Un localisateur de chélates « breveté » par Jean-Marc Taureau

2 juillet 2013

Les évolutions de beaucoup d’équipements mécaniques utilisés en viticulture sont souvent imaginées par des viticulteurs ingénieux, soucieux de réaliser des travaux dans de meilleures conditions. C’est le cas de Jean-Marc Taureau, qui exploite un vignoble à Sainte-Lheurine. Il a mis au point un localisateur de chélates de nouvelle génération qui permet à la fois de positionner les apports à une profondeur constante et de maîtriser parfaitement les volumes apportés au sol. L’outil, pleinement opérationnel, a été utilisé depuis la mi-avril sur plus de 200 ha.

p46a.jpgLes utilisations de chélates au sol pour prévenir ou corriger les situations de chlorose ferrique se sont fortement développées depuis plusieurs années. Le coût élevé des produits incite les viticulteurs à être attentifs lors des traitements. Les retours d’expérience de l’utilisation des chélates mettent souvent en évidence l’importance des conditions d’applications vis-à-vis de l’efficacité des traitements. La date d’application, les volumes d’eau/hectare apportés et la localisation des produits à proximité des racines représentent des éléments essentiels. Les traitement sont réalisés avec des appareils spécifiques équipés de 4 à 6 dents droites en forme de coutres qui, en théorie, doivent positionner les solutions chélatées à 15 ou 20 cm de profondeur.

Les localisateurs de chélates courants peu adaptés aux sols compacts

Une grande partie du vignoble de J.-M. Taureau est implantée sur des sols très calcaires sensibles à la chlorose. En tant qu’utilisateur de chélates de sol, il considère que la plupart des localisateurs de chélates existants ne permettent pas d’installer en profondeur les traitements, ce qui nuit à leur efficacité : « Les apports de chélates représentent un investissement élevé de 250 à 300 € ht/ha qu’il faut réaliser dans de bonnes conditions. Dans les vignobles en pentes et enherbés depuis longtemps ou dans les sols présentant une couche arable faible, les phénomènes de perte au moment de l’application par manque de pénétration des coutres et remontée à la surface de la terre de la solution chélatée sont fréquents. Les localisateurs de chélates dans leur configuration actuelle ne me semblaient pas adaptés aux conditions de sol de ma propriété. La présence un rang sur deux d’un interligne enherbé compact au printemps suite aux divers passages de tracteurs rend la pénétration des coutres injecteurs difficile. Par ailleurs, dans les situations de coteaux, les larges ouvertures du sol suite au passage des coutres favorisent les remontées de produits en surface. »

La transformation d’un outil de désinfection des sols

p46b.jpgLes viticulteurs appliquant régulièrement des chélates dans des conditions de sols superficiels ou très compactés sont souvent obligés de travailler la terre sur 10 à 20 cm de profondeur avant d’utiliser les localisateurs de chélates. La réalisation d’interventions culturales mécaniques n’est pas toujours facile à mettre en œuvre à la suite d’hivers et de printemps humides. Cela peut occasionner des dégâts conséquents sur le système racinaire dans des vignes enherbées depuis longtemps. J.-M. Taureau s’est rapproché de plusieurs constructeurs pour rechercher des outils plus performants pour enfouir les chélates et cela lui a donné l’idée de développer un applicateur : « Après avoir vu marcher plusieurs applicateurs de chélates traditionnels, j’ai eu la conviction qu’aucun de ces matériels n’était pas du tout adapté dans les situations de sols durs de coteaux de notre propriété. Les coutres ne pouvaient pas rentrer assez profondément pour assurer une bonne diffusion des solutions chélatées auprès des racines. Le hasard d’une discussion sur ce sujet avec un constructeur régional, la société Dagnaud, m’a permis de regarder de près la conception d’un ancien appareil de désinfection chimique des sols. La structure de ce matériel beaucoup plus robuste et bien équipé m’a donné l’idée de pouvoir envisager de l’adapter pour localiser des solutions de chélates. J’ai acheté cet outil et avec l’aide de mes salariés, nous l’avons transformé. ».

