Un vignoble pensé et conduit pour « extraire » le terroir

14 mars 2009

photo_60.jpgMM. Lucien et Stéphane Cazulet, qui exploitent à Saint-Bonnet-sur-Gironde un vignoble de 36 ha, se sont engagés dans la production de vins de pays charentais depuis 1997 avec une volonté d’élaborer des vins extériorisant les caractéristiques des sols de l’exploitation. Leur décision de s’engager dans l’élaboration de vins de qualité a été mûrement réfléchie et bien anticipée puisque ces viticulteurs avaient pris des contacts avec des techniciens dans le Bordelais plusieurs années avant de réaliser leur première plantation. Leur approche a été simple et pragmatique : implanter des vignes qui soient en mesure de tirer le meilleur profit de la nature des sols et des situations de coteaux bien exposés de la commune de Saint-Bonnet-sur-Gironde. L’arrivée en production des vignes à partir depuis trois ans conforte le bien-fondé de la démarche de production un peu élitiste de ces viticulteurs.

photo_60_1.jpgL’une des caractéristiques de cette zone du vignoble est la diversité de la nature des sols qui constitue un intérêt sur le plan qualitatif et des contraintes en matière de conduite du vignoble. Sur cette exploitation, trois types de sols sont présents : des argilo-calcaires profondes caractéristiques des terres de champagne, des argilo-calcaires plus légères sur roches dures et des sols de graves typiques. La topographie bien vallonnée de cette zone et le microclimat doux lié à la proximité de l’estuaire de la Gironde sont des éléments propices à la précocité du cycle végétatif et à une maturation complète des raisins. Sur le plan de la conduite des vinifications, l’approche s’avère assez originale, complètement adaptée à la nature des raisins concentrés qui sont récoltés. L’objectif en blanc comme en rouge est d’élaborer des vins de garde qui se bonifient dans le temps. Ces viticulteurs se sont entourés de compétences de structures de conseils en œnologie du nord Gironde et aussi d’un apport d’un œnologue ayant des principes de vinification plus septentrionaux. La démarche de production de MM. L. et S. Cazulet s’inscrit dans la recherche de vins de terroir authentiques que l’on peut qualifier d’ambitieuse au niveau de la filière vins de pays charentais mais aussi intéressante en terme d’image et de positionnement commercial. D’ailleurs, la qualité des productions des premières récoltes n’a pas laissé indifférents les professionnels du vin des autres régions puisqu’un grossiste séduit par la structure des vins a signé un accord de commercialisation pour les millésimes 2000 et 2001. Les petits volumes actuellement produits sont distribués auprès de la restauration haut de gamme et des cavistes en France et à l’étranger.

Un vignoble adapté aux spécificités des sols

MM. S. et L. Cazulet ont construit un vignoble de vins de pays dans un état d’esprit de valorisation de l’environnement naturel de l’exploitation. Neuf hectares de vignes ont été plantés depuis 1997 avec une prédominance de cépages rouges, du Merlot et du Cabernet Sauvignon, et en blanc du Chardonnay. La densité de plantation des parcelles à 2 m sur 1 m constitue un bon compromis vis-à-vis des phénomènes de concurrence et d’exploration du sol en profondeur. La surface foliaire avec 1,70 à 1,80 m de hauteur de palissage reste assez élevée mais pas excessive non plus afin que les raisins voient bien le soleil durant toute la maturation. Les conditions d’entretien des parcelles sont les plus rigoureuses possibles et l’optique n’est pas de produire 60 à 70 hl/ha de vins mais au contraire de limiter les rendements autour de 35 hl/ha. M. L. Cazulet a retenu de tous les contacts qu’il a eus avec les techniciens que le bon vin se fait essentiellement à la vigne. L’obtention de raisins qui expriment le terroir et un potentiel de qualité naturellement facile à extraire au cours de la vinification et de l’élevage se prépare bien avant la mise en terre des plants. La sélection des terroirs et le choix des expositions constituent des préalables indispensables pour valoriser les caractéristiques de chaque cépage. L’obtention de grappes bien réparties sur les souches, bénéficiant d’une bonne exposition, indemnes de pourriture, alimentées de façon régulière et traduisant les potentialités de leur milieu naturel représentent des principes essentiels que ces viticulteurs essaient de mettre en application. Dans des jeunes vignes naturellement plus vigoureuses, les interventions en vert sont fondamentales pour compenser la jeunesse du système racinaire qui n’est pas encore suffisammen descendu dans les horizons profonds du sol et du sous-sol. C’est d’ailleurs pour cette raison que le travail du sol est réalisé uniquement avec des interventions mécaniques pour obliger les racines à descendre et à puiser leur alimentation en profondeur dans des zones beaucoup moins fertiles mais susceptibles d’exprimer le terroir.

