Après avoir pris pas mal de monde à rebrousse-poil avec un projet de création d’un nouveau vin de pays ne se rattachant pas à la dénomination « Vin de pays charentais », l’ACV et le syndicat de défense créé dans son sillage font machine arrière. En fin de compte, le dossier présenté au conseil spécialisé Vins de pays de l’ONIVINS le 23 juin dernier a porté sur la demande d’examen d’une sous ou sub-dénomination « Vins de pays charentais, Segonzac et Haute-Saintonge », comme il existe déjà les Vins de pays charentais, île de Ré, île d’Oléron et Saint-Sornin. Sans rejeter la demande, le conseil spécialisé de l’ONIVINS a différé l’ouverture du dossier, le temps que tous les protagonistes régionaux formalisent mieux les termes de la proposition de modification réglementaire. Reste que l’initiative de l’ACV a provoqué un semblant de remue-ménage intellectuel au sein des Vins de pays charentais, preuve que la Maison des Maines n’est pas la seule à se poser des questions.
Finalement, le projet porté par l’ACV ne verra pas le jour en 2004. Des délais trop courts et quelques maladresses en prime en sont sans doute la cause. Même si l’ACV a mis de « l’eau dans son vin » et marqué le pas en jouant la sous-dénomination plutôt que la création d’un nouveau vin de pays, sans référence au vin de pays charentais, les étapes ne se brûlent pas comme cela. Dans une telle procédure de modification réglementaire d’un décret vin de pays, quelques préalables doivent être respectés et notamment vérifier qu’un accord local existe bien entre les OP (organisations de producteurs) intervenant sur le vin de pays concerné. Après avoir donné l’impression de court-circuiter l’échelon local, l’ACV rencontre finalement le Syndicat des vins de pays charentais créé il y a deux ans et présidé par Yves Bouyer. A l’époque, fin avril, la coopérative en était encore à l’idée de créer un nouveau vin de pays « de Segonzac et de Haute-Saintonge ». Le Syndicat des vins de pays charentais se positionne contre et envoie un courrier dans ce sens à l’ONIVINS. Fin du premier acte. Voyant cela, l’ACV se ravise, remet l’ouvrage sur le métier et « joue l’apaisement » en acceptant l’idée de la sous-dénomination, une position qui à priori convient mieux au syndicat. Cependant, le président Bouyer, pour des règles de bonne démocratie, a souhaité recueillir l’avis de son conseil d’administration, convoqué le 7 juillet, avant de se prononcer officiellement sur la proposition de l’ACV. Au conseil spécialisé du 23 juin dernier, le porteur de projet ACV demandait à l’ONIVINS de prendre une décision sous réserve de l’accord du conseil d’administration du Syndicat des producteurs de vins de pays charentais. L’objectif de la coopérative : tenir les délais pour que la nouvelle dénomination prenne effet dès la récolte 2004. Estimant que cette procédure dérogeait par trop à la norme, les membres du conseil spécialisé ne se sont pas estimés capables de prendre une décision dans ces conditions. La proposition a même été retirée de l’ordre du jour. « Il ne s’agit surtout pas d’un refus précise-t-on à l’ONIVINS mais nous avons souhaité laisser le temps aux “belligérants” de mieux formaliser les termes de la proposition. Le dossier ne semble pas suffisamment finalisé pour être traduit sous la forme d’une modification réglementaire (création d’une nouvelle dénomination – NDLR). Des points méritent encore d’être éclaircis. » Ainsi une application pour la récolte 2004 semble être compromise. Le prochain conseil spécialisé – en plein renouvellement de mandats – ne se réunira pas avant septembre-octobre, ce qui ne laissera pas le temps d’adopter un décret, si tant est que l’avis soit favorable. D’ailleurs, un bon connaisseur du conseil spécialisé de l’ONIVINS estime que, même si la décision avait été obtenue en mai, le délai aurait sans doute été trop juste pour une application récolte 2004. Ainsi, ne faut sans doute-t-il pas nourrir trop de regrets.
