« Parler Des Choses Qui Vont Bien »

19 janvier 2009

roger_girard.jpgRoger Girard, le nouveau président du Comité des vins de pays charentais, estime que, pour faire avancer les choses, il est plus efficace de positiver que de dénoncer. Continuité plutôt que rupture, adhésion plutôt que contestation… Ce postulat imprègne toute la réorganisation de la filière vin de pays charentais autour du Comité et du Syndicat des producteurs, pour répondre au doublement prochain des volumes.

« Revue Le Paysan » – Quelles réflexions appellent vos nouvelles fonctions ?

Roger Girard – J’ai remplacé Michel Pelletier dans un mouvement programmé et surtout qui s’est passé en douceur. Je prends le Comité de promotion des vins de pays charentais dans un état de santé et de dynamisme parfait. Tout le monde a fait largement son travail. L’évolution du Comité ne se justifie que parce que les vins de pays charentais vont très rapidement doubler de volume. L’arrivée en production des 1 500 ha plantés en trois ans et la vente de 80 à 90 000 hl supplémentaires réclameront des moyens de promotion légèrement améliorés. Surtout, se met en place une réorganisation des rôles, que Michel Pelletier avait d’ailleurs déjà initiée. Le Comité va jouer son vrai rôle, celui de la promotion tandis que le Syndicat de producteurs récemment créé va devenir l’outil d’organisation de l’amont.

« R.L.P. » – Qu’est-ce que cela signifie ?

R.G. – Il va prendre en charge tout ce qui concerne la production et notamment l’agrément, peut-être pas en 2002 mais en 2003. L’évolution devrait produire ses effets dans les dix-huit mois à venir, avant je l’espère mais il ne faut pas non plus aller vite pour le simple plaisir d’aller vite. Aujourd’hui notre technicien Jean-Jacques Hauselman est en train de travailler à cette nouvelle organisation, à notre demande. Pour l’instant, il assure les deux parties de l’activité, agrément et promotion. A terme, son rôle sera probablement plus axé sur la gestion de l’agrément et l’amélioration de la qualité des vins de pays charentais, pour la simple et bonne raison qu’une seule personne ne pourra certainement pas tout faire. Mais nous lui demanderons son avis. Jean-Jacques a beaucoup donné. N’oublions pas qu’un des vice-présidents du Comité est également président du Syndicat, Henri Jamet. Tout ce que nous entreprenons l’est dans la plus grande coordination. Il ne s’agit pas de déshabiller le Comité pour habiller le Syndicat et inversement. Notre volonté, c’est que les vins de pays charentais soient représentés par un syndicat bien vivant et une interprofession solide. Le Comité a vocation à devenir cette interprofession qui regroupe à la fois les producteurs de vins de pays charentais et les metteurs en marché.

« R.L.P. » – Qu’est-ce que cela changera ?

R.G. – Rien du tout. Nous nous retrouvons déjà autour de la table, producteurs, coopératives, négociants et nous tenons un seul discours, celui de la qualité. Il y va de notre intérêt. Mais si la production évolue, cette exigence se fera encore plus grande. Il est bon de s’organiser en conséquence, afin que la production ne devienne pas pléthorique, qu’elle trouve des acheteurs en face et que les prix évoluent favorablement. L’idée de vendre en diminuant les prix doit être totalement bannie de l’univers des vins de pays charentais.

« R.L.P. » – En matière de promotion, quels axes se dégagent ?

R.G. – Tout en continuant d’exploiter le thème du tourisme estival et côtier, nous avons l’ambition d’étendre cette promotion aux autres mois de l’année. Comment ? En faisant en sorte que le vin de pays s’affiche dans son terroir, au cœur même des exploitations, avec des panneaux aux couleurs du VPC : « Ici, l’on produit des vins de pays charentais. » Les producteurs doivent être fiers de leur produit, s’en réapproprier l’origine, se reconnaître en tant qu’élaborateurs de vin de qualité. Dans les deux années qui viennent, il nous faudra trouver des débouchés autres que les marchés de proximité. Ce ne sera possible que si le vin de pays charentais se construit une image forte, bien ancrée dans son lieu de production.

« R.L.P. » – C’est tout le débat sur l’identité des vins de pays charentais.