Le choix de la conduite en agriculture biologique

photo_602.jpgMM. S. et L. Cazulet ont fait le choix de conduire leur vignoble de vins de pays en agriculture biologique et, après quelques années de pratique, ils sont convaincus du bien-fondé de cette démarche. Par contre, au départ, ils ne cachent pas que leur intérêt dans le « bio » était motivé par la volonté de démarquer leurs vins sur le plan commercial. Depuis, ils sont devenus des adeptes des vignes bio (parfaitement entretenues) et des vins bio en raison de leur souci permanent d’avoir des approches culturales et de vinifications les plus respectueuses de l’environnement naturel. Le Chardonnay a été implanté sur les sols calcaires plus superficiels sur roche dure qui favorise la maturation tout en préservant une certaine acidité. Depuis deux ans, les Chardonnay sont récoltés à plus de 12 % vol. pour élaborer des vins de garde ayant une structure tout en complexité. Les Merlot sont implantés pour moitié sur des sols de graves propices à l’obtention de vins colorés et fruités, et pour le reste sur des terres de champagne plus adaptées à l’élaboration de vins charpentés et complexes. Les Cabernet Sauvignon sont uniquement plantés sur des sols graveleux dont la précocité est propice à une maturation très poussée. Toutes les vignes sont taillées en Guyot simple courtes pour limiter les rendements et essayer de contrôler la vigueur des jeunes vignes. Le travail du sol est effectué mécaniquement avec un déchaussage et un décavaillonnage en début de printemps, et entretenu par la suite avec des scarificateurs et des interceps. Cela représente une charge de travail importante et en ce début de mois de juin 2003, M. L. Cazulet a déjà réalisé cinq façons culturales pour obtenir des sols bien propres et la saison n’est pas finie.

Des interventions en vert déterminantes pour maîtriser la jeunesse des vignes

photo_603.jpgLa bonne vieille charrue vigneronne qui avait été remisée depuis le milieu des années 70 a retrouvé sa pleine utilité. Le fait de réaliser chaque année un labour oblige les racines à exploiter le sol en profondeur et les racines puisent leur alimentation dans des zones moins fertiles. L’alimentation des ceps s’en trouve naturellement plus limitée et surtout moins soumise aux excès climatiques surtout en fin de saison. Cela est propice à l’obtention de raisins et de baies de tailles plus petits et surtout moins sensibles aux effets de gonflements rapides qui diluent le potentiel de qualité (consécutifs à des pluies pendant toute la phase de maturation). Les interventions en vert d’ébourgeonnage et de vendange en vert sont indispensables dans ces jeunes plantations qui, malgré l’absence de fumure, extériorisent une bonne vigueur. C’est un travail lourd et parfois difficile à réaliser mais très important pour gommer partiellement la jeunesse des vignes. M. L. Cazulet considère que durant les premières années de production, il faut accepter « d’éliminer des grappes » et de réduire significativement ses rendements pour élaborer des vins ayant une certaine personnalité : « Un Merlot ou un Cabernet Sauvignon de moins de 10 ans qui porte 50 à 60 hl/ha de raisins même bien mûrs permettra d’obtenir des vins tout à fait corrects correspondant aux standards du marché. Notre souhait est d’élaborer des vins ayant extrait les caractéristiques du terroir et cela nous oblige à faire tomber parfois beaucoup de grappes. Nous ne laissons qu’un seul raisin par rameau et en ayant le souci qu’il soit bien exposé. » Des effeuillages mécaniques sont aussi réalisés pour créer de bonnes conditions d’aération au niveau de la zone fructifère.

Des chardonnay vinifiés en fûts qui extériorisent une véritable complexité

La vinification des Chardonnay est abordée dans l’optique d’élaborer des vins de garde par forcément très puissants sur le plan des arômes mais au contraire en privilégiant les caractères de finesse et de fruité au nez et une véritable complexité en bouche. Pour atteindre cet objectif, la récolte, le traitement de la vendange, la conduite des fermentations et l’élevage s’apparentent plus aux principes bourguignons qu’aux méthodes de vinification couramment mises en œuvre dans le Bordelais sur les Sauvignon. La récolte intervient assez tard en saison après qu’un tri sur souches soit réalisé dans les parcelles juste avant la vendange manuelle. Les sols argilo-calcaires permettent d’atteindre des niveaux de maturité intéressants tout en conservant des acidités suffisantes pour stabiliser la structure des vins. Un second tri intervient à l’arrivée du chai pour éliminer les rares feuilles et les grappes jugées trop vertes, et les raisins entiers sont convoyés dans le pressoir.

