la fermentation alcoolique. Les vins sont généralement à des niveaux de températures propices (autour de 20 °C) et les ensemencements à partir de moyens naturels (cuve en cours de malo) ou de ferments œnologiques se développent plus facilement. La détection précoce de teneurs élevées en éthanal facilite donc la mise en œuvre de stratégie œnologique corrective.
Le déroulement des fermentations malolactiques et la conservation des vins
Le débat sur l’intérêt et les dangers du déroulement de la fermentation malolactique au niveau de la conservation des vins de distillation est devenu un sujet à la fois simple et complexe dans la région de Cognac.
Dans les chais, le déroulement de la fermentation malolactique est subi dans 90 % des situations.
Certains millésimes de forte maturité avec des vins peu acides, la réalisation de la FML fait encore chuter l’acidité et rend la phase de conservation souvent délicate. Or, dans ces conditions, il arrive fréquemment que les FML se déclenchent naturellement. Le fait de disposer de moyens de refroidissement des vins (en les refroidissant autour de 10 °C ) pourrait permettre d’éviter leur déroulement.
A l’inverse, certaines années propices à la synthèse d’éthanal, les niveaux d’acidité très élevés rendent très difficile son déroulement. En résumé, le déroulement du processus malolactique est actuellement peu ou pas maîtrisé dans le vignoble de Cognac.
Dans l’état actuel des connaissances, le seul critère qualitatif justifiant le déroulement de la FML est la présence d’éthanal. Vouloir faire réaliser les FML à des vins riches en éthanal doit être abordé avec le plus grand professionnalisme en construisant une démarche de travail avec un œnologue de terrain.
Les conditions de conservation des vins de distillation doivent aussi tenir compte des attentes ultérieures au moment de la distillation, principalement au niveau de la mise en œuvre des lies. Les maisons de négoce comme Martell et Courvoisier (pour les vins issus des Fins Bois) distillant sans lies préconisent un soutirage précoce des vins encore laiteux dans les 3 à 4 jours suivant la fin de la fermentation alcoolique. Cela permet de conserver l’effet protecteur du gaz carbonique dissous. dans le vins. Un soutirage plus tardif, 3 à 4 semaines après la fin de la fermentation alcoolique peut provoquer une aération importante du vins dont les conséquences sur la structure qualitatives sont toujours négatives. Les maisons de négoce comme Rémy Martin et Hennessy qui souhaitent réaliser une distillation avec lies, préconisent de ne pas soutirés les vins en fin de fermentation alcoolique. La surveillance régulière des pleins pendant toute la durée de la conservation est un acte préventif majeur.
Dès que le délai de conservation dépasse 2 mois, la réalisation de contrôles analytiques réguliers (tous les mois) de l’acidité volatile et du pH sont souhaitables. La dégustation régulière des vins est également conseillée pour suivre leur évolution organoleptique.
Un bilan qualitatif précoce des vins permet de mieux gérer la conservation
A l’issue des fermentations alcooliques, les vins de distillation possèdent une structure qualitative qu’aucun moyen œnologique correctif (le sulfitage des vins est proscrit) ne permet de stabiliser. Les caractéristiques analytiques (leur niveau d’acidité, de pH, d’acidité volatile, acétate d’éthyle, éthanal ; l’état d’avancement de la FML….) et aromatiques (leurs arômes, leurs saveurs, les teneurs en esters en composés défavorables jouant un rôle masquant comme les alcools supérieurs, les marqueurs de trituration) des vins de chaque millésime représentent un acquis toujours fragile, dont il faut prendre le plus grand soin pour être en mesure de pleinement le valoriser au moment de la distillation. Les conditions de conservation (suivi des pleins, températures des vins en début d’hiver joueront donc un rôle déterminant sur l’équilibre qualitatif des vins au moment de leur distillation. C’est pour cette raison que bien connaître dans un délai court après la fin de la fermentation alcoolique (dans les 7 à 10 jours maximum suivant la fin de la FA), le contenu qualitatif est aussi capital. Réaliser un véritable bilan qualitatif précoce est un moyen préventif d’éviter beaucoup d’ennuis pendant la phase de conservation des vins surtout quand les conditions climatiques restent douces en novembre-décembre.
Les avantages d’un bilan qualitatif « précoce » des vins
➦ Une semaine après la réalisation du premier plein des cuves, la réalisation d’un état des lieux de la qualité globale de la récolte est primordiale. La mise en œuvre d’une telle démarche permet de caractériser finement la qualité des vins en ayant en permanence un double objectif :
❶ Apprécier le potentiel aromatique des vins pour la distillation.
❷ Apprécier la stabilité micro-biologique et l’aptitude de conservation des vins.
➦ Travailler en étroite collaboration avec un œnologue de terrain pour mettre en place un petit protocole de travail reposant à la fois sur les critères analytiques et la dégustation des vins et des micro-distillations.
➦ La démarche pour réaliser le bilan qualitatif précoce :
❶ Apprécier la stabilité micro-biologique des vins : analyse des vins (sucres, AV, FML, pH).
❷ Apprécier le potentiel aromatique pour la distillation :
− Dégustation des vins.
− Réalisation d’une micro-distillation et d’une chromatographie (attention à l’éthanal).
− Dégustation des distillats.
