La Spécificité Du Cognac Reconnue

13 mars 2009

lacarrire_opt.jpegAssociation de défense et de gestion (ADG), cahier des charges du Cognac, affectation parcellaire… le président de l’interprofession défend l’idée que, malgré les changements, tout est mis en œuvre pour conserver ce qui fonctionnait avant.

 

 

 

 

« Le Paysan Vigneron » – Peut-on encore parler de trêve estivale ? Le mois de juillet connaît une actualité viticole chargée.

Jean-Pierre Lacarrière – En effet, entre la présentation, par la Commission européenne, le 4 juillet dernier, du projet de réforme de l’OCM viti-vinicole, l’assemblée constitutive de l’ADG Cognac le 12 juillet, l’actualité est dense. Au sujet de l’OCM vitivinicole, le nouveau texte confirme ce que nous savions déjà : la gestion de marché va être profondément modifiée. Ce n’est pas un scoop ! L’article 28 disparaît de la future OCM. Si certains mettaient en doute cette disparition, cela paraît plus difficile aujourd’hui. Plus surprenant peut-être est le sort réservé aux autres distillations. Leur existence semble très menacée, autant les prestations viniques que la distillation de crise. Le texte dit qu’en matière de distillations, les Etats membres pourront exercer leur subsidiarité. Mais de quelle manière ? Est évoquée une « mutualisation des risques »… Je reviens à la distillation article 28 pour dire que si cette distillation est supprimée, la double fin demeure dans notre zone d’appellation. C’est très important à souligner : à partir de nos cépages, nous garderons toujours la possibilité de produire des eaux-de-vie ou du vin de table.

« L.P.V. » – Des syndicats continuent à penser que toutes les pistes réglementaires n’ont pas été explorées.

J.-P. L. – Durant toutes ces années, nous n’avons cessé d’encourager ceux qui avaient des propositions à faire de les émettre. J’ai le regret de dire que nous les attendons encore. Le projet défendu par l’interprofession a le mérite de maintenir la flexibilité du vignoble tout en reconnaissant la spécificité du Cognac. A partir des cépages double fin et en fonction de ses débouchés, le viticulteur aura la possibilité de gérer son vignoble comme il l’entend. A travers ce nouveau système, l’idée est de conserver ce qui fonctionnait jusqu’à maintenant.

« L.P.V. » – Certains viticulteurs disent craindre l’arrivée de l’INAO dans le vignoble.

J.-P. L. – Ce n’est pas l’INAO qui organise l’appellation mais les professionnels qui décident de s’organiser de telle manière pour protéger leur AOC. Il faut bien comprendre aussi que si l’appellation confère des avantages – personne en dehors de la région peut se prévaloir de produire du Cognac – elle oblige à quelques contraintes. Et encore ne faut-il pas s’exagérer ces obligations. Quand on reprend le projet de cahier des charges, on s’aperçoit qu’il se contente de reprendre noir sur blanc ce qui se pratique déjà dans la région. Il est vrai que quelques individus peuvent se retrouver en dehors des clous. Mais ils ont 25 ans pour se mettre au diapason. Que dire de plus que ce que nous avons déjà répété maintes et maintes fois. Ceci étant, je comprends que le viticulteur qui n’a pas participé aux discussions, n’a pas assisté aux réunions, se sente inquiet vis-à-vis du nouveau régime. Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour évaluer le degré de difficulté posé par la réforme en cours. J’ai pourtant l’impression que le changement ne sera pas bien grand par rapport à ce que se fait actuellement. L’affectation sera volontaire. Chacun gérera son vignoble comme il le souhaite. Quant à la « bagarre » anti-affectation, je ne comprends pas très bien ses motivations. A moins que ses détracteurs en fassent une affaire purement politique et là, c’est une autre histoire.

« L.P.V. » – A vos yeux, qu’incarne l’ADG Cognac ?

