Accompagner le Changement

28 mars 2009

Chargé de mission viticole pour la région de Cognac – c’est lui qui remplace Danièle Le Gall – Florent Morillon fait un point d’étape, après le déplacement du ministre de l’Agriculture à Cognac le 28 octobre et sa lettre qui, 15 jours plus tard, est venue confirmer le Plan Zonta. A la demande du ministre, les acteurs de la filière ont établi un catalogue des mesures d’accompagnement qui devraient aider la région à franchir le cap, suite à la disparition de l’article 28.

« Le Paysan Vigneron » – Après avoir écouté les professionnels de la région, le ministre a finalement confirmé le Plan Zonta.

florent_morillon.jpgFlorent Morillon – En effet. Après sa rencontre avec tous les acteurs de la filière, le ministre s’était donné quinze jours pour réfléchir. Il a confirmé le Plan d’avenir viticole, pour une application le 1er août 2007. Le projet d’affectation est le fruit d’une concertation de l’ensemble des composantes professionnelles. Si des avis divergents se font entendre, je pense qu’une grande majorité des professionnels adhère au projet. Et jusqu’à présent, personne n’a apporté d’arguments très fondés permettant de remettre sérieusement en cause le Plan, si ce n’est de souhaiter le maintien de l’article 28. Sauf que l’article 28 est condamné par la Communauté elle-même. Même si on voulait le sauver, on ne le pourrait pas. La Commission européenne a accordé une nouvelle dérogation à la QNV régionale en contrepartie de l’engagement régional de prévoir un système de substitution. D’ailleurs, autant il était possible de justifier l’octroi d’aides communautaires quand le Cognac allait mal, autant ce soutien permanent de la Communauté devient plus difficole à justifier aujourd’hui. C’est à la région de se prendre en main.

« L.P.V. » – De quoi se composent ces mesures d’accompagnement dont Dominique Bussereau a demandé de dresser le répertoire ?

F.M. – Bon an mal an, la région reçoit de Bruxelles 15 millions d’€ au titre de la distillation de retrait de l’article 28. L’abandon de cette distillation générera des économies à la Communauté. Pour l’Etat français, l’objectif consiste donc à négocier avec l’Union européenne une compensation sous forme de mesures d’accompagnement. C’est pour cela que le ministre a souhaité que les professionnels mènent une réflexion ouverte pour recenser leurs besoins. Après, il restera aux politiques à s’entendre sur le volume des aides et sur la clé de répartition entre échelons français et européen. Mais pour l’heure, nous n’en sommes pas là. La concertation entre représentants professionnels a bien eu lieu. Le groupe s’est réuni deux fois courant décembre et a remis sa copie en fin d’année au ministère qui l’a transmise au cabinet. Le document de synthèse est en cours d’étude.

« L.P.V. » – Pourriez vous entrer dans le détail des mesures ?

F.M. – Plusieurs pistes ont été listées, que l’on peut regrouper en quelques grandes catégories. Il y a tout d’abord le paquet « information/formation ». La mise en place de l’affectation parcellaire va nécessiter un gros effort d’explication. Pour ce faire, nous nous sommes inspirés du modèle des DPU. A partir d’une trentaine de réunions d’information générale organisées sur tout le territoire, animées par sept ou huit « référents » – pour bien montrer l’unicité autour du projet – on rentrerait progressivement dans les modalités pratiques avec des réunions un peu plus restreintes pour finir par un accompagnement personnalisé. Les viticulteurs viendraient avec leur dossier d’affectation et ils recevraient une assistance administrative par des personnes recrutées à cet effet. Parallèlement, rien n’empêcherait que des réunions se tiennent sous l’égide de structures professionnelles existantes, afin de guider les viticulteurs dans leurs choix économiques, car l’économie sera bien sûr au cœur du sujet. Cette technique d’information pyramidale – du général au particulier – n’a pas trop mal réussi aux DPU. Un département comme la Charente arrive au 6e rang français pour le retour des dossiers, au nombre de 8 000.

