Une typicité de pineau rosé bien démarquée

26 décembre 2014

L’élaboration de pineau rosé issu de début de fermentation alcoolique commence à intéresser des producteurs institutionnels qui voient dans ce produit un moyen d’élargir leur offre commerciale en proposant un produit innovant. C’est le cas de Camille Plaize et ses parents qui se sont lancés depuis une dizaine d’années dans la production de pineau des Charentes. Les remarques de certains de leurs clients les ont incités à élaborer une nouvelle qualité de pineau rosé ayant une typicité bien démarquée.

 

 

p48.jpgCamille Plaize exploite un vignoble de 27 ha situé à Clion-sur-Seugne, aux portes de Jonzac, depuis une dizaine d’années. Le jeune viticulteur s’est installé au début des années 2000 en ayant envie de faire évoluer la production viticole et comme à l’époque le contexte économique du Cognac n’était pas porteur, il a décidé de diversifier la production en élaborant des jus de raisin, du vins de pays en bouteilles et, à partir de 2004, un peu de pineau.

De petites productions commercialisées en bouteilles

La démarche a été conduite avec sagesse en s’appuyant sur les potentialités du vignoble existant. En effet, la particularité de cette propriété est de disposer de deux entités de production distinctes, une première 100 % Cognac de 20 ha à Clion-sur-Seugne et une seconde, plus petite (7 ha), située à Saint-Sorlin-de-Conac. La situation de coteaux, les sols argilo-sableux de type groie et un microclimat plus doux toute l’année favorisent la maturation des raisins propices à l’élaboration de vins de pays ou de moûts de pineau des Charentes. La plantation à Saint-Sorlin de petites surfaces de merlot et de sauvignon blanc a permis de déve-lopper l’activité de façon maîtrisée. Depuis l’origine, les productions de jus de raisins, de vins de pays et de pineau ont été abordées sur de petits volumes entièrement commercialisés en bouteilles. La proximité de Jonzac, où la station thermale attire des curistes presque toute l’année, facilite la commercialisation des produits locaux. C. Plaize et ses parents ont ouvert un caveau de vente à la propriété qui leur permet d’accueillir la clientèle.

Certains consommateurs pineaux sont demandeurs de pineaux rosés « frais »

La production de pineau a commencé modestement en 2004 et représente actuellement un volume de 50 à 60 hl/an. Deux qualités de produit sont commercialisées, un pineau jeune blanc et un pineau rouge jeune. C. Plaize produit les pineaux rouges avec des raisins merlot provenant de Saint-Sorlin-de-Conac. Le jeune viticulteur a choisi d’élaborer des Pineaux rouges de couleurs intenses car ce type de produit était très apprécié des consommateurs au début des années 2000 : « Les pineaux rouges que nous avons élaborés depuis le milieu des années 2000 correspondaient à une demande des consommateurs qui étaient attirés par des produits de couleurs intenses et très structurés. J’avoue que la qualité de ces pineaux me plaît aussi. La réalisation de macérations enzymatiques longues en présence de soufre permet d’extraire de belles structures phénoliques qui confèrent au produit des arômes spécifiques et beaucoup de richesse en bouche. Ce sont des pineaux rouges structurés dont la tenue dans le temps est bonne. Depuis plusieurs années, quelques clients moins sensibles à la belle structure de nos pi-neaux rouges nous demandaient de vrais rosés plus frais. Cette remarque très marginale au départ est devenue un peu plus fréquente depuis 2 à 3 ans avec le fort développement des vins rosés. Cela m’a donné l’idée d’essayer de créer un nouveau produit véritablement rosé dont les arômes et les saveurs seraient bien différents. Depuis les vendanges 2012, l’idée d’élargir notre gamme de produits a fait son chemin. »

