2018, une nature généreuse, capricieuse et l’abondance

5 mars 2019

La récolte 2 018 restera gravée dans la mémoire des viticulteurs à la fois pour le meilleur et le pire. Les vignes Charentaises ont retrouvé leur abondance d’antan et en plus les raisins étaient bien mûrs. Les volumes produits cette année dans l’ensemble de la région délimitée sont les plus importants depuis une grosse décennie. Les 79 447 ha de cépages Cognac ont fait preuve d’une grande générosité avec un rendement moyen en alcool pur de 13,06 d’AP/ha. La campagne de distillation 2018-2019 va être longue et chais de la région délimitée vont faire « le plein ». La seule ombre à ce tableau idyllique est le gros sinistre de grêle du 26 mai dernier qui a traversé tout le vignoble dans le sens sud nord. Cet aléa climatique majeur a anéanti la production de 3500 à 4000 ha. L’ampleur des dégâts et ses conséquences économiques ont fragilisé le moral bien trempé d’un certain nombre de viticulteurs. La situation des propriétés ayant subi deux sinistres consécutifs, le gel en 2017 et la grêle en 2018 s’avère inquiétante même si l’économie du Cognac est prospère. 

 

 La récolte 2 018 de vins à partir de cépage blanc Cognac a atteint le niveau record de 9 748 752 hl pour une surface de vigne en production de 79 447 ha. C’est un niveau de productivité élevé malgré les divers aléas qui ont touché la région délimitée, un sinistre de grêle majeur au printemps, une pression de mildiou forte et un épisode de sécheresse estival prolongé. Sans le funeste orage du 26 mai dernier qui a anéanti environ 4 000 ha, la production régionale se serait rapprochée du record historique de 1990 avec à l’époque 80 200 ha de surface. Indéniablement, les vignes ont fait preuve en 2018 d’une générosité rare que différents éléments permettent d’expliquer.

 

13,06 hl d’AP/ha et un volume de distillation probable supérieur à 950 000 hl d’AP

            L’abondance de la récolte 2 018 concerne toutes les zones de la région délimitée sauf le cru des Borderies dont la surface et la productivité ont été les plus fortement impactée par l’orage de grêle. Ce même sinistre a touché aussi la zone sud les Bons Bois, un vaste secteur des Fins Bois en Charente et en Charente Maritime, la Petite Champagne et dans une moindre mesure la Grande Champagne. Néanmoins si l’incidence locale des dégâts a été importante, les volumes moyens de production de ces quatre crus sont beaucoup moins affectés. Les quantités de vins destinées uniquement à la récolte Cognac atteignent 9 667 510 hl pour une surface en production de 76 243 ha. Le niveau de TAV moyen des vins élevé, 10,30 % vol, a permis de produire 13,06 hl d’AP/ha. Le rendement moyen de la dernière décennie s’établit à 10,30 hl d’AP/ha. À l’issue de la campagne de distillation 2 018/2019, la production totale d’eaux-de-vie se situera probablement entre 960 000 et 980 000 hl d’apr.

 

La production de tous les crus en nette hausse sauf les Borderies très touchée par la grêle

 

            Le record de rendement moyen en alcool pur a été obtenu cette en Grande Champagne avec 13,24 hl d’AP/ha. En 2017, l’impact du gel dans ce même cru avait été fort et le rendement moyen s’établissait à 7,66 hl d’AP/ha. La productivité de 13,16 hl d’AP/ha dans le cru de Petite champagne est assez proche malgré l’impact de la grêle sur un vaste secteur en Charente Maritime. C’est dans ce cru que les rendements ont été les plus élevés et les plus réguliers au cours de la dernière décennie (10,99 hl d’AP/ha). Dans les borderies, des teneurs en alcool élevées des vins (10,95 % vol de TAV moyen) ont compensé un peu les niveaux de rendements volumiques plus faibles liés au sinistre de grêle qui a affecté avec beaucoup d’intensité ce cru. Le rendement volumique moyen qui s’établit à 78 hl/ha, est inférieur de 37 % à la moyenne régionale. Dans les Fins bois, le rendement en alcool pur moyen s’établit à 12,56 hl d’AP/ha malgré l’incidence de la grêle qui a aussi touché des surfaces significatives. La zone des Bons Bois a eu cette année une production de 12, 84 hl d’AP/ha. Ce cru est aussi le secteur de la région délimitée ou les volumes produits ont été également les plus élevés et les plus réguliers au cours de la dernière décennie (10,95 hl ‘AP/ha). Le cru des Bons bois a retrouvé cette année une production élevée sur le plan des volumes et des teneurs en alcools des vins. Le rendement en alcool pur moyen a été de 12,86 hl d’AP/ha, soit un niveau jamais atteint au cours de la dernière décennie (10,03 hl d’AP/ha).

