Gestes traditionnels et innovation technique. La tonnellerie est un univers assez fascinant, où soufflent le froid et le chaud. On y arrose les grumes, pour éviter que les mouches pondent leurs œufs et que les « cossons » attaquent le bois. Pendant de longs mois, vent, soleil et pluies régneront en maître sur le parc de merrains. Atmosphère beaucoup plus confinée pour les chauffes de cintrage et de bousinage, qui s’opèrent dans une chaleur de four. Après moult dépôts de brevets, l’informatique pilote aujourd’hui une grande part du process de la chauffe. Mais le métier de tonnelier s’appuie sur un savoir-faire ancestral. Il faut voir les ouvriers « danser avec les barriques » dans une ronde millimétrée. Entre les merrains règne un silence de cathédrale alors que les ateliers résonnent du bruit entêtant du marteau sur les cercles. Pour la fabrication des douelles, les tonneliers, casques sur les oreilles, « lisent le bois » avant de le scier sous l’œil implacable du laser.
Jean-Louis Vicard reconnaît volontiers que la tonnellerie demeure un univers franchement masculin. « En quinze ans, nous avons dû voir passer deux filles qui tentèrent d’apprendre le métier. Finalement, elles y ont renoncé. Sans parler de taper sur des barriques, la profession reste dure. » La gente féminine est-elle à jamais exclue de ces rivages ? Stéphanie Drouet prouve l’inverse. Cette jeune femme dynamique a intégré la tonnellerie Vicard depuis quelques années. Elle y exerce des fonctions commerciales, avec une indéniable réussite. J.-L. Vicard verrait bien l’introduction d’une « petite touche féminine » dans une autre fonction, celle de la sélection des bois. « Le tri visuel des grains – grain fin, grain moyen, gros grain – réclame une grande acuité. Nous allons voir comment créer des synergies. »
La tonnellerie Vicard fabrique 55 000 fûts à l’année. Au milieu des années 2000, quand le marché du vin battait son plein, la production a pu atteindre 65 000 fûts. Rue basse Saint-Martin, à Cognac, le site d’exploitation s’étend sur 10 ha dont 6 consacrés au séchage et à la maturation des bois. La tonnellerie possède deux autres merranderies (parcs de bois et scieries), l’une en Bourgogne (Merrains de France) et l’autre en Haute-Vienne (C2R). L’ensemble représente une capacité totale de 4 000 m3. Ces merrains « maison » approvisionnent la tonnellerie à hauteur de 70 à 80 %. Les bois proviennent de plusieurs origines, de France bien sûr (forêts de l’Allier, du Tronçais, du Limousin… voire de Brocéliande), des pays frontaliers comme la Belgique ou l’Allemagne (Forêt-Noire), de Roumanie (pour 5 % des apports) et d’une destination plus lointaine, la forêt du Missouri, en Amérique du nord. Les bois américains (20 à 25 % de l’ensemble) repartent d’ailleurs en grande partie vers les Etats-Unis. Si, pour loger leurs vins, les producteurs français et étrangers se déterminent entre plusieurs origines, selon leurs appétences, les Cognacs ne souffrent que des bois d’origine française et encore de certaines forêts, conformément au cahier des charges de l’appellation. Très ancrée dans son territoire, la tonnellerie Vicard s’inscrit néanmoins parmi les entreprises fortement exportatrices de la région. Les marchés étrangers absorbent 70 % de sa production, Espagne, Italie, Portugal, Californie, Afrique du sud, Nouvelle-Zélande, Chili, Argentine… Aujourd’hui, le marché régional Cognac représente environ 10 % de la production Vicard, un pourcentage qui a progressé lors des cinq dernières années.
Dans une tonnellerie, l’acheteur bois occupe une place à part. Son rôle est proprement stratégique pour l’entreprise. Les bois sont achetés sur pied ou coupés et, particularité de la profession, les marchés se réalisent aux enchères descendantes. Poussée d’adrénaline assurée. Les plus jeunes « billes » affichent 80 ans et les plus vieilles autour de 300 ans. La demande explosive de fûts des années passées entraîna une véritable flambée des prix. Un certain calme est revenu mais le capital bois représente toujours une valeur élevée. A chaque stade, il s’agit de tirer le meilleur parti des grumes. Aux différents postes de tri, des ouvriers exercés sélectionnent le bois selon leurs grains (ou cernes de croissance). Un grain fin correspond à une croissance annuelle inférieure à 2 mn, un gros grain à une croissance annuelle supérieure à 3 mm. Le temps de séchage variera en fonction du grain, de 24 à 36 mois. Autre poste essentiel, celui du tranchage, où l’ouvrier n’a d’autre choix que de respecter le fil du bois, en essayant de perdre le moins de matière possible. En règle générale, 4 m3 de grumes donneront 1 m3 de merrain (une palette) qui se transformera en 12 barriques à vin ou 9 barriques à Cognac. Rentré à 70 % d’hygrométrie, le bois finira à 12 %. Entre-temps, il aura subi les assauts bénéfiques du vent, du soleil, de la pluie qui aura lessivé les tanins les plus astringents. Dans l’atelier douelle, la chasse aux nœuds est déclarée. Ici, les nœuds sont persona non grata. Au niveau traçabilité, tous les arbres sont codés. L’origine du bois figure sur les palettes de merrains comme sur les barriques. La tonnellerie Vicard est en cours de certification PEFC, un cahier des charges qui étend la certification à la forêt. Bien sûr, la tonnellerie souscrit depuis longtemps aux normes Iso. Métier d’artisans, la tonnellerie ne néglige pas la R & D. Cintrage à la vapeur, régulateur de chauffe, bouvetage des fonds comme pour un parquet…Les brevets Vicard cultivent l’innovation technologique. De génération en génération – grand-père, père, fils – la famille Vicard a su réinterpréter son entreprise et l’ancrer dans son temps. Les « femmes du SGV » ne s’y sont pas senties déplacées.
SGV Cognac – Partenariat fournisseurs
Un service aux adhérents
Après l’opération gaz de distillation, le syndicat viticole creuse le sillon des prix négociés. Cette fois, il s’agit de fuel agricole et de tuyaux caoutchouc certifiés pour le transfert d’alcool.
En 2004, la flambée du prix du gaz avait conduit le SGV Cognac à entamer une vigoureuse campagne de négociation de prix avec les différents opérateurs. Tous les ressortissants Cognac ont pu bénéficier de cette initiative collective. De manière plus sélective, au nom de ses seuls adhérents, le syndicat a décidé de reconduire une opération de partenariat avec deux fournisseurs : un distributeur de produits pétroliers, CPO et un fabricant de flexibles, Fluide industrie Dionytec. Société régionale basée à Bordeaux, Fluide industrie fait partie des quelques entreprises dont les produits sont homologués par le BNIC pour le transfert d’eaux-de-vie. Comme CPO, elle consent des remises tarifaires aux membres du SGV. « Nos adhérents sont sensibles à ce genre de démarche » précise Emilie Chapalain, chargée de la mise en place et de l’animation de cette prestation sous la supervision du groupe de travail « Energie et matières premières ».
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