L’Implication Régionale Du Pineau

27 décembre 2008

de_larquier.jpgPrésident du Syndicat des producteurs de Pineau depuis presque un an, J.-B. de Larquier brosse l’état des lieux du Pineau. Une production « sécurisée », des ventes qui progressent, un stock en équilibre, une structuration de la filière qui fait des envieux… Le tableau serait presque parfait si des progrès ne restaient à faire en matière de prix. Mais à ce niveau, le Pineau est dépendant de l’environnement régional. D’où le souhait du syndicat de faire plus que jamais entendre la voix du Pineau à tous les niveaux.

« Revue Le Paysan » – Comment expliquez-vous la véritable « Pineaumania » qui a saisi la région ? Même des gens peu suspects d’ignorer le Pineau de l’intérieur lui tressent des louanges à longueur de réunion. Voilà qui est étrange.

Jean-Bernard de Larquier – Iriez-vous jusqu’à dire que nous sommes objet d’idolâtrie ! C’est vrai que le Pineau est souvent cité en exemple mais tout simplement peut-être parce qu’il a su établir l’équilibre entre offre et demande. C’est aussi le seul produit de la région qui évolue dans un cadre complet d’AOC.

« R.L.P. » – Depuis quelques années, a été instaurée l’affectation des surfaces de moût pour Pineau.

J.-B.D.L. – L’affectation des surfaces a été quelque chose de positif en faisant avancer les producteurs vers plus de responsabilité. Au départ, elle fut mise en place parce que nous craignions un débordement des volumes et également pour répondre à une demande de l’INAO de pouvoir définir les parcelles. Au final, cette décision s’est révélée très intéressante car elle sous-entend un véritable engagement de la part du viticulteur qui postule. Cette revendication l’année précédant la production de moût pour Pineau répond à une vraie démarche volontaire. Elle imprime un esprit Pineau aux nouveaux producteurs en les obligeant à réfléchir aux critères techniques pour élaborer un bon Pineau. Elle les conduit à anticiper.

« R.L.P. » – Comment évolue le nombre de producteurs de Pineau ?

J.-B.D.L. – Valeur récolte 2001, nous comptons environ 1 000 producteurs, dont 628 producteurs individuels et 372 regroupés au sein de structures coopératives. Tous les ans, de nouveaux producteurs arrivent, au rythme de 20-30 voire 40 par an sachant que d’autres cessent. Il s’agit de gens raisonnables, souvent motivés par la vente directe plutôt que par la production de gros volumes. Ainsi, peut-on dire que l’élaboration de Pineau est sécurisée.

« R.L.P. » – La dichotomie 16/17 est-elle toujours aussi prégnante ?

J.-B.D.L. – Au plan des chiffres, elle se vérifie toujours puisque, sur la récolte 2001, la Charente-Maritime a élaboré 107 500 hl de Pineau contre 21 892 hl pour la Charente. Ceci étant, beaucoup de producteurs de Charente font de la bouteille et, à travers le Pineau, cherchent à avoir plusieurs cordes à leur arc. C’est une démarche très intéressante.

« R.L.P. » – Vous disiez en préambule que le Pineau brillait par son équilibre. Qu’en est-il exactement ?

J.-B.D.L. – En année mobile, sur 2001, la commercialisation du Pineau a représenté 106 512 hl vol. Lors de la dernière récolte, nous avons élaboré 129 000 hl de Pineau. Si l’on se base sur une progression des ventes de 5 % par an, à laquelle il faut rajouter les freintes et les pertes, les 129 000 hl d’aujourd’hui correspondent tout à fait aux besoins prévisibles dans les deux ans et demi-trois ans à venir. Avec un stock très bien maîtrisé, représentant trois années et demie de ventes, nous collons au marché.

« R.L.P. » – Au niveau de l’expansion des ventes, vous vous situez en deçà des objectifs affichés il y a quelques années.

