Membre du cabinet du commissaire Ciolos, Yves Madre applaudit au « maintien d’un encadrement dynamique » pour le vignoble européen. Il souligne le rôle joué par les GHN (Groupes à haut niveau), organisés à l’initiative du commissaire européen. Plus généralement, il voit dans l’accord sur la PAC signé fin juin « un bel exercice démocratique ».
Le Conseil des ministres de l’Agriculture a voté, en même temps que la PAC, le maintien d’un dispositif d’encadrement viticole jusqu’en 2030. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que l’on ne peut que s’en féliciter. Si j’ai bien compris, cette décision fait consensus auprès des parties prenantes, tant les professionnels de la viticulture que le Conseil, le Parlement européen, la Commission. A ce titre, les Groupes à haut niveau que le Commissaire Ciolos a décidé d’installer pendant l’année 2012, sur fond d’inquiétudes des uns et des autres, ont joué un rôle déterminant. Ils ont permis de confronter les propositions de la Commission aux suggestions de la filière. Sans eux, je ne sais pas où l’on en serait aujourd’hui. Nous n’aurions pas avancé.
Que pensez-vous du nouveau système ?
Il illustre parfaitement l’esprit qui a inspiré toute la réforme de la PAC. Le commissaire Ciolos a toujours dit, premièrement, qu’il fallait que la loi de marché soit régulée pour bénéficier à tout le monde agricole et, deuxièmement, qu’il ne fallait pas s’enfermer dans un encadrement trop rigide. D’où la nécessité de trouver une voie médiane. Le nouveau dispositif viticole répond bien à ses deux objectifs. Il n’était pas question de reconduire les droits de plantations dans leur configuration ancienne. En n’évitant pas les crises, le système avait montré ses limites . Et il fallait apporter de la souplesse, pour pouvoir investir dans le vignoble et gagner des parts de marchés. Mais, en même temps, il n’était pas question de sortir de tout champ d’encadrement. Un compromis s’est imposé. Les Etats membres peuvent faire évoluer leurs vignobles dans la limite de 1 % par an, ce qui semble tout à fait suffisant. Par ailleurs, le système garantit une stabilité jusqu’en 2030.
Pourquoi, en 2007, la Commission a-t-elle proposé un autre système, voté par le Conseil des ministres ?
Permettez-moi de ne pas commenter cette décision des Etats membres, adoptée sous l’égide d’un commissaire différent. La prise de fonction du commissaire Ciolos date de février 2010. Quelques années plus tard, un souhait a été exprimé, celui de revenir sur le dispositif. Je n’épiloguerais pas sur le passé. Notre action se situe dans le présent, dans le concret.
Le nouveau dispositif rentre en vigueur en 2016. Les professionnels auraient sans doute préféré 2018 ou 2019.
Qu’on le veuille ou non, le système des droits de plantation prend fin en 2015. Repousser de quelques années l’application de la nouvelle réglementation, c’était « marcher sur la tête ». On ne peut pas vouloir, à la fois, un encadrement permanent et soutenir qu’il serait mieux de l’appliquer plus tard. De plus, le dispositif prévoit un passage en douceur, en ménageant un délai suffisamment long pour la transformation des droits en portefeuille en autorisations de plantation (2020).
Comment qualifieriez-vous la teneur des discussions autour des plantations ?
Les discussions furent très équilibrées entre les trois instances, Parlement, Conseil, Commission. L’alchimie a bien fonctionné. Plus globalement, on peut dire que le vote sur la réforme de la PAC s’est révélé un bel exercice démocratique. Au niveau du Parlement, l’accord politique fut acquis à une éminente majorité et, au Conseil, l’accord s’est conclu à l’unanimité des Etats membres. Quand on pense que 38 % du budget communautaire ont ainsi été votés d’un coup, cela laisse deviner le cercle vertueux qui s’est installé au cours des négociations d’amont.
Est-ce que ces négociations ont donné lieu à « marchandage » ?
Des discussions sérieuses en coulisses, hors caméra, existent toujours. C’est l’inverse qui ne serait pas démocratique.
Pour revenir à la régulation du potentiel de production viticole, vous avez utilisé l’expression « d’encadrement dynamique ». Concrètement,
qu’entendez-vous par là ?
Le système repose sur l’idée qu’une discussion permanente s’instaure entre les professionnels et l’Etat membre, afin de pouvoir développer les marchés sans prendre le risque de trop planter, pour ne pas se retrouver dans le mur cinq ou dix ans plus tard. L’objectif ! Que les viticulteurs restent au cœur du dispositif, qu’ils puissent livrer leur analyse, dirent comment ils voient leur avenir, en sachant que les Etats membres et l’Union européenne demeureront un peu les garants de la sagesse.
Le rôle de l’Etat membre ?
Au niveau européen, la Commission a un interlocuteur, l’Etat membre, qui représente l’autorité nationale. C’est cette autorité nationale qui, en dernier ressort, sera responsable de la décision et également vis-à-vis de nous. Bien sûr, nous veillerons à la cohérence de l’analyse. Si un Etat membre n’octroyait pas une seule autorisation de plantation nouvelle alors que tous les signaux sont au vert, nous lui demanderions de motiver sa position. A l’inverse, si une difficulté de marché survenait, il faut savoir qu’il est toujours possible, au niveau communautaire, d’appliquer des mesures de crises. Ce dispositif joue automatiquement. Quelles que soient les circonstances, nous pouvons reprendre la main.
Le secteur viticole apparaît, dit-on, « comme le dernier secteur disposant d’instruments de régulation ». Quid du secteur laitier par exemple ?
A la Commission, nous nous refusons à comparer des secteurs qui ne sont pas comparables. Le lait se produit en continu. Dès qu’elle a vêlé, une vache va produire des dizaines de milliers de litres de lait. Ce n’est pas tout à fait la même chose en secteur viticole. Quand on plante une vigne, il faut attendre 3 ou 4 ans pour qu’elle produise et on ne l’arrachera que dans les 30 prochaines années. En agriculture, il est difficile d’appliquer des recettes. L’objectif n’est pas de voir dépasser aucune tête. L’économie agricole ne fonctionne pas de cette façon. Nous avons la chance d’avoir un commissaire européen, Dacian Ciolos, qui connaît bien l’agriculture et qui est pragmatique ; ça aide.