« L.P.V. » – Quel calendrier prévoyez-vous à ces réunions ?

F.M. – Rien n’est encore bouclé. Le calendrier que j’évoque n’a qu’une valeur indicative. En la matière, il ne faut pas partir trop tard mais pas trop tôt non plus. En fait, c’est le compte à rebours qui nous guidera. Pour une première affectation le 1er août 2007, les viticulteurs devront peut-être se prononcer en juin pour la récolte 2007 (année N + 1 ensuite). Si l’on remonte trois mois en arrière, cela donne les mois de mars, avril, mai 2007 pour l’intervention de l’équipe chargée de l’accueil personnalisé et la période de décembre 2006 à février 2007 pour les réunions d’information générale. La montée en puissance va se faire progressivement. Je sais que le SGV a déjà programmé des réunions d’information pour ses délégués en cette fin d’hiver 2006. Par ailleurs, nous prévoyons de diffuser à l’ensemble des viticulteurs une plaquette d’information sur l’affectation parcellaire – technique et réglementaire – en septembre 2006. En fait, ce document signerait le « top départ » de la campagne de communication. Il s’agirait d’un document synthétique et facile à lire. L’idée est de ne surtout pas compliquer. Bien sûr, après la première affectation, l’effort d’information se poursuivra. On ne lâchera pas les viticulteurs comme cela.

« L.P.V. » – Justement, certains se plaignent haut et fort d’un manque d’information, soulignant la difficulté d’entraîner les viticulteurs dans une réforme dont ils ne connaissent pas vraiment le contenu.

F.M. – Je suis pour la communication mais il me paraît difficile de communiquer trop tôt sur les éléments inaboutis. Imaginez qu’on vous « balance » tous les quatre matins un projet de décret sur lequel on va enlever un cépage, en rajouter un autre… Il faut d’abord finaliser le projet de texte avant de procéder à sa présentation officielle. Ce sera le cas avec les projets de décret AOC Cognac ainsi que les textes sur l’agrément et autres. Une fois leur validation acquise auprès de toutes les parties (professionnels, Administration…) et avant qu’ils n’entrent dans le circuit de publication, ils feront l’objet d’une large communication. Loin de nous l’idée de vouloir faire les choses en catimini. Rien n’est plus pénible que de ne pas être informé. Par contre, il paraît difficile de prêter le flanc à de mauvaises interprétations, par manque de clarté dans l’explication.

« L.P.V. » – Vous avez parlé d’information mais aussi de formation.

F.M. – La DRAF, qui chapeaute tout l’aspect formation en Poitou-Charentes, va demander à son chargé de mission de mettre en place un programme spécifique aux viticulteurs charentais. Sont notamment envisagées des actions de formation en vue d’une meilleure maîtrise de la vinification sur les « produits autres ». La mise en place d’une véritable politique de filière va de pair avec l’acquisition des bons gestes techniques.

« L.P.V. » – Les autres mesures ?

F.M. – Un bloc important a trait à ce que nous avons appelé « Aides aux investissements et développement des entreprises d’aval ». Naturellement, là encore, il s’agit de donner un coup de pouce à la diversification, via un plan d’accompagnement spécifique : aides à la vinification, à la cuverie, au stockage… Si les aides à l’investissement auront vocation à s’adresser aux deux catégories de ressortissants, viticulteurs et négociants, afin de rester dans une logique filière, la partie « développement des entreprises d’aval », comme son nom l’indique, « mettra le paquet » sur les entreprises vins de base mousseux, jus de raisin. Le but recherché ? La mise à niveau technique pour la maîtrise d’un produit de qualité.

« L.P.V. » – Ce dispositif va-t-il s’insérer dans un Contrat de Plan Etat-Région ?

F.M. – L’actuel Contrat de Plan arrive à échéance en 2006. Un nouveau prendra-t-il le relais ? Une chose est sûre : un cadre juridique existera bien, pour organiser les financements liés à la disparition de l’article 28.

