Vers un financement « durable » de la filière

18 mars 2009

photo_16.jpgDans tout mandat électoral une constante s’affiche : plus les chantiers se lancent tôt, plus ils ont de chances d’aboutir. Lors de son premier mandat de président, Ch. Baudry avait mené tambour battant la structuration de la filière (séparation nette des rôles entre Comité et Syndicat). Son second mandat, il le place sous un double objectif : doter le Comité de sources de financement « durables » et partir à l’assaut de la grande distribution via la promotion, pour franchir une nouvelle étape en terme de volumes.

« Le Paysan Vigneron » – Votre premier mandat, vous l’aviez consacré à l’organisation de la filière.

Christian Baudry – En effet, je m’étais concentré sur le fait de savoir « qui faisait quoi » entre le Comité et le Syndicat. Quand les rôles sont différents, il est important que les représentants soient différents et que les gens qui cautionnent ses représentants soient différents aussi. La défense de l’appellation ou la mise en œuvre de la promotion ne relèvent pas forcément des mêmes intervenants. Ce travail a été fait et je m’aperçois que mon successeur, lors des trois dernières années, n’y est pas revenu. Je n’y toucherai pas moi non plus. Par contre, il y a deux points sur lesquels je souhaite me focaliser : réussir à mettre en place un financement « durable » du Comité et lancer une offensive promotionnelle vers la grande distribution, afin que les ventes de Pineau franchissent une nouvelle étape.

« L.P.V. » – Qu’entendez-vous par « financement durable » ?

Ch.B. – Cela signifie que le Comité doit être financé autrement que par des expédients ou le recours à des subventions ponctuelles. Je considère qu’un financement durable du Comité du Pineau passe à la fois par une diminution sensible de la taxation et par une augmentation sensible de la CVO (cotisation volontaire obligatoire) consacrée à la publicité et à la promotion. Les deux sont liées. On ne peut pas concevoir une augmentation de la CVO sans baisse des accises. Par contre ne pas augmenter la CVO en cas de diminution des taxes serait irresponsable, car l’on sait très bien que certains acheteurs exigeraient que cette augmentation leur soit restituée. L’augmentation de la CVO permettrait au moins de garder pour la filière une partie de la marge liée à la baisse.

« L.P.V. » – Vous parlez de la baisse des taxes comme si elle allait de soit mais elle n’est pas acquise à ce jour.

Ch.B. – De toute manière, cette baisse des taxes ne pourra intervenir que par une loi de finance, soit sur proposition du gouvernement, soit sur amendement des députés. A ce niveau, c’est un dossier politique qui devra être traité au plan politique et au plus haut niveau, par le premier ministre lui-même.

« L.P.V. » – En quoi la décision de la cour d’appel d’Agen, attendue pour le 10 septembre prochain, peut-elle interférer ?

Ch.B. – Quelle que soit la décision, son influence ne sera pas négligeable. Si la cour d’appel d’Agen nous donne raison, il y aura une incidence directe et énorme sur la prochaine loi de finance, voté fin octobre-début novembre. Si les magistrats nous déboutent, cela signifiera peut-être que la taxation n’est pas illégale mais ne présumera en rien de son caractère « normal ». N’oublions pas que la grève des taxes qui se poursuit constitue un moyen de pression très puissant. A mon avis, on ne sortira de ce bras de fer que par compromis et un accord au niveau politique.

« L.P.V. » – Ce n’est pourtant pas la première grève que vous poursuivez.

Ch.B. – Il y a huit ans, notre grève s’était traduite par un accord où, en contrepartie d’aides financières, l’on acceptait de reporter le problème. Aujourd’hui, nous n’avons plus aucune raison d’accepter un tel « report à nouveau ».

« L.P.V. » – Quelle diminution vous satisferait ?

