« La Responsabilisation Des Acteurs économiques »

27 février 2009

La Rédaction

La création d’une interprofession « vins et autres produits » à côté des interprofessions du Cognac et du Pineau ! C’est le projet qui mobilise aujourd’hui Philippe Guélin, président du Syndicat des vins de pays charentais, dans le droit fil du projet régional d’affectation parcellaire et de la réforme nationale de gestion par comités de bassin. Avec Jean-Pierre Lacarrière, président du BNIC, Philippe Guélin a assisté à la restitution du rapport Pomel** le 29 mars à Paris.

« Le Paysan Vigneron » – Qu’avez-vous retenu de la réunion ?

philippe.jpgPhilippe Guélin – La réorganisation de la filière viticole française est en marche. Le rapport de B. Pomel, fouillé, contient des propositions très intéressantes. Par contre, beaucoup de travail reste à accomplir. Et des questions demeurent en suspens. Un Conseil national de la viticulture française devrait chapeauter les dix comités de bassins. Il jouera sans doute un rôle d’arbitrage important. Quid des futures responsabilités de VINIFLHOR, ex ONIVINS ? Il semblerait que VINIFHLOR soit davantage orienté sur l’aspect économique tandis que l’INAO gérerait l’aspect contrôle. Le nouvel Institut de la qualité, appelé à remplacer l’INAO, a-t-il vocation à rallier les vins de pays ? Des propositions existent dans ce sens mais seront-elles ratifiées ? Les vins de pays resteront-ils dans le giron des vins de table ? Quel sera le poids d’InterOc, la nouvelle interprofession qui embrasse tous les pays d’Oc ? Quel avenir pour l’ANIVIT ? Toutes questions qui ne sont pas neutres dans le contexte local. Nous devons savoir où nous allons. Souhaitons que la « guerre des chefs » ne ralentisse pas les prises de décisions.

« L.P.V. » – Vous faites de la création d’une interprofession vins en Charente un impératif. Pourquoi ?

Ph.G. – Cette création s’inscrit en totale cohérence avec le schéma d’organisation de filières, tel que défini par le Plan d’avenir viticole. A chaque filière son interprofession. Les vins et autres produits de la région y gagneront une représentativité supplémentaire. Cette mutation arrive au bon moment. Elle peut s’appuyer sur la nouvelle loi d’orientation agricole qui renforce le pouvoir des interprofessions.

« L.P.V. » – La filière vin charentaise abrite des produits assez hétérogènes. Comment tout ceci peut-il s’articuler ?

Ph.G. – En effet, la filière vin charentaise recouvre trois types de produits : les vins de pays charentais qui disposent d’un syndicat, d’une OPA, d’un comité de promotion ; les vins de table, les vins de base mousseux, les vins pays tiers, les vins vinés, avec deux syndicats de négociants, l’un pour les vins de table, l’autre pour les vins vinés ; les jus de raisins et les moûts concentrés, qui partagent à peu près les mêmes opérateurs que les débouchés précédents. Au sein de l’interprofession, on pourrait imaginer trois commissions ou collèges qui reprendraient les spécificités de chacun.

« L.P.V. » – Qui dit interprofession, dit représentation à 50/50 entre viticulture et négoce. Qui porteraient les couleurs de la viticulture dans les collèges vins de table et jus de raisins ?

Ph.G. – Pour faire simple et éviter de créer des syndicats de producteurs de vins de table ou de jus de raisin, le SGV pourrait proposer des noms. Mais pour l’instant le mode opératoire n’est pas arrêté. Nous allons en débattre le 18 avril prochain autour d’une table ronde qui réunira des représentants de la viticulture et du négoce vin de table, en présence de représentants de l’Administration.

« L.P.V. » – Cette mise en place pourrait intervenir quand ?

Ph.G. – Le ministre nous a parlé d’une date butoir en juin 2006. Ce calendrier sera-t-il tenu ?

« L.P.V. » – Une fois l’interprofession portée sur les fonts baptismaux, qui fera quoi ?

