Les profondes évolutions des structures des exploitations viticoles depuis une quinzaine d’années ont amené beaucoup de viticulteurs à repenser l’organisation de leurs chantiers de pulvérisation pour s’adapter à des surfaces plus importantes à traiter dans la journée (et parfois trop), à des types de vignes différentes et aussi à des contraintes de déplacement routier pour protéger certains îlots. Les discussions informelles entre viticulteurs sur tous ces sujets sont fréquentes. Quels sont les avantages et les limites d’un pneumatique face par face, des rampes mains canons, d’un aéroconvection voûte charentaise, d’un bi ou tri-turbine surélevé, des voûtes droites, des tunnels de pulvérisation… ? Le vécu d’utilisation de tous ces matériels par les viticulteurs apporte des éléments de réponses concrets intéressants sur le plan de la fonctionnalité des outils, mais insuffisants pour optimiser l’efficacité de la pulvérisation au vignoble. En Charentes, les attentes de technicité au niveau de l’efficacité de la pulvérisation se sont encore accentuées avec les années à mildiou 2007 et 2008. Suite à ces millésimes difficiles, les techniciens des Chambres d’agriculture ont été très souvent interrogés sur les performances de tel ou tel équipement. Leurs réponses se limitaient à des considérations générales car peu de travaux techniques récents ont été conduits sur l’efficacité de la pulvérisation au vignoble. Cet ensemble de réflexions a débouché au cours de l’hiver dernier sur une volonté commune des responsables professionnels des CETA et GDA de Charente et des techniciens de la Chambre d’agriculture de la Charente de construire un projet d’étude pulvérisation tenant compte des spécificités du vignoble de Cognac (dans le cadre de l’opération du bassin versant du Né). Comme il n’existe pas un protocole en vigne pour évaluer les performances globales des matériels dans les conditions réelles du vignoble, les techniciens de la Chambre d’agriculture ont décidé de se rapprocher de l’IFV qui au cours de la dernière décennie a mis au point une nouvelle méthode d’évaluation quantitative de l’efficacité de la pulvérisation.
un seul appareil pour plusieurs systèmes de conduite
L’utilisation d’un même pulvérisateur dans des vignes palissées de 2,5 à 3 m et dans des cordons hauts à port retombant est aujourd’hui fréquente dans notre région. Contrairement à d’autres régions viticoles dont les vignes sont établies avec un système de conduite dominant, par exemple des parcelles palissées où seul l’écartement entre rangs varie, le vignoble de Cognac est beaucoup plus diversifié. Il n’est pas rare que des propriétés de 20 à 30 hectares possèdent 4 ou 5 types de conduite, des vignes étroites palissées basses (de 1,80 m à 2,50), des vignes hautes et larges (de 3 m à 3,50 m), des arcures hautes et larges non palissées et des cordons hauts à port retombant. L’application des traitements est généralement effectuée avec un seul appareil qui doit s’adapter à toutes les configurations de ports de végétation. La recherche du pulvérisateur polyvalent possédant une diversité d’équipements et de réglages pour s’adapter à des vignes palissées, non palissées, étroites, larges, hautes et basses correspond dans le vignoble de Cognac à un véritable besoin. Les viticulteurs sont à la recherche de données techniques pour optimiser l’utilisation des matériels sur plusieurs types de vignes. Or, les tests de qualité de pulvérisation sont généralement effectuées dans les diverses régions sur un modèle de vignes (le plus fréquent). Tester sur un même site des pulvérisateurs dans trois modes de conduite différents n’a jamais été envisagé, d’où l’intérêt du Forum de Pulvérisation du 3 septembre prochain. Les discussions très sérieuses entre techniciens ont débouché sur la définition d’une méthodologie de contrôle de la qualité de la pulvérisation au vignoble sous la tutelle des ingénieurs de l’IFV.
Le nouveau banc d’essai IFV fait progresser le contrôle de l’efficacité de la pulvérisation
Les équipes de l’IFV ont développé une nouvelle approche pour tester la qualité de la pulvérisation qui repose sur le principe du dosage quantitatif de la concentration de bouillie de pulvérisation réellement appliquée au vignoble. Il s’agit d’une évolution importante par rapport à la méthode traditionnelle des papiers hydro-sensibles qui permettait seulement d’obtenir une analyse de la répartition des gouttelettes de pulvérisation appliquées sur la végétation. Le dispositif de contrôle de l’efficacité des pulvérisateurs de l’IFV s’effectue avec un banc d’essai qui utilise une vigne artificielle. La conception de cette vigne artificielle a été établie en tenant compte des mesures de surfaces foliaires réalisées dans plusieurs régions et sur différents cépages. La vigne artificielle, qui est modulable en hauteur et en épaisseur afin de pouvoir reproduire à l’identique les différentes architectures de palissage, permet d’implanter des capteurs d’un nouveau principe pour recueillir la bouillie. Elle se présente sous la forme d’une structure métallique extensible en hauteur comme en largeur, sur laquelle se fixent des carrés en PVC (représentant les feuilles) et de petits rouleaux de ficelle nylon faisant office de capteurs de matières actives. Ils sont positionnés à intervalles réguliers sur la structure métallique, sur les deux faces, sur toute la hauteur et à l’intérieur. La vigne artificielle est disposée en bout de rang et une pulvérisation est effectuée dans des conditions identiques au reste de la parcelle en utilisant une bouillie contenant un colorant alimentaire dont la concentration d’origine est connue et contrôlée. Les carrés de PVC recueillent les impacts de pulvérisation d’une façon comparable à des papiers hydro-sensibles et les fils nylon captent la bouillie de pulvérisation réellement positionnée sur la végétation. Ensuite, les fils nylon sont enlevés délicatement et mis à tremper individuellement dans des petites boîtes contenant de l’eau déminéralisée. Au contact de l’eau, la ficelle va libérer la concentration de matières actives pulvérisée et les dosages ultérieurs en laboratoire de chaque échantillon permettront d’obtenir une indication fiable de la quantité de produits réellement appliquée au niveau de l’ensemble du palissage. Le dispositif a été validé et constitue sur le plan scientifique un moyen innovant pour évaluer les performances des pulvérisateurs dans les différents vignobles. L’été dernier, deux exploitations viticoles charentaises impliquées dans le projet Optidose ont testé leurs pulvérisateurs avec le nouveau banc d’essai IFV. La construction du rang de vigne artificiel et ensuite la collecte des ficelles nylon captant le produit mobilisent plusieurs personnes pendant environ trois heures par appareil. La mise en œuvre du banc d’essai est une manipulation assez lourde à mettre en œuvre qui ouvre la voie à de nouvelles possibilités de tests.
