Un Nouveau directeur à la Station Viticole du BNIC

24 février 2009

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M. Luc Lurton, le nouveau directeur de la Station Viticole, et son prédécesseur, M. Roger Cantagrel.

La Station Viticole du BNIC vient de vivre un événement important puisqu’à la fin du mois de décembre, le directeur, M. Roger Cantagrel, est parti à la retraite après une carrière professionnelle consacrée au « Cognac ». Il a été remplacé par M. Luc Lurton, un ingénieur agronome œnologue au cursus professionnel riche et déjà empreint de culture « charentaise » puisqu’il a occupé un poste de responsabilité dans la région au début des années 1990.

 

La Station Viticole du BNIC est une véritable institution dans le vignoble de Cognac et cet organisme technique n’a pratiquement pas d’équivalent en France et dans le monde. Si beaucoup de structures de recherche et de développement technique travaillent en France, en Europe et dans le monde des thématiques consacrées aux pratiques viticoles et à la production de vin, très peu développent des travaux de recherche d’envergure concernant spécifiquement la filière de production des eaux-de-vie Cognac. L’histoire et le fonctionnement de la Station Viticole sont complètement associés à la vie du vignoble et de la filière Cognac depuis plus d’un siècle. D’ailleurs, les membres du comité de viticulture de l’arrondissement de Cognac (constitué en 1889) associant à la fois des viticulteurs et des négociants étaient vraiment « de grands visionnaires » lorsqu’ils ont décidé en 1892 de créer la Station Viticole. Cette structure unique mise en place pour assurer la reconstitution du vignoble après le phylloxéra a conduit des travaux de recherches majeurs au fil des décennies. Aujourd’hui, la Station Viticole du BNIC est devenue un organisme de recherche au service de la filière Cognac et les résultats des expérimentations constituent un vivier d’informations unique vis-à-vis des aspects qualitatifs et de la défense du produit sur les grands marchés. La philosophie de travail de la Station Viticole en 2007 est : « travailler des thématiques spécifiques à la région et au produit en ayant le souci de proposer des solutions concrètes, pragmatiques et adaptées au plus grand nombre d’acteurs de la profession ». Les différents directeurs qui se sont succédé, se sont toujours vus confier des missions en phase avec le contexte technico-économique de chaque époque et les résultats des études ont une audience particulièrement importante.

Le bail de 21 ans de passion du Cognac de Roger Cantagrel a passé « très vite »

M. Roger Cantagrel, qui dirigeait la Station Viticole depuis 1985, vient de cesser ses fonctions après 21 ans d’un travail qu’il qualifie lui-même de « passionnant ». Son départ s’inscrit dans la logique naturelle des choses puisque ce scientifique aux compétences reconnues dans l’univers des spiritueux et du Cognac a souhaité tourner la page à l’aube de ses 60 ans. Il reste profondément attaché au vignoble et au Cognac au point qu’il est devenu un passionné de son histoire, de l’architecture et un chasseur d’images « avisé ». R. Cantagrel a semble-t-il quelques projets d’activité bénévole dans l’univers associatif de la région qui risquent de mobiliser son énergie de « jeune retraité ». D’ailleurs, le Cognac a marqué la vie de R. Cantagrel puisque sa « première rencontre » avec le produit remonte à l’époque ou il travaillait au LARA à Toulouse en tant que jeune chercheur. L’un des premiers projets de recherche sur lequel il a travaillé concernait les eaux-de-vie charentaises dans le cadre de contrats avec des acteurs économiques. Ensuite, ce fabuleux produit s’est installé au quotidien dans la vie de Roger Cantagrel pendant deux décennies au point qu’il n’a pas vu le temps passé. Sa fonction de directeur de la Station Viticole a mobilisé toute son énergie pendant une période où les professionnels ont souhaité réorienter les dossiers d’études vers des thématiques plus spécifiques à la filière Cognac. La volonté d’éviter les démarches d’expérimentations trop proches de celles d’autres organismes régionaux et la diversité des sujets à aborder ont entraîné une modification du fonctionnement de la Station Viticole. A partir du milieu des années 80, les professionnels ont souhaité que la Station Viticole abandonne un certain nombre de missions de proximité au profit d’approches plus fondamentales qu’aucun autre organisme n’aborde. L’engagement au début des années 90 dans la conduite d’études sur les méthodes de vinification, les pratiques œnologiques, l’établissement de marqueurs analytiques de défauts dans les EDV nouvelles, la défense du Cognac, le vieillissement… ont traduit dans les faits cette évolution Tout ceci a nécessité une modernisation des équipements de laboratoire, la construction d’un chai pilote, d’une distillerie pilote et le développement de nouvelles techniques (comme par exemple l’olfactométrie…).

