« Servons-Nous De La QNV d’Exploitation »

19 janvier 2009

En tant que président du Syndicat viticole de la Confédération Paysanne, Bernard Bégaud a souhaité s’exprimer sur deux sujets : la représentativité des différents syndicats au sein du SGV Cognac et le niveau de QNV ou, plus exactement, son raisonnement dans le cadre d’une « QNV d’exploitation », dont le système serait étendu à tous.

« Revue Le Paysan » – On ne vous voyait plus beaucoup cet an-ci.

bernard_begaud.jpgBernard Bégaud – Je suis toujours président du Syndicat viticole de la Confédération paysanne mais notre syndicat n’a qu’un seul représentant au sein du conseil d’administration du SGV Cognac. Ce n’est pas de notre fait mais de ceux qui ont voté. On ne peut que se réjouir de l’élection de notre collègue Yves Dubiny mais c’est vrai que pour avoir participé activement, avec 4 ou 5 autres membres de la Confédération, à la naissance du syndicat, on a le sentiment d’avoir été un peu oublié.

« R.L.P. » – Grandeur et servitudes de toute consultation démocratique ! En se présentant, on court à chaque fois le risque de ne pas être élu.

B.G. – Certes mais je crois quand même que la pérennité d’un syndicat général, si l’on veut qu’il reste général, implique que toutes les sensibilités soient représentées, dans la mesure bien sûr où ces sensibilités souhaitent s’exprimer. On ne peut pas non plus revendiquer une représentation sans en manifester l’envie. Si le jeu démocratique exige que tout le monde soit présent au débat, je suis d’accord pour reconnaître que, dès qu’il y a vote, il y a risque que tous les courants ne figurent pas au tableau. Peut-on faire autrement ? A côté d’une représentation élective traditionnelle, peut-être serait-il bon de prévoir la désignation d’un ou deux membres de chaque syndicat. Il y a sans doute une réflexion à mener sur la mise en place d’un système à double représentation.

« R.L.P. » – Pourquoi n’avez-vous pas remporté plus de postes à l’élection du SGV Cognac ?

B.G. – L’explication, très simple, tient au mode d’élection à deux niveaux. Tous les gens de notre syndicat qui se sont présentés dans les circonscriptions ont été élus, c’est clair. Et il est tout aussi clair, qu’au deuxième niveau, des tendances se sont exprimées, une tendance FSVC et une tendance Syndicat viticole. Le test de représentativité du BNIC, fondé sur un suffrage à un tour, n’avait pas donné les mêmes résultats. Alors qu’on nous créditait d’à peine 2-3 %, nous avions obtenu 15 % des voix.

« R.L.P. » – A l’instar des autres syndicats, vous auriez pu créer votre propre courant « Confédération paysanne ».

B.G. – Nous ne sommes pas allés à cette élection pour exprimer une tendance. Rentrer dans un tel système revenait à reproduire à terme ce que l’on avait connu pendant trente ans à l’interprofession et ce que l’on avait voulu bannir avec le Syndicat général. Pourtant, le fait est là. Demain, le Syndicat général pourrait ne plus être que la résultante d’une tendance et, alors, il pourrait assez rapidement advenir qu’il n’y ait plus de Syndicat général. J’y vois un risque grave. Comment expliquer que dans cette région, historiquement, il y est toujours eu plus de divisions que de rassemblements ? Les divisions sont toujours survenues par le fait qu’une tendance tenait le pouvoir et qu’une dissidence, de facto, émergeait. Ce fut le cas avec la FSVC, dissidente de la FVC mais aussi du Modef, de la Confédération, de la Coordination. C’est humain ! Les minoritaires font toujours tout ce qu’il faut pour fissurer le bloc majoritaire. Comment assurer la cohésion d’une région, ce mythe derrière lequel tout le monde court ? Sans doute en permettant l’expression des oppositions au sein d’un groupe. C’est l’utopie démocratique, à la fois impossible à réaliser et sans qui rien n’est possible.

« R.L.P. » – Quels sont vos rapports avec le Syndicat général ?

