« Une Sensibilité à La Coopération »

18 septembre 2009

Didier Gauchet, directeur de la Chambre d’agriculture 17, est partie prenante à l’action de CA 17 International. En cela, il est non seulement en accord avec ses engagements personnels mais aussi avec son rôle d’animateur. Il en est persuadé : ses collègues seront d’autant meilleurs dans leur activité de conseils qu’ils se seront frottés à d’autres cultures.

« Revue Le Paysan » – Une Chambre d’agriculture qui s’implique dans le développement international, ce n’est pas banal !

Didier Gauchet – Beaucoup de Chambres pratiquent la coopération bilatérale ou soutiennent des opérations purement caritatives, du type AFDI (*). Mais des organismes consulaires qui, comme nous, font du consulting international, il y a en effectivement très peu. Je ne connais que le Loiret.

« Revue Le Paysan » – Pourquoi avoir pris cette option ?

D.G. – J’ai vécu assez longtemps au Sénégal et possède une sensibilité marquée à la coopération. A titre personnel et en dehors de mon travail, j’interviens en tant qu’expert auprès de la FAO. Mon président, Jacques Maroteix, est lui-même convaincu de l’intérêt qu’il y a à se projeter à l’extérieur « pour changer sa vision des autres ». Entendre une autre langue, découvrir un pays étranger vous rend plus efficace et plus pertinent dans votre propre manière de fonctionner. La coopération ne marche pas dans un seul sens. C’est le grand avantage immatériel que je vois à CA 17 International. Il permet à nos techniciens de se frotter à d’autres cultures et, ce faisant, d’être meilleurs dans leur activité de conseil. D’ailleurs, la Chambre n’avait pas attendu la création du bureau d’étude pour mener quelques petites expériences à l’international. Depuis 1998, six collègues sénégalais et six collègues charentais se sont « auto-pollinisés » tous les ans, dans le cadre d’un projet financé par la coopération française, portant sur une demande de formation d’agents au conseil. Avec CA 17 International nous visons également un autre but : promouvoir les compétences de la Charente-Maritime dans les pays où nous intervenons. Il n’est jamais vain de mettre en évidence l’économie du département. Par un aspect ou par un autre, peuvent en découler des partenariats, dans le machinisme, l’agroalimentaire…

« Revue Le Paysan » – Le développement international n’est-il pas davantage du ressort des Etats ?

D.G. Je ne le pense pas. La coopération la plus imaginative et même la plus efficace relève bien souvent d’une relation de ville à ville ou de département à département. Regardez la coopération nouée entre l’agglomération de Lille et Saint-Louis du Sénégal ou encore celle de Saint-Maur-des-fossés avec une autre cité africaine, Ziguinchor. Les marchés de ces deux villes se ressemblent par bien des aspects. Si les Etats sont fondés à porter les investissements lourds, le partenariat le plus directement appréhendable par les individus est certainement celui de la coopération bilatérale. C’est aussi le moins « fongible ».

« Revue Le Paysan » – Parmi les salariés de la Chambre, combien sont-ils à être partis avec CA 17 International ?

D.G. Au bas mot, 20 à 25 personnes soit plus du tiers du personnel. Parmi eux, l’on retrouve des ingénieurs mais aussi des BTS ou des BTA. En fait, le problème n’est pas tellement celui du niveau de formation ni même celui de l’expertise au sens de la connaissance. En fait tout se joue sur la capacité à écouter, pour savoir analyser sans céder à l’envie d’interpréter « à son goût ». A mon sens, un bon conseiller est celui qui va faciliter, animer, favoriser la prise de décision individuelle et non celui qui dit « je sais le meilleur pour vous ». Celui-ci n’est pas loin de pratiquer le terrorisme intellectuel. En fait, le savoir-faire ne devrait pas aller sans savoir être. C’est peut-être cela, la spécificité de CA 17 International par rapport à d’autres cabinets, que d’intégrer la dimension humaine. Quand un agriculteur vous fait venir pour un problème de désherbant, bien souvent se cache derrière cette demande d’autres demandes qu’il faut être capable de détecter.

« Revue Le Paysan » – Votre action en faveur du développement ne suscite-t-elle pas quelques critiques du style « vous allez former des gens qui, demain, nous mangerons la laine sur le dos » ?

D.G. Bien sûr, ce type de réactions existe mais elles restent très minoritaires. Dans la société, personne ne croit vraiment que l’on arrivera à se sauver en se fermant. Et les agriculteurs peut-être moins que les autres. Ils appartiennent sans doute à l’une des catégories socio-professionnelles les plus ouvertes aux autres ainsi qu’au changement. Il est symptomatique de voir parmi eux le nombre d’enfants étrangers adoptés. Plusieurs exemples me viennent à l’esprit.

« Revue Le Paysan » – La participation de vos agents à des missions de CA 17 International ne perturbe-t-elle pas le fonctionnement de la Chambre ?

D.G. Non car ils partent à des périodes de morte-saison pour eux. Je prends l’exemple de Thierry Massias, un conseiller très demandé car c’est un grand spécialiste des pommes de terre et des légumes en général. Ses compétences font florès dans les pays de l’Est ou en Afrique, pour les cultures vivrières. Ses interventions extérieures se situent toujours en hiver et, pour lui comme pour les autres conseillers, font toujours l’objet d’une validation par les élus de Chambre, réunis en session. Par ailleurs, le principe veut que leur intervention ne coûte rien à la Chambre, voire dégage un léger profit. Salaires et déplacements sont couverts par le montant des prestations.

« Revue Le Paysan » – Pourquoi être rentré dans le capital de CA 17 International ?