« L.P.V. » – La liste des mesures d’accompagnement envisagées n’est pas close j’imagine.

F.M. – En effet. Un autre volet concernerait tout ce qui touche au potentiel de production. Cette partie se décline en plusieurs aspects. Il y a d’abord la partie arrachage. Attention, nous ne nous situons pas ici dans une démarche d’arrachage massif. Il s’agit plutôt de favoriser le départ dans la dignité de certaines franges de population, comme les viticulteurs au seuil de la retraite. Car aujourd’hui, une grande majorité s’accorde à dire que nous atteignons le niveau de potentiel qui convient. Par contre, des ajustements à la marge, de l’ordre d’une centraine d’ha par an, sont à envisager. Outre l’aspect social, cela libère toujours un peu de marché pour les autres. Le niveau de la prime sera conforme aux objectifs recherchés. Par ailleurs, l’accent va être mis sur la lutte phytosanitaire et notamment sur la flavescence dorée. Tout le monde est demandeurs de telles actions, viticulteurs comme Administration.

« L.P.V. » – On a entendu parler d’un volet « aide au vignoble », pour mettre les vignes au diapason des hauts rendements.

F.M. – Je ne présenterai pas les choses d’une manière aussi carrée. Dans l’énumération des souhaits, a en effet été inscrite une ligne « Moderniser, rationaliser le vignoble de Cognac en cohérence avec l’affectation parcellaire ». L’objectif consiste à améliorer le potentiel du vignoble pour répondre aux critères qualitatif et quantitatif de l’affectation parcellaire, tant pour le Cognac que pour les autres débouchés. Ceci étant, il faut savoir que l’aide au renouvellement normal ne « passe pas » au niveau communautaire, les autorités européennes considérant que cet effort incombe au viticulteur.

Des mesures coûtent de l’argent et d’autres non. C’est le cas de la plantation anticipée, également prévue dans « le catalogue ». Le principe en est simple. Grâce à une dérogation au cadre réglementaire, le viticulteur peut planter une vigne avant de s’être ouvert les droits correspondants, par arrachage d’une surface équivalente. Le viticulteur s’engage à régulariser la situation et donc procéder à l’arrachage au moment de l’entrée en production de la vigne. Ce dispositif, qui fonctionne dans d’autres régions de France, s’accompagne d’un système de cautionnement. A la louche, la plantation anticipée pourrait intéresser quelques centaines d’ha.

« L.P.V. » – Et les marchés dans tout cela ?

F.M. – J’y viens. Il est clair que le Plan d’adaptation va faire passer la région d’une politique d’excédents à une politique de filières. D’où tout un travail à initier sur les stratégies de filières, qui s’accompagnera forcément d’un corollaire indispensable : la contractualisation. Et quand je parle contractualisation, je pense aussi bien à la partie Cognac qu’à la partie hors Cognac. Très concrètement, comment le viticulteur va-t-il procéder à son affectation ? Il va reprendre ses ventes de Cognac chez tel et tel négociant, diviser par le rendement Cognac pour obtenir le nombre d’ha à engager. Cette base conditionnera le reste. Il faut donc que tout le monde joue le jeu si l’on veut adapter la production aux différents marchés. Il ne s’agira pas que trois mois après l’affectation des surfaces pour l’année N + 1, la maison de Cognac ou l’opérateur vin divise son engagement d’achat par deux.

« L.P.V. » – Il n’existera jamais d’assurance tous risques.

