Un mildiou superpuissant qui fait « mal »

6 septembre 2018

Le mildiou a semé « un vent panique » dans l’ensemble de la région de Cognac depuis le début du mois de juin. L’épidémie a atteint des niveaux d’intensités inégalés depuis deux à trois décennies ce qui fragilise un certain nombre d’acquis technique et des systèmes d’organisation des travaux dans les propriétés. Des techniciens chevronnés qui ont connu des millésimes de références comme 1988, 2000, 2007, 2 008 et 2 013 avouent humblement avoir été surpris par la puissance du mildiou 2 018. La maladie a donné l’impression d’avoir franchi un niveau de nuisance jamais atteint entre le stade pré-floraison et la fermeture de la grappe.

 

            La maîtrise de ce contexte parasitaire complexe a nécessité une réactivité et surtout un sens de l’anticipation permanent par rapport aux nombreuses séquences pluvieuses pendant presque deux mois. Malgré des efforts conséquents, en cette fin de mois de juillet, des dégâts sur grappes et sur feuilles sont présents pratiquement dans toutes les parcelles de la région délimitée. Le mildiou a et continue de déborder tout le monde ! Cette situation est très mal vécue par les viticulteurs. Certains confrontés à l’épidémie depuis début juin ont perdu beaucoup de grappes et d’autres plus tardivement à partir de début juillet sont stupéfaits par l’importance des sorties sur les entre-coeurs.

           

            À l’heure des premiers bilans, le constat est déjà lourd. Les remontées des pertes de productivité sont diverses, inquiétantes pour les attaques précoces et aussi plus limitées. Dans ce domaine, le vécu des techniciens des coopératives et des négoces d’approvisionnement représente une source d’information privilégiée. Les différents témoignages que nous avons pu recueillir indiquent que dans toutes les communes de région, le rot brun et le rot gris ont dévoré parfois 50 % d’une partie de la surface d’une à deux propriétés. Cela représente des surfaces sûrement importantes qui restent difficiles à quantifier précisément à ce jour. À titre de comparaison, en 2000, 2 007 et 2013, le mildiou avait affecté fortement 3 000 à 4 000 ha qui avaient produit seulement 5 à 6 hl d’AP. L’intensité de l’épidémie 2 018 pourrait donc s’avérer être au moins aussi dévastatrice et peut-être plus. Ensuite, tout le parcellaire a été aussi touché de façon à la fois régulière et plus limitée par de petites attaques sur grappes. Cette pression généralisée de la maladie a engendré des pertes de fractions de grappes ou d’inflorescences tardives dont les techniciens de terrain évaluent les dégâts moyens entre 5 à 10 %. Les mesures du poids des grappes réalisées par la Station Viticole du BNIC à partir de la mi-août donneront une idée plus juste de l’impact réel de ces dégâts. Néanmoins, à l’échelle de la région, il n’est pas illusoire d’imaginer que les pertes de productivité engendrées par le mildiou 2 018 seraient proches des dégâts occasionnés par les sinistres de grêle du 26 mai dernier.

 

           

           

            Pourquoi ce mildiou 2 018 est-il aussi puissant et paraît presque incontrôlable ? En cette fin de mois de juillet, l’arrivée de 2 semaines de beau temps semble être le seul « traitement » efficace pour faire chuter la puissance du champignon. Une telle réflexion est un réel aveu d’impuissance ! En effet, si de nouvelles pluies interviennent, la dynamique des contaminations sera une nouvelle fois réactivée sur toute la surface foliaire. Face à de tels constats, que se passe-t-il dans les vignes ? Les stratégies de traitements préventives par rapport aux différentes pluies et avec des fongicides solides (pas sensibles aux résistances) ont permis de contenir ce diable de mildiou jusqu’aux premiers jours de juillet ? Ensuite tout a littéralement décroché ! La constance des traitements à caractère préventif a seulement limité le nombre d’événements contaminants sans être en mesure de stopper l’expression des symptômes. Les produits systémiques non confrontés aux résistances et employés sur les bases de renouvellement des fongicides de contact (en tenant des niveaux des pluies) ont réussi à retarder l’apparition du mildiou jusqu’à la fin juin. Mais était-il possible de faire mieux ! On ne peut donc que s’interroger sur la nature de la « spore » de mildiou ambiante en 2018. La population de champignons a dû connaître une évolution profonde pour que « les guerriers » dégagent une telle énergie. Les protocoles de modélisation du risque mildiou en début de saison avaient alerté sur le niveau de risque élevé mais à partir de début juin, la pression du parasite dans les vignes a supplanté les données des modèles. On était rentré « en état d’urgence ». Une telle situation interpelle et sa gravité doit être prise en compte pour mieux caler les choses dans l’avenir. Prévenir c’est bien, mais penser des outils pour caler des stratégies de lutte en fonction de l’énergie de la maladie aurait été mieux !

 

            Autre sujet sensible dans notre région, comment concilier des niveaux de productivité de 12 à 14 hl d’AP/ha sans stimuler la vigueur ? Depuis quelques années, les viticulteurs ont calibré le potentiel agronomique des vignes Charentaises calibrées pour produire 800 000 à 900 000 hl d’AP. Il a fallu stimuler le tempérament des parcelles à faibles densités ! Les apports de fumure généreux, de chélates, le retour de l’entretien mécanique des sols ont stimulé la vigueur et rendent aussi la végétation très « appétente » pour le mildiou. Vouloir atteindre de tels objectifs en misant en plus sur des stratégies de réduction d’intrants phytosanitaires et des outils fongicides « doux » pour l’environnement )et parfois moins bon ) représente aussi une prise de risque supplémentaire. N’y a-t-il pas là de véritables contradictions ! Par exemple, le pôle de recherche sur les produits de biocontrôle dont on vantait tant les mérites  vient d’être mis à mal par le mildiou 2 018. En Charentes, la production de 15 tonnes de raisins/ha avec 2 500 à 3 000 ceps/ ha s’apparente à un challenge de très haut niveau qui doit être intégré dans des démarches de Viticulture Durable réalistes. Faire preuve d’ambition pour mettre en place des approches environnementales pérenne, sérieuse est bien sûr indispensable mais pour atteindre cet objectif, des investissements techniques de fond dans la gestion du complexe parasitaire et  la maîtrise des potentialités agronomiques des vignes sont indispensables. La puissance mildiou 2 018 vient de nous rappeler que toute impasse dans ces domaines est utopique.

           

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