R.G. – Ce dossier méritera d’être ouvert mais, personnellement, je ne pense pas que l’on trouve la solution en copiant ce qui se fait ailleurs. Nous avons notre propre image à trouver en sachant que nous ne partons pas de rien. Les vins de pays charentais existent. Il convient sans doute de le faire savoir davantage, en mettant en avant que nous sommes capables de faire de très bons vins et non pas seulement des vins plaisirs, juste pour les vacances. Surtout, surtout, nous avons à convaincre le reste de la viticulture que le vin de pays charentais ne se fait pas par déception du Cognac mais parce que l’on croit au produit et en son avenir.

« R.L.P. » – Existe tout de même la notion de taille critique. Pour être vu, il faut représenter un certain volume.

R.G. – La taille critique, cela veut dire quoi ? Si l’on souhaitait cantonner nos ventes au bord de la côte, sans doute y aurait-il assez de vins de pays charentais. Plus sérieusement, je pense que les 5 000-6 000 ha assignés à terme de 5 ans représentent un bon challenge. Nous en sommes déjà à un peu plus de 2 000 ha. Et je reste persuadé que s’il ne faut surtout pas freiner les candidats à la production de vins de pays charentais, il ne faut pas non plus inciter à s’engager ceux qui n’y croient pas. Ce serait une grossière erreur. Une chose me fait plaisir : je m’aperçois que les arrachages concernent très rarement les exploitations ayant diversifié. Si je prends l’exemple de ma commune, Meursac, elle reste un bastion de la viticulture dans cette zone de Bons Bois que l’on dit parfois perdue à la vigne. Pourquoi ? Parce que presque toutes les exploitations se sont diversifiées en vins de pays et plus encore en Pineau. Ici, aujourd’hui, les structures qui tournent bien sont celles qui ont réussi à s’émanciper du Cognac, qui ont pu se diversifier quand elles en avaient les moyens. C’est une évidence ! En pleine crise, il est plus difficile de se reconvertir. Personnellement, un tiers de mon vignoble est réencépagé, 60 % en Merlot, 15 % en Cabernet Sauvignon et 15 % en Sauvignon blanc. Le rôle d’un élu est aussi de montrer l’exemple et de s’engager dans ce qu’il croit. Si je pouvais apporter ma pierre, ce serait d’appeler les gens à produire autre chose qu’un produit de masse facile. Le produit de masse, c’est fini, aussi bien en vigne qu’en céréales. La céréale basique à 50-60 centimes le kilo ne fait plus recette. Un produit comme le vin de pays nous donne l’opportunité d’être fier de notre travail. Le Pineau nous a déjà prouvé que l’on pouvait être grand à côté de ce grand Cognac qui a tendance à tout dévorer autour de lui. Voilà quinze ans que l’on nous dit que la seule solution à la crise est la destruction de notre vignoble. Aujourd’hui, la seule chose qui me fasse plaisir – et encore s’agit-il d’une satisfaction assez amère – c’est de constater que les 10 000 ha que l’on dit en trop, on ne pourra pas les chercher du côté des crus périphériques. Il faudra trouver d’autres palliatifs. Ainsi peut-on dire que la solution n’est plus dans l’arrachage des crus périphériques.

« R.L.P. » – Que souhaitez-vous pour l’avenir ?

R.G. – J’aimerai que l’on parle plus souvent des choses qui vont bien, de ceux qui construisent. J’ai été frappé d’une interview de Jean-Louis Trocard, président du CIVB où il disait : « Halte au pessimisme. Tout ne va pas si mal que ça. Nos performances ne sont pas bonnes, elles sont excellentes. Par contre, nous n’avons pas de modèle tout prêt. » J’aurais envie de reprendre ses propos à mon compte. J’en ai un peu assez d’entendre critiquer ceux qui essaient de créer. De même, je voudrais insister sur l’évolution en douceur qui est en train de s’opérer au sein des vins de pays charentais. Dans mon parcours de responsable professionnel, j’ai trop souvent eu l’occasion de faire des choses dans la douleur. Pour une fois, c’est l’harmonie qui prime. Michel Pelletier, président d’honneur du Comité, a accepté de siéger à notre conseil d’administration. J’en suis heureux et je l’en remercie. Il n’est pas si fréquent que les sortants restent au coude à coude avec la nouvelle équipe.

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