Une hausse des volumes de 10% pour Courvoisier

4 novembre 2019

        Des stratégies d’achats attendues !

           

            Le timing de présentation des stratégies d’achats des grandes maisons de Cognac s’est accéléré cette année puisqu’à partir du 9 octobre, les quatre principaux opérateurs ont dévoilé leurs démarches pour la campagne à venir. Ces annonces ont coïncidé avec la publication des très bons chiffres des expéditions régionales et la perspective d’une taxation du Cognac repoussée aux États Unis. La décision du gouvernement Américain de ne pas taxer pour l’instant le nectar régional satisfait tous les opérateurs du négoce qui investissent beaucoup sur ce marché. Cela conforte la bonne dynamique d’expansion de la filière à moyen terme malgré un contexte économique mondial actuel plus incertain. Les tensions sino-américaine, le ralentissement de l’économie Chinoise, le Brexit représentent des sources d’inquiétudes.

            Du côté de la production, la récolte 2 019 «très jalouse» et peut-être moins abondante que les premières prévisions ne l’envisageaient n’a pas fait que des heureux. Les impacts cumulés des gelées de printemps, de la sécheresse estivale, de stratégies de vendanges trop précoces ont pesé sur le niveau de productivité régional. Peu de propriétés seront en mesure d’atteindre le rendement Cognac de 14, 64 hl d’AP/ha et de mettre en stock de la réserve climatique. De trop nombreuses exploitations touchées de manière significative par le gel ne produiront que 5 à 7 hl d’AP/ha et dégageront des niveaux de revenu inférieurs à leurs coûts de production. Ce contexte global de production va probablement inciter « les hommes de l’art » à porter une attention particulière aux stratégies d’achats  qui leurs sont proposées.


Une stratégie de développement pensée « à 10 ans », une logique normale

             La maison Courvoisier affiche des ambitions de développement dans le long terme qui l’ont amené depuis trois ans à augmenter de façon régulière les achats d’eaux-de-vie. Les approvisionnements sont gérés principalement par le biais des trois coopératives associées, la SICA des Baronnies, l’ABC et la SICA 15. Lors de la récolte 2018, le double choix de la hausse des volumes achetés et des prix avait été un signal fort. La maison a voulu resserrer ses liens de confiance avec la viticulture et soutenir les efforts d’investissement dans les plantations nouvelles et les mises aux normes environnementales. À l’issue des vendanges, Patrice Pinet, le président de la maison Courvoisier continue d’afficher un optimisme serein et empreint de sens des réalités. Cet homme souvent discret a accepté de dévoiler les premiers éléments de la stratégie d’achat de la récolte 2019. Revue Le Paysan Vigneron : – La définition de la stratégie d’achats d’eaux-de-vie de la maison Courvoisier n’est-elle pas un éminent «cocktail» de sens de rationalité et  de discrétion ?

        Patrice Pinet : – « – Il est vrai que notre maison cultive à la fois une certaine forme de discrétion et aussi une efficacité très « Charentaise » qui nous vont bien. Nous privilégions la recherche de relations simples et efficientes avec tous les viticulteurs contractualisés. Notre approche est de privilégier la construction d’un dialogue dans la durée en faisant preuve de sens de l’écoute, de réactivité et aussi de discrétion. La définition de la politique d’achat est le fruit d’une réflexion large intégrant les enjeux de long terme et aussi de court terme. Nous considérons que la base de réflexion régionale, le Business Plan représente un outil de pilotage de la filière cohérent et bien géré. Les perspectives de développement établies, un accroissement volumique des ventes de Cognac de 50 % au cours de la prochaine décennie est un objectif que nous partageons totalement. Courvoisier et le groupe Suntory ont l’ambition de se donner les moyens de satisfaire cet objectif sur le plan commercial et en matière d’approvisionnement d’eaux-de-vie. L’augmentation de nos achats depuis trois ans auprès de nos livreurs atteste de la volonté de développement de la maison Courvoisier ».

 

R. L. P. V : – La maison Courvoisier est donc ans un cycle d’augmentation régulière de ses achats ?

        P Pinet : – « La démarche de hausse de nos achats d’eaux-de-vie a été engagée à partir de la récolte 2 017 qui malheureusement avait été une année maigre. Elle est réellement devenue opérationnelle en 2018 et pour 2019, notre souhait est encore d’accroître les volumes d’achats contractuels de 10 %. Nous sommes bien sûr conscients des réalités agronomiques du millésime qui vont impacter la productivité d’un certain nombre de propriétés. Notre objectif de hausse des achats se heurte aussi aux surfaces de vignes disponibles qui sont actuellement limitées. C’est pour cette raison que l’accroissement de la surface du vignoble régional nous paraît nécessaire. Les niveaux de rendements Cognac actuels de 14,64 hl d’AP/ha ne sont pas tenables dans le temps ».