Ph.G. – Je pense que l’interprofession des vins adoptera un mode de fonctionnement très léger, en se servant des structures existantes. Inutile de créer des charges supplémentaires. Nous recherchons avant tout l’efficacité.

« L.P.V. » – Quand vous parlez de structures existantes, à qui pensez-vous ?

Ph.G. – Le BNIC pourrait servir d’organe exécutif de la politique des élus, même si des voix se sont élevées pour que l’interprofession des vins de table soit hébergée ailleurs.

« L.P.V. » – Pour vous, quel est le sens de la réforme ?

Ph.G. – Ce n’est certainement pas la création d’une nouvelle structure mais bien la responsabilisation des acteurs économiques. A travers une politique de filière, nous souhaitons que les négociants mettent sur la table leurs besoins, à charge pour la viticulture d’y répondre par le biais d’une contractualisation. Face à un négociant qui s’engagerait sur des achats, le viticulteur répondrait par des surfaces. Nous avons tout intérêt à aller vers une politique contractuelle. Comme nous aurions intérêt à voir l’émergence d’un vin de pays de grande zone permettant d’offrir un débouché plus rémunérateur aux volumes expédiés aujourd’hui en vin de table. La région compte environ 5 500 ha de vignes relevant du cadre 2 (cépages blancs autres que Cognac). Si les vins de pays en absorbent à peu près 1 700 ha et l’affectation Pineau un autre pan, restent 2 à 3 000 ha qui partent aux vins de table. Je pense que la dénomination « Vin de pays de France », un temps évoquée, n’a pas une grande espérance de vie. Les Méridionaux en particulier n’en veulent pas. Et quand manque la volonté politique de faire aboutir un dossier… Par contre, rien n’est perdu pour un Vin de pays de l’Atlantique. Bordeaux l’a inscrit dans ses propositions de travail. Par ailleurs, le ministère promeut un logo « Vin de France » qui pourrait être apposé sur l’étiquette.

« L.P.V. » – Pourquoi est-ce si important de regrouper des vins d’origines différentes sous une même bannière ?

Ph.G. – D’abord parce que l’on peut se demander si un bassin de production comme le nôtre, avec un niveau actuel de 120 000 hl vol., n’est pas trop petit pour se porter seul sur certains marchés. Une qualité homogène, la possibilité de mélanger plusieurs vins, l’image France véhiculée sur nos bouteilles constitueraient autant d’atouts pour rivaliser avec nos concurrents étrangers. Ensuite l’exemple de Cognac nous montre à l’envi l’impact des marques. Deux produits aujourd’hui sont épargnés par la crise viticole : le Champagne et le Cognac. Il n’y a pas de hasard. La composante marque permet de se positionner sur les marchés lointains car la complexité de l’offre française est absolument illisible à l’étranger.

« L.P.V. » – Comment se portent les vins de pays charentais ?

Ph.G. – Le marché est difficile même si sur les blancs les choses se passent un peu mieux. Sur les rouges, la proximité de Bordeaux nous pénalise. La région bordelaise envisage de détruire 300 000 hl de vin pour éviter que les cours s’effondrent davantage. Cette situation illustre les interactions qui existent entre AOC et vin de pays. En dehors de quelques grands crus et châteaux, AOC génériques et vins de pays se retrouvent sur le même créneau. En Charentes comme ailleurs sans doute, les vignerons passionnés, élaborant de très bons produits, continuent à tirer leur épingle du jeu. La crise affecte surtout le vrac. C’est pour cela que nous souhaiterions compter de grandes marques parmi nos acheteurs, pour développer les marchés.

* Interview réalisée avant la table ronde du 18 avril dernier.

** A la demande du ministre de l’Agriculture, Bernard Pomel, préfet chargé de la coordination nationale des Comités de bassin viticole, a fait le tour des régions en février-mars. A l’issue de ses rencontres avec les professionnels, il a émis un rapport, intitulé « Réussir l’avenir de la viticulture française ». Est visée la mise en place d’un Plan national de restructuration de la filière viti-vinicole française.

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