Le cycle de pressurage se limite à une seule pressée en vitesse lente pour obtenir des jus les plus limpides possibles. Un débourbage léger de quelques heures est réalisé et aussitôt les moûts sont mis en barriques. Aucune intervention pré-fermentaire du type macération pelliculaires ou stabulation liquide à froid n’est réalisée. M. L. Cazulet utilise uniquement des barriques de 3e ou 4e vin pour ne pas saturer les vins en notes aromatiques boisées. Il cherche à bénéficier des qualités du logement bois sur le plan thermique et en matière d’équilibre entre la phase liquide et les lies. La fermentation alcoolique se déroule en barriques en absence de levurage pour faciliter l’expression aromatique liée aux levures indigènes issues du terroir. Dès la fermentation, les vins sont conservés sur toutes leurs lies et bâtonnés pendant plus de 6 mois. Les vins font leur fermentation malolactique en barrique et aucun soutirage n’est réalisé jusqu’au mois de septembre qui suit la récolte. L’assemblage des différents lots est réalisé en cuve et la mise en bouteille intervient dans le courant de l’hiver sans aucune opération de filtration et de collage. La première récolte 2001 a été embouteillée au début de l’année 2003 et la commercialisation du premier millésime de Chardonnay est actuellement en cours.

Des vinifications parcellaires pour les merlot et les cabernet sauvignon

Le vignoble de rouge est conduit de la même façon que les Chardonnay avec des interventions en vert (ébourgeonnage, vendange en vert et effeuillage en deux passages en cours de saison) encore plus rigoureuses pour essayer de minimiser la jeunesse des souches. Les parcelles sont récoltées mécaniquement et à l’entrée du chai un tri de la vendange est réalisé systématiquement pour éliminer tous les débris végétaux et les fractions de grappes les moins mûres et celles présentant un état sanitaire déficient. Les Merlot sont implantés préférentiellement sur les sols argilo-calcaires où leur maturation s’effectue dans de bonnes conditions d’alimentation hydrique.

photo_604.jpgLa récolte a lieu lorsque les raisins ont atteint une pleine maturité tout en essayant de conserver des niveaux d’acidité suffisants. Sur les sols de graves, les Merlot atteignent des niveaux d’acidité nettement inférieurs que sur les sols argilo-calcaires. Les Cabernet Sauvignon sont implantés sur des sols de graves particulièrement propices à leur maturité. Leur récolte intervient très tard en saison et jusqu’à présent aucun lot de vendange n’a été rentré à moins de 12,5 % vol. Les vinifications sont effectuées séparément selon les cépages et en tenant compte de l’origine parcellaire. La conduite des vinifications repose sur la qualité des raisins mis en cuves (à la fois sur le plan de l’état sanitaire et de la concentration). M. L. Cazulet porte une attention particulière à ces deux éléments en pratiquant des tris de vendange très rigoureux et en limitant les rendements dans les jeunes vignes à moins de 35 hl/ha. Les vinifications en rouge sont réalisées dans des cuves en ciment de petites capacités (50 à 80 hl) revêtue en époxy et dotées de grandes trappes d’ouillage pour réaliser des piégeages manuels. La récolte est éraflée et mis directement dans les citernes où des macérations à froid sont réalisées pendant quelques jours. Les fermentations alcooliques sont lancées sans ensemencement et les cuvaisons durent 15 jours à 3 semaines pour les Merlot et au mois 3 semaines pour les Cabernet Sauvignon.

L’objectif à terme des vinifications sera d’obtenir des vins de garde complexes extériorisant la typicité des sols de cette exploitation, mais pour l’instant la jeunesse des parcelles est un facteur limitant encore difficile à contrôler. Après les décuvages, les vins sont mis en barriques (uniquement des fûts d’occasion) pendant 18 à 24 mois. L’utilisation de barriques de deuxième ou de troisième vin est un choix délibéré que M. L. Cazulet justifie par le fait qu’il n’apprécie pas les vins aux saveurs trop boisées couvrant souvent une insuffisance de structure. L’élevage des vins en fûts est réalisé en tenant compte de l’origine des parcelles et c’est seulement juste avant la mise en bouteille que sont réalisés les assemblages.

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