Un Vignoble De Chardonnay Sans Concessions

14 mars 2009

photo_2.jpgFaire un vin sans concessions techniques et en faisant abstraction des contraintes économiques, c’est une envie profonde pour beaucoup de viticulteurs mais, malheureusement, très peu la concrétisent dans notre région. Henri Jammet, un viticulteur produisant essentiellement des vins de pays, s’est lancé dans ce challenge « de vin plaisir » en plantant du chardonnay à 1 000 pieds/ha. La parcelle de 0,80 ha est arrivée en production en 2002 et le premier millésime traduit toutes les qualités d’un terroir en recherche de reconnaissance.

photo_22_1.jpgHenri Jammet, qui est viticulteur à Saint-Sornin, exploite depuis une quinzaine d’années un vignoble de vins de pays planté essentiellement en cépages rouges. La production des vignes est vinifiée à la cave de Saint-Sornin, dont les statuts ne permettent pas de collecter des raisins blancs. Au bout d’une quinzaine d’années de pratique d’une viticulture de qualité dans des vignes plantées entre 2 500 et 5 000 ceps/ha, il a déployé beaucoup d’énergie pour produire des raisins bien mûrs, sains et concentrés.

Dans des vignes à basses densités, c’est un challenge ambitieux qu’il n’est malheureusement pas facile d’atteindre tous les ans. Par contre, le terroir des coteaux de Saint-Sornin s’avère particulièrement propice à la production viticole dans les vignes à plus fortes densités. C’est en faisant ce constat qu’est née l’idée de créer un petit vignoble de référence sur le plan de la recherche de qualité. H. Jammet fait sans aucun doute partie de ces viticulteurs passionnés par leur métier et convaincus que leur avenir doit s’appuyer sur de nouveaux challenges. 15 ans après son installation à Saint-Sornin, il avait aussi envie d’aller plus loin, de valoriser son capital de connaissances et de mettre en application une philosophie toute personnelle de la culture de la vigne.

Implanter un vignoble sans concessions sur le plan technique

Le hasard d’une discussion avec un ami amateur de vin sur les potentialités du terroir en Charentes a été le déclic qui l’a décidé à implanter un vignoble pilote en matière de recherche de qualité sur le terroir de Saint-Sornin : « Mon idée a été dès le départ d’implanter un vignoble sans concessions sur le plan technique en faisant abstraction des aspects économiques. Le choix du Chardonnay est lié principalement à mon goût personnel pour les grands vins blancs de Bourgogne et tout particulièrement pour les Chablis. J’ai toujours eu aussi la conviction que les sols acides du coteau de la Fenêtre étaient propices à la production de vins blancs de garde et comme la coopérative ne collecte pas de cépages blancs, cela me permettait aussi d’envisager de pouvoir vinifier cette production chez moi. De toute façon, l’objectif n’était pas de planter 5 ha mais de concentrer mes efforts sur une petite surface pour sortir le meilleur du terroir. » Cette philosophie de recherche de qualité maximum a débouché sur la mise en œuvre d’une parcelle de Chardonnay de 0,80 ha ayant des caractéristiques hors normes dans l’univers de la production de vin de pays de la région délimitée. H. Jammet a su faire abstraction de son approche pragmatique de recherche de compromis permanent de qualité et de maîtrise des coûts de production au profit d’un challenge ambitieux et très lourd sur le plan de charge de travail et de l’investissement. La plantation a été implantée sur un versant de coteau exposé plein sud, dont le sol acide est assez superficiel et séchant en été.