B.G. – Que les choses soient claires ! Pour moi et pour le Syndicat que je représente, la légitimité du Syndicat général des vignerons est totale et la liberté d’expression entière. Mais pour l’avenir, et non pour le passé, un Syndicat général doit s’organiser sur un autre système que celui des luttes de clan. Les formations syndicales ne sont pas là pour essayer de ficeler, verrouiller ou compliquer le débat mais au contraire pour soutenir, cautionner et participer au Syndicat général, sans s’interdire les réflexions individuelles au sein de chaque organisation. A la Confédération, nous avons eu toujours le souci de l’unité régionale, sans notion de départements ou de crus. Pourquoi ? Parce qu’il ne relève pas de notre responsabilité de décréter que telle partie de la région est meilleure qu’une autre. En guise de boutade, l’on pourrait dire que le négoce s’en charge. N’a-t-on pas vu des petites régions tomber en disgrâce trois années de suite pour être « récupérées » la quatrième, ces louvoiements n’ayant d’ailleurs qu’un seul but, faire baisser les prix. Il est assez paradoxal qu’une organisation comme la nôtre, ayant toujours défendu l’unité de la région délimitée, ait été la première et pratiquement la seule à dénoncer le déclassement des crus.

« R.L.P. » – D’un point de vue tactique, à l’intérieur du Syndicat général, a-t-on plus de poids à dix qu’à deux ou un seul ?

B.G. – Je ne pense pas que la question se pose en ces termes. Qui a proposé l’affectation des surfaces ? La Confédération paysanne, et aujourd’hui l’idée est reprise par tous. Nous avons toujours tenu la barre dans la direction qui nous semblait bonne et tant mieux si nos propositions ont pu être reprises. Pour les 15 % de viticulteurs qui avaient voté pour nous lors du test de représentativité, il était important de faire avancer nos idées.

« R.L.P. » – Justement, quel avenir pour ces idées ?

B.G. – Aujourd’hui nous sommes devant un problème grave. D’un côté, la responsabilité professionnelle plaide pour une recherche d’équilibre structurel et donc pour un maintien des 6 de pur et de l’autre, la position de chef d’exploitation appelle à un souci de rentabilité. Comment concilier les deux, comme gérer cet atermoiement ? Dans un contexte où le marché absorbe grosso modo 400 000 hl AP de Cognac et où, à 6 de pur ha, la capacité de production atteint les 480 000 hl AP, je ne vois pas comment on peut raisonnablement parler d’augmenter la QNV de 0,25, 0,50 ou 0,75 hl AP. D’où tire-t-on ces chiffres ? Certes, certaines maisons se développent et l’on ne va pas s’en plaindre mais elles se développent parce que d’autres diminuent ou, en tout cas, elles prospèrent tandis que d’autres se stabilisent ou perdent des parts de marché. Quoi qu’il en soit, les ventes n’augmentent de guère plus de 1 %. En fonction de cet indicateur, le Syndicat viticole de la Confédération paysanne est favorable au maintien des 6 pour cette campagne et j’espère que le Syndicat général aura la même clarté.

« R.L.P. » – Vous parliez tout à l’heure d’une tension entre intérêt général et intérêt individuel ?

B.G. – La question de l’augmentation de la QNV est à la foi normale et dangereuse. Allez demander à un malade s’il veut la santé ! Le danger il est là : poser des questions d’équilibre régional à des personnes qui n’en sont pas en charge, même si beaucoup en ont le souci. A la Confédération, nous disons qu’à moyen terme et même à court terme, il est nécessaire que la QNV augmente mais qu’en parallèle, cette augmentation doit être sous-tendue par une affectation des surfaces à d’autres débouchés que le Cognac. Comment y parvenir ? Voilà bien la question. D’abord en décrochant de l’Administration des rendements différenciés – ce ne sera pas le plus facile – et ensuite en utilisant intelligemment la QNV d’exploitation, telle qu’elle existe aujourd’hui.

« R.L.P. » – Qu’entendez-vous par là ?