La Station Viticole est devenue un acteur de référence sur la filière Cognac

Les expérimentations en œnologie au cours des 20 dernières années ont mobilisé beaucoup d’énergies et cela s’est concrétisé dans les faits par une meilleure maîtrise des vinifications chez la plupart des viticulteurs. La Station Viticole s’est beaucoup plus ouverte sur l’extérieur pour rechercher des compétences spécifiques et nouer des partenariats scientifiques à l’échelon régional, national (avec l’INRA, l’Institut Pasteur, l’ENSIA…) et à l’étranger. Les aspects concernant les méthodes d’analyses et la sécurité alimentaire ont fait l’objet de réflexions spécifiques et d’échanges au sein de l’OIV et d’organismes de référence comme le BIPEA. L’évolution du contexte réglementaire et commercial du Cognac a aussi rendu nécessaire la mise en place des démarches HACCP et de la traçabilité dans lesquelles les ingénieurs de la Station se sont investis. Leur travail a débouché sur des initiatives concrètes au travers de banques de données sur les produits phytosanitaires, les matériaux au contact et la mise au point d’outils en ligne comme TrassoCo.

Le travail de recherche approfondie sur le Cognac est devenu indispensable pour prévenir l’apparition de nouvelles réglementations et lutter contre les contrefaçons qui sont nombreuses dans le monde. Tout cela mobilise des moyens techniques et humains conséquents au sein de la Station mais aussi auprès d’éminents spécialistes en France et à l’étranger. La mise en commun de travaux scientifiques avec des équipes de recherche à l’étranger (par exemple au Vietnam et en Chine) est indispensable pour résoudre certains dossiers. Le travail de veille scientifique a aussi pris une part de plus en plus importante car il est désormais indispensable de s’intéresser à ce que font les autres spiritueux et à tous les grands problèmes qui touchent le vignoble. Les initiatives récentes de pilotage de projet de recherche fondamentale sur les maladies du bois en sont une très bonne illustration. L’interprofession a investi dans la recherche sur ces sujets et la Station Viticole encadre (en parfaite cohésion avec les autres organismes) le déroulement des travaux et leur conduite en matière de perspective de lutte. La Station Viticole est un acteur de référence sur de nombreux sujets indissociables de la production et de l’économie du Cognac.

Un retour aux sources pour Luc Lurton

M. Luc Lurton, le successeur de Roger Cantagrel, n’est pas un inconnu dans la région de Cognac puisqu’il a déjà occupé au début des années 90 le poste de responsable des expérimentations viticoles et œnologiques à la Station Viticole. A l’époque, il avait participé au gros travail sur la conduite des vinifications des vins de distillation, la caractérisation des défauts dans les eaux-de-vie nouvelles et les recherches sur les maladies du bois. Le jeune ingénieur agronome et œnologue a quitté la région en 1994 en étant profondément marqué par cette expérience professionnelle unique et riche. Selon ses propos : « Ces cinq années ont été une expérience marquante et fondatrice pour moi sur le plan du fonctionnement technique et des relations avec un milieu professionnel. Cela m’a beaucoup servi par la suite dans mon cursus professionnel. »

Ensuite, à la demande des professionnels des Côtes-du-Rhône, L. Lurton a eu l’opportunité de se voir confier la création d’un institut de recherche viticole et œnologique pour l’ensemble des AOC de cette région viticole. Sa mission était de fédérer les outils existants et de créer une entité de recherche et d’expérimentation à vocation régionale sur la filière de production des vins des Côtes-du-Rhône. La mise en place d’une telle structure, l’Institut Rhodanien, a été une nouvelle expérience enrichissante au plan technique et humain. Ce challenge énorme et passionnant a débouché en quelques années sur la création d’un laboratoire d’analyses performant, l’engagement dans des études concernant à la fois des thématiques novatrices et plus pragmatiques, le management d’une équipe de 20 personnes et l’entretien de relations constructives avec les milieux techniques et professionnels.

