Une installation de préchauffage des vins « maison »

1 mars 2012

Le préchauffage des vins est un moyen efficace de réduire les consommations de gaz, mais l’utilisation des réchauffe-vins traditionnels nécessite une grande vigilance. L’hygiène de ce récipient et la durée de préchauffage statique (variant de 1 heure à plusieurs heures) peuvent fragiliser la qualité des vins. Bernard et Julien Foucher ont pendant très longtemps refusé de préchauffer les vins car cette pratique n’était pas en phase avec leurs attentes de qualité. La forte augmentation du prix du gaz les a amenés à reconsidérer leur position. Depuis deux campagnes, ils préchauffent les vins en ligne à partir d’une installation qu’ils ont eux-mêmes pensé.

 

 

p311.jpgBernard et Julien Foucher conduisent depuis longtemps une réflexion qualité globale empreinte de réalisme économique sur leur propriété d’une quarantaine d’hectares, située sur la commune de La Brousse. La production de raisins de qualité et l’extraction du potentiel aromatique contenu dans les baies et les vins sont conduites en tenant compte des attentes du principal acheteur d’eaux-de-vie. Le fait de distiller à la propriété l’ensemble de la production de vin rend ces viticulteurs attentifs à la qualité des eaux-de-vie : « En tant que bouilleurs de cru, il nous paraît essentiel de chercher à élaborer des eaux-de-vie dont la typicité corresponde aux attentes de notre acheteur. Nous essayons en permanence de réfléchir aux moyens qui permettent d’aller plus loin dans la recherche de qualité tout en faisant preuve de réalisme économique. Les discussions que nous avons depuis longtemps avec l’œnologue et les techniciens de la maison Hennessy nous ont convaincus de l’intérêt d’avoir une réflexion qualité globale dès la cueillette des raisins pour obtenir à la sortie de l’alambic des eaux-de-vie riches et aromatiques. Au fil des années, on a essayé d’organiser nos méthodes de travail au niveau de la vinification et de la distillation en recherchant les solutions les plus rationnelles sur le plan économique. Techniquement aujourd’hui tout est possible mais certains investissements et les charges qui en découlent ne sont pas en phase avec les impératifs de bonne gestion de notre propriété. »

Une volonté permanente de concilier technologie et réalisme économique

p312.jpgL’engagement qualité s’est effectué avec sagesse en investissant de manière raisonnée et raisonnable sur toutes les étapes clés. La première phase a concerné, il y a une quinzaine d’années, l’atelier de traitement de la vendange qui a été pensé et construit en commun avec un voisin. Cela leur a permis de se doter d’un outil technologique performant (3 pressoirs pneumatiques de 60 hl et des cuves de décantation) pour traiter les raisins sans attente et en ne surchargeant jamais les pressoirs. Ensuite, au début des années 2000, la succession de vendanges en conditions plus chaudes a sensibilisé ces deux producteurs de l’intérêt de la maîtrise thermique. Le fait de disposer de cuves de capacités de 400 à 500 hl amplifiait aussi les élévations de températures durant la conduite des fermentations alcooliques. Dès 2002, la propriété s’était équipée d’une unité de maîtrise thermique permettant à la fois de mettre à température les moûts en ligne (avec un échangeur tubulaire) et de contrôler les températures de fermentation autour de 25 °C. L’investissement dans la maîtrise thermique a été abordé « en bon père de famille » en cherchant à se doter d’une installation simple et la moins coûteuse possible. Comme le déroulement des vendanges dure deux semaines, les besoins thermiques de pointe ne sont plus étalés dans le temps. Ensuite, B. et J. Foucher ont choisi de travailler à partir un stock d’eaux froides (à 5 à 6 °C) conséquent en utilisant l’inertie thermique des cuves en béton de l’ancien chai de vinification. La conjonction de ces éléments leur a permis d’acquérir un groupe de froid de puissance moins importante qui s’est avéré être beaucoup moins coûteux. Lors d’années très précoces et chaudes comme 2003, 2005, 2009 ou 2011, l’installation a été très performante. Les millésimes tardifs avec des matinées fraîches, un préchauffage des moûts en ligne est réalisé en utilisant l’échangeur tubulaire et l’alambic de 25 hl comme centrale de production d’eau chaude.