Le choix de 10 000 ceps/ha de Chardonnay

Les Chardonnay ont été greffés sur des porte-greffes peu vigoureux (le 10114 et le Riparia) et une attention toute particulière a été portée sur une sélection de clones peu productifs provenant pour la plupart de Bourgogne (dont un est muscaté). L’installation de la parcelle a été « pensée » pour créer un climat de concurrence maximum entre les ceps qui constitue un élément essentiel pour inciter les racines à descendre profondément et à puiser leur alimentation dans des zones moins fertiles. De par son expérience sur le vignoble rouge, H. Jammet a constaté une régularité de production accrue dans les vignes à 2 m, sachant que les aspects liés à la mécanisation deviennent beaucoup plus contraignants en dessous 5 000 pieds/ha. Pour les Chardonnay, il a vraiment franchi une étape supplémentaire en optant pour une densité de plantation de 10 000 ceps/ha (1 m sur 1 m) et ses propos sur le sujet sont plein de lucidité : « 10 000 souches à l’hectare, 6 grappes par cep et seulement 35 à 40  hl de rendement représentent des éléments essentiels pour une recherche de qualité maximale mais aussi des contraintes sur le plan de la réalisation des travaux. Mon objectif sur ce projet est la performance qualitative et non la recherche du meilleur compromis coût/qualité. »

Tout est fait à la main

Dans cette parcelle de 70 rangs, tout est fait à la main, les travaux d’hiver, les opérations en vert, les traitements, l’entretien des sols, l’effeuillage et bien sûr les vendanges. Ces rangs de vigne mobilisent beaucoup de temps mais c’est pour élaborer un vin de plaisir ! Le palissage n’est pas très élevé (0,80 m de hauteur de végétation) pour éviter les phénomènes d’ombre au niveau de la zone fructifère. Les souches sont établies en cordon de Royat double avec 2 coursons sur chaque bras. La bonne vigueur de cette jeune plantation nécessite un ébourgeonnage en vert très sérieux pour maîtriser les rendements et éviter les entassements de végétation. Les traitements sont effectués avec une brouette pneumatique dont l’utilisation nécessite une certaine énergie. L’entretien du sol est pour l’instant réalisé par un désherbage chimique mais, dès le prochain hiver, une bande enherbée sera implantée au centre des rangs. Durant l’été, deux effeuillages et des opérations de vendange verte sont réalisées manuellement pour optimiser les conditions de maturation. A une époque, H. Jammet avait envisagé de réaliser les travaux d’entretien du sol avec un cheval (qu’il a d’ailleurs acheté), mais l’urgence de ces interventions l’a contraint à opter pour d’autres solutions. Dans un avenir proche, les traitements et la plupart des travaux d’entretien du sol seront effectués avec un tracteur enjambeur, ce qui simplifiera déjà la conduite de la parcelle.

Une vinification en raisins entiers à la « Bourguignonne »

photo_22.jpgLa plantation de Chardonnay, qui s’est étalée sur les années 1999 et 2000, est rentrée en production en 2002 avec un petit volume de vin de 10 hl. Une vinification pilote de 3 hl avait été réalisée en 2001 mais elle n’est pas destinée à être commercialisée. Les vendanges interviennent lorsque les raisins ont atteint une pleine maturité et des TAV naturels dépassant 12,5 % vol. La conduite de la vinification est réalisée selon les principes mis en œuvre en Bourgogne avec notamment un grand soin apporté au respect du raisin au moment de leur cueillette et du pressurage. La récolte manuelle s’est effectuée en clayettes de petites capacités qui sont directement vidées dans un pressoir vertical. Un tri de vendange est réalisé au moment de la récolte pour ne rentrer au chai que des raisins sains. Le choix de ce type de pressoir s’inscrit dans la tradition viticole des grandes régions viticoles et, d’un point de vue qualitatif, c’est un excellent principe de pressurage pour une vendange entière. L’utilisation d’un pressoir vertical hydraulique en présence de grains ronds et de l’ensemble des rafles facilite l’écoulement des jus d’une manière très progressive du fait des montées en pressions lentes qui sont gérées directement par l’utilisateur. Les jus issus du pressurage sont assez peu bourbeux mais un léger débourbage est quand même réalisé. Les moûts sont ensuite mis à température et levurés en cuve. Dès que la fermentation alcoolique commence, les moûts sont entonnés en barriques de 225 l avec l’utilisation de fûts neufs et de fûts de deux vins. Le processus fermentaire se déroule dans une cave voûtée enterrée où l’atmosphère est naturellement à l’abri des excès thermiques. Le transfert des moûts a été réalisé par gravité car la cave se situe en dessous de l’atelier de pressurage et l’absence de pompage s’inscrit aussi dans la logique qualitative globale de la démarche. La fermentation alcoolique s’effectue à des niveaux de températures stables qui dépassent rarement 20 à 22 °C. Dès que la dégradation des sucres est terminée, une démarche d’élevage sur lies est enclenchée en réalisant pendant plus de 6 mois un bâtonnage tous les 2 à 3 jours. La fermentation malolactique est recherchée afin d’obtenir des vins moins acides et plus gras en bouche et son déroulement s’est enclenché naturellement. L‘objectif de H. Jammet est d’élaborer un Chardonnay de garde conciliant la recherche de finesse au nez et une véritable complexité en bouche, et les caractéristiques du premier millésime semblent correspondre à ces attentes. La commercialisation du millésime 2002 interviendra en fin d’année 2003, lorsque le vin aura atteint une certaine « maturité » aromatique et gustative.