F.M. – Certes mais une bonne connaissance des marchés peut aider à la prise de décision. C’est dans cet esprit que le catalogue des mesures envisagées a retenu une action intitulée « Doter le bassin de production d’outils de gestion et d’aides à la décision ». Concrètement, sont visées au premier chef les productions « autres », vins de table, vins de base mousseux, jus de raisin. Pour le Cognac, le BNIC dispose déjà de toutes les informations nécessaires. Pour les autres débouchés, dans un premier temps, l’ONIVINS va recenser l’existant, avant de lancer d’éventuelles études spécifiques. Dans un autre ordre d’idées, il serait éventuellement envisagé de doter le vignoble d’un outil d’information géographique, une sorte de cartographie parcellaire par photo satellite, un peu sur le modèle de la PAC. Cet outil permettrait de visualiser les parcelles, avec l’affectation matérialisée par un code couleur. D’un simple clic, en rentrant son numéro d’exploitation, le viticulteur pourrait procéder à l’affectation de ses surfaces. Il s’agit d’un chantier très lourd, nécessitant d’inventorier toutes les parcelles. Son principe et son intérêt sont à confirmer par la profession. Cette cartographie pourrait également véhiculer d’autres enjeux, comme l’identification de périmètres de lutte phytosanitaire ou encore montrer que la région gère son potentiel : « qu’elle sait ce qu’elle fait et dit ce qu’elle a ». Dans les mesures à consonance structurelle, je ne voudrais pas oublier le chapitre installation/transmission. L’idée, pas très innovante je le concède, consisterait à créer une sorte de guichet unique, regroupant tous les interlocuteurs de l’installation en viticulture.

« L.P.V. » – Sur quel délai courrait ces mesures d’accompagnement, un an, deux ans, plus ?

F.M. – Pour tout ce qui concerne les mesures d’information, je dirais un an voire deux. Par contre, pour le reste, nous avons plus à faire à des actions de moyen terme, à envisager me semble-t-il sur une période de quatre-cinq ans. Maintenant, tout dépendra des enveloppes obtenues. En fonction des montants, nous serons peut-être obligés de faire des choix, tant sur la durée que sur le contenu.

« L.P.V. » – Quel est l’état d’avancement des autres dossiers : révision du décret INAO, sort des excédents Cognac, création du syndicat de défense ?

F.M. – A l’égard de la révision du décret Cognac, la procédure suit son cours, avec un teaming à la fois régional mais aussi national. Nous ne pouvons pas faire « notre petite tambouille dans notre coin » sans tenir compte des étapes imposées par le Comité national de l’INAO : commission d’enquête, réunions du Comité national… Personnellement je n’ai pas suivi le dossier sur la destruction des excédents. Je sais qu’un travail interne se poursuit au BN sous l’égide d’une commission et que quelques pistes affleurent. Quant à l’ODG (organisme de gestion), c’est encore autre chose. Je pense que sa création ne pourra pas être complètement détachée de l’émergence du bassin de production régional. Vous savez que fin décembre, le ministre de l’Agriculture a demandé aux préfets de région de nommer dans chacune de leur circonscription un coordinateur chargé de définir et de mettre en œuvre ces bassins de production avec les professionnels. Cette mission de coordination revient à la DRAF. Pour le Cognac, je ne crois pas trop m’avancer en disant que le bassin de production sera assez vite trouvé. De toute façon, quelque part, il faudra une cohérence entre ODG, bassin de production… Courant février, une large réunion tenue dans les locaux du BNIC se livrera à une première approche.

Chargé de mission viticole pour la région de Cognac, à 40 ans, Florent Morillon a déjà un parcours assez étoffé derrière lui. D’origine charentaise, il a fait l’IHEDREA à Paris puis un DESS vignes et vins à Bordeaux et enfin un 3e cycle à l’Ecole supérieure de commerce de Paris (ESCP). Sa carrière débute à l’ONIVINS Paris, puis à Bruxelles au service vins et alcools de la Commission. Il travaillera d’ailleurs à la précédente réforme de l’OCM vin. Il intègre ensuite le Service des alcools viticoles (SAV) de Libourne. De là, il devient responsable pendant cinq ans du site de stockage d’alcool d’intervention de l’ONIVINS à Longuefuy en Mayenne. Aujourd’hui, en plus de ses fonctions viticoles, Florent Morillon est responsable de l’unité PAC à la DDAF de la Charente.

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