D.G. La création d’une SA nous permettait d’être bien plus opérationnel car une Chambre d’agriculture, établissement para-public, doit répondre à des règles très strictes en matière de contrôle, de tutelle, de comptabilité. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que nous participons au capital d’une société. Ce fut déjà le cas lors de la privatisation du laboratoire d’analyse de sol LCA. Les Chambres d’agriculture de Poitou-Charentes-Vendée détiennent 51 % du capital, le solde se partageant entre les salariés. Ce n’est qu’à ce prix que des établissements comme les nôtres peuvent développer des outils à la lisière du commercial et du service. Pour information, le laboratoire LCA est devenu le premier laboratoire français d’analyse de sol.

« Revue Le Paysan » – Comment se traduit votre participation à l’intérieur du cabinet d’étude ?

D.G. La Chambre participe aux choix stratégiques tandis que le pilotage au quotidien relève davantage des deux autres associés, Jean-Louis Forgeard et son collègue irlandais, Franck O’Sullivan. N’ayant que deux ans d’existence, le cabinet est encore dans une phase d’investigation. Il répond aux appels d’offre et avance ses pions dans un univers éminemment concurrentiel.

« Revue Le Paysan » – Associez-vous d’autres partenaires aux missions conduites par CA 17 International ?

D.G. D’autres Chambres de Poitou-Charentes y participent, comme la Vienne mais, pour l’heure, nous n’avons pas l’intention d’élargir notre spectre d’activité ni les concours extérieurs. Dans un premier temps, le but est tout de même de « vendre », d’abord, la Charente-Maritime.

« Revue Le Paysan » – Pour revenir au local, quelle place la Chambre d’agriculture accorde-t-elle à la formation des agriculteurs ?

D.G. L’objectif de toute Chambre d’agriculture est de rendre les agriculteurs le plus autonome possible et donc de leur apporter des éléments d’aide à la décision, sous la forme d’information et de conseil. La Charente-Maritime a toujours été un département assez conséquent en matière de formation. Elle fait partie des 4-5 plus gros départements français utilisateurs de fonds de formation. Dans le grand Sud-Ouest, nous arrivons en tête au côté de l’Ariège, au prorata du poids de chacun s’entend. S’il fallait trouver un particularisme à la Chambre d’agriculture 17, je dirais que c’est une institution qui a su refuser les moules. Peut-être le doit-elle au vieil anarchiste que je suis ainsi qu’à son président, qui n’est pas davantage homme de préjugés ou d’idées toutes faites. Quelque chose me plaît bien, qui est pratiqué depuis huit ans : c’est la rémunération basée sur l’évaluation des compétences. Ce système, inscrit dans la convention collective, nous a coûté cher mais s’est traduit par une mise à niveau importante. Certains de nos agents ont vu leurs salaires bloqués tandis que d’autres rémunérations progressaient de manière sensible. Cette reconnaissance des compétences vaut à la Chambre de n’avoir quasiment pas de turn over parmi son personnel. Les gens restent à la Chambre. Une autre chose est importante et me tient beaucoup à cœur : ce sont les actions conduites en direction du développement local.

« Revue Le Paysan » – Qu’entendez-vous par là ?

D.G. L’agriculture a beau être gestionnaire de l’espace rural, elle n’en devient pas moins minoritaire. Dans ces conditions, comment exercer un lobbying efficace auprès des élus ? Depuis une dizaine d’années déjà, nous avons pris le parti d’investir le développement local, non sans une certaine réussite. Des agents de Chambre sont chargés par les élus d’animer des comités de Pays, des communes rurales ou des communautés de communes pour faire émerger des projets. C’est ainsi que la Chambre intervient sur des plans paysagers, des actions touristiques ou s’occupe de la gestion des plans d’épandage. Nous avons un gros bureau d’étude spécialisé dans le traitement des boues d’épuration. Il suit 80 % des stations du département.

« Revue Le Paysan » – Cette panoplie d’activités ne risque-t-elle pas, un jour, de faire basculer l’agriculture au second plan au sein de la Chambre ?

D.G. Sur le budget 2003, le plus gros service de la Chambre reste le service production composé du conseil aux cultures, à l’élevage, à la viticulture… Les fondamentaux ne changent pas. Rien ne se fait au détriment de l’existant mais en plus. Tourisme et agriculture constituent toujours les deux piliers de la Charente-Maritime, un département qui compte encore 10 000 agriculteurs, au dernier recensement du RGA.

La Planète Est Sa Maison

Ingénieur agronome, diplômé de l’école de Toulouse, Didier Gauchet est normand par hasard, parisien de par son vécu d’enfant et d’adolescent et homme de tous les mondes par choix et nécessité profonde. La planète est sa maison. Jeune homme, il part en Afrique faire de la recherche-développement en élevage. Il y rencontre sa femme et devient un peu éleveur, dans une ferme laitière. C’est le temps des voyages, au Pakistan, en Inde… Il entre dans une société de semences où il s’ennuie vite. Retour en métropole et découverte des OPA, d’abord en Deux-Sèvres puis en Charente-Maritime où il s’occupe d’élevage, puis accède à la direction de la Chambre d’agriculture en 1989.

Agé de 52 ans, ancien rugbyman, on dit de lui que c’est une « bête de travail ». En dehors de ses occupations professionnelles, il intervient sur des projets des Nations-Unies. Sa fierté, ce sont ses enfants, deux garçons très versés comme lui dans la connaissance des autres. Classes européennes pour tous les deux, maîtrise des langues étrangères et voyages au long cours. Le cadet, de 17 ans, revient d’un séjour d’un an au Japon. Parlant anglais depuis la maternelle, il s’exprime aussi en espagnol, russe et maintenant en japonais. En fin d’année, la famille s’apprêtait à accueillir des enfants taïwanais et mexicains. Internationalisme à tous les étages dans cette maison rochelaise qui sait ce que le mot rencontre veut dire.

 

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