A partir du début des années 2000, L. Lurton a choisi de changer d’univers en intégrant un groupe industriel d’envergure mondiale où il a occupé un poste de directeur scientifique des produits ayant trait à la filière viticole et au vin. Cela lui a permis de mettre en place des projets de recherche dans toutes les grandes régions viticoles du monde, en Europe, aux Etats-Unis et dans l’hémisphère sud. En tant que fournisseur de la filière, sa mission était de faire valider les découvertes et les produits développés par son entreprise auprès des grands prescripteurs des régions viticoles. Après quelques années très constructives au sein d’une entreprise innovante, l’opportunité de revenir dans la région de Cognac ne l’a pas laissé indifférent. Les professionnels ont été réceptifs à son cursus professionnel brillant et cohérent dans l’univers viticole, et son intérêt personnel pour le vignoble charentais et la filière Cognac a sûrement fait la différence. Le recrutement de Luc Lurton est intervenu avant l’été, ce qui a permis ensuite une collaboration pendant plus de deux mois avec R. Cantagrel. Le changement à la tête de la Station Viticole s’est effectué dans de très bonnes conditions et ce nouveau challenge mobilise toute l’énergie du jeune directeur.

La Station Viticole A été créée au moment de la crise phylloxérique

La Station Viticole a été créée grâce à la volonté d’un groupe d’hommes de la région, des viticulteurs et des négociants qui à la fin des années 1880 ont compris que la reconstitution du vignoble sur les sols calcaires de Charente et de Charente-Maritime (au moment de la crise phylloxérique) nécessitait une approche spécifique. Dès cette époque, la sagesse d’un groupe de personnes d’horizon très différents et le souci commun de préserver l’intérêt commun du produit Cognac ont permis de construire un projet unique et novateur qui a traversé le temps. A l’époque, la situation dans le vignoble charentais était dramatique puisque aucune solution ne permettait de reconstruire le vignoble dans la pérennité. Après l’échec des traitements insecticides, la reconstitution du vignoble à partir de vignes américaines ne pouvait être envisagée que dans des sols peu ou pas calcaires alors que l’aire de production est constituée principalement de sols calcaires. La clairvoyance et l’efficacité de ces hommes ont convaincu le ministère de l’Agriculture d’envoyer une mission d’étude aux Etats-Unis pour trouver des vignes sauvages qui se développaient sur des sols calcaires et crayeux comparables à ceux des Charentes. C’est Pierre Viala, un jeune professeur de viticulture de l’école de Montpellier, qui a accepté de remplir cette mission de 6 mois en 1887. La mission Viala a permis d’identifier une espèce de vigne sauvage se développant sur les sols calcaires du Texas. L’identification et l’implantation des Vitis Berliandieri ont débouché par la suite sur l’obtention du porte-greffe 41 B. Devant l’intérêt des résultats de la mission Viala, les membres du comité de viticulture se sont mobilisés pour construire en moins de quatre ans un outil technique adapté aux exigences spécifique de la reconstitution du vignoble charentais. La Station Viticole, créée en 1892 pour une période de 10 ans, a fait depuis un très beau parcours grâce à la volonté des professionnels qui se sont succédé au sein des instances régionales. Louis Ravaz, le premier directeur de la Station Viticole qui a joué à l’époque un rôle majeur dans la reconstitution rapide du vignoble, n’imaginait sûrement pas que plus d’un siècle plus tard, la toute petite équipe qu’il animait deviendrait un outil de référence consacré à l’étude et à l’expérimentation de la filière de production Cognac.

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