« Revue Le Paysan » – Voilà quelques mois que votre mission a débuté et vous vous êtes montré très discret jusqu’alors ?
Anthony Zonta – Communiquer est un exercice difficile. Il est toujours embêtant de ne pas le faire car on peut donner l’impression de cacher quelque chose, ce qui bien sûr n’est pas le cas. Mais pour communiquer, il faut avoir quelque chose à dire et jusqu’à présent, je me situais plutôt dans le registre de la consultation.
« R.L.P. » – Pouvez-vous nous préciser le cadre dans lequel s’exerce votre mission ?
A.Z. – J’ai quitté mes fonctions de DRAF le 23 janvier dernier et le jour même, j’étais nommé ingénieur général du Génie rural et des Eaux et Forêts, chargé d’une mission d’inspection dans les deux grandes régions du Pays de Loire et du Centre. C’est une mission à plein temps, assumée ainsi par 8 autres collègues. Cependant, en fonction de mes connaissances – connaissances entre guillemets – acquises durant mes six années en tant que directeur régional de l’Agriculture, le ministère de l’Agriculture m’a demandé de bien vouloir poursuivre une mission sur la viticulture charentaise. Cette mission a été signée fin avril par le ministre Patriat mais n’est réellement devenue opérationnelle qu’en juin 2002, après les échéances que l’on sait, car il semblait préférable qu’elle soit reconfirmée. Bien que cette mission soit très technique et aille au-delà des clivages politiques, elle dépend du ministre lui-même et il valait mieux qu’elle soit reconduite. La mission a donc réellement commencé à partir du mois de juin.
« R.L.P. » – Quel est son contenu ?
A.Z. – Elle consiste à étudier toutes les possibilités de changer le régime actuel qui gère ou, plus exactement, organise la viticulture charentaise. Pourquoi parler de changement ? Tout simplement à cause d’un contentieux existant entre la Commission de Bruxelles et la France sur les modalités d’application de l’organisation viticole charentaise. En quelques mots, la Commission reproche au gouvernement français de ne pas avoir respecté ses engagements sur la QNV « historique ». Par le règlement européen du 25 juillet 2000, cette QNV a été fixée jusqu’en 2006 à 7,4 millions d’hectolitres volume par an, à charge pour l’Etat français d’en répartir le volume entre viticulteurs. Ces dernières années, crise aidant, la QNV/ha a été fixée de plus en plus bas, avec pour conséquence d’augmenter les surplus distillés à la charge du FEOGA. Organe exécutif mais aussi organe de contrôle juridique et financier, la Commission s’est saisie de cette question. Dans le cadre de la négociation, elle a accepté de surseoir à toute décision en 2002 mais lors de la campagne viticole 2003-2004, l’Etat membre, c’est-à-dire la France, doit lui présenter des projets allant dans le sens d’un règlement de ce contentieux, accompagné, le cas échéant, d’une solution durable pour le vignoble charentais. En tout cas, une chose est sûre : on ne pourra pas se retrouver dans un an avec le même arrêté de campagne. C’est pourquoi, les modalités d’application de la QNV devront avoir changé d’ici là.
« R.L.P. » – Quand devez-vous rendre votre copie ?
A.Z. – En principe en fin d’année si se dégage une solution adaptée et acceptée par tous et pas seulement par les acteurs locaux mais aussi par l’Etat membre et la Commission.
« R.L.P. » – Quelle est la place dévolue au vignoble charentais à l’intérieur de l’OCM ?
A.Z. – Le vignoble charentais n’est pas nommé en tant que tel mais existe à travers le fameux article 28 de l’OCM viti-vinicole concernant les cépages dits à double fin. Deux points essentiels concernent ces cépages : ils peuvent avoir, comme leur nom l’indique, plusieurs destinations et ils ouvrent droit à une distillation particulière dite distillation de retrait, avec un prix fixé à l’avance. La distillation de retrait joue au-delà de la QNV, recouvrant tous les débouchés traditionnels de la région. L’OCM permet à l’Etat membre de répartir cette QNV de la façon la plus équitable possible, par simple arrêté ministériel. Si la répartition de cette QNV focalise souvent l’attention, elle découle directement de l’article 28. A y regarder, la région des Charentes, avec l’Armagnac, est pratiquement le dernier vignoble d’importance à relever de ce régime, un autre grand vignoble comme celui de l’Emilie-Romagne y ayant renoncé.