Sur le fond, la démarche initiée par l’ACV répond à un évident désir de se démarquer. Jean-Louis Brillet justifie cette position par trois éléments : le terroir, le climat, la charte de production. Et rajoute un quatrième élément, le fait d’élaborer des vins différents, positionnés plus près des 5 € la bouteille que des 2 €. « Par définition, notre identité propre, attachée au terroir et au climat, n’est pas transposable ailleurs et nos contraintes de production, de loin, ne sont pas les mêmes que les autres vins de pays charentais. » L’ACV se défend de vouloir semer la zizanie ou jouer les « pseudo-séparatistes ». Elle se vit davantage comme une force de proposition, quitte à « décoiffer ». « Mais ça ne tue personne » rajoute Gérard Raby. « Nous sommes là pour construire l’avenir poursuit J.-L. Brillet. Nous ne voyons pas la production de vin en Charentais comme une entreprise bouclée, finie mais plutôt à ses débuts, pleine de promesses et d’évolutions. » Ce projet, l’ACV le veut ouvert à tous ceux qui partagent la même optique et sont prêts à accepter des critères plus restrictifs en terme de rendements (65 hl/ha), de densité de plantations, de TAV… Depuis 1998-1999, a été créé dans le sillage de la coopérative un syndicat de défense, le Syndicat de défense des vins des coteaux du Cognaçais et de Haute-Saintonge, présidé par Gérard Raby. Le choix des termes de « Segonzac et de Haute-Saintonge », l’ACV le justifie d’abord par les terroirs sur lesquels s’appuie son approvisionnement et ensuite parce que tout ce qui fait référence au mot Cognac est banni par l’INAO, pour cause de concurrence potentielle avec l’AOC Cognac. « L’idéal, reconnaît le directeur de l’ACV Jean-Emmanuel Géral, eut été un vin de pays charentais, du Cognac ou du Cognaçais, mais nous nous serions fait retoquer par l’INAO. Segonzac est au cœur du terroir et il faut en finir avec ces querelles de clochers. Après tout, Banyuls ou Rivesaltes incarnent une aire bien plus vaste que leur simple zone. »
Qu’inspire l’initiative de l’ACV à la communauté des vins de pays charentais ? Avant que l’ACV ait rabattu sa voilure, Yves Bouyer, le président du syndicat, avait du mal à comprendre en quoi cela pouvait gêner la coopérative d’indiquer « vin de pays charentais » sur son étiquette. « Ils ont déjà une belle marque avec la Maison des Maines et la mention vin de pays charentais peut venir en tout petits caractères en dessous de la marque, comme ce qui se passe chez beaucoup d’entre nous. » Le principal reproche adressé par les producteurs tient à un problème de forme. Ainsi en va-t-il pour Pascal Gonthier, producteur en cave particulière à Saint-Amant-de-Nouère. « Personnellement j’adhère à leurs idées. Par contre, je n’ai pas compris leur façon de faire et de s’approprier un terroir sans en parler aux autres. » Par ailleurs, il rejette complètement le terme de Segonzac. « Comme si Segonzac était le centre du monde ! ça ne passe pas. Peut-être vins de pays de l’Angoumois mais de Segonzac, non ! » Un sentiment largement partagé par d’autres producteurs. « Surtout pas les Coteaux de Segonzac, s’exclame l’un d’eux. Nous avons suffisamment vécu la guerre des crus sans en remettre une couche. A mon avis c’est très maladroit. » Les opérateurs admettent beaucoup mieux l’envie de l’ACV de se démarquer. Ils sont même prêts à y voir une certaine légitimité, quitte à trouver la démarche un peu précipitée. « Pour l’instant, ils n’ont pas prouvé grand-chose, constate le représentant d’un domaine reconnu de Charente-Maritime. Leur terroir est peut-être exceptionnel, je ne dis pas le contraire mais faut-il encore le démontrer. Avant de se comparer aux grands vins de l’autre rive, j’aurais envie de leur dire : “faites vos preuves les garçons !” A leur place, j’aurais attendu 5-6 ans avant d’entreprendre une telle démarche. Mais au moins ils ont eu le mérite de le faire même si, selon moi, ils vont se planter. » Car le même estime que pour être parti trop tôt dans la tentative de différenciation, l’effet sera peut-être inverse à celui recherché et contribuera à brouiller un peu plus le consommateur.
