« Un Développement Solide »

21 février 2009

jean_marc.jpgLe président-directeur général de Courvoisier, Jean-Marc Olivier, n’est pas loin de penser que la situation du Cognac n’a jamais été aussi favorable. Les marchés traditionnels, piliers du Cognac, n’ont pas dit leur dernier mot tandis que les marchés émergents se construisent sur des bases solides. Du « tout bon » pour la catégorie Cognac.

 

« Le Paysan Vigneron » – Votre opinion sur le marché du Cognac ?

Jean-Marc Olivier – Je suis très optimiste. Les piliers du Cognac que représentent les marchés américains et anglais se comportent bien. Leurs positions restent très solides et j’ai même l’impression qu’elles n’ont pas encore atteint leur maximum d’expression, notamment en ce qui concerne le marché américain. Cela se vérifie aussi bien en terme de volume global que de progression des qualités. Un courant porteur bénéficie aux qualités supérieures à partir du VSOP. Je crois qu’il n’y a pas d’anxiété particulière à nourrir face à ces deux grands marchés.

« L.P.V. » – Certains considèrent pourtant le marché américain comme « mature ».

J.-M.O. – Je ne partage pas cette opinion. L’exportation sur les Etats-Unis me semble recéler encore une marge de progression, peut-être pas aussi importante que celle que nous avons connue et encore ! Le Cognac séduit toujours les jeunes. Sa consommation dans les bars, en cocktail fonctionne très bien. Certes il y a de la concurrence mais cela paraît assez normal. Avec plus de 300 millions d’habitants, un PIB parmi les plus élevés du monde, le marché américain est un marché très rentable, où tout le monde veut être. Ce sont justement ces caractéristiques – taille, richesse – qui me font dire que le marché conserve du potentiel pour aller plus loin.

« L.P.V. » – Qu’en est-il des marchés émergents ?

J.-M.O. – Parlons en premier lieu de la Chine. Son développement donne toute satisfaction. Des investissements conséquents, touchant à la fois au marketing, à la promotion, à l’installation produit, aux circuits de distribution, sont en train de s’opérer. Ces investissements de fond, solides et bien faits, assoient les fondations d’une croissance durable. Nous sommes loin du développement un peu spéculatif – « paillettes »– qui avait saisi le marché chinois à la fin des années 80.

« L.P.V. » – De quel poids pèse le marché chinois aujourd’hui ?

J.-M.O. – Une fois consolidés les chiffres d’expéditions entre Chine intérieur, Singapour, Hongkong et Taïwan, il est d’usage de dire que la grande Chine représente 1,8 million de caisses et progresse de 20 % par an. Aujourd’hui la Chine se classe probablement au deuxième rang des marchés du Cognac. Je ne voudrais pas avoir l’air ridicule en jouant les pronostiqueurs mais je ne serais pas étonné qu’en 2010-2012, la Chine arrive en tête des marchés du Cognac.

« L.P.V. » – On dit le Whisky « chouchou » des jeunes générations alors que le Cognac aurait les faveurs de tranches d’âges plus élevées.

J.-M.O. – C’est une manière de raconter l’histoire. Je ne ressens  pas du tout un tel clivage sur le terrain. En Chine, le Cognac a l’image d’un produit moderne, contemporain. L’idée d’une segmentation nette entre Cognac et Whisky me semble erronée. S’il est vrai que les Whiskies investissent beaucoup sur les jeunes, le monde de la nuit, les night-clubs, nous en faisons autant. Elément très important, les Chinois nourrissent un « goût Cognac ». Ils le trouvent « smooth », moelleux. En terme gustatif, je pense qu’ils le préfèrent au Whisky. Comme brandy, le Cognac fait également partie de leurs habitudes de consommation. C’est un produit festif, connoté luxe, jouissant d’une très belle image. Il est associé à la célébration d’événements tels que les mariages, les grandes fêtes familiales. D’où les bouteilles de XO de grandes contenances qui fleurissent dans à peu près toutes les maisons de Cognac aujourd’hui.

« L.P.V. » – Les Scotch Whiskies ne progressent-ils pas plus vite que le Cognac en Chine ?

J.-M.O. – Portée par de grands acteurs comme Pernod-Ricard, Diageo, la force de frappe des Whiskies est impressionnante. Et c’est vrai qu’ils disposent de plus de moyens que nous, d’abord parce qu’ils sont plus nombreux, ensuite parce que le produit coûtant moins cher à produire, il dégage plus de marge. Mais là aussi le marché est suffisamment vaste pour tirer en avant plusieurs catégories de spiritueux de qualité. Si la concurrence des Whiskies n’existait pas, le Cognac se développerait plus vite, c’est tout. La progression des Whiskies n’empêche pas celle du Cognac.