6 Constructeurs invités à participer à un essai tout à fait novateur
Alexandre Davy, de l’IFV de Bordeaux et Laurent Duquesne, de la Chambre d’agriculture de la Charente, ont donc utilisé les dosages quantitatifs de bouillie pour construire le protocole d’essai de 6 pulvérisateurs. L’objectif de ce test au vignoble est double : apporter aux viticulteurs des références sur les critères d’efficacité de la pulvérisation dans les conditions de la pratique et permettre aux constructeurs de disposer d’éléments pour optimiser les réglages des appareils dans les trois principaux types de vignes charentaises, les vignes hautes et larges palissées, les cordons hauts à port retombant et les arcures hautes non palissées. Le souhait des professionnels est aussi de tester un panel de pulvérisateurs qui soit représentatif des matériels les plus utilisés dans la région. Six constructeurs ont été invités à participer à la manifestation, la société Berthoud avec un pneumatique équipé d’une rampe face par face, la société Dagnaud avec un tunnel de pulvérisation avec récupération de bouillie Pulpano, la société Grégoire avec un aéroconvection voûte droite, la société Nicolas avec un pneumatique équipé d’une rampe
4 mains et 4 canons, la société S21 avec un aéroconvection tri-turbine et la société Tecnoma avec le Turbocoll. L’ensemble des matériels seront testés en utilisant le même tracteur (un Claas 85 CV mis à disposition par le CRA d’Angoulême) conduit par le même chauffeur (en respectant les réglages déterminés par les constructeurs). Les domaines Rémy Martin ont mis à disposition le vignoble de Juillac-le-Coq pour la réalisation de l’essai entre le 20 et le 25 juillet. Trois types de tests seront effectués : des contrôles classiques type banc d’essai (mesure de débit des buses, débit/ha, vitesse d’avancement, puissance absorbée par la turbine, rayon de braquage de l’ensemble tracteur-pulvérisateur…), des dosages quantitatifs de matières actives sur les trois types de vignes et des observations sur la fonctionnalité des appareils par un jury de viticulteurs et de techniciens. Les dosages de matières actives vont être mis en œuvre en positionnant des capteurs à l’intérieur des rangs sur trois niveaux de hauteur afin d’obtenir une approche globale de la couverture de la végétation.
Des dosages spécifiques seront effectués au niveau de la zone fructifère en utilisant des pièges qui ont la forme de baies de raisins. Cette initiative va donc contribuer à aborder les réflexions sur l’efficacité de la pulvérisation en ayant un regard beaucoup plus professionnel et en phase avec les réalités de l’utilisation au vignoble.
Une Journée Pulvérisation ouverte au public à ne pas manquer le 3 septembre
Les résultats de l’essai vont faire l’objet d’un traitement et d’une analyse rapide pour être présentés lors de la journée grand public du 3 septembre prochain au domaine des Martin à Juillac-le-Coq. Les organisateurs ont souhaité mettre en place une grande journée d’information sur la pulvérisation avec, le matin, des ateliers tournants abordant les nouvelles technologies de viticulture de précision appliquées à la pulvérisation, les approches de réglages et de sécurité autour de l’utilisation des pulvérisateurs, la présentation des essais Optidose en Charentes. Après le repas, les résultats des tests d’utilisation des 6 pulvérisateurs seront présentés de façon détaillée par les ingénieurs de l’IFV et de la Chambre d’agriculture. Par la suite, les constructeurs réaliseront une présentation technique des matériels ayant fonctionné dans l’essai et en fin de journée une grande démonstration des pulvérisateurs aura lieu. Le souhait des professionnels des CETA et des GDA de Charente et des techniciens de la Chambre d’agriculture et de l’IFV est de pérenniser dans le temps ce type de tests en conditions réelles avec d’autres constructeurs et d’autres types de pulvérisateurs pour que les viticulteurs et les constructeurs disposent de conditions de réglages et d’utilisation adaptées aux spécificités régionales des vignobles.
Forum pulvérisation du 3 septembre : Inscription avant le 25/08. prix de la journée : 20 € TTC avec le repas. Règlement à adresser à l’antenne de Cognac de la Chambre d’Agriculture de la Charente. Contact : Chambre d’agriculture, 25 rue de cagouillet, 16100 Cognac. Tel 0545363400; Fax : 0545363406
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