Une démarche informatisée de Prévention qualitative de l’élevage des pineaux

7 février 2009

La Rédaction

Depuis 1991, François Thibault, le maître de chais d’Unicoop, a mis en place un suivi qualitatif préventif du stock de Pineau qui donne entière satisfaction vis-à-vis de la stabilité microbiologique et de la maîtrise de l’hygiène des logements bois. Cette démarche, qui peut paraître lourde à mettre en œuvre, contribue à apprécier d’une autre manière la gestion qualitative d’un stock important en volume.

Unicoop est un opérateur important de la filière Pineau qui élève et met en marché des volumes conséquents qui répondent aussi à des spécificités différentes. L’entreprise a mis en œuvre une démarche de qualité globale au niveau de la production de raisins blancs et rouges, puis dans les moyens technologiques d’extraction du potentiel de qualité (arômes et couleur pour les rosés) et ensuite dans le suivi qualitatif de l’élevage des Pineaux.

François Thibault, le jeune maître de chais, estime que la structure de coopérative représente un atout important pour maîtriser de façon globale la production de Pineau, car cela permet de remonter à la source pour optimiser les démarches de sélection de vendanges et ensuite mettre en place une gestion de l’élevage adaptée aux caractéristiques du produit de départ. L’exploitation d’un stock sur le plan qualitatif aussi important que celui d’Unicoop repose sur une série de démarches sélectives successives au fil des mois et des années de vieillissement dans les chais.

Connaître « l’état sanitaire » des logements bois avant de les utiliser

F. Thibault estime que la connaissance de « l’état sanitaire » du logement est un élément indispensable pour optimiser l’élevage des Pineaux. La coopérative a mis au point un petit logiciel informatique de connaissance de l’historique de l’utilisation des contenants dont la finalité est d’apprécier l’état « sanitaire » des tonneaux et des lots de fûts. Plus concrètement, le fait de savoir qu’un contenant a été utilisé pour stocker des lots douteux, voire altérés sur le plan microbiologique, a une conséquence immédiate sur l’entretien de ce logement et sur son utilisation ultérieure. Par exemple, du Pineau rosé dont on observe que les teneurs en acide L lactique augmentent sera immédiatement pasteurisé et intégré dans un circuit de commercialisation plus rapide et le contenant sera sérieusement désinfecté et utilisé ultérieurement pour des lots possédant des acidités élevées (des Pineaux blancs de Colombard). Conjointement à ce suivi informatisé de l’état des contenants, F. Thibault a mis en place une approche préventive d’appréciation qualitative deux à trois fois par an (en fin d’hiver, au printemps et à l’automne) qui repose sur un bilan analytique et une dégustation de tous les lots. Au départ, l’objectif de la démarche était simplement d’isoler les lots à risque mais elle s’est rapidement transformée en une véritable méthode de gestion préventive de l’évolution qualitative du stock. Dans les semaines qui suivent les mutages, un bilan qualitatif « O » des productions est réalisé en prenant comme référence unitaire un tonneau ou un ensemble de fûts ayant subi le même type d’entretien.

Identifier des lots en prenant comme référence un tonneau ou un lot de fûts

L’objectif est d’identifier chaque lot de production en s’appuyant sur la nature du contenant pour ensuite suivre son évolution durant toute la durée de son élevage. Avec le recul, F. Thibault a maintes fois observé le bien-fondé de sa démarche qui permet à tout moment d’avoir la traçabilité qualitative du produit et du logement. Un véritable suivi historique d’élevage est réalisé pendant au moins 5 années. L’identification qualitative de chaque lot repose à la fois sur une série de critères analytiques et des commentaires de dégustation. Le bilan analytique englobe un certain nombre de dosages qui sont susceptibles de caractériser le bon équilibre des Pineaux et aussi leur aptitude à se conserver dans le temps comme le TAV, la teneur en sucres, l’acidité totale, le pH, les mesures des densités optiques pour les rosés (DO 420 et 520), la tenue à l’air, l’acide L lactique, l’acidité volatile, le soufre total. Les dégustations (réalisées à l’aveugle) n’ont pas pour finalité de caractériser précisément les potentialités qualitatives de chaque lot, mais d’établir une échelle de qualité (de 1 à 5). La réalisation de ce suivi qualitatif au moins deux fois par an représente un travail considérable mais très enrichissant sur le plan de la connaissance du stock et de l’optimisation du vieillissement.

