Une marge d’ouverture étroite, entre 7 et 7,5

8 mars 2009

Appelés à se positionner sur le niveau de QNV de la récolte 2004, les membres du conseil d’administration du SGV, réunis le 25 juin dernier à Cognac, ont décidé de jouer l’ouverture mais une ouverture étroite, « d’une toute petite virgule ». Philippe Boujut, président du Syndicat général des vignerons, précise les conditions dans lesquelles cette position s’est dégagée au fil des semaines.

« Le Paysan Vigneron » – Comment s’est déroulée la réunion du 25 juin ?

phillipe_boujut.jpgPhilippe Boujut – Comme on s’y attendait, les discussions ont été longues. Bien entendu, elles reflétaient les avis exprimés lors des réunions de délégués, réunions que nous avions organisées dans les cinq crus les deux semaines précédentes. Cette année, nous avons souhaité consulter les délégués du syndicat le plus près possible de l’échéance, pour que délégués comme membres du conseil d’administration bénéficient du même degré d’information. L’an dernier, la position du conseil d’administration avait pu paraître en décalage par rapport à la position des délégués, tout simplement parce que le conseil d’administration avait eu en main des éléments d’appréciation de dernière minute, que les délégués ne possédaient pas. N’empêche qu’il y a eu un mauvais ressenti. Cette année nous avons voulu dépasser cet écueil et installer une procédure vraiment démocratique, tout en ne nous en remettant pas à un vote en assemblée, comme ce fut le cas en 2002. Nous nous étions aperçus alors que quatre ou cinq personnes seulement prenaient la parole et emportaient la décision, alors que beaucoup d’autres ne s’exprimaient pas. Ces tâtonnements sont le reflet d’un syndicat jeune, qui doit trouver ses marques.

« L.P.V. » – Le conseil d’administration s’est positionné pour une marge d’ouverture étroite de la QNV. Que faut-il entendre par là ?

Ph. B. – Ce n’est pas 7 mais ce n’est pas non plus 7,5. C’est sans doute entre les deux, 7,2-7,3 et certainement pas 8 comme le souhaite le négoce. Cette position n’a pas été facile à dégager car beaucoup de viticulteurs prônaient le maintien à 7 mais une majorité s’est tout de même réalisée sur une ouverture. Nous avons en face de nous des gens responsables, qui ont pris en compte une série d’éléments que nous leur avons présentés. Pour nous, trois paramètres doivent pouvoir justifier une évolution de la QNV : l’évolution des ventes, l’évolution des achats et l’évolution des prix. Au cours de ces dernières semaines, nous nous sommes efforcés de passer au crible ces trois critères. Indéniablement, les ventes augmentent. Les derniers chiffres sont bons et l’on ne peut que s’en réjouir. Ainsi, de mai 2003 à mai 2004, les sorties ont progressé de 4,6 % pour atteindre 436 000 hl AP. L’épidémie du SRAS pas plus que la guerre avec l’Irak n’ont réussi à casser le rythme des ventes. Les achats d’eaux-de-vie, quant à eux, sont aussi en nette hausse, de + 14 %, pour atteindre environ 420 000 hl AP. Le niveau de prix constitue le troisième facteur. Au cours de l’hiver et du printemps, nous avons fait appel aux viticulteurs pour nous communiquer les prix pratiqués. Le syndicat a reçu environ 350 réponses, ce qui est à la fois beaucoup et peu. Beaucoup parce que cela commence à représenter un échantillon représentatif. Et peu parce qu’on ne dispose pas d’une base de comparaison avec les années précédentes. Cependant, il en ressort que la plupart des viticulteurs se sentent lésés au niveau du prix. Ils estiment que les promesses d’augmentation n’ont pas toutes été tenues. Qui plus est, si les augmentations ont essentiellement concerné les vins et les eaux-de-vie 00, elles ont été relativement négligeables sur les comptes 1, 2 et 3, comptes d’âge qui représentent le gros des expéditions. Deux maisons se sont situées dans une fourchette d’augmentation de 1,3 à 1,7 % et deux autres maisons ont pratiqué des augmentations de 2,5 à 4 %. Mais entre les frais de stockage, l’évaporation et l’inflation, les viticulteurs ont retiré l’impression d’avoir eu peu ou pas d’augmentation. Suivant les périodes, a prévalu un sentiment de baisse des prix voire de maintien, sans que l’on puisse vraiment parler de hausse, à l’exception peut-être du mois dernier mais il est encore trop tôt pour dire si cette inflexion peut se muter en tendance. En règle générale, les viticulteurs considèrent que leur produit vaut mieux que cela. Ces dernières années, ils ont fait d’énormes efforts pour renouveler leur matériel et améliorer la qualité dans la chaîne de vinification. Les prêts bancaires en témoignent. Voilà longtemps que l’on dit que l’augmentation de revenu doit passer par une augmentation de la production mais aussi par une augmentation des prix. Les deux paramètres doivent absolument jouer de concert. Il est clair que si les prix augmentaient, une évolution de la QNV serait d’autant mieux comprise par la viticulture. Ce message, nous essayons de le faire passer depuis deux ou trois ans déjà auprès des négociants, sans grand succès d’ailleurs. C’est dommage, car si ce message était entendu, il éviterait sans doute de nombreuses tensions.

