En 1443, Nicolas Rolin, chevalier du duc de Bourgogne Philippe le Bon fait édifier l’hôtel-Dieu avec sa femme Guigone de Salin pour soigner les « pôvres ». La guerre de Cent Ans vient juste de se terminer et les campagnes sont exsangues. Le bâtiment, magnifique avec ses toits vernissés, symbolisera très vite la Bourgogne. Dès leur édification, les Hospices de Beaune recevront dons et legs en nature ou en argent des viticulteurs et notables alentours. Aujourd’hui, l’institution possède 60 ha de vignes dans les meilleurs crus (1ers crus, grands crus), répartis en 160 parcelles. Les Hospices exploitent ce domaine viticole et puis, en novembre, après les vendanges, ils procèdent à la mise en vente de leurs 45 cuvées de prestige. Car depuis 1859 a été instauré le principe d’une vente aux enchères. En 2010, la vente aux enchères des Hospices de Beaune vivra sa 150e édition.
« les trois glorieuses »
Tous les ans cet événement donne lieu à une grande fête qui rayonne sur toute la Bourgogne et bien au-delà en terme d’audience. Cécile Mathiaud, attachée de presse du BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne), raconte le déroulé de ces journées baptisées « les Trois glorieuses ». Les festivités débutent le samedi soir par un grand banquet organisé par la Confrérie des Chevaliers du Tastevin au Clos-Vougeot, célèbre cru bourguignon. Ordre le plus capé de Bourgogne, la Confrérie trie ses invités sur le volet : professionnels, grands amateurs, acheteurs… Leur nombre ne dépasse pas 600-650. Lors de cette soirée de prestige, la confrérie tient, en plus de ses 15 chapitres annuels, un chapitre exceptionnel, le Chapitre des Hospices de Beaune. La vente aux enchères a lieu le lendemain, le dimanche. La date en est immuable. Il s’agit toujours du 3e dimanche de novembre. Cette année, ce sera le 21 novembre, l’an dernier c’était le 15. Historiquement, la cour des Hospices accueillait la vente aux enchères. Mais pour des raisons de frimas automnaux, la manifestation s’est repliée dans les Halles de la ville, à côté des Hospices. Jusqu’à une date récente (5 ans), la vente était orchestrée par un commissaire-priseur « tout ce qu’il y a de plus local ». Elle s’effectuait aux enchères descendantes, jusqu’à extinction de deux bougies. Pour des raisons pratico-pratiques, l’adjudication à la bougie – véritable icône de la vente – ne concerne plus que quelques pièces. Par ailleurs, depuis 2005, la société Christie’s a repris le flambeau (et le marteau) de la vente, afin de donner une portée plus internationale à l’événement. Aujourd’hui, beaucoup d’ordres d’achat sont passés par téléphone ou par le Net car les particuliers sont autorisés à acheter directement. Auparavant, les ordres d’achat transitaient uniquement par le négoce bourguignon qui faisait vieillir le vin et rétrocédait les bouteilles aux acheteurs, sous des étiquettes personnalisées. Si le négoce bourguignon ne constitue plus un passage obligé, son intermédiation technique reste d’actualité, ne serait-ce que pour l’élevage des vins.
En 2009, 799 pièces de vin furent mises aux enchères (en Bourgogne, la pièce de vin équivaut à une barrique de 228 litres) : 654 pièces de vins rouges et 145 pièces de vins blancs. Une récolte plutôt abondante pour la Bourgogne, contrairement à cette année, donnée pour plus maigre. La vente a rapporté 5 millions d’euros aux Hospices, soit un prix moyen de la pièce de 5 400 €. Cet argent revient aux différentes institutions médicales de la ville et des environs ainsi qu’à l’entretien du patrimoine historique. Traditionnellement, deux « Pièces du Président » sont offertes à deux associations caritatives extérieures (Resto du cœur…), une pièce de Meursault-Charmes 1er cru et une pièce de Corton grand cru. Par ailleurs, parrains et marraines du monde du spectacle confèrent un côté un peu plus « people » à la vente (Patrick Bruel en 2009).
« la paulée de meursault »
Les « Trois glorieuses » s’achèvent le lundi par la « Paulée de Meursault ». La paulée, en patois bourguignon, c’est le repas de fin de vendanges, l’équivalent de l’oie en Charentes. « L’esprit Paulée » va donc consister en un grand repas où chacun apporte ses bouteilles. Sur les tables, trônent bien sûr beaucoup de vins de Bourgogne mais aussi des vins des deux hémisphères car viticulteurs et négociants invitent des amateurs du monde entier. Un prix littéraire est également décerné lors de la « paulée ».
La vente des Hospices de Beaune est aussi l’occasion d’une grande fête populaire dans les rues de la ville : défilés des confréries, concerts, marchés du terroir, dégustations de vins… « C’est vraiment la fête des grands vins de Bourgogne » confirme l’attachée de presse du BIVB. « Nous n’avons pas comme à Bordeaux un rendez-vous primeurs. Après les vendanges, la vente des Hospices permet de fêter le millésime. » Sont invités à participer à l’événement environ 200 journalistes du monde entier, chinois, coréens, américains, norvégiens… Tous les acteurs de la filière s’y mettent pour bien les recevoir, interprofession, viticulteurs, négociants, comité des fêtes, confréries. « L’organisation de l’événement n’est pas quelque chose d’unifiée. Tout le monde apporte sa contribution. »