Prévenir les accidents de conservation et apprécier la maturité des lots

F. Thibault nous expliquait que l’interprétation des résultats analytiques et des dégustations décide en quelque sorte « de la bonne ou de la moins bonne aptitude » d’un lot de Pineau à se bonifier au cours du vieillissement. L’objectif de ce travail est de prévenir l’apparition d’éventuels accidents de conservation et aussi d’apprécier la maturité qualitative de chaque lot. Par exemple, pour les rosés, le suivi des teintes dans le temps au travers des DO 420 (le jaune) et DO 520 (le rouge) représente des données très intéressantes quand on a la charge de gérer l’évolution de plusieurs milliers d’hl. L’élément très important est la prévention des altérations bactériennes car, en suivant les teneurs en acide L lactique et en acide acétique trois fois par an, cela permet d’intervenir préventivement. Il est possible de réagir précocement dès les premiers signes d’altération et surtout avant que les produits ne soient réellement déficients sur le plan qualitatif. L’approche est intéressante de par les données historiques qu’elle procure et vis-à-vis des problèmes de stabilité microbiologique, cela s’apparente à une véritable analyse de risque. Par exemple, un Pineau qui aussitôt le mutage a atteint un niveau d’acidité volatile de 0,10 est dès le départ un produit à risque. Le système de suivi informatisé se met alors en alerte et l’activité bactérienne latente de ce lot est complètement intégrée dans la démarche d’élevage qui sera ultérieurement mise en œuvre. Il est possible que ce lot soit immédiatement pasteurisé et les logements seront aussitôt « décontaminés » par une désinfection. F. Thibault n’est pas un farouche partisan des sulfitages à caractère préventif, il préfère réserver l’utilisation de cet adjuvant aux lots à risque car l’incidence de cette pratique sur le vieillissement des Pineaux blancs est significative.

Un logement bois qui sèche devient un contenant à risque

L’intérêt du suivi qualitatif informatisé pour un opérateur qui traite de gros volumes comme Unicoop est aussi de pouvoir disposer de moyens performants pour gérer la capacité de stockage. F. Thibault s’est organisé pour maintenir en permanence des niveaux de remplissage élevés dans les contenants bois car il a maintes fois observé qu’une période de vidange totale, même courte et en ayant pris des précautions sur le plan de l’hygiène, représentait un risque majeur. La gestion des logements bois est une préoccupation de premier plan et l’idéal est de pouvoir laisser le moins de temps possible les contenants vides. Toute surface bois qui est maintenue alcoolisée est naturellement plus résistante aux développements des bactéries alors que dès qu’elle sèche, les micro-organismes disposent d’un support idéal pour se multiplier. La gestion des volumes produits chaque année et stockés doit tenir compte de la nature des différents matériaux de stockage. La coopérative réalise les mutages et la conservation des Pineaux durant le premier hiver en cuve inox ou en tonneaux et dès le printemps, tous les volumes sont mis sous bois. La capacité de stockage sous bois d’Unicoop est constituée d’un tiers de fûts et de deux tiers de tonneaux. Les Pineaux rosés sont mutés en cuves inox et ensuite élevés en tonneaux à partir de la fin de l’hiver. Ce sont des produits destinés à un vieillissement de plus courte durée et dont la finalité de l’élevage est de protéger et de valoriser le potentiel aromatique et le caractère fruité. Une fraction importante des Pineaux blancs est élevée en fûts en ayant pris le soin de sélectionner les lots les plus aptes à vieillir dans ce type de contenant. Tous les lots ayant un pH faible et des caractéristiques organoleptiques riches sont élevés en barriques et parfois sur lies, ce qui apporte un plus qualitatif indéniable.

Prévenir les dégradations d’état sanitaire de la futaille plutôt que de les traiter à postériori

Le bois est un matériau idéal pour le vieillissement mais son état de surface poreux le rend difficile à entretenir sur le plan de l’hygiène. Les détartrages sont réalisés de façon régulière dès que les épaisseurs des dépôts sont suffisantes. Dans les tonneaux, l’utilisation d’eau sous pression donne de bons résultats sur de faibles couches de tartre. Le détartrage chimique avec des solutions de soude tamponnée s’avère très efficace mais ensuite, le rinçage doit être effectué avec le plus grand soin. F. Thibault n’a pas systématisé la désinfection car il estime que l’utilisation de produits chimiques comme l’acide péracétique ne permettent de réaliser qu’un traitement superficiel alors que les bactéries peuvent être présentent plus en profondeur dans le bois. Les opérations de désinfection sont réservées aux contenants ayant conservé des lots de Pineaux à risque. Il y a quelques années, des essais de démarches de nettoyage très complètes ont été réalisés et les résultats au niveau des fûts ont été assez décevants. Seule l’utilisation de la vapeur apporterait de meilleures garanties d’efficacité, mais cette technique est difficile à systématiser pour une entreprise qui dispose d’un parc de fûts aussi important (au moins trente minutes de traitement par fût pour le seul traitement à la vapeur). De toute façon, F. Thibault estime que la maîtrise de l’état sanitaire des logements bois doit être abordée de manière préventive pour isoler et traiter les contenants à risque de manière spécifique et gérer ensuite leur utilisation avec des produits naturellement plus résistants aux altérations microbiologiques.

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