Deux alambics pour réduire la durée de distillation

L’agrandissement de l’exploitation au milieu des années 2000 a suscité la mise en œuvre d’une nouvelle réflexion au niveau de l’atelier de distillation. B. et J. Foucher ne cachent pas qu’ils n’envisagent pas d’être viticulteurs sans distiller leur production eux-mêmes : « De tout temps nous avons distillé et l’alambic est le matériel le plus rentable d’une exploitation viticole. La propriété était équipée d’un seul alambic de 25 hl sans réchauffe-vin car cet élément nous a toujours semblé dangereux pour la qualité des vins. Avec l’agrandissement de la surface à 20 ha, il nous a tout de même semblé que notre unique chaudière allait être trop juste pour distiller 4 500 à 6 000 hl de vin. Nous avons donc décidé de faire monter une seconde chaudière de 20 hl, toujours sans réchauffe-vin. L’utilisation des deux alambics a permis de réduire la durée de distillation à deux mois et demi, ce qui permet de terminer chaque année avant la fin janvier. Comme une grande partie de notre cuverie de vinification est implantée à l’extérieur, les vins sont soumis au réchauffement naturel du climat. Les mois de janvier et de février parfois doux peuvent entraîner une dégradation rapide de la qualité des vins et nous ne voulions pas prendre un tel risque. »

Le préchauffage des vins, un levier important pour réduire les consommations de gaz

L’agencement de la distillerie de ces bouilleurs de cru a subi des aménagements au fil des années, pour améliorer les conditions de révélation du potentiel aromatique des eaux-de-vie. B. Foucher, qui passe tous ses hivers depuis trente ans dans la distillerie, est très attentif aux petits détails qui permettent d’enrichir en arômes les eaux-de-vie. Il a acquis une expérience qu’il transmet à son fils, ce qui leur permet d’aller plus loin dans la réflexion qualité. L’augmentation significative des charges de distillation est en grande partie liée à la forte hausse du prix du gaz ces dernières années. Dans une distillerie existante, les pistes pour réduire les consommations de gaz ne sont pas nombreuses, une meilleure gestion du tirage des cheminées et le préchauffage des vins. Depuis deux campagnes, la diminution du coût de la distillation a été au cœur des préoccupations de ces deux viticulteurs : « Nous essayons chaque année d’adapter la conduite des cycles de distillation aux caractéristiques de chaque millésime. Il n’y a pas deux années qui se ressemblent même si on met en œuvre une méthode de distillation identique. Distiller est un travail qui mobilise du temps et nécessite un investissement personnel pendant plusieurs mois. La distillation de chaque cuve de vin doit être abordée avec la volonté de se donner les moyens de sortir le meilleur. Au début de chaque campagne, les conseils de l’équipe de dégustateurs de la grande maison avec laquelle je travaille m’aident à caler les coulages. Les paramètres des cycles de distillation qui donnent satisfaction pour les premières cuves représentent une base de travail qui ensuite évolue au fil des semaines. Depuis plusieurs années, la forte hausse du prix du gaz qui dépasse maintenant 800 € HT/t nous a amenés à nous intéresser au préchauffage des vins. Le fait de laisser des vins monter en température pendant plus d’une heure dans la distillerie nous a toujours paru être une pratique à risque. Notre souhait était d’aborder le préchauffage d’une autre manière et on s’est renseigné auprès de notre acheteur et de différents collègues pour essayer de trouver le moyen de préchauffage rapide. Après divers essais, nous avons opté pour le montage d’une installation de préchauffage en ligne (pour atteindre entre 35 à 40 °C) que nous avons en grande partie pensée et réalisée nous-mêmes ».