« R.L.P. » – Quelles peuvent être les alternatives à la double fin ?
A.Z. – La chose la plus simple, si l’on quitte la double fin, est de revenir au régime dit normal qui gère tout le dispositif viti-vinicole européen. Ce régime est bipolaire. D’un côté il y a les VQPRD (vins de qualité produits dans des régions déterminées) dont la traduction en France est celle des AOC, auxquelles appartiennent d’ailleurs des produits comme le Cognac ou le Pineau ; et de l’autre, le régime des vins de table ou assimilés. La suppression de la double fin n’engendrerait aucune difficulté. Elle serait facile, très facile même et certainement vue d’un bon œil par la Commission mais aussi par les autres régions viticoles. Pour ce faire, il suffirait, à tout moment, d’une demande de la France. Mais inutile de dire que les conséquences sur le vignoble tel qu’il existe actuellement seraient énormes. Le choc ne serait pas que psychologique !
« R.L.P. » – Alors la remplacer par quoi ?
A.Z. – D’une façon plus générale, je voudrais dire qu’en matière agricole, on ne peut pas s’affranchir de la couverture de Bruxelles. La PAC est en effet une des rares politiques européennes qui fonctionne depuis des années et qui embrasse l’ensemble des dispositifs, contrairement à d’autres domaines où l’impact de l’Europe est plus partiel. En tant que tel, le produit issu du vignoble charentais figure dans l’OCM viti-vinicole et fait partie du dispositif arrêté en mars 1999, dit Agenda 2000, quelle que soit par ailleurs le rattachement du Cognac à la catégorie des produits industriels en tant que spiritueux.
D’autre part, pour dégonfler certaines attentes, je voudrais dire qu’aucun Etat membre n’a le droit de rendre obligatoire une répartition de la production sauf si elle est expressément prévue. Le contre-exemple parfait est celui du lait, matière première placée sous quotas et droits à produire et dont le système s’applique à tous les Etats membres. En viticulture, rien de tel. L’OCM viti-vinicole n’a pas prévu cette possibilité et la répartition ne peut résulter que de dérogations à la marge. Ainsi, si demain, l’on fait « sauter » l’article 28, inutile d’imaginer une organisation de type administrée qui s’imposerait à tous, du type quota ou droit à produire. Je le répète, ce qui est possible pour le lait ne l’est pas pour le vin, en l’état actuel de l’OCM vin.
« R.L.P. » – Le projet d’affectation des hectares, assorti d’un régime INAO pour les ha Cognac et de rendements différenciés constitue-t-il une piste de travail ?
A.Z. – C’est même le seul projet sur la table aujourd’hui, avec en « toile de fond » le problème de la surproduction structurelle. Par ailleurs, si l’on ne veut pas rédiger un document purement technocratique, il faut bien s’appuyer sur la volonté locale. A l’évidence, le seul moyen de substituer la juxtaposition à la superposition des volumes, c’est bien de procéder à une segmentation des surfaces. Tel est le projet du Syndicat général des vignerons mais aussi du BNIC. Ce projet a le mérite, je crois, de conserver le maximum de viticulteurs et ce n’est pas l’Etat qui peut s’opposer à cette vision des choses. Mais si l’on veut faire aboutir le projet, deux grands chantiers doivent être mis en œuvre : un chantier INAO spécifique au Cognac et un chantier « vignoble autres débouchés ».
« R.L.P. » – Commençons par l’INAO.
A.Z. – L’INAO est une institution française qui, je le rappelle, ne gère pas un droit économique à répartir mais organise un suivi qualitatif des produits, notamment quand il s’agit d’une spécificité venant du terroir. Producteurs, négociants et d’autres partenaires sont associés à cette gestion. Actuellement les règles en vigueur à l’INAO sont surtout mises en œuvre pour la production de vins. A ce niveau et pour ne pas risquer l’échec, je crois que nous devons inventer un dispositif spécifique à Cognac.