« L.P.V. » – Qu’en est-il de l’accessibilité du marché chinois aux entreprises de Cognac ?

J.-M.O. – Compte tenu des dimensions du pays et de l’organisation qu’il faut avoir sur place pour être efficace, le Cognac a la nécessité d’utiliser les synergies qui se dégagent au sein des portfolios. C’est le cas de Courvoisier avec Beam. Les Tequilas et autres Whiskies et Scotch Whiskies du groupe permettent au Cognac d’atteindre la masse critique permettant d’envisager un développement. C’est également vrai pour les autres groupes, Pernod-Ricard, LVMH, Rémy Martin. A contrario, les entreprises moyennes, qui ne sont pas accolées à un grand groupe, auront plus de mal à pénétrer le marché chinois.

« L.P.V. » – Comment expliquez-vous le revers du Cognac au Japon ?

J.-M.O. – C’est un fait. Le Japon représente le talon d’Achille du Cognac en Asie. Il perd inexorablement de son « happening » au profit des Whiskies importés et produits au Japon, des vins et maintenant du Champagne. Comment inverser la tendance et restaurer une bonne image du produit ? Je dois dire que lors d’un déplacement au Japon en juillet dernier, je fus étonné de voir à quel point son image était brocardée par les Whiskies. Une démarche pas très fair-play. Ceci étant, la mode se fait et se défait. Nous avons vu les vins monter en flèche en Asie puis redescendre. Le Cognac peut retrouver un courant ascendant au Japon.

« L.P.V. » – Un pays comme le Venezuela représente l’un des premiers débouchés du Scotch Whisky. Le marché sud-américain s’affiche aux abonnés absents à Cognac. Pourquoi ?

J.-M.O. – Nous y regardons tous et certains tentent quelques percées mais la vérité commande de dire que le marché sud-américain n’est pas très « sucessfull ». Ils nous incombent aussi de cibler des objectifs accessibles. Aujourd’hui, tout ce qui se situe à l’est de l’Europe offre un tel potentiel avéré que cela encline à ne pas trop se disperser ailleurs.

« L.P.V. » – On parle beaucoup de la concurrence qu’exerceraient les alcools blancs sur les alcools bruns, symbolisée par les prix élevés des Vodkas premium.

J.-M.O. – En la matière, gardons une certaine mesure. Le phénomène me semble un peu relever du miroir aux alouettes. Certes des Vodkas premium trouvent des niches et en profitent pour se vendre cher, voire plus cher que le Cognac. Citons l’exemple fameux de Grey Goose. Mais, à côté de cela, 95 % des Vodkas se vendent beaucoup, beaucoup moins cher que le Cognac. Une bouteille de Vodka associée à deux bouteilles de Coke vendues en supermarché… voilà la réalité du marché, dans l’immense majorité des cas.

« L.P.V. » – Si les volumes de ventes du Cognac augmentent, le chiffre d’affaires global du Cognac n’évolue pas dans les mêmes proportions.

J.-M.O. – Je crois que les opérateurs ont un positionnement prix raisonnable et essaient de s’y tenir, sérieusement. Au Japon, le Cognac a dû une partie de ses déboires à des abus tarifaires et la leçon a porté. Ceci dit, toutes les maisons essayent de lancer quelques qualités de prestige à prix très élevé, autant pour construire la marque que pour gagner de l’argent. Mais il convient d’être prudent. Qu’on le veuille ou non, existe pour chaque catégorie de produit une réalité de prix. Trop s’en éloigner engendre des risques.

« L.P.V. » – Le retournement de cycle du Cognac est souvent présenté comme une fatalité.

J.-M.O. – Aujourd’hui, il n’y a pas de raison d’être vraiment pessimiste. L’économie va bien, même si l’on aurait pu imaginer que la hausse du pétrole entraîne une crise, comme ce fut bien souvent le cas dans le passé. Mais il semble aujourd’hui que l’économie réponde à d’autres déterminismes. Maintenant, est-ce que le Cognac résisterait à une récession aux Etats-Unis ou en Europe ? Personnellement je ne le pense pas.

« L.P.V. » – Un mot sur Courvoisier.

J.-M.O. – Depuis un an dans le groupe Beam, notre société a réorganisé sa distribution, ses marchés. Dans un mois, nous bouclerons notre premier exercice fiscal. Nous dépassons nos prévisions budgétaires et de bonnes perspectives se dégagent pour l’avenir. Je croise les doigts pour que nous continuions sur cette lancée.

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