 

R. L. P.V. : – Quelle sera votre stratégie au niveau des prix des eaux-de-vie nouvelles pour la campagne 2019-2020 ?

        P Pinet : – « La maison Courvoisier essaie de mettre en œuvre une approche simple et transparente au niveau de la gestion des achats à la fois au niveau des volumes et des prix. Nous estimons que l’établissement des prix doit être le fruit d’une compréhension mutuelle des enjeux de la maison et de ceux des viticulteurs. Courvoisier doit être à l’écoute des besoins réels des viticulteurs et les producteurs doivent aussi prendre en compte nos enjeux commerciaux. Nous nous appuyons sur les cellules de dialogue que représentent les trois coopératives associées (La SICA des Baronnies, l’ABC, la SICA 15) pour établir chaque année les prix. Ils sont en général définis à la fin du mois d’octobre lors des conseils d’administration. L’un des thèmes de l’ordre du jour des prochaines réunions avec les responsables des coopératives associées, les 28 et 30 octobre sera consacré à l’établissement des cours des eaux-de-vie.

 

R. L. P.V. : – Après la forte hausse en 2018, la maison Courvoisier a-t-elle l’intention de poursuivre cette stratégie d’accompagnement ?

        P Pinet : – « En 2018, la maison Courvoisier avait pratiqué une hausse des prix sur les eaux-de-vie 00 de plus de 8 % quels que soit les crus. Ce choix a été motivé par deux raisons principales. On a voulu montrer notre confiance par rapport aux débouchés et aussi envoyé un signal fort à la viticulture. La hausse des prix très significative était un signal de confiance pour les viticulteurs qui investissent dans les plantations nouvelles et dans les mises aux normes environnementales. Nous sommes à l’écoute des besoins réels du vignoble et nous devons être en phase avec réalités commerciales actuelles et futures. Ces deux éléments représentent les bases de réflexion indissociables pour établir les prix.

 

R. L. P.V. : – Une nouvelle hausse des cours des eaux-de-vie nouvelles est-elle envisageable ?

        P Pinet : – « Le bilan de nos expéditions à la fin du mois de septembre est bon mais ces chiffres intègrent des phénomènes de surexpéditions liés à la constitution de stocks tampons aux USA et en Grande Bretagne. L’activité du prochain semestre risque d’en pâtir tout en restant encore positive. Ce contexte global nous amène à penser que les prix seront au minimum égaux à ceux de l’année dernière. Le suivi de l’évolution des coûts de production viticoles par les services du BNIC alimente aussi notre réflexion et en 2019, ils ont augmenté de 0,5 %. Nous avons également intégré de façon systématique une prime environnementale pour les toutes les propriétés engagées dans la démarche de certification régionale. Ces derniers éléments seront aussi intégrés dans les débats pour établir les prix 2 019 ».

 

        R. L. P.V. : – Les résultats commerciaux de l’année en cours sont-ils à la hauteur de vos attentes ?

        P Pinet : – « Les expéditions de la maison Courvoisier ont atteint à la fin l’exercice dernier 1 500 000 caisses ce qui est une belle performance. Ces bons résultats doivent être tout de même un peu tempérés par la constitution de stocks tampons aux USA et en Angleterre. Dans ces deux pays qui représentent des débouchés importants pour les marques Courvoisier et Salignac, nous sommes très attentifs à l’évolution de la situation. Les craintes d’une taxation sur le marché américain et la perspective du Brexit ont engendré un décalage entre les volumes expédiés et les ventes réelles. Les États Unis qui sont notre premier marché restent toujours dans une dynamique de développement soutenue. L’Angleterre se tient bien malgré la situation complexe liée à la sortie du pays de l’Europe. C’est un débouché pour Courvoisier qui représente en quelque sorte son marché intérieur. Pour l’instant, c’est une bonne surprise mais on reste prudent. Les ventes en Afrique du Sud et en Russie ont connu un gros développement. En Chine, Courvoisier était historiquement peu présent mais depuis plus d’un an, Suntory a créé une filiale spécifique pour distribuer les marques de spiritueux majeures du groupe. les efforts considérables qui sont déployés pour pousser la marque Courvoisier dans ce pays, vont porter leurs fruits dans l’avenir ».

 

        R. L. P.V. : – La montée en gamme des produits commerciaux représente-elle un axe stratégique pour la maison Courvoisier ?

        P Pinet : – « Chez Courvoisier, l’importance des ventes de VS (50 % des volumes) s’accompagne d’une réflexion stratégique et permanente de prémiumisation. La notion de montée en gamme ne se limite pas à la seule transformation de ventes de caisses de VS en VSOP. Notre VS est par nature une qualité premium. Les services marketing mobilisent de gros moyens sur la prémiumisation de toutes nos qualités et au niveau du VS cela se traduit par des éditions limitées et des offres particulières.

 

        R. L. P.V. : – L’acquisition de la maison par le groupe Suntory depuis 5 ans ne semble pas avoir bouleversé le fonctionnement de l’entreprise ?

        P Pinet : – « Les équipes de Suntory s’intéressent et s’investissent beaucoup dans le fonctionnement de la maison Courvoisier. Le temps long propre au fonctionnement de notre maison de Cognac est une spécificité qui est en phase avec l’éthique du groupe. D’ailleurs, la mise en place d’une stratégie à long terme pour le développement de nos activités est un vrai plus. Penser à 10 ans est une logique normale pour le groupe Suntory. Leur intérêt pour les aspects de production est réel. Ils sont très attentifs à la mise en place de relations pérennes avec la viticulture ».

 

 

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