Un terroir à Pineau à Saint-Sorlin-de-Conac

C. Plaize souhaitait réellement élaborer un pineau rosé différent, innovant sur le plan de la typicité et emprunt du terroir de Saint-Sorlin-de-Conac. Le petit vignoble surplombant l’estuaire dispose d’un environnement de production très propice à la maturation des raisins. Les pineaux rouges sont élaborés à partir d’une parcelle de merlot plantée en 2003, établie et conduite pour donner le meilleur. Le jeune viticulteur n’envisageait pas de produire sa nouvelle qualité de pineau ailleurs. Les sols légers, l’exposition, le microclimat tempéré et doux toute l’année favorisent un développement précoce et équilibré de la vigne du débourrement aux vendanges. Quels que soient les cépages et les années, les raisins produits à Saint-Sorlin-de-Conac ont toujours une maturation plus précoce et plus complète qu’à Clion-sur-Seugne. L’élaboration de pineaux avec des raisins d’ugni blanc, de colombard ou de merlot à pleine maturité est un gage de qualité. L’implantation et la conduite des nouvelles parcelles de merlot et de sauvignon blanc (pour les vins de pays) permettent d’optimiser encore mieux les conditions de maturation. La densité de plantation plus forte (2,50 sur 1 mètre), un palissage haut, la taille en Guyot simple et un enherbement une allée sur deux (pour aussi limiter l’érosion) permettent de maîtriser plus faci-lement la vigueur et la productivité.

Une réflexion globale de la vigne à la mise en bouteille

L’élaboration de la nouvelle qualité de pineau rosé a été abordée en profitant des récentes initiatives de mutage après un début de fermentation des moûts. Les communications récentes du Syndicat des producteurs de pineau sur ce sujet avaient retenu l’attention de C. Plaize : « L’intérêt de cette approche d’élaboration est justement d’introduire dans la gamme un pro-duit réellement nouveau, bien démarqué sur le plan de la typicité. Le profil aromatique plus subtil des pineaux rosés issus d’un début de fermentation et surtout leur équilibre en bouche moins sucré et plus frais correspondent à une demande d’une partie de la clientèle. À titre personnel, c’est aussi très intéressant de se lancer dans l’élaboration d’un nouveau produit en essayant d’avoir une réflexion la plus large possible de la vigne à la mise en bouteille. J’ai franchi le pas au cours des vendanges 2014 en m’entourant des compétences de François Mornet, l’œnologue de Boutenac-Touvent. »

Un état de maturité de la vendange bien spécifique

Les discussions entre les deux hommes ont commencé par une visite de la parcelle de merlot début août pour apprécier le potentiel de maturité de l’année. L’équilibre qualitatif des pineaux issus d’un début de fermentation alcoolique est très dépendant de la qualité et de l’état de maturité des raisins au moment de la récolte. F. Mornet tient sur ce sujet un discours précis : « Le merlot me paraît être le cépage rouge le plus adapté pour muter des moûts après un démarrage de fermentation. L’élaboration de ce type de pineau doit être envisagée avec des raisins mûrs mais pas sur-mûris. Il faut trouver le juste équilibre de maturité permettant de concilier à la fois les aspects réglementaires des conditions de mutage, la fermentation de 1,5 à 2 % de TAV poten-tiel et un niveau de maturité aromatique des baies bien spécifique. On recherche une vendange qui ait encore conservé son arôme de fruit rouge frais et qui ne soit pas sur-concentrée en matière colorante. La petite expérience que nous avons acquise depuis trois ans laisse à penser que des raisins de merlot mûrs mais pas sur-mûris se situant entre 12,5 à 13 % de TAV potentiel représentent un gage de qualité. La dégustation régulière des baies dans les parcelles à partir de la pleine véraison au moment de la réalisation des contrôles
de maturité est essentielle. C’est le seul moyen de percevoir l’évolution du potentiel aromatique qui fluctue au fil des semaines et aussi d’une parcelle à l’autre. Les effets nature des sols, terroirs et climat pendant la maturation interfèrent sur le contenu aromatique des baies. Même dans un contexte d’une année comme 2014 où la maturation des merlot était progressive et complète, les effets parcelles étaient perceptibles. »