J.-P. L. – Il s’agit d’une étape importante, qui nous fait rentrer dans la nouvelle procédure voulue par le législateur. Le problème que nous avons eu en Charentes, c’est d’avoir dû aborder de front un changement des règles de l’OCM, une modification du Règlement 1576 sur les spiritueux et la réforme portée par l’INAO. Tout est arrivé en même temps, ce qui n’a pas simplifié la tâche. Je constate cependant qu’au nom des spécificités du Cognac, nous avons pu jouer les précurseurs sur un certain nombre de mesures. En ce qui concerne, par exemple, l’agrément par sondage, je m’aperçois que ce qui s’appliquera au Cognac va devenir la règle au niveau de l’INAO. L’affectation, qui a été travaillée ici, sera reprise par certaines zones mixtes. Finalement, sur certains sujets, un aller-retour s’instaure entre l’INAO et nous. La spécificité du Cognac a été entendue. L’ODG (Organisme de défense et de gestion) qui, dans la plupart des vignobles, est ni plus ni moins que la reconduction des syndicats de défense, fut ici réinterprété pour tenir compte de la parité en vigueur dans nos différentes instances. A Cognac, l’ODG rassemble l’ensemble des opérateurs, viticulteurs, bouilleurs de cru, bouilleurs de profession, négociants. Un viticulteur la préside.

« L.P.V. » – Pourquoi parle-t-on en Charentes d’ADG et non d’ODG ?

J.-P. L. – En tant qu’eau-de-vie, la loi d’orientation agricole nous permettait d’utiliser l’interprofession comme ODG. La viticulture l’a refusé. Pourtant, il se trouve qu’une grande partie des missions affectées à l’ODG est déjà remplie par l’interprofession. C’est pourquoi nous avons créé une structure « adossée » au BNIC, d’où la notion d’ADG, Association de défense et de gestion. Dans les faits, un grand nombre de conventions de fonctionnement vont être passées entre l’ADG et l’interprofession. Je crois qu’il va de l’intérêt commun qu’un maximum de synergies se créent pour diminuer les coûts. L’objectif est de fonctionner le plus léger possible. Nous n’allons pas monter « d’usines à gaz ». Simplifions au maximum les procédures tout en restant crédible. Ce qui vaut pour l’ADG vaut aussi pour les contrôles. En matière de Cognac, les risques sont minimes. Les contrôles devront être à l’unisson.

« L.P.V. » – Quelle durée de vie assignez-vous à l’ADG actuelle ?

J.-P. L. – L’ADG constituée le 12 juillet dernier est provisoire, dans la mesure où, comme toute ODG, elle doit être représentative des opérateurs. Cela signifie que nous devrons procéder à des élections, au plus tard le 30 juin 2008. Il se trouve que l’interprofession renouvellera ses membres en juillet 2008. Une coïncidence de date qui fera de l’été 2008 une période élective. Quelles formes prendront ces élections ? C’est un peu tôt pour le dire.

« L.P.V. » – Le Cognac va bien. Les tentations d’usurper l’appellation sont-elles plus nombreuses ?

J.-P. L. – Il y a des pays plus fragiles que d’autres, à la réglementation locale moins bien structurée. Dans ces conditions, les usurpations d’appellations sont sans doute plus nombreuses. Dans un monde idyllique, on pourrait rêver de vivre sans fraude. Mais il y a toujours des brebis galeuses, y compris parmi des opérateurs français peu scrupuleux, qui profitent de la situation. Si l’inquiétude porte précisément sur les Russes qui achètent des terres en Charentes, je voudrais dire qu’il n’y a aucune raison de leur faire un procès d’intention. Ils peuvent très légitimement vouloir créer de la valeur ajoutée à partir du Cognac, ce qui ne les empêche pas, par ailleurs, de faire des brandies ou des spiritueux. Le tout est de s’assurer que ce qui vient de Cognac est bien du Cognac. A partir de là, nous sommes transparents vis-à-vis de nos consommateurs. A nous de nous montrer irréprochable dans la défense de notre appellation.

« L.P.V. » – Comment trouvez-vous le climat interprofessionnel ?

J.-P. L. – Au sein des structures interprofessionnelles s’exerce une bonne collaboration. Au plan des marchés, on observe indéniablement une tension entre viticulture et négoce, dans la mesure où une part du négoce – le petit négoce – éprouve des difficultés à s’approvisionner. Les prix sont très élevés mais il n’y a pas de marchandise en face. C’est une réalité et difficile de jeter la pierre à quiconque. On peut toujours dire que le niveau de la QNV fut insuffisant durant plusieurs années, que nous n’avons pas su anticiper ou pas assez rapidement, qu’il existe une volonté de rétention… En fait, la faute en revient un peu à tout le monde. Je crois cependant que la raison principale tient au marché, qui s’est développé bien plus rapidement que nous pouvions l’envisager. Dans ce contexte, nous avons décidé de proposer cette année une QNV à 10,62 pour constituer des réserves. Manque de chance, la nature semble en avoir décidé autrement. Et contre le climat, nous sommes relativement désarmés.

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