Reste que la « bronca » de l’ACV oblige les opérateurs à s’interroger sur l’image des vins de pays charentais. Et la réponse est unanime : cette image n’est pas bonne. « On se traîne une sale image. Moi, je véhicule le nom du domaine avant celui des vins de pays charentais » reconnaît un opérateur. « Même si on fait les choses de mieux en mieux, on porte encore le poids du passé renchérit un autre. A une époque, les gens faisaient n’importe quoi. On est parti de bien bas et même plus bas que bas. Il est difficile de remonter la pente. Quand je vais à Limoges, les gens ne veulent pas en entendre parler des vins de pays charentais, ! » Et s’il n’y avait que le passé. Certains épinglent ces vins de pays charentais vendus 1,5 € ou 2 € en grande distribution « et qui ne sont pas bons ». « Ils font un mal considérable à la catégorie. » Une caractérisation plus fine des vins est-elle la bonne voie à suivre ? Un producteur « qui a de la bouteille » admet qu’une dénomination particulière a le mérite de pointer géographiquement la zone de production et « que le client aime bien ». Gilles Merlet, part B de la sica Goulebenèze, ne partage pas cet avis. « La création d’une sous-dénomination n’apporte rien au débat. S’il me fallait militer pour quelque chose, je militerais pour un vin de pays de grande zone, type vin de pays de la façade atlantique ou des côtes de l’Atlantique, s’étendant de Bayonne à Nantes et aussi pour un vin de cépage de France, pour aller franchement à la bataille, puisque bataille il y a. » Le négociant de Saint Sauvant poursuit : « A une époque où l’on se plaint d’une offre trop diversifiée et trop complexe, que peut apporter une proposition atomisée, sinon que tout le monde se gratte la tête devant le linéaire. Cela relève du nombrilisme. La question de l’identifiant à la région ne se résoudra pas avec la mention “Segonzac” sur la bouteille. A l’inverse un vin de l’Atlantique pourrait peut-être rappeler au consommateur anglais ou norvégien ses vacances sur la côte. Et s’il s’agit d’établir une segmentation de qualité, je crois bien davantage à la marque ou au nom de domaine. Dans la grande région du Languedoc, quelques étiquettes tirent bien leurs épingles du jeu et tous les Médoc ne se vendent pas au même prix. On peut faire jouer la différence de qualité autrement que par une dénomination géographique. »
Un président de cave, par ailleurs critique sur la forme, reconnaît au projet de l’ACV le mérite d’attirer l’attention sur la qualité des vins par rapport à l’agrément. « Une frange de la production de vins de pays charentais s’oriente vers des vins plus structurés, élaborés pour faire des vins de garde. Or ses vins sont souvent jugés trop astringents, tanniques, herbacés par des dégustateurs habitués à vendre des vins jeunes. Nous avons du mal à rentrer dans la grille analytique. » Un membre de la commission dégustation lui donne en partie raison. « Nos réflexes sont trop conditionnés par l’habitude. Il faut aussi arrêter de se dire que tel vin ne nous plaît pas. Contentons-nous de vérifier que le vin n’a pas de défaut, qu’il ne sent pas le piqué ou le goût de réduit. La première qualité d’un dégustateur est l’humilité. Nous ne sommes pas des Médoc ou des Pauillac. Les vins de pays n’ont pas à afficher de typicité particulière contrairement aux grandes appellations. Laissons une chance au produit. » Le même ajoute : « Cette carte des vins de garde est jouable. Ce sera au marché et non à nous d’en décider. Cependant, je pense qu’ils vont se planter à la vente. A mon avis, ce créneau des petits rendements ne gagne pas d’argent et les goûts changent. Les gens apprécient de plus en plus les vins peu charpentés mais avec des fruits, présentant des tanins tout en étant souples. La mode va aux vins légers. En témoigne la vogue des vins rosés. Nos produits doivent tout de même coller au marché. J’ai vendu la moitié de mes 2003 et dans six mois je n’ai plus une bouteille. » L’exigence de prix manifestée par l’ACV laisse sceptiques plus d’un producteur. « C’est vrai qu’à 50 hl/ha, il faut vendre la bouteille 5 € pour ne pas avoir de problème de rentabilité. Mais nous sommes tous en dessous. Moi, mon prix de vente consommateur est à 3,5 €. »
A l’ONIVINS, l’on invite les producteurs de vins de pays à bien faire la différence entre une démarche d’AOC et une démarche de vins de pays. L’exigence n’est pas la même. Ainsi l’Office des vins ne souhaite-t-il pas parler de hiérarchisation des vins de pays, au sens juridique du terme. On insiste aussi sur l’effort intellectuel qu’il convient de faire pour bien identifier ce qui relève du cahier des charges interne à une entreprise et les contraintes réglementaires d’une dénomination. « Les professionnels ont tendance à s’en remettre aux pouvoirs publics pour imposer des contraintes qu’ils ne peuvent pas faire respecter eux-mêmes. Ensuite, il leur arrive d’avoir du mal à tenir leurs engagements et de demander des dérogations. Mais il faut bien comprendre qu’un décret ne se modifie pas comme un cahier des charges. » Lors du dernier comité spécialisé, deux vins de pays ont demandé de revenir en arrière et d’annuler des dispositions très sévères auxquelles ils avaient souhaité se soumettre il y a deux ans. La demande émanant des Charentais n’a pas surpris l’ONIVINS. Pour l’Office, il s’agit plutôt d’une évolution normale. « Des régions dont la production est bien mieux organisée qu’en Charentes sont toutes passées par ces étapes. Ce n’est pas pour rien qu’il existe 140 vins de pays en France, dont beaucoup se sont créés dans les années 80-85. Une cave coopérative et deux ou trois individuels revendiquaient leur propre dénomination géographique, à l’échelon d’un canton ou de quelques communes. » L’ONIVINS constate cependant une légère inversion de tendance avec des régions comme le Languedoc qui regrouperait volontiers ses vins de pays dans des territoires plus larges.