J.-B.D.L. – Sur les dix dernières années, nous enregistrons une croissance de nos ventes de plus de 21 %. Il s’agit d’une augmentation raisonnable, peut-être inférieure à ce qui avait été annoncé, compte tenu des projections export. L’exportation a quand même connu une évolution de + 16 % mais, il est vrai, essentiellement concentrée sur des pays francophones comme la Belgique ou le Québec, suivis du Danemark ou de l’Allemagne. Il y a dix ans, au moment du versement des aides compensatoires, le gouvernement français avait exigé que ces fonds servent à la promotion sur pays tiers, hors zone Europe. Un calcul qui ne s’est pas révélé payant. Pour le moment, le Pineau a du mal à capter ces marchés même si un certain nombre d’opérateurs réussissent, à titre individuel, de belles percées aux Etats-Unis ou sur d’autres pays lointains.

« R.L.P. » – Est-ce par défaut de marques leaders ? C’est ce que l’on dit toujours quand on parle du Pineau.

J.-B.D.L. – Effectivement, nous n’avons pas de grandes marques capables d’investir des sommes importantes dans la promotion, comme dans le Porto par exemple. Mais, à défaut de marques leaders, nous avons une marque collective, le Pineau des Charentes, qui bénéficie d’une belle notoriété. Et puis notre diversité représente aussi notre richesse. C’est parce que nos opérateurs sont nombreux et jouent dans toutes les catégories qu’ils sont capables de répondre aux attentes variées de tous les types de clientèles.

« R.L.P. » – Comment se répartissent les ventes du Pineau entre les différents opérateurs ?

J.-B.D.L. – Globalement, la règle des trois tiers se vérifie toujours – un tiers pour les vendeurs directs, un tiers pour le négoce et un tiers pour les coopératives – même s’il est difficile de le certifier, compte tenu de la confidentialité des chiffres et du fait que beaucoup d’opérateurs possèdent une raison commerciale même s’ils ne vendent que leurs Pineaux. Cette grosse part de la commercialisation assurée par le producteur confère à la filière Pineau un état d’esprit particulier. Quand on lui parle de vente, le producteur de Pineau sait de quoi il retourne. Les relations négociants/viticulteurs s’en trouvent transformées. Si des oppositions existent, la discussion avance toujours. Il ne faut pas une éternité pour arriver à se mettre d’accord sur un budget ou une action de communication. Les échanges sont fructueux au sein du comité interprofessionnel.

« R.L.P. » – A une certaine époque, l’on évoquait des prix de braderies sur certains Pineaux. Est-ce toujours le cas ?

J.-B.D.L. – La situation s’améliore progressivement. Nous avons connu des périodes plus difficiles. Le Pineau à 28 F a tendance à disparaître des linéaires, même si l’on voit toujours des Pineaux à 32-33 F. Avec 17 F de taxes, on peut se demander ce qui reste pour rémunérer l’ensemble de la chaîne. Les conditionneurs qui alimentent ces produits « sans nom » feraient bien mieux de vendre leur Pineau 2 F plus cher pour communiquer sur leur marque. Ce serait plus intelligent. Toutefois, il ne faut pas grossir l’importance de cette catégorie de produit. En grande distribution, le prix moyen du Pineau s’établit à 41,50 F TTC (relevé Iri-secodip), sachant que ce segment de marché absorbe un peu plus de 40 % des ventes en France, soit 4,5 millions de cols. Quant aux 6 millions de cols restants, destinés aux particuliers, cavistes, restaurants, on peut estimer que leur prix moyen tourne autour de 49 F, dans une fourchette comprise entre 44 et 57 F.

« R.L.P. » – Comment se comportent les prix du Pineau vrac à la propriété ?

J.-B.D.L. – Sous la présidence de Jacques Caillet, le syndicat avait exercé une pression assez forte sur les opérateurs qui n’achetaient pas suffisamment cher. Dans un premier temps, l’objectif consistait à faire remonter les prix à un palier de 11,50 F le litre (1 150 F l’hl vol.). Cet objectif a été atteint, sachant que le but final consiste à porter les prix à 13,50 F le litre, seuil de rentabilité du Pineau aujourd’hui. La limite de 6 hl AP Cognac corrélée au rendement de l’appellation de 60 hl de moût aboutit à un rendement Pineau de 23 hl/ha. A 1 150 F l’hl vol., le revenu/ha s’élève à 26 450 F. Nous sommes loin des 35 000 F donnés comme nécessaire pour couvrir les charges. A 1 350 F l’hl vol., nous arriverions à 31 000 F, ce qui serait déjà mieux.