« L.P.V. » – Malgré l’argument des prix, vous avez néanmoins plaidé en faveur d’une ouverture ?

Ph. B. – Il nous semblait de notre devoir de responsables de bien montrer que la production d’aujourd’hui servira des ventes qui auront lieu dans trois ans pour les VS et dans cinq ans pour les VSOP et qu’il n’y a aucune raison de penser que la tendance à la hausse s’inverse brusquement. Cet effort d’anticipation, nous devons nous y consacrer quotidiennement. C’est ce qui fera que nous ne serons jamais des jusqu’au-boutistes. En fonction d’une telle appréciation des choses, le SGV s’est positionné l’an dernier pour le passage de 6 à 7, quitte à courir le risque de ne pas être compris par tous. Rétrospectivement, je considère qu’il n’aurait pas été raisonnable de ne pas prendre cette décision. Les faits nous ont donné raison. La distillation de 450 000 hl AP correspond exactement à nos besoins prévisibles de VS et de VSOP. Pour revenir à la QNV de cette année, je constate que, malgré tout et sans parler de « revanche contre le négoce » comme on essaie de le dire, beaucoup de viticulteurs craignent une augmentation de QNV, parce qu’ils ont encore en mémoire quinze ans de crise. Nous avons tenté de leur expliquer que le contexte actuel n’avait rien à voir avec celui de 1989-1990 où il s’était distillé 800 000 hl AP alors qu’il s’en vendait 500 000. Avec un chiffre de distillation de 452 000 hl AP l’an dernier, nous sommes loin du compte. Qui plus est, si l’on considère la progression des ventes et celle des achats, un « geste d’augmentation » nous semble relever d’une certaine logique. Sinon, en cas de baisse des ventes, comment pourrions-nous justifier d’une baisse de la production ? Ces arguments, les viticulteurs les entendent mais ils ont parfois un peu de mal à les accepter. Sur le terrain, plongés dans la gestion quotidienne de leurs exploitations, que constatent-ils ? Que les acheteurs ne se bousculent pas pour leur enlever leurs marchandises et qu’il n’y a pas bagarre non plus sur les prix. Face à cela, j’ai tendance à leur dire que quand il y a bousculade, c’est déjà trop tard et qu’il y a déjà un certain temps que le non-ajustement et le dérapage sur les prix sont enclenchés. Avec les conséquences néfastes que cela peut entraîner.

« L.P.V. » – Une raison souvent évoquée en faveur du maintien à 7 est de dire que tout le monde ne vend pas 7 de pur au Cognac ?