Un investissement financé partiellement par des ambassadeurs souscripteurs

L’investissement pour réaliser ce projet est conséquent surtout au niveau des charges liées à la plantation et à l’installation de chai. En effet, M. H. Jammet a dû aménager un bâtiment en chai de vinification et acquérir tous les équipements nécessaires à la récolte et au pressurage, les clayettes, une cuve pour les débourbages, un pressoir vertical, un tank à lait, des barriques neuves. Les charges directes liées aux travaux manuels d’entretien de la parcelle, pour notamment installer la plantation et par la suite en assurer sa conduite, représentent un investissement en main-d’œuvre non négligeables qu’il a fallu intégrer dans l’organisation du travail du reste du vignoble. H. Jammet avait préparé sur le plan financier cet investissement afin que la trésorerie de l’exploitation n’en soit pas pénalisée. Néanmoins, son souci d’aller le plus loin possible dans la démarche qualité et de rechercher à travers ce projet une ouverture personnelle l’ont incité à lancer une souscription pour à la fois trouver des financements complémentaires et créer un réseau d’ambassadeurs de « Chardonnay hors normes ». L’opération a été lancée durant le dernier trimestre 2002 et, actuellement, 65 amateurs de vins ont pris une souscription (d’un montant de 500 E par personne). La contrepartie à cet apport de financement est une rémunération annuelle en équivalent de bouteilles indexée sur le taux d’intérêt du livret A. Chaque année, les bienfaiteurs du « techno-vignoble Jammet » seront tenus informés de l’évolution de la vigne et du vin par deux bulletins d’infos, et en plus ils seront invités à plusieurs rencontres, au printemps, lors des vendanges et en hiver pour une dégustation à l’aveugle du Chardonnay « de la Fenêtre » avec d’autres productions de ce cépage en France. La première dégustation de la toute petite production 2001, qui s’est déroulée à la fin du mois de décembre dernier, a été riche d’enseignements puisque la production locale est sortie bien classée. H. Jammet et sa famille en choisissant d’ouvrir leur capital vignoble ont aussi réussi à tisser un réseau de contacts et d’échanges très enrichissants avec des personnes pas forcément issues du milieu viticole mais intéressées par le vin de qualité et toute la culture que cela véhicule. L’apport des financements des souscripteurs a permis à H. Jammet d’acquérir un tracteur enjambeur d’occasion avec lequel il pourra, dans l’avenir, réaliser l’entretien des sols et les traitements. Les 1 200 premières bouteilles de Chardonnay de la Fenêtre seront mis en vente à un prix pour les particuliers de 7,5 € et les souscripteurs constitueront sûrement au travers de leurs relations un fonds de clientèle captif.

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