B.G. – Le problème consiste bien à tenir la ficelle par les deux bouts, à préserver à la fois l’équilibre régional et la rentabilité individuelle des exploitations. Alors, servons-nous de la QNV d’exploitation pour concentrer – je dirais « rapiloter » – la production Cognac sur moins d’ha, en libérant ainsi des surfaces à d’autres productions. On y gagnera à la fois en terme de rentabilité Cognac et en terme de revenu dégagé sur d’autres productions, telles que vin de table, vin de base mousseux, jus de raisin. Cette concentration fonctionnerait comme une sorte de quota d’exploitation Cognac (6 hl AP x par la surface viticole de l’exploitation), à prendre sur le nombre d’ha souhaité et elle s’exercerait, bien sûr, dans la limite du raisonnable. Pas question de pouvoir produire 12 hl AP sur un même ha. Juridiquement, c’est faisable. La QNV d’exploitation s’applique déjà dans le cadre de la restructuration et les quotas laitiers existent bien. Ce système pourrait démarrer dès 2003 et mettrait fin à toutes ces rumeurs gravissimes sur le dépassement de QNV. C’est moralement et juridiquement inadmissible que soient contestées les signatures de trois ministres. Une viticulture majeure a le devoir de faire preuve de perspicacité. Je dirais qu’aujourd’hui, le souci de la rentabilité des hectares est du ressort de la viticulture, non du négoce.

« R.L.P. » – Et les prix ?

B.G. – Tout le monde sait très bien qu’ils doivent être relevés pour atteindre un niveau équitable. Quand je parle d’un prix équitable, c’est d’un prix qui respecte le viticulteur. Aujourd’hui, le commerce du Cognac n’est pas en crise. C’est la viticulture qui est en crise. Je m’oppose à la vision selon laquelle le commerce équitable ne concernerait que les relations Nord/Sud. C’est complètement faux. Le problème touche tous les producteurs de matières premières, quel que que soit le lieu. La situation est la même, ici, à Cognac qu’en Afrique ou en Amérique latine.

« R.L.P. » – La crainte est parfois exprimée que le négoce se désintéresse du Cognac.

B.G. – Ce risque ne résiste pas à l’examen. Ce qui est vrai, c’est que les négociants veulent toujours moins payer les matières premières et dans le même temps, augmenter les marges pour satisfaire leurs investisseurs. Les négociants, dit-on, se désengageraient de Cognac pour aller ailleurs ? Mais pour aller où ? Existe-t-il un paradis où les prix n’existent pas, où l’approvisionnement ne coûte rien ? Non, de ce côté-là, il n’y a aucun danger. De plus, le négoce a construit son commerce sur sa marque, qui est, qu’on le veuille ou non, plus ou moins liée au produit. Il ne peut pas se saborder. Je crois que nous sommes passés d’une région fragilisée, d’une viticulture vivant dans la peur à une viticulture qui n’a pas craint de se montrer lors des dernières manifestations. Il y a eu un pas de fait. Alors n’annulons pas ce pas en nous mettant à la place du négoce et en cultivant des peurs qui n’ont pas lieu d’être. La viticulture n’a pas à avoir peur ni à avoir honte de ce qu’elle est. Le soleil se lève aussi bien pour nous que pour le négoce.

« R.L.P. – Le revenu viticole est également entamé par le jeu du rendement agronomique. A un certain moment, votre syndicat n’a-t-il pas été favorable au rendement agronomique ?

B.G. – C’est faux. Notre seule proposition fut celle de l’affectation de surface assortie de limitations de rendements. Mais quand on fait des propositions, elles sont globales et l’on ne peut pas empêcher que les politiques extraient ce qui les intéresse et ignorent le reste. Le rendement agronomique n’a jamais été une idée de viticulteur. Il n’évite rien du tout, même pas les excédents. Si vous faites du Pineau, aurez-vous l’idée de produire 120 hl/ha, même chose pour le vin de pays ou même le vin de table. Non, le rendement économique sert uniquement à faire économiser de l’argent à Bruxelles. Le rendement agronomique doit se maintenir à 120, jusqu’au jour où il y a aura une vraie affectation des surfaces avec des rendements différenciés à la clé.

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