Ph. B. – Bien sûr, cela serait idéal que tout le monde atteigne 7 de pur mais, comme on l’entend souvent, un client a le choix d’acheter ses chaussures dans le magasin qu’il veut. En tant que syndicaliste, cela me fait mal de tenir ce discours mais le réalisme m’interdit d’en tenir un autre. Je comprends certains crus et notamment les crus périphériques qui, ayant peu accès au marché du Cognac, préféreraient voir les prix monter en verrouillant la QNV. Je les mets cependant en garde. Les mutations pour Pineau, liqueurs, Mix n’arrêtent pas d’augmenter. Leur volume atteint 67 000 hl AP, ce qui est quand même énorme quand on regarde le passé. A part le Pineau, tous ces produits intègrent un pourcentage de Cognac qui pourrait très bien se voir souffler la politesse par d’autres alcools, le jour où le Cognac s’avérerait plus du tout compétitif. Naturellement, on ne peut que se réjouir de voir les prix monter mais attention aux conséquences de demain.

« L.P.V. » – Outre le Cognac pour mutation, il y a tous les autres débouchés traditionnels de la région, vin de table, vin de base mousseux, jus de raisin. Que se passe-t-il pour eux ?

Ph. B. – Ce fut un pan très important des discussions que nous avons eues, aussi bien en assemblées de délégués qu’au sein du conseil d’administration. Le 25 juin, les administrateurs ont demandé qu’outre la légère ouverture de la QNV Cognac, la QNV vin de table puisse augmenter de façon assez substantielle, peut-être jusqu’à 115 hl vol. Car il faut bien comprendre que plus on augmente la QNV Cognac plus l’écart de revenu se creuse entre un ha dévolu au Cognac et un ha voué aux autres débouchés. Compte tenu de l’importance de ces débouchés dans les trésoreries viticoles, nous ne pouvons pas accepter de voir disparaître le marché des vins de table ni d’ailleurs celui des jus de raisin. L’an dernier, les acheteurs vins de base sont allés s’approvisionner en Espagne, mais l’on peut penser qu’il s’agissait d’un mouvement sporadique et réversible. Les entreprises possèdent encore leurs habitudes d’achat dans la région délimitée. Par contre, s’il s’avérerait que les Charentes ne puissent pas fournir de marchandise un ou deux ans supplémentaires, il en serait fini des produits industriels d’origine viticole dans nos deux départements. Nous ne pouvons pas envisager cette situation sans réagir. C’est ainsi que, sans attendre le Plan Zonta et le principe d’affectation des ha qui réglerait de manière définitive ce problème d’empiétement d’un marché sur l’autre, nous proposons d’apporter une réponse dès cette année, par une évolution de la QNV vin de table.

« L.P.V. » – Sur les propositions que vous faites, avez-vous le sentiment d’être suivi par une majorité de viticulteurs ?

Ph. B. – Je crois pouvoir dire que le SGV jouit d’un mouvement de sympathie indéniable et que ses propositions suscitent un fort courant d’adhésion. A meilleure preuve, les nombreux coups de fils reçu par le syndicat, qui encourage les responsables à poursuivre dans la voie tracée par leurs mandants. Par contre, ces soutiens restent souvent moraux et nous aimerions bien qu’ils se transforment en des soutiens plus tangibles. Sinon, nous risquons de nous voir adresser la question suivante : « qui avez-vous derrière vous ? » A l’heure où une maison de négoce organise de grandes réunions de ses livreurs, nous devons être capables de démontrer notre représentativité. Quand on est producteur, on ne peut pas demander à ses responsables d’afficher des positions fortes et ne pas s’engager derrière eux. Nous ne réclamons pas de nos collègues qu’ils descendent dans les rues pour manifester mais qu’ils expriment leur adhésion de manière franche. La cotisation syndicale fait partie de ces moyens mais ce n’est pas le seul. Dans le courrier que nous avons adressé récemment à tous les viticulteurs charentais nous avons parlé, plus que d’un appel à cotisation, d’un appel à « l’expression ». Exprimez-vous en nous téléphonant, en nous écrivant, en venant nous rendre visite au syndicat. Plus ces contacts seront nombreux, plus notre force de négociation sera grande.

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