Suivre l’évolution du goût des baies pendant la maturation

C. Plaize réalise depuis plusieurs années des suivis de maturation rigoureux dans trois parcelles de merlot. Les prélèvements hebdomadaires à partir de la pleine véraison lui permettent d’avoir une idée assez juste du potentiel de qualité : « A Saint-Sorlin, je passe toutes les semaines dans les parcelles pour faire des contrôles de maturité. C’est un travail très enrichissant qui ne se limite pas à la détermination du TAV potentiel et du niveau d’acidité. J’attache beaucoup d’importance à l’observation des raisins, leur état sanitaire et leur couleur. La dégustation des baies est aussi très importante mais c’est un exercice difficile qui nécessite de l’expérience. Bien que je déguste des baies sur la propriété depuis plusieurs années, j’avoue humblement ne pas être très sûr de moi. Je regarde la couleur des pellicules, des pépins. Je goûte aussi les pulpes et les moûts recueillis, mais je doute toujours. Cette année, l’effet nature des sols était perceptible dans les trois parcelles de merlot. Quand les TAV potentiels sont arrivés au niveau de 12 % vol., il fallait être attentif et réactif. Les saveurs des pulpes changent vite et l’acidité chute. Les notes de fraise et de framboise peuvent disparaître en quelques jours au profit d’arômes complexes de griotte, de cassis et de fruits très mûrs. Pour réaliser les pineaux rosés avec un démarrage de fermentation, une partie de la parcelle de merlot a été récoltée le 17 septembre à un niveau de maturité spécifique. La vendange avait atteint un TAV potentiel de 12,2 à 12,5 % vol. et surtout elle possédait encore une structure aromatique pleine de fraîcheur. La deu-xième partie de la parcelle de merlot a été récoltée 10 jours plus tard, à un niveau de maturité poussé avec un TAV potentiel de plus de 13,5 % vol. et des concentrations en polyphénols beaucoup plus abondantes. C’était une vendange idéale pour élaborer des pineaux rouges riches et structurés. »

36 heures de fermentation qu’il faut surveiller de près

p50.gifLa vendange récoltée mécaniquement tôt le matin (sans être égrappée) a été ramenée dans les chais de Clion-sur-Seugne. Le temps de transport d’environ 45 minutes a été mis à profit pour réaliser une macération enzymatique. À l’arrivée au chai, la vendange a été immédiatement pressée. Les moûts recueillis avaient une couleur rose bonbon pas très intense mais très franche. Ensuite, un débourbage statique au froid (à 12 °C) a été réalisé pendant 48 heures. Après le soutirage, les moûts sont remontés naturellement en température et un levurage avec une souche de LSA spécifiques aux vins rosés est intervenu. La surveillance du démarrage de la fermentation a mobilisé toute l’attention de C. Plaize : « Le démarrage de la FA a demandé environ 24 heures, le temps que les moûts remontent en températures. Durant cette phase, la densité de 1 087 n’avait pas bougé mais, ensuite, c’est parti tout d’un coup. Le mutage est intervenu 36 heures après le départ en fermentation et j’avoue que j’étais un peu inquiet. Au départ, on perd 1 unité de densité toutes les deux heures, puis ça s’accélère. Le samedi soir vers 23 h 30, la densité était à 1 078 et j’ai muté 6 heures plus tard à 1 072. Mon autre crainte concernait l’efficacité du mutage. L’apport d’eaux-de-vie allait-il provoquer l’arrêt du processus fermentaire au bon moment ? Finalement, tout s’est bien déroulé et 2 % TAV d’alcool ont été fermentés.
Néanmoins, il faut être organisé et réactif pour muter au moment opportun. »

Un produit frais, très plaisant et équilibré

Les premières dégustations du pineau une à deux semaines après le mutage ont surpris C. Plaize qui ne s’attendait pas à avoir un produit aussi équilibré. Depuis, la structure s’est encore affinée et le jeune viticulteur est vraiment très satisfait de cette première fabrication : « C’est vraiment un produit frais, très plaisant et équilibré au nez et en bouche. La couleur rose intense possède un éclat très particulier. Les arômes de fraise et de framboise sont très présents et les saveurs acidulées et la rondeur dominent en bouche. Les saveurs vineuses sont à peine perceptibles. Ce pineau rosé se différencie nettement de notre pineau rouge typé avec un nez de griotte, de cassis, de mûre et des saveurs en bouche sucrées et une belle présence tannique. Notre souhait de créer un produit différent pour élargir la gamme de pineaux est en passe de se réaliser. Il reste maintenant à élever ce rosé en prenant le soin de le protéger des aérations. La qualité de la production 2014 nous incite déjà à renouveler la fabrication en 2015 si les conditions de maturité le permettent. » C. Plaize et ses parents réfléchissent déjà aux moyens de démarquer commercialement ce nouveau produit dans leur gamme. Le Pineau Plaize Rosé aura sûrement un nom et un habillage différent. Il devra patienter un an dans les chais de Clion avant d’être dégusté par les consommateurs fin 2015.

 

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