Ch.B. – Dans l’absolu, une baisse de trois quarts des taxes nous comblerait mais une diminution de la moitié serait acceptable. Par contre un abaissement de la taxation limité à 1 ou 2 F serait carrément insupportable. Nous sommes à un niveau de taxation de 14 F le litre (2,14 euros). Nous devons au moins obtenir une baisse supérieure à un euro. Nous reviendra ensuite le soin de déterminer entre nous la part qui servira à la promotion collective via une augmentation de la CVO et la part qui devra rester aux opérateurs pour la promotion individuelle. Si l’on veut que tout cela soit programmé pour le budget 2004, nous devrons être prêts en octobre 2003 en ayant pris les orientations nécessaires car une extension de CVO suppose un délai de deux mois. Ainsi, ai-je l’intention de provoquer assez vite une réunion de bureau (1) des 24 membres du Comité (12 viticulteurs, 12 négociants), suivie d’une assemblée générale de ce même Comité qui entérinera l’augmentation de CVO.

« L.P.V. » – La loi de finance étant voté en octobre-novembre, n’allez-vous pas vous heurter à un problème de calendrier, sachant, comme vous l’avez dit, que l’augmentation de la CVO doit s’appuyer sur une baisse des taxes.

Ch.B. – Effectivement, nous risquons d’être un peu acrobatique au niveau des délais mais ceci témoigne également de notre volontarisme en la matière.

« L.P.V. » – En préambule, vous évoquiez un autre objectif : partir à la conquête de la grande distribution.

Ch.B. – L’orientation à donner à la promotion collective – arbitrage entre publicité estivale-promotion dans la grande distribution – est forcément très influencé par le financement. C’est pour cela qu’il convenait d’aborder ce point en premier. Mais c’est vrai qu’un autre sujet me tient très à cœur : que le Pineau réussisse à obtenir une meilleure implantation dans la grande distribution. C’est quelque chose que nous avions déjà essayé de faire il y a six ou sept ans mais, manifestement, nous n’étions pas prêts. Nous l’avons mal fait et cela n’a pas donné les résultats escomptés. Aujourd’hui, six ans après, nous sommes dans un autre contexte, tant volumique qu’en terme d’implantation dans la grande distribution. Certains opérateurs y ont plus d’intérêts, plus de compétences aussi. Ainsi s’agit-il d’un axe qu’il faut certainement étudier.

« L.P.V. » – Quand vous parlez de promotion en grande distribution, que visez-vous, les actions directes auprès des consommateurs ?

Ch.B. – En effet, si l’on veut vendre, il faut faire augmenter le « facing » des produits, autrement dit, en français, que la ligne du rayon qui nous est attribuée soit plus grande. Cela nécessite entre autres d’avoir plusieurs marques, d’élargir la gamme de produits – Vieux Pineaux… – afin qu’à chaque fois nous gagnions l’épaisseur d’une bouteille. Il s’agit de tout un travail de programmation. Il faudra qu’un groupe de travail, au sein de la commission publicité, se penche sur ce problème. Nous attendons aussi le résultat de l’étude auprès des consommateurs qui a été commanditée au printemps et qui va se terminer fin août. Comment le produit est-il perçu, quels échos recueillent nos campagnes de promotion ? C’est tout cela qu’il faudra décrypter.

« L.P.V. » – Ne craignez-vous pas que l’on vous accuse de faire des « cadeaux » aux opérateurs déjà implantés dans la grande distribution ?

Ch.B. – Quand il se vend une bouteille de plus dans la grande distribution à un nouveau consommateur, c’est 75 cl de Pineau qui est acheté au départ à un producteur de la région. Il n’y a pas les « bons » et les « mauvais ». Il y a ceux qui vendent et ceux qui ne vendent pas. Plus on vend, plus il sort de Pineau des chais des viticulteurs et l’on s’aperçoit que, parallèlement, plus on vend, plus la marge a tendance à augmenter et inversement, moins elle progresse quand les ventes stagnent. Pour être un peu provocateur, je dirais que le rôle de l’interprofession est de faire des « cadeaux » à ceux qui vendent ou qui veulent vendre. Il faut surtout s’enlever de la tête « qu’il ne faut pas faire cela parce que cela pourrait profiter à quelqu’un ». Je dirais au contraire « qu’il faut faire cela parce que ça profite in fine au producteur de base ». La « trouille » de Cognac pour la publicité générique vient de là. « Mon voisin pourrait en profiter. » Tant mieux si ça lui profite ! Cela profite à ceux qui savent utiliser les moyens qu’on leur donne et il y en a un certain nombre. De toute manière nous n’avons pas le choix. Si nous voulons franchir une nouvelle étape et dépasser significativement les 100 000 hl d’aujourd’hui, nous ne pouvons pas faire autre chose que vendre des bouteilles, vendre des bouteilles et encore vendre des bouteilles.