« R.L.P. » – De quelle manière peut-on arriver à faire remonter les prix du Pineau à la propriété ?

J.-B.D.L. – La seule manière d’y arriver c’est de s’impliquer auprès des collègues viticulteurs pour faire en sorte que tous les autres produits de la région restaurent leur équilibre et, ce faisant, leur prix. Le Pineau n’existe pas en vase clos. Dans une même région, tous les débouchés interfèrent les uns sur les autres. Face aux difficultés d’écoulement du Cognac, un producteur peut avoir la tentation de dégager de la trésorerie en vendant son stock Pineau. C’est le rôle du syndicat d’éviter tout dérapage en veillant à décourager les acheteurs qui voudraient exploiter ce genre de situation.

« R.L.P. » – Pourrait-on imaginer « d’assécher » le marché du Pineau pour booster les prix ?

J.-B.D.L. – Il n’est pas envisageable de verrouiller davantage la production. En dessous d’un certain seuil, on va dégoûter tout le monde. Il n’est pas non plus concevable de fermer la porte aux nouveaux producteurs. Chacun a le droit de produire.

« R.L.P. » – Quid de la suppression du supplément de QNV pour le Pineau rosé ?

J.-B.D.L. – C’est vrai, il s’agit d’une contrainte supplémentaire pour le producteur de Pineau mais nous avons pris cette décision de manière volontaire, pour éviter tout dérapage et également par souci d’équité avec nos collègues du Cognac. C’est notre manière de participer à l’unité régionale.

« R.L.P. » – Etes-vous favorable à un relèvement de la QNV Cognac ?

J.-B.D.L. – En l’état actuel des choses, on ne peut pas être favorable à une remontée de la QNV. Bien sûr, la stricte logique syndicale « Pineau » plaiderait pour 6,5 hl AP/ha, au nom de la défense de l’intérêt à court terme de nos producteurs. Mais nous savons bien que l’intérêt à plus long terme du syndicat est de s’impliquer dans la politique régionale pour aider à la restauration des grands équilibres. En disant cela, je n’ignore pas les sacrifices que cela augure de nos producteurs. Ainsi par exemple, porter la production de moûts de 60 hl à 65 hl reviendrait à dégager 5 000 F supplémentaires. Une vraie bouffée d’oxygène sur les exploitations ! Mais ce serait déroger à l’esprit d’unité régionale qui nous guide : 60 hl à 10 % vol. équivaut à 6 hl AP, un chiffre pivot en l’absence d’affectation des surfaces.

« R.L.P. » – Que se passe-t-il au niveau de la qualité ?

J.-B.D.L. – Les délais minimaux de mise en marché ne bougent pas : dix-huit mois pour les Pineaux blancs et quatorze mois pour les Pineaux rosés. Cela ne veut pas dire qu’il faille commercialiser les Pineaux immédiatement après ces dates. Le Pineau a tout à gagner à attendre un peu, autour de trois ans pour les blancs et 20-22 mois pour les rosés. La commission d’agrément, actionnée par le syndicat, enregistre des résultats très positifs, avec des taux d’ajournement de plus en plus faibles. En ce qui concerne le suivi d’aval, sous la responsabilité de l’interprofession, sa mise en application obligatoire est prévue avant la fin de l’année 2002. Le Comité du Pineau a souhaité anticiper cette date. La première commission « suivi d’aval » aura lieu en mars. Elle se composera d’un tiers de producteurs, d’un tiers de négociants et d’un tiers de professionnels, œnologues, cavistes, sommeliers. En fait, elle ressemble presque à l’identique à la commission d’agrément classique. La grande différence porte sur la nature des produits soumis à dégustation. La commission « suivi d’aval » s’intéresse à des produits déjà à la vente, prélevés à l’aveugle par une société indépendante (la même qui s’occupe des relevés de prix), sur tous les segments de marchés : grandes surfaces, caves, épiceries fines… Il s’agit d’une protection supplémentaire pour le consommateur.