Déroulement de la fermentation malolactique et conservation des vins : les préconisations des grandes maisons de Cognac
COURVOISIER
Une volonté de distiller des vins ayant effectué leur fermentation malolactique quand elle s’enclenche naturellement. Dans l’état actuel des connaissances, l’utilisation de levains lactiques n’est pas conseillée quand la fermentation malolactique ne se déroule pas.
Un soutirage des vins dans les premiers jours suivant la fin de la fermentation alcoolique est recommandé afin d’éliminer les
bourbes les plus grossières, les projections fermentaires sur les parois des cuves et de conserver les lies les plus fines.
L’avantage d’un soutirage précoce des vins sans aération est de conserver une forte proportion de gaz carbonique dissous qui joue un rôle protecteur. La conservation des vins doit être abordée avec sérieux en portant une attention particulière à la surveillance des pleins de cuve durant toute la période de conservation. Les ouillages doivent être effectués régulièrement car les vins réagissent fortement aux écarts de températures.
Au moment de la distillation, la mise en œuvre des lies fines est préconisée dans les crus de Grande Champagne, de Petite Champagne et des Borderies, mais pas dans les Fins Bois. Durant la distillation, les délais de vidange d’une cuve ne doivent pas excéder 4 à 5 jours.
HENNESSY
L’objectif d’une vinification maîtrisée et réussie est d’élaborer des vins qui, à l’issue de la fermentation alcoolique, ne présentent aucun défaut et donc pas d’éthanal. Si ce composé est absent des vins, il ne faut pas rechercher à mettre en œuvre la fermentation malolactique qui provoque une perte d’acidité des vins. Toute chute d’acidité durant la conservation fragilise le potentiel de qualité des vins. Le déroulement de la fermentation malolactique ne se justifie qu’en présence de teneurs en éthanal excessives. C’est alors un processus correctif. L’utilisation de levains malolactiques peut s’envisager quand les moyens naturels ne donnent pas satisfaction. A l’issue de la fermentation alcoolique, la réalisation des pleins et leur surveillance régulière sont déterminants pour assurer de bonnes conditions de conservation des vins.
Une attention soutenue doit être portée à la conservation des vins. La réalisation des pleins et le suivi pendant toute la conservation des niveaux de cuves par des ouillages réguliers (surtout au moment où les vins se refroidissent) sont indispensables. Un suivi analytique mensuel (AV, FML, pH) représente aussi un moyen simple de planifier la distillation. L’inertage des vins issus de cuves pleines ne se justifie pas réellement quand les ouillages sont effectués régulièrement. Par contre, dans les cuves en cours de distillation qui restent en vidange durant 4 à 6 jours, l’apport d’une couche de gaz inerte à la surface du vin au moment de chaque charge joue un rôle protecteur vis-à-vis de l’oxydation et du risque éthanal.
MARTELL
La réalisation de la FML ne présente pas un caractère indispensable. Il n’est donc pas nécessaire de forcer son déclenchement, mais son suivi analytique est fortement conseillé.
La distillation de vins clairs doit inciter les viticulteurs à être très attentifs aux conditions de conservation des vins. À l’issue de la fermentation alcoolique, deux alternatives sont possibles : soit pratiquer un soutirage précoce des vins encore laiteux et chargés en gaz carbonique, soit ne pas toucher au vin. Dans ce cas de figure, le soutirage interviendra au moment de la distillation. En présence de vendanges altérées par le botrytis, le soutirage des vins en fin de fermentation s’impose pour minimiser les risques de déviation qualitative dans les eaux-de-vie. Une attention importante doit être portée à la surveillance des ouillages durant toute la conservation
Au moment de la distillation, la mise en œuvre de vins véritablement clairs représente une préconisation majeure pour Martell. L’apport de lies même à des concentrations faibles marque rapidement la structure aromatique des eaux-de-vie qui s’éloigne du style recherché par Martell.
La réalisation d’un suivi analytique (pH, AT, FML, Ac. Vol.) régulier (au moins une fois par mois) est recommandée pour anticiper d’éventuelles dérives de conservation.
rémy martin
A l’issue des fermentations alcooliques, des niveaux d’acidité moyens à faibles ne justifient pas la recherche du déroulement de la FML. Dans ces conditions, l’idéal est de conserver un maximum d’acidité. Par contre, si de fortes teneurs en éthanal sont présentes en fin de fermentation alcoolique, la recherche du déroulement de la FML peut se justifier. C’est un moyen correctif encore très souvent aléatoire mais qui est à privilégier par rapport aux intervention correctives lors de la distillation (prélèvement des têtes important et coulages à des températures élevées). La mise en œuvre de procédures œnologiques d’ensemencement naturelles (utilisation de lots de vin en cours de malo comme levain) ou d’ensemencement à partir de levains sélectionnés doit faire l’objet d’un encadrement technique avec un œnologue de terrain.
A l’issue des fermentations alcooliques, les vins doivent être conservés sur toutes leurs lies. Une vigilance permanente doit être observée au niveau des pleins de cuves. Les aérations des vins en cours de conservation favorisent les risques d’altérations micro-biologiques des vins et peuvent être à l’origine d’une oxydation de l’éthanol en éthanal (un processus naturel). Un refroidissement des vins en dessous 15 °C aussitôt la fin de la fermentation alcoolique, suivi d’ouillage régulier, permet de protéger le contenu qualitatif des cuves. Pour les cuves en vidange en cours de distillation, la pratique de l’inertage représente un moyen efficace pour éviter les dérives qualitatives.
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