Une citerne isotherme « maison » qui alimente un échangeur multitubulaire

Le fait de préchauffer les vins en ligne au moment du chargement des chaudières est une pratique qui s’est fortement développée au cours des dernières années sous l’impulsion des constructeurs qui proposent diverses solutions technologiques. J. et B. Foucher, après avoir visité plusieurs distilleries équipées de tels systèmes, ont décidé de réfléchir à la mise en œuvre d’une installation plus rationnelle sur le plan économique. Les conditions de stockage des eaux chaudes à la sortie des pipes jouent un rôle déterminant sur le potentiel d’énergie disponible pour réaliser le préchauffage. L’achat d’une cuve isotherme d’occasion de 90 hl représentait un investissement incontournable mais lourd. Ces viticulteurs ont eu l’idée d’acheter une citerne inox routière de réforme de 90 hl provenant d’une laiterie (installée à l’arrière de la distillerie sur une plate-forme béton) qu’ils ont isolée avec des panneaux Sandwich. Ces plaques utilisées pour l’isolation des bâtiments sont faciles à poser. La citerne a été recouverte d’un « coffre isolant » qui présente l’avantage de bien résister à la pluie et aux ultra-violets. Les eaux chaudes ont pu être maintenues à plus de 60 °C pendant une durée de 12 heures. L’investissement total dans la cuve, la plate-forme et l’isolation ne dépasse pas 4 000 € HT, ce qui est très modique (2 500 € pour la cuve et 1 000 € ht pour l’isolation). Ensuite, les essais d’utilisation de l’échangeur tubulaire pour préchauffer les vins en ligne se sont révélés décevants. La capacité d’échange insuffisante de l’appareil ne permettait pas d’élever les températures à plus de 20 à 25 °C. J. et B. Foucher ont donc décidé d’acheter à la société Satif un échangeur multitubulaire. Le préchauffage de 25 hl de vin à 35 à 40 °C se déroule sans contrainte au moment de la charge sans utiliser la totalité de la réserve d’eau chaude. Chaque chaudière est chargée en 20 minutes et le temps nécessaire à cette opération ne provoque aucun décalage dans les cycles de distillation puisque la durée de mise au courant est écourtée d’environ une heure.

11 500 € ht d’investissement total pour deux alambics

p33.jpgL’installation de préchauffage qui est opérationnelle depuis deux campagnes donne pleine satisfaction à la fois sur les plans qualitatif et économique. Ces deux viticulteurs estiment néanmoins que l’intervention de préchauffage doit être conduite avec beaucoup de sérieux : « La mise en œuvre du préchauffage en ligne des vins doit être abordée en portant une attention particulière à l’hygiène au niveau des tuyauteries. Les réseaux de canalisations entre la cuverie et les alambics sont lavés systématiquement à grande eau après chaque remplissage. L’échangeur multitubulaire est maintenu plein (de vin clair) entre chaque cycle de distillation. Une fois par mois, le circuit vin de l’échangeur est nettoyé, désinfecté et détartré pour qu’il conserve ses pleines capacités d’échange. Le fait de chauffer instantanément les vins de 5 à 35 °C n’engendre pas de conséquence qualitative. En début de campagne, on a encore comparé des cycles de distillation issus de vins froids et préchauffés. La dégustation des eaux-de-vie par plusieurs dégustateurs n’a pas révélé de différences. On reste tout de même très attentif car nous distillons des vins avec des lies. L’étape de remise en suspension des lies avant de commencer la charge doit être effectuée avec rigueur. »

L’investissement total dans cette installation de préchauffage pour deux alambics ne dépasse pas 11 500 € HT, ce qui est raisonnable. La part de l’achat de l’échangeur représente à lui seul 60 % du montant total (valeur neuve de 12 500 € HT moins 4 500 € ht de reprise de l’échangeur tubulaire. Le matériel est aussi utilisé pendant les vinifications pour mettre à température les moûts à la sortie des pressoirs. Depuis la mise en œuvre du préchauffage des vins, les consommations de gaz ont diminué en moyenne de 10 à 12 %, ce qui n’est pas négligeable. Par ailleurs, l’installation génère une économie de puissance frigorifique car les eaux des pipes sont refroidies naturellement à 20 °C.

Les points clés
Une volonté de préchauffer les vins en ligne au moment du chargement des alambics.
l Installer une cuve de réception des eaux chaudes.
l Achat d’une citerne routière de réforme (de lait) de 90 hl, d’une valeur de 2 500 € HT.
l Isolation de la citerne avec des panneaux Sandwich pour un coût de 1 000 € HT.
l Utilisation d’un échangeur multitubulaire pour préchauffer les vins en ligne.
l Grande rigueur en matière d’hygiène au niveau des tuyauteries de transfert de vinification.
l Coût total de l’installation : 11 500 € HT pour deux alambics.

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