L’Office fait par ailleurs remarquer que le projet porté par l’ACV se doit d’être un projet collectif, intégrant d’autres producteurs que ceux de la coopérative, « sinon on se situe davantage dans une logique de marque ».
Cognac Blues passions
22 au 25 juillet : Dans le vif du Groove
En 2000, Cognac Blues Passions, donné aujourd’hui comme le plus grand festival de blues de France, accueillait le mythique Ray Charles, décédé en juin dernier à Los Angeles. « Il fallait que nous l’ayons à Cognac » se souvient avec une certaine émotion Michel Rolland, directeur du festival et responsable de la programmation. Pour sa onzième édition, Blues Passions 2004 s’annonce éclectique et de grand cru. Quelques « pointures » sont attendues à Cognac comme Georges Clinton, le jeudi soir, père psychédélique et déjanté du P. Funk, de la famille des James Brown et Prince. Agé de 60 ans, ce natif de la West Coast, a influencé et enfanté des groupes de funk légendaires. Le lendemain se produira sur la scène de Blues Paradise un autre grand de la soul music, Tony Joe White, auteur-compositeur du Sud, qui assortit à un jeu de guitare étincelant la voix profonde et chaude d’un véritable loner (solitaire). Défenseur d’un rock and roll traditionnel, il a prêté ses chansons aux plus grands, Ray Charles, Elvys Presley ou Tina Turner. Sharrie Whilliams et the Dixie Humminbirds sont programmés sur la grande scène le samedi 24 tandis que Howard Tate clôturera le festival. Originaire de Georgie, né en 1938 (ou 1943), il incarne la fusion du blues et du gospel. « La voix magique et originale de Howard Tate constitue le chaînon manquant entre Jackie Wilson et Al Green » dixit Elvis Costello.
En plus de ces stars internationales, Cognac Blues Passions, fidèle à son esprit de toujours, part à la découverte de nouveaux talents : Mamadou Diabate (Mali), Véronika Jackson (Canada), Michael J. Brown (USA)… Pendant ces quatre jours, toute la ville vibrera aux rythmes puissants et envoûtant du blues, du jazz et de la soul. Plusieurs maisons de Cognac apportent leur concours au festival et parmi elles Hennessy et Rémy Martin. La marque au centaure est très engagée et active sur l’événement. Présente dans plusieurs bars de la place François-Ier ainsi qu’au théâtre de la Nature, il s’agit pour elle « d’un excellent moyen de soutenir la région et de s’associer à un petit changement d’image du Cognac, en le rendant plus festif ». Rémy Martin estime d’ailleurs que ce côté festif colle bien à sa propre image. « A l’étranger et notamment aux Etats-Unis, relate Tim Banks, responsable des relations presse de la maison, le VSOP Rémy Martin est associé à la célébration de moments un peu particuliers, sortant du quotidien. » Ce fun, la marque le retrouve dans Blues Passions, qui constitue pour elle un moment privilégié pour inviter la presse internationale. Tim Banks, un fan du blues qu’il a redécouvert à Cognac, ose un parallèle entre le blues et le Cognac. « C’est bon, on ne comprend peut-être pas tout mais ce n’est pas grave. On est content d’être là et de faire la fête. »
Infos pratiques – Dates : du 22 au 25 juillet (du jeudi au dimanche inclus
24 h/24) – Plusieurs scènes avec une principale, au théâtre de la Nature (jardins de l’hôtel de ville) – Tarifs : au Blues Paradis (25 €), réduit* (18 €) – Passeport festival (80 €), réduit (65 €). C.M.
(*) Tarifs réduits destinés aux étudiants, moins de 18 ans, adhérents FNAC.