« L.P.V. » – Le Pineau a-t-il un tel potentiel de développement ?

Ch.B. – Qu’est-ce qui marche bien à Cognac aujourd’hui ? Les liqueurs à base de Cognac, qu’elles s’appellent Alizé de Lafragette, Hpnotiq de Merlet, Rémy red… Or quel est l’autre produit fait à base de Cognac ? Le Pineau, lui aussi de faible degré, vendu aujourd’hui dans le créneau des apéritifs mais que l’on pourrait très bien assimiler à celui des liqueurs douces, notamment à l’export. Quand je vois ce fameux marché américain qui explose et que j’ai connu fluctuant depuis 25 ans, je me dis qu’il y a une place à gagner pour le Pineau. L’aventure américaine est à notre portée.

« L.P.V. » – N’avez-vous pas essuyé une tentative infructueuse dans les années 1997.

Ch.B. – Il faut s’y prendre différemment. Il convient de s’appuyer sur des entreprises qui connaissent le marché. Ce sont les gens sur place qui vendent. Les marchés sont à conquérir par les importateurs. La bonne fortune des liqueurs comme Alizé ou Hpnotiq nous le prouve tous les jours. Il convient peut-être d’aider les opérateurs mais surtout, surtout, ne pas se mettre à leur place. La mésaventure de Taïwan est là pour nous le rappeler. Que s’est-il passé ? Le marché progressait de manière satisfaisante grâce à un importateur et comme les ventes se développaient, nous nous sommes dit que nous allions y mettre de l’argent. La Sopexa a échafaudé tout un plan de communication qui a eu pour seul résultat de perturber l’image et casser le marché. Moral de l’histoire : nous avons dépensé 1 million d’euros pour faire disparaître un marché.

« L.P.V. » – Le Pineau peut-il être un produit « à la mode » ? Les Vins Doux Naturels, pour ne citer qu’eux, ont un peu de mal à recruter des consommateurs.

Ch.B. – Il ne faut pas dire cela. Des produits comme les Muscats de Lunel, les Beaumes de Venise et même les Rasteau marchent très bien. Le marasme n’atteint pas tous les VDN. Sont touchés le Grand Roussillon, les Rivesaltes. C’est comme dans les vins, entre les vins haut de gamme qui tirent leur épingle du jeu et le gros rouge traditionnel qui ne fonctionne plus, y compris certains « gros rouges » d’appellation. Parce qu’il est léger tout en étant doux, le Pineau s’apparente aux vins « modernes ». Les vins doux et lourds se sont cassé la figure. Les vins légers mais trop secs, type Muscadet, rencontrent beaucoup de problèmes. Ce qui a le vent en poupe aujourd’hui, ce sont les vins légers et moelleux (doux). Le Pineau appartient à ce créneau.

« L.P.V. » – En terme de croissance des ventes, vous fixez-vous un objectif ?

Ch.B. – Je ne prendrai pas ce risque. Il y a six ans, nous parlions d’une augmentation des ventes de 50 % dans les trois ans à venir. Nous y sommes arrivés mais dans un laps de temps deux fois plus long.

« L.P.V. » – A votre avis, par quoi passe la progression des volumes ?

Ch.B. – Par une stratégie adaptée mais aussi et surtout par des moyens financiers. Nous sommes dans un univers où nos concurrents directs s’appellent Martini, Cinzano… Tous ces apéritifs disposent de moyens énormes. Il faut se mettre en avant pour rappeler que l’on existe. C’est à ce prix que nous pourrons être présents et nous développer demain.

(1) Le bureau directeur du Comité du Pineau comptait 12 membres. Il a été décidé de l’élargir aux vingt-quatre opérateurs qui composent l’assemblée générale. Il devrait se réunir 4 ou 5 fois par an. Un bureau restreint de 7 membres a la charge d’expédier les affaires courantes.

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