 

 

Une production de Pineau en diminution à relier aux conséquences du gel de 2017

 

            La production de Pineau des Charentes en 2018 s’établit à 72 459 hl. Elle se répartit en 30 796 hl de rosés et rouges et 41 663 hl de blanc. Ce niveau d’élaboration est en recul de 10 % par rapport à celui de 2017 qui avait de 79 335 hl (32 550 de rosés et rouges et 46 785 hl de blanc). La baisse affecte plus la production de Pineau blanc que celle des rosés et des rouges ou les stocks sont moins importants. Les professionnels de cette filière estiment que la baisse de production en 2018 est en partie liée aux conséquences du gel de 2017 chez des élaborateurs habituels de pineau. En effet le déficit de production d’eaux-de-vie du millésime précédent a engendré automatiquement une diminution des stocks disponibles pour le mutage des fabrications de 2018. Il est également probable que la concurrence accrue du Cognac sur les crus des Bons Bois et des Bois Ordinaires ait grignoté quelques hectares de cépages blancs à double fin (ugni blanc et colombard). La production d’eaux-de-vie nettement plus élevée en 2018 devrait permettre au Pineau de retrouver des volumes plus importants en 2019. Par ailleurs, l’importance du stock régional devrait permettre de couvrir le léger déficit de production par rapport au niveau des expéditions qui se situent autour de 75 000 hl.

 

Une sortie d’inflorescences bien au-dessus de la moyenne qui a tenu

 

            La plus grosse surprise du millésime concerne les rendements volumiques. Les grappes d’ugni blanc étaient nombreuses mais en plus elles ont eu un rendement en jus exceptionnel. Les comptages de grappes dès le printemps avaient révélé un nombre inflorescences bien au-dessus de la moyenne que le bon déroulement de la floraison à ensuite conforté. Cette belle sortie est intervenue après une récolte 2 017 amoindrie par un sinistre de gel de printemps conséquent. Après ce coup de froid puissant, beaucoup de vignes de la région délimitée avaient été contraintes à prendre du repos « forcé » et même parfois une année sabbatique en matière de productivité. La faible charge de récolte des vignes en 2017 dans les zones gelées a probablement contribué à la constitution de bons niveaux de réserve dans les bois et aussi permis de doper la fertilité des bourgeons du printemps 2 018. Après, la gelée de printemps historique de 1991, le même constat avait été observé. La charge d’inflorescences au printemps 1992 avait été forte ainsi que les rendements volumiques au moment des vendanges

 

Le rendement en jus exceptionnels des grappes d’ugni blanc

 

            Le paramètre le plus surprenant du millésime est le rendement en jus exceptionnel de la récolte à l’issue du pressurage. Peu d’observateurs s’attendaient à ce que les raisins façonnés par un été ultra-sec « coulent » autant. Les techniciens viticoles, les œnologues et les viticulteurs ont tous été surpris par l’effet volume du millésime 2 018. L’absence de pluie et la chaleur estivale constante entre le début du mois de juillet et les vendanges a créé des situations de stress hydriques assez fréquentes dans diverses zones de la région. Beaucoup de parcelles jeunes ou pas, implantées sur des sols ayant des réserves hydriques limitées ont extériorisé de nets symptômes de sécheresse, des feuillages exténués et des grappes flétries. Dans secteurs, comme les terres lourdes Pays Bas, l’aspect très flétri des grappes au 15 septembre laissait craindre un volume de production maigre. Malgré cette apparence, ces vignes ont fait des rendements corrects et voire bons. Souvent, la teneur en alcool assez élevé des vins a aussi bien aidé. Dans les vignes dont le potentiel semblait peu affecté par la sécheresse, les rendements ont en quelque sorte « crevé les plafonds ». Les vignes bien enracinées ont sûrement dû aller puiser l’eau dans les couches plus profondes de sols qui avaient été bien réhydratées par l’hiver et le printemps très pluvieux.