Des coutres de localisation totalement repensés

p47.jpgL’appareil de désinfection conçu sur un châssis porté lourd supporte cinq coutres d’injection, deux citernes de 400 l couplées, une pompe péristaltique et un rouleau arrière tasseur de grand diamètre. La rotation du rouleau assure le fonctionnement de la pompe de dosage qui distribue la bouillie vers les coutres. Un système de transmission à chaîne et pignons (de tailles différentes) permet d’adapter facilement les volumes d’eaux apportés en tenant compte de la vitesse d‘avancement. Après avoir fait un essai du matériel en l’état dans les vignes, J.-M. Taureau s’est rendu compte qu’il fallait modifier la conception des coutres d’injection : « Mon objectif était de pouvoir localiser les chélates en profondeur sans qu’il soit nécessaire de travailler les sols préalablement. Il fallait donc que les dents d’injection aient une bonne capacité de pénétration dans les sols les plus compacts. Les dents ont été modifiées en s’inspirant du principe des socs utilisés pour localiser la fumure azotée dans les maïs au stade 4 à 6 feuilles. On a été obligé de leur donner une forme plus effilée et pointue pour que leur capacité de pénétration soit suffisante. Cela n’a pas été simple car il ne fallait pas non plus que leur passage ouvre des sillons trop importants. La mise au point de cet élément a mobilisé notre énergie et finalement, après plusieurs protos, la forme pointue et légèrement en V des coutres donne pleinement satisfaction. Nous avons équipé l’appareil de 5 coutres de localisation. Un système anti-goutte a été monté sur la partie supérieure des coutres pour éviter les pertes de produits lors des manœuvres en bout de rangs. »

Le rouleau de tassage devient le moteur de tout l’appareil

Un des intérêts majeurs de cet appareil est lié au fait que la maîtrise des débits/ha est totalement indépendante du régime moteur du tracteur. L’utilisation d’une pompe péristaltique apporte une grande précision au niveau de la constance des volumes appliqués dans les situations de montée de coteaux et ensuite de descente. Le rouleau arrière a deux fonctions importantes : l’entraînement de la pompe doseuse et le tassement du sol pour « refermer » les petits sillons ouverts par le passage des coutres. Un dysfonctionnement du rouleau par blocage de sa rotation rend immédiatement l’appareil inopérant. Le rouleau, à l’origine totalement lisse et recouvert d’un revêtement caoutchouc, devenait impossible à utiliser dès que les conditions étaient humides. Après une forte rosée matinale ou seulement une pluie de 3 mm, le rouleau était immédiatement recouvert de terre, qui perturbait sa rotation et rendait aléatoire la distribution des solutions. J.-M. Taureau a pallié cet inconvénient en enlevant le revêtement en caoutchouc et en montant à chaque extrémité deux couronnes dentées. Ces deux éléments assurent la rotation du rouleau qui est aussi en permanence nettoyé par une barre de curage. Les roues crantées stabilisent l’appareil pendant le travail.

Des profondeurs de travail et des débits parfaitement maîtrisés

Les essais du localisateur ont donné pleine satisfaction dans toutes les situations de sols. Au cours de la première quinzaine de mai, l’applicateur de chélates de J.-M. Taureau a été utilisé avec succès sur plus de 200 hectares (dans le cadre de prestations de service). La profondeur de travail reste constante et en présence de rosées ou après une petite pluie, l’appareil peut être utilisé sans problème. L’injection de produit est réalisée de manière homogène sans aucune remontée en surface. Le rôle du rouleau tasseur s’avère important dans les situations de coteaux pour refermer les sillons des coutres d’injection. L’outil a été conçu pour être utilisé dans des vignes de 2,50 à 3 m d’écartement. Le système de pignons permet de moduler les débits de manière à la fois simple et fiable. J.-M. Taureau optimise la maîtrise des débits appliqués en réalisant les traitements avec un tracteur Fendt de 100 cv disposant d’une boîte Vario. Cela permet d’avoir une constance de la vitesse d’avancement quelle que soit la topographie des parcelles. Les performances de l’appareil permettent aussi à ce viticulteur d’envisager de l’utiliser pour localiser des engrais liquides en n’utilisant que les deux coutres latéraux.

 

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