« R.L.P. » – Quelles sanctions à attendre en cas de défauts ?

J.-B.D.L. – A travers l’agrément comme le suivi d’aval, ce n’est pas la « sanction » qui est mise en avant mais plutôt le conseil aux opérateurs, pour les faire progresser sur le chemin de la qualité. Pour autant, les opérateurs ne sont pas exonérés de leurs responsabilités. La procédure se déroule de la manière suivante : à un premier contrôle révélant des problèmes répondent des observations ; si les problèmes perdurent lors du deuxième contrôle, il y a avertissement et obligation de se rapprocher d’un conseil technique susceptible d’améliorer la situation ; au troisième contrôle négatif, la commission « suivi d’aval » peut décider d’envoyer le dossier à la Répression des Fraudes.

« R.L.P. » – Revenons sur l’agrément, qui rencontre une certaine actualité sur le Cognac. Au niveau du Pineau, permet-il au Syndicat des producteurs de s’autofinancer ?

J.-B.D.L. – Je ne dirais pas les choses exactement de cette façon. Comme tout syndicat, le Syndicat des producteurs de Pineau trouve d’abord sa légitimité dans la cotisation volontaire de ses membres, une cotisation individuelle d’un montant de 100 F. Le Pineau compte plus de 80 % de syndiqués. La cotisation d’agrément a vocation à couvrir les frais de prélèvement et de préparation des lots pour assurer leur anonymat. Ensuite, les opérateurs – vendeur-directs, négociants, coopératives – versent une CVO (cotisation volontaire obligatoire) sur tous les volumes vendus. Cette cotisation de 16,16 euros (106 F/hl) ne concerne pas le syndicat mais l’interprofession. Ceci étant, c’est le Syndicat des producteurs qui délivre le timbre de garantie qui certifie l’appellation. Et le timbre de garantie découle de l’agrément. Dans ce sens, on peut bien dire que l’agrément mis en œuvre par le technicien du syndicat, sous la responsabilité de l’INAO, participe au financement du Syndicat des producteurs. L’agrément doit être l’affaire des producteurs. C’est prévu dans le décret d’appellation et les producteurs de Pineau y sont très attachés.

« R.L.P. » – A ce sujet, les négociants n’avaient-ils pas exprimé le vœu d’intervenir dans la production ?

J.-B.D.L. – Ce que recherchent les négociants, ce n’est pas de se mêler de production mais de pouvoir rentrer pus tôt les Pineaux pour pouvoir les travailler. Aujourd’hui, le décret d’appellation est rédigé de telle sorte que le Pineau ne peut pas circuler tant qu’il n’a pas reçu son agrément. La modification du décret sur ce point n’est pas à l’ordre du jour.

« R.L.P. » – En tant que président du Syndicat des producteurs de Pineau, quelle « signature » aimeriez-vous imprimer à votre mandat ?

J.-B.D.L. – Ce que je vous ai dit tout au long de cette interview, que le Pineau soit reconnu à part entière comme un partenaire de cette région. Aujourd’hui, l’on parle beaucoup du Pineau mais il a parfois été un peu passé sous silence. Le Pineau représente aujourd’hui 5 000 ha extournés du Cognac et sur les cinq dernières années, mille hectares supplémentaires ont été utilisés. En matière de diversification, je pense que l’on peut considérer qu’il s’agit d’une diversification réussie, dont il faut tenir compte. Le Pineau revendique toute sa part dans les dispositifs d’aide et notamment le contrat de Plan Etat-Région. Ma mission, je la verrais double : faire en sorte que les prix remontent en jouant des effets de leviers, avec les autres acteurs économiques régionaux ; renforcer toujours plus la conviction des producteurs dans l’appellation.

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