 

La constance des efforts agronomiques porte ses fruits

 

            L’élément qui a aussi contribué à cette belle récolte est le meilleur entretien agronomique du vignoble. Depuis maintenant 10 ans, les efforts de renouvellement des plantations, le remplacement des ceps morts, l’apport de niveaux de fumure régulier et plus élevés, le retour de pratiques culturales efficientes (un développement de l’entretien mécanique des sols, l’implantation des couverts végétaux, …..) commencent à porter leurs fruits. L’amélioration des potentialités agronomiques des vignes s’apparente à un travail de fond qui nécessite toujours au moins 5 ans d’efforts avant de commencer à extérioriser leur bien-fondé. Le millésime 2 018 commence sûrement à incarner la croissance de productivité de l’ensemble du vignoble de Cognac. On peut également penser que cette dynamique positive va se poursuivre dans l’avenir. Une expression moindre de dégâts d’esca et de BDA, l’été dernier a été observée par les viticulteurs et a été confirmée par les comptages dans le réseau d’observations des maladies du bois. Les pertes volumiques de rendement liées à ces affections ont été plus limitées.

 

Le réchauffement climatique tire vers le haut les rendements moyens en alcool pur

 

            L’incidence réchauffement climatique a été très perceptible en 2018 avec un l’été et un automne chaud et sec. La véraison est intervenue assez tôt et ensuite, la phase de maturation a permis aux raisins d’ugni blanc d’atteindre des teneurs en alcool élevées dans toutes les situations de rendements. Ce potentiel de maturation élevé a en quelque sorte boosté le rendement moyen régional en hl d’’alcool pur. Le vieil adage régional qui reliait les millésimes généreux en rendements volumiques à de faibles niveaux de richesse en alcool des vins est de moins en moins vrai. Par exemple, en 1992, avec un rendement volumique moyen de 163 hl/ha, le TAV moyen des vins n’avait été que de 8 % vol. Cette année, à un niveau identique de production, les TAV des vins étaient souvent proches de 9,5 à 10 % vol. Les phases de maturation plus précoce et surtout plus complète tirent vers le haut le rendement moyen en hl d’AP/ha. 2018, est la parfaite illustration de ce phénomène. L’effet rendement volumique a été bonifié par des TAV élevés dans toutes les zones de la région délimitée.

 

Une production de Pineau en diminution à relier aux conséquences du gel de 2017

 

            La production de Pineau des Charentes en 2018 s’établit à 72 459 hl. Elle se répartit en 30 796 hl de rosés et rouges et 41 663 hl de blanc. Ce niveau d’élaboration est en recul de 10 % par rapport à celui de 2017 qui avait de 79 335 hl (32 550 de rosés et rouges et 46 785 hl de blanc). La baisse affecte plus la production de Pineau blanc que celle des rosés et des rouges ou les stocks sont moins importants. Les professionnels de cette filière estiment que la baisse de production en 2018 est en partie liée aux conséquences du gel de 2017 chez des élaborateurs habituels de Pineau. En effet le déficit de production d’eaux-de-vie du millésime précédent a engendré automatiquement une diminution des stocks disponibles pour le mutage des fabrications de 2018. Il est également probable que la concurrence accrue du Cognac sur les crus des Bons Bois et des Bois Ordinaires ait grignoté quelques hectares de cépages blancs à double fin (ugni blanc et colombard). La production d’eaux-de-vie nettement plus élevée en 2018 devrait permettre au Pineau de retrouver des volumes plus importants en 2019. Par ailleurs, l’importance du stock régional devrait permettre de couvrir le léger déficit de production par rapport au niveau des expéditions qui se situent autour de 75 000 hl.

 

Le net accroissement des volumes de vins IGP Charentais

 

            La filière des vins IGP Charentais a produit cette année 98 000 hl, soit un volume nettement plus important qu’en 2017. Lors du millésime antérieur, le gel avait amputé la récolte d’environ 30 % et seulement 71 000 hl avaient été élaborés. Thierry Jullion, le président de la filière se félicite du net accroissement de la production en 2018 qui attestent de la stabilité des surfaces et de l’investissement des producteurs. En 2016, le niveau de production n’avait été que de 91 000 hl. Le développement des volumes a bénéficié à la fois aux récoltants indépendants et à la coopération. Actuellement, 1 480 ha sont consacrés à la production de vins IGP Charentais et 30 ha d’autorisation de plantation ont été demandées en 2019. Depuis une petite décennie, les producteurs se sont professionnalisés et la qualité des vins s’est à la fois améliorée et diversifiée. L’engagement d’une nouvelle génération de vignerons est aussi un gage de pérennité pour l’avenir et source d’innovations.  Quelques producteurs se sont engagés dans l’élaboration de vins IGP de l’Atlantique qui représente un volume de 9 000 hl cette année.

                                                                                  

 

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