« R.L.P. » – En ce qui concerne le vignoble « autres productions »?
A.Z. – Il repose sur des rendements différenciés et donc sur la levée des limites de rendement sur les vignes affectées aux autres débouchés. Théoriquement c’est possible. D’autres vignobles le pratiquent en Europe mais pas en France. Toute la question repose sur les garanties à mettre en face. Et les Charentes, reconnaissons-le, n’ont pas toujours brillé par le respect de leurs engagements. Face aux autres régions, le Midi notamment, on ne pourra pas créer un vignoble « autres productions » en se dispensant d’expliquer comment sera maîtrisée la production, comment seront évités les débordements. Même chose pour l’INAO. Ne nous voilons pas la face. Un fonctionnement de type AOC réclamera de procéder à une délimitation plus fine qu’aujourd’hui, de fixer des critères qualitatifs, de savoir quoi faire en cas de déclassement et de gestion des excédents. C’est tout le débat « opportunités/menaces » et l’objet même de ma mission. D’ailleurs, dans ma communication, je ferai très attention à ne pas porter de jugement de valeur mais à présenter de la manière la plus claire possible les divers processus réglementaires.
« R.L.P. » – Le projet promu par le SGV Cognac a-t-il des chances de voir le jour ?
A.Z. – A condition qu’il soit cohérent, tenable, assorti de garanties et mû par une véritable volonté de tous les acteurs, pourquoi pas ! Il faut y croire .
« R.L.P. » – Par rapport à cela, dans quel état d’esprit se trouvent le ministère et la Commission ?
A.Z. – Le ministère de l’Agriculture ne m’aurait pas chargé de cette mission s’il n’avait pas eu la volonté de trouver quelque chose d’acceptable par tous, par les viticulteurs de cette région comme par les autres. Quant à la Commission, on peut envisager de pouvoir négocier même si cela s’avèrera sans doute difficile. Par contre il est clair qu’elle n’acceptera pas une « usine à gaz » ni des promesses sans garantie de pouvoir les tenir. Si la région souhaite s’engager dans le sens décrit plus haut, la capacité de convaincre représentera un enjeu très fort. Pour briser les résistances, il faudra marteler les arguments auprès des instances communautaires mais aussi françaises car le débat sera en grande partie franco-français. La région aura tout intérêt à être unie derrière son projet. Si tel n’est pas le cas, rien ne se fera. D’autres instances écriront la copie à sa place.
« R.L.P. » – Quelles sont les échéances ?
A.Z. – Il n’y a pas d’échéance concernant la fin de la double fin. Il n’y a qu’une échéance sur le changement des modalités d’application de la QNV, clairement affichée pour la campagne 2003-2004. Par contre 2006 sera l’année de la nouvelle PAC et sans doute l’occasion d’une « remise à plat » de l’OCM viti-vinicole. La région peut se contenter de ne rien faire au niveau de la double fin et attendre 2006. Mais il est évident que le vignoble charentais se retrouvera pratiquement seul à conserver la double fin. Par ailleurs, la France sera aspirée par des enjeux globaux et il sera sans doute de plus en plus difficile de négocier le sort du seul vignoble charentais.
« R.L.P. » – Si la région affirmait sa volonté de changer de régime, est-ce que le nouveau dispositif pourrait s’appliquer dès 2003 ?
A.Z. – Je m’avance peut-être un peu mais je crois que l’on pourrait démontrer à la Commission que le temps imparti est trop court. Sans doute serait-il souhaitable de mettre en place progressivement un nouveau régime avec comme date « butoir » 2006, en étant clair sur nos intentions à terme et les garanties à donner pour y aller. Il faut non seulement bâtir le projet mais encore le tester auprès des groupes et s’entourer de toutes les sécurités nécessaires. Cela demande du temps.
« R.L.P. » – Pour mener à bien votre mission, sur quels contacts vous appuyez-vous ?
A.Z. – Pour conduire mes entretiens, je me suis basé sur les instances existantes. J’ai refusé par exemple de recevoir des particuliers. J’ai travaillé en grande partie avec les viticulteurs regroupés au sein du Syndicat unique, même s’il existe en son sein des sensibilités différentes. J’ai naturellement rencontré les maisons de négoce, le BNIC ainsi que les courtiers et d’autres membres de la profession. Je n’ai pas voulu tenir « bureau ouvert » mais j’ai essayé de recueillir les avis de la manière la plus large possible. Je suis même prêt à poursuivre ces entretiens, en fonction des propositions qui me seront faites et de mes disponibilités en temps, bien entendu. Dans mon tour de table, je ne voudrais pas omettre les élus des deux départements, que j’ai vus de manière tout à fait logique et à la demande du directeur de cabinet du ministre de l’Agriculture ainsi que les représentants d’instances comme l’INAO ou l’ONIVINS.
« R.L.P. » – Qu’est-ce qui vous a guidé dans votre mission ?
A.Z. – Je l’ai conduite sans aucun parti pris, en essayant que se dégage en filigrane le sens de l’intérêt général à travers une solution qui prenne en compte les éléments économiques mais aussi sociaux, mon rôle consistant à essayer de placer le « curseur » à la bonne place. La solution n’est certainement pas tout l’une ou tout l’autre, entre une viticulture conduite de manière très administrée ou, au contraire, très libérale. La région doit se montrer imaginative et sans doute faire preuve du sens des responsabilités. Est-elle prête à s’engager dans une discipline INAO ? Est-elle prête à jouer la rigueur absolue en contrepartie d’une différenciation des rendements ?
Je souhaite terminer cette première communication en adressant un message d’espoir : il faut croire à une organisation nouvelle du vignoble à condition qu’elle soit consensuelle et que chacun accepte d’y engager sa propre responsabilité.
Cette demande de changer les règles du jeu doit être prise comme une opportunité et pas comme une menace, même si, je le reconnais, ce sera très difficile.
Le Syndicat
des producteurs de Vins de pays Charentais prend en charge l’agrément
Parce que le Syndicat des producteurs de vins de pays charentais a, quelque part, été créé pour ça, les membres du conseil d’administration ont décidé de ne pas différer plus longtemps le passage à l’acte. Un acte fondateur. A peine quelque mois après sa naissance officiel, le Syndicat des producteurs a manifesté le souhait de prendre en charge l’agrément des vins et il y a de grandes chances pour que cela se concrétise dès la récolte 2002. « C’est un timing serré mais il y va de la légitimité du syndicat et les esprits y sont préparés. Nous nous sommes rendus compte que c’était l’une des raisons essentielles qui poussaient à l’existence du syndicat » explique Henri Jammet, président du syndicat. Cette démarche, précise Roger Girard, s’opère dans le plus parfait accord avec le Comité de promotion des vins de pays. Le Comité de promotion avait reçu délégation de l’ONIVINS pour opérer l’agrément. L’Office des vins a donné son accord de principe pour un transfert de délégation du Comité au Syndicat. Seul un retard d’ordre administratif pourrait empêcher que le syndicat gère les agréments cette année. Dans les faits, rien ne changera. La cotisation restera la même et les modalités de l’agrément (prélèvements, dégustations) identiques.
Chambre d’Agriculture 17
Gestion des effluents vinicoles
Tous les viticulteurs concernés par la gestion des effluents vinicoles sont invités à venir s’informer sur les aspects réglementaires et techniques, le
15 novembre à Pons (salle de l’Auditorium), de
9 h 30 à 12 h 30.
Les intervenants :
– Janine Bretagne (BNIC) : rappel de la réglementation sur les distilleries et la gestion de la vinification.
– Alain Desenne (Chambre d’agriculture 33) : évaluation des rejets – économie d’eau – pré-traitement et stockage des effluents – techniques de traitement et traitement collectif.
– Agence de l’eau Adour-Garonne.
– Chambre d’Agriculture 17.